Au revoir.
Je sais que tu es là, et quand je froisse un prénom, que son odeur de
lys blanc coule des pétales qui éclosent sans bruit, comme un trait de
chiffon, je sens le poison de ton existence. Est-ce que tu m'épies ?
Pourquoi
traines-tu ta misère sur ces pages vierges de sons ? Il n'y a pas de
musique, plus d'érotisme, il n'y a plus que moi -et moi vide, campé sur
mes genoux qui ne grincent pas. Tu ne trouveras pas en moi, dans mon
chaos, dans mon fracas, le bruit qui te tient éveillée la nuit. Il y a
un peu d'ivresse, des gouttelettes qui roulent en rosée sur l'herbe
lasse du matin, sur les branches éployées que secouent le vent. Tu ne
trouveras pas en moi, dans mon chaos, dans mon fracas, le bruit qui fait
sur la peau une armure de soif et une cuirasse de pus, je n'ai que des
silences et pas ce qui dirige le monde les ordres militaires.
J'ai un fusil, certes, dans les bras, un "tue-cheyenne", et je me
balance sans bruit, en attendant que la clenche descende, en attendant
qu'un
souffle y pénètre, qu'un égaré y tâtonne, pour faire feu sur l'étranger.
J'ai chassé ma vie hors de mon corps. Je ne veux rien. Je ne veux
personne qu'A.
Soyez célébrés dans les salons ; je vous vomirai aux latrines. Il y a
dans mes intestins des couronnes de laurier qui vous sertiraient la
vertu
que le monde aura usé.
Aussi, quand je parlerai de vous, et je dis
vous tous les artistes, et je dis vous tous les penseurs qui rêvent
d'une stèle de présent, ce sera pour vomir.
Dans ce vous je dis toi, mais je dis aussi lui,
je dis aussi elle, je dis Lara, je dis Carole, je dis Christophe, je dis
O., je dis N. je dis tous ceux qui ont la gloire à portée de souffle,
qui vont
bientôt la planter, la gloire, avec les dents, avec les ongles, avec
l'haleine affamée qui laissera voir de l'émail, de la salive, enfin une
bouche quoi qui aura un corps, qui aura des mains, qui aura des doigts
pour replier contre son torse blêmi par la vanité toute la gloire
accumulée. Et tout ça, tout un individu de défauts en une haleine, en un
souffle, en un soupir. Ce sera votre amante la gloire, et vos yeux,
plaines de cendres, la
veilleront. Et je vous cracherai dessus. Vous avez un appétit trop
commun, une faim épuisée de vie, une faim d'où le monde, le bruit, la
gloire auront exorcisé le génie.
Moi j'espère qu'un de mes amis antisémites écrira un livre, et que je dirai "il a eu la bonne idée d'écrire un livre contre les juifs et la mauvaise de le publier"
Je vous abomine.
Ne viens plus ici.
Plus jamais
Va-t-en au fond dans des sources pâles et étroites
Ces torrents qui sont des sexes de femme
Des cuisses entrouvertes, et le filet d'eau rageur, chaud
Qui se promène sur les doigts du marchand