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9 mai 2010

Mon bateau ivre.

Je voudrais que le soleil se couche dans tes yeux, qu'il y charge ses teintes. Dans l'océan des couleurs, sur le cercle chromatique au centre duquel tu danses, j'imagine une main qui vient les secouer, les disperser et mélanger l'aurore au crépuscule, les lisières aux grottes obscures. Je voudrais toi, dans mes bras, et ta peau de soie, ta peau blanche comme les foulards qu'on attache aux cous des veuves pour absorber toute ma tristesse. Je veux la voir qui sèche et bleuit sur ton cou, ma tristesse, mon malheur. Les taches de vin.
Je t'ai envoyée loin de moi, plus loin que les kilomètres qui déjà faisaient entre nous une citadelle imprenable de distance, plus loin que ces douves, ces herses, ces piquets, sentinelles meurtrières qui jonchent nos deux états "léthargie et transe". Tu es derrière mon monde, en-bas de la réalité.
Pourtant.
J'ai la poitrine lourde comme une bouche d'enfant, j'ai la poitrine lourde de dents qui vont pousser dans les gencives, les muqueuses, qui saignent et qui cassent. J'ai la main qui tremble. Je suis encore malade de toi.
Je saisis mon téléphone, et je compose les chiffres de ta voix.
00324956...et ma mémoire oublie les autres, les autres chiffres sont bien cachés, bien masqués, bien voilés. Alors tu me manques, et je ne t'appelle pas. Je n'entends pas ton murmure plaintif, je ne te récite pas les poèmes que je brûle pour toi, je ne te raconte pas la forme d'arabesques de mes mains, ni les voyelles qui s'y plient, ni les coups de l'enclume sur le fer des bouches ennemies, non, je ne t'en dis rien. Je suis un silence.
Parce qu'il faut tenir cet adieu, il faut lui donner un poumon, une force qui ne soit pas qu'une rage, il lui faut de la puissance pour passer dans les reliefs du monde, pour survivre aux laves et s'enfoncer dans les sables. Il lui faut des mollets d'ivoire et des souvenirs qu'il tiendra dans un serge de poussière. Afin de les garder du temps, je les isole en bouche, ils y murissent comme des acides.
Alors je ne compose pas la fin de ton numéro.
Je vois des 4 qui y dansent, je vois 5 et 6 qui valsent et je ne les adjoins pas, je me dis que si je les empruntais, que si une minute j'avais la faiblesse d'entendre la musique qui les fait bouger dans mes yeux tu me tueras.
Je voudrais qu'il y ait, dans mes bras, toutes les larmes de toi qui s'y épanchent et forment des routes, des voies larges comme tes reins quand la passion les ouvre. Je me souviens de ton corps qui avait la forme d'une agonie croquée dans la nuit, je me souviens de ton corps que je faisais, comme tant d'autres avant moi, trembler contre les murs de nos soirs. Je me souviens, de ton abdomen comme d'une géographie d'échecs, comme une accumulation de reliefs impropres, de côtes mal dessinés, de phares aux miroirs fendus. Je me souviens de ton corps qui brisait le mien, je me souviens de l'écume salée de ta bouche et la lumière de sémaphore qui, délicate, y courrait. Je me souviens de toutes ces fleurs empoisonnées qui germaient de toi quand tes vêtements fanaient à tes pieds. Je me souviens de mes mains qui s'ouvraient comme d'autres fleurs sous l'orage de tes larmes, de tes cris, sous le plomb de mon indifférence, je me souviens de mes mains sauvages dont chaque doigt était un pétale vénéneux.
Je ne sais plus qui a empoisonné qui.
Mais je crois que tu as gagné. Je crois qu'il y a dans ce chapelet de perles indiennes, dans ce chapelet qui te fermait le ventre et t'ouvrait les cuisses une perle de pacotille dont les rayures forment mes initiales. Je suis quelque part dans les cicatrices de ta verroterie.
Un jour, il faudra que je ferme la bouche à cet adieu, que je la ferme si fort qu'on entendra ses dents se briser, qu'on verra ses lèvres coupées cracher un sang bleu. Ce sera les vins que nous ne bûmes pas, et qui nous attendaient, ce sera les bougies dont il ne reste rien que la cire durcit sur des parquets de bois vieux.
Je suis malade.
Il ne me reste plus longtemps à errer, à calculer la trajectoire de mon corps qui s'écrasera dans son tombeau. Je veux viser juste, tu sais. Mais je ne peux pas sans ton souffle qui me gerce les yeux, je ne peux pas sans tes mains qui montent, et qui descendent.
Mon bateau ivre.

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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