Le club des cinq
Pourquoi ne pas se pendre quand on est vidé de violence, de puissance,
de tout l'Univers qui craque ses articulations entre chacune de vos
dents ? J'en reçois dans mon théâtre, moi, des petits acteurs qui
s'époumonent sans souffle sur la saynète de leurs os, oh les petits
rodomonts qui déclament des lignes, des pages, de l'encre. "Je récite".
C'est de la poésie primitive, c'est Lascaux en vers, du Jean De La
Fontaine mis en glaires. Merci pour eux. Il y a une femme dans ma vie, qui
a une initiale reine, qui arrive comme ça, qui a déposé sur ma bouche
ses habits, pour qu'ils y fondent, pour que sa nudité me fasse le corps
et le gland incarnat -il faut le décontracter, je n'oublie pas- elle a
deux empires qui se dressent à la place des yeux, deux empires de
beauté conquise, de plaisirs obscurs, et d'une légèreté qui me rend
balourd. Elle est si légère, si fine, que j'imagine que même mes
muscles ficelles peuvent la faire tournoyer, que sans le verbe, juste
avec mes forces, juste avec ma vigueur d'enragé écumant, je peux la
faire s'étourdir contre les étoiles. Ouais, c'est comme ça, pile ici,
de la douceur sans mièvrerie, c'est étonnant une ivresse sans liqueur
visqueuse, sans mesquineries ni ennui. J'aime. Avec mon corps de Midas
aux mains de feu.
Chez les autres. Dans vous foules identiques, visages trop visibles
j'ai des interrogations. Des petites questions entre grincheux qui
m'incubent dans la tête. C'est un bacille solitaire. Une peste bleue.
Ah ! Imbéciles. Pourquoi vivez-vous ? Offrez donc à vos corps une
sublime jouissance, femme, donnez à vôtre être pâlissant de l'extase à
faire pâlir le plus acharné des amants. Sautez du haut d'un pont.
Puisque toute votre existence n'est qu'un prétexte à l'orgasme, une
volonté toute nette de baisouiller dans des coins. Vous êtes une
souffrance triste, une douleur froissée. Une insulte.
Tes clous, toi, médiocre, c'est où que tu te les enfonces, dans quelle
chair ? Quand t'es femme c'est à l'entrejambe, de sentir du rigide
dangereux qui te saigne dans la peau. Oh, Oh, arrache toi donc des
sanglots de plaisir, gémis contre toi-même.
Tout est bas. C'est Bourgeois. Pas de tragique dans vos vies ; du
burlesque. Je me dis, quand même chéris et chéries qu'il vous faut du
violent, des trucs qui vous renversent le dedans, qui font s'inverser
les ventricules, à droite tu pompes, à gauche tu envoies. C'est une
métaphore de la sexualité, le coeur. Scindé en deux "foudroyés à la
naissance" murmure Platon. Allez, pour la violoene, les macs font bien
ça. Vous pourriez avoir facile, l'excuse à la déchéance, le corps sur
le trottoir. Ca permet même un style de vie. Pas très bobo, mais on
peut rouler dans des berlines et se faire mettre dans une camionnette.
j'ai décidé de décevoir aujourd'hui, de faire gicler de l'exclamation,
de passer du verbe tendre, mou, au membre dur de l'archer. Je fais du
violon et je joue des mots, haha.
C'est qu'il y a trop de fantômes dans ma nuit, trop qui exigent que je
sacrifie des lignes, que j'aligne des pantins aux lignes, que je les
attache à la marge une couronne d'explosifs pour le crâne. Et que ça
saute ! Qu'on fasse une farandole des chairs répandues, des corps
agonisants, des imagines pitoyables que je sue. Mon écriture est
sudation, je suis les éléments, le feu et puis le lacet de foudre qui
vient vous étrangler au sommeil, la secte qui brûle vos frères et la
religion qui enterre vos parents. Droit dans mes bottes de S.S, c'est
direct pour M.. Pardon pour l'obsession, c'est la frénésie des yeux
bleus les volutes de votre brume. Vous avez vu ? Tu as vu foule, que
dans mon moi, il y a de l'autre initiale, je dis Je, à travers un
prénom aux yeux clairs -pas pâle, jamais pâle ils sont trop faits de
vigueurs, de mers auxquelles j'éjacule le feu, hé-. Narcisse défiguré
(il faut que mes petites lectrices amatrices de bons mots puissent
aussi se toucher Monsieur Phillippe, Mademoiselle la Belle, et puis
pour Tristan aussi, et Frida qu'est plus trop Margot, tous ceux qui
valent quelque chose en somme. Vous êtes quatre. Je peux pas être
bâtard pour faire de la littérature de jeunesse, mais chacal je peux
essayer, on fera un club de cinq) c'est moi, moi qui me cherche dans
les cicatrices, dans toutes les cicatrices imbéciles qui couvrent
l'Univers. Je suis l'Univers. Vous savez Philippe (je fais dans le
demi-tutoiement par le prénom) j'ai besoin que vous rasiez mon style,
que votre lumière (nous sommes amateurs du même vers d'Hugo) pèle ma
flamme. Voilà c'est dit. Je vous dédie ceci -je paye mes lecteurs,
c'est un modèle économique à étudier pour les majors productrices de
moindres- "
Ma
vie est un torrent merveilleux, j'ai
mille bras, parce que je suis l'Océan et ses affluents". Giflez moi,
mouchez moi. Je m'en branle, vous voyez bien, je mets du foutre
partout. Pardon pour la déception, pour le talent autodestructeur, pour
l'espoir un peu idiot qui râle. Je vous estime, et pourtant il faut
oser décevoir pour grandir. Arrosez moi. Vous ne crachez pas vous,
c'est moi qui fait ça, quand je ne bave plus, quand j'ai acquis la
technique pour transmuter ma bave en crachat. Et ceci je vous le dois à
vous et Genet. Genet a son nom au Panthéon, il y pousse et s'y élève
sans cesse. Cent de ses soeurs désorganisées, brouillonnes, sur
lesquelles on ne marche pas.
Je m'en tape des petites médiocrités qui encombrent le présent. Des
bouffons ordonnés qui s'agitent et rêvent en uniforme d'originalité.
Qu'ils s'enculent entre petits seigneurs de la veulerie ordinaire. Priez
pour la sève du poète. Je cause aux contradictions, je parle au
mensonge derrière les yeux qui collent d'ennui. On ne guérit pas de la
médiocrité.Au mieux on oublie par rasades de vodka, par rail de C. à la
colle ou au white spirit. Déchéance, tout est déchéance.
Qui avale la couleur des yeux gris, livides de la foule ? De ce visage
unique, reproduit en série, elle est où la manufacture de l'original,
du style et de l'identité. J'ai tout un convoi de dynamite à lui
adresser très cordialement. Du feu à vos cendres. Je suis de la race
des enragés, alors petite fille je ne supporte pas, je ne supporterai plus
jamais l'eau croupie de quand tu mouilles -depuis que j'ai la Mer. Il
n'y a que dans les yeux, dans les mains qui déshabillent ma pudeur, qui
enroulent la tendresse maternelle autour de mon excès, que j'écoute, il
n'y a que là, quand ma flamme déroulée, un peu hirsute, ne trouve rien
à brûler que douceur que je retombe. Un pâmé en terre brûlée.
Y a que toi dans mon noir, toutes les lumières -pas les blafardes, pas
les lampes torches que sont les croyances des groins- ont ta peau. Je
les lèche, toutes. C'est un acompte sur le plaisir.
Toi foule, toi individu, est ce que tu veux demain que je t'étrangle
avec ma chaîne de vélo ? Que je t'enfonce ma plume trempée dans mon
sang au profond de l'artère. Te contaminer du même délire que moi.
J'en ai entendu cents infatués, des maitres suffisants me clamer "je
m'épanouis dans le chaos" et ils n'en savent rien du chaos. Le chaos
c'est une galaxie qui vous fond sous la langue comme une goutte de cyanure, le chaos, c'est de vomir son acide sur la feuille et d'en voir
sortir une eau-forte. Le chaos c'est une lutte, une perpétuelle, ce
sont des flétrissures qu'on ne compte pas et qui vous fleurissent aux
entrailles, ça vous transforme en champ de mines, en tic-tac affamé de
secondes, le chaos ça vous fait de la course et pas trop de virgules
-ni ponctuation- dans les mots.C'est du Proust sans Proust, le chaos.
Eux, les très fiers, les complétement satisfaits s'amusent sur des
décombres qu'ils appellent chaos. Compléments au néant, mariés au vide, quel joli couple. Mignon entre voir dans mon nombril
voir si le noir a germé. Dans ma tête c'est la guerre, en attendant
l'armistice je participe. J'enrôle. Je meurs. Je bombarde. Salut Dresde, salut Verdun,
c'est combien de trous, de bombardiers, d'obus, d'acier déchainé
encore. Je m'ennuie. Dans l'excès même il y a de la monotonie. Je vous proposerai bien une cicatrice mais sur vos corps vierges où vous
dessinez des traces au stylo, des petites blessures, des imperceptibles mouvements
de douleurs. Vous sauriez où accrocher une si belle balafre ? Mauve en plus ! En mon
royaume c'est une décoration militaire, c'est ma croix de feu, j'ai
toujours été un peu fasciste. Et une cerne, une cerne vous en voulez ? J'en ai accumulé dans mes nuits terribles, dans ma lutte avec elle, la nuit, et son corps osseux.
Encore toujours, quelques bouffons, une Cour, je ne parle pas de moi, je parle de toi foule, foule avec tes yeux indifférents. Grise, tu es le ciel de Paris. T'as des rides plein l'intelligence. T'as toujours été vieille, tu es née vieille. Fritzgerald n'a rien inventé, il a recopié la foule qui ne rajeunit pas. Fontaine des flétrissures, et avale ses tanins, et avale ta piquette et dis moi que c'est du cheval-blanc. petits vins pour petits humains.
Vous savez, moi quand je passe devant un miroir, je vomis, c'est pour l'hygiène, devant ma gueule. Et eux je sais très bien le rituel, quand ils n'arrivent pas à sauter par dessus le reflet couvert de sale, et bien, eux ils pâlissent. Ils rougiraient bien, mais ils n'ont pas de couleur. Ce sont des individus délavés qui ne savent que disparaître un peu plus, un peu mieux. Ca ils ont appris à se dissoudre -ils sont diplômés-, à se cacher -non derrière les mots, les leurs sont faméliques, efflanqués, c'est la Somalie dans le lexique- sous l'apparence. A force de leur vomir dessus on finira bien par les faire transparents.
Ma peau ne cherche plus les coups, mais ta bouche, et je m'en veux de la glisser là, de la faire reine de ce tas de cendres, de ces cadavres desquels je prends les dents en or pour lui forger un bijou, un trésor. Pardon à tes charmes, d'avoir besoin de concentrer la bêtise en cent lignes, de faire tourner la folie et toutes ses balles, toutes les munitions des sens pour t'apprêter. Ce soir on sort boire un peu d'infini, sortons nus.. Ca nous coule des bouches. Elle a pas encore dit oui la belle, et j'ai les doigts gourds mais sournois. Je suis traitre et elle préférera mes mains caressant ses vices qu'étranglant ses vertus.
Aux imbéciles, désolé pour la guillotine, les têtes à claque je les décapite.