Frissonne le remords
Je
ne sais vraiment qu’une rime, qui débute au baiser
Frémit de silence, et
joue sur deux lèvres accordées
Tes
dents, ce cri, qui mordent dans la nuit
Et
jouent cette sonate,
Tous
les monstres, les bêtes, les mythologies, je veux bien céder ma
nuit, je veux bien dessecher le plaisir si tu m’offres un peu de ta
prière. Je veux y boire, dans ces grands cris.
Littérature de la
première personne, insupportable.
Et
la lumière ridée joue des castagnettes
Contre
mon corps endolori, coule comme une rumeur
Et
gonfle sous ma paupière à la façon d’une source
Lointaine.
Ce pays
lointain, te souvient-il sa gloire, et ses hommes qui couronnaient
des femmes
Rue
Kahina, souviens-nous, s’il te plaît ton prénom, ta cour de
musique et ton drap de pierre.
Souviens
toi peuple de la soumission que l’on fit à tes membres, et la
laideur à laquelle l’on forçat tes femmes. Peuple, vois sous la
soie, sous la pudeur de tissus les beaux cheveux d’une mère qui
roulent et frissonnent dans le bruit de la mer qui avance et odore le
paysage. Regarde le cou de ta voisine, tachée de blonds, de noirs,
c’est la nuit qui s’y défait lente et immuable, la marque de
dents que laisse la marée sur le sable frémissant de nos grèves.
Je rentre tard toujours, pour l'écrire, raconter à ces pages
l'outrage petit que je laissais aux flancs d'une brune aux yeux
bleus. Je sors visiter ma voisine à minuit et je pars à deux
heures, dans le fredonnement de l'eau qui ruisselle de sa douche où
je ne la rejoins pas. Au revoir mignonne, je suis amoureux de
l'étrangère mais il faut bien que la nuit se passe et se partage.
Deux moments comme deux ventricules au crépuscule qui palpitent et
se fendent. Salomon divise mon soir en deux parties. Yeux bleux ;
encre noire.
Sommeil
tu ne venais pas. Je t’attendais, je veillais. Je tenais, et il n’y
avait que la nuit, la nuit dans mes nœuds, dans mes colères, la
nuit engluée dans mes boucles, la nuit infernale, et je l’ai su
par cœur de t’attendre sommeil qui ne venait pas apaiser mes
effrois. J'aime les yeux bleus et la lueur incertaine, tremblotante,
poignante pour ma panique. J'ai peur de la nuit invariable, de la
nuit obstinée, butée sur mon corps, arquée sous ma nuque. Quel
rire, qu'écrire dans les draps à demi-inconnus, sur cette intimité
déflorée d'ennui.
Je lis Rilke. Un autre insoumis du sommeil. Un de mes frères agonisé.