Toi.
Le silence je l'aime, il parfume, c'est le chant monotone de ta belle
voix qui tonne, et qui module le sens, c'est là que se forme mes mains,
celles deux qui promettent des cris à tes reins et menacent tes creux,
failles puissantes, de l'extase. Parce que tu n'aimes pas, tu as peur,
seulement, peur des voix en toi, celles dans ton ventre qui gémissent,
qui grincent, qui se remuent, des voix qui ont des dents qui font vibrer
les hommes, et trahir les filles, peur de ces voix qui te jettent dans
la nuit avec à peine de chaleur pour tenir dans le jour. Je sais tes
yeux où se sont faufilés des mystères couleur d'écume, au goût amer de
la dispute. Je sais la solitude blême qui habille ton regard, la nuit à
l'heure du sommeil et des couvre-feu moribonds. Je sais tes molles passions, je sais ton cou incliné de fatigue qui se tend vers je ne sais quoi de futur, vers je ne sais quel ordre. Toute l'organisation sociale, ton corps étroit est la société, plein de cases, de mythes, plein de peurs aussi et de renfoncements.
Je sais la tristesse
qui enveloppe ton coeur comme le désespoir les yeux du poète et tes mains
fines et précieuses qui font jouir les amours et pleurer les fillettes.
Je sais par coeur tes courbes de Rhin, taillées en arc, pour abriter les creux,lesabsences et les bleus,les jalousies que ton pas trop noble fait
mirer dans les yeux conquis, et je sais surtout, surtout que tu n'aimes
pas, que tu te rassures seulement derrière des épaules calmes et larges
comme le ciel aplati d'un compagnon. Le couple, ce sordide atermoiement de l'amour. Pour tes souvenirs qui se perdent dans le matin qui fait ta nuque, je saurai faire mon corps unique, rassemblé en un désir, une impatience que l'on nomme du terme vulgaire de fidélité, je mettrais dans le ruisseau mes genoux pauvres, mes mains de guenilles, à la révolte je mettrais un bâillon déchiré dans la couverture de mes romans, aux yeux je frotterai l'ombre pour qu'un peu d'aurore la traverse, et éclaire la nappe de nos dîners. Ah les yeux bleus, ce poison de mes sensibilités. J'aimerais arracher de moi un peu de cette défaite qui me fait le parfum délicat, obstiné, rassurant, qui plait tant à mes vieilles comme si léchant ma sueur elles s'imprégnaient d'encre et de littérature. N'est-ce pas que l'on ne peut pas tenir toute son existence à vivre dans l'intensité, mon corps cette forge sans repos où remue le métal brûlant.
>Je t'y attends, c'est de l'autre côté du mensonge que je me tiens, dans le fracas et la danse des astres vierges.
De mes lèvres secrètes comme des parchemins
Je t'embrasse dans la nuit qui me délaisse.