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11 février 2011

Cheval blanc, crinière blonde, iris bleu

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait pu être reine, se décida à être putain, de cette condition, résidu des noblesses du jadis. Putain en tout ce qu' éprouve d’accomplissement suprême la déchéance de tapiner, un trône dans la misère, un triomphe dans le désespoir, voilà les hermines en poils bêtes, voilà les couronnes d'acier corrodé, et les châteaux du néant ! Mirjam tapine dans le noir, Mirjam tapine dans le soir, parce que la nuit, dit-elle, « comme ton ombre m’abrite» à la manière d’un porche. C’est dangereux parfois, ça mutile un cri, ça lui pose une main velue de soir, la nuit, quand elle tombe sur des furieux obstinés. Il y a ce type là à l'expression parfaite du corps, aux contorsions étrangères qui avec ses dents lui déchirait les membres et cet autre qui ruait sur son corps comme à travers la peur, qui y faufilait des luttes et des révolutions, dans son pas, dit-elle, vrombissait des usines en grève et la beauté du voyou. Ce danger dit-elle me tient mieux chaud qu’un doigt gercé de réprobation morale. Un coup de poing me va mieux au nez qu'un voile et puis la nuit dissimule les bleus, les pleurs, ce aggrave le visage d'une innocence, ou d'une idée parfois, du hasard des rayons effilés de l'ombre. La nuit ne révèle rien et suggère tout, ses suaires, son sépulcre sont des toiles à peindre de fantasmes, à mettre la couleur que l'on veut aux yeux, d'allonger les cils, de raboter le nez. Elle aime la nuit, dit-elle, parce qu'elle est douloureuse comme la poésie, inquiétante comme une rime hésitante et tremblotant au bout d'un vers. Elle me dit ça, d'aimer la nuit, de se sentir l'ultime syllabe de l'élégie, dans la nuit, au bord du vide, tout près silence, tandis qu'elle jette à la rue des regards mendiants. Plutôt que faire pitié pour récolter son aumône, elle fait envie.
Je lui ai dit que j’écrivais dans le noir « parce que je sais où sont les mots je n’ai pas besoin de les braconner à l’audace d’une bougie, d’une lampe de poche, de quelques flammèches insoucieuses de leurs fragilités, de toutes ces lueurs qui viennent les brûler comme du papier photo en plein jour» elle répond en rigolant qu’elle baise dans le noir, parce qu’elle sait où est le vice. Le reste c’est bien inutile, de se voir c’est de la déception, on est toujours déçu de ce que la lumière révèle, de ce qu’elle pille à l’imagination, de ce visage réinventé sous les doigts qui à l'aube se dessine selon la norme, le canon, le jour qui mange la peau, renfonce les joues, et modèle le fantasme en la triste usure. Le jour broie tout, se répand d'uniforme, la lumière rencontre des géométries qu'elle précise, qu'elle indique, le visage plein du scientifique, tout ce qui est obstiné, incontestable en un mot réel et insuffisant est borné au jour henissant. Elle me dit que, parfois, elle se permet de brûler une chandelle pour les poètes « moi je ne sais pas où sont les mots J’ai besoin de les voir s'incruster le visage, s'inscrire sur la bougie, se poser sur les pommettes, s'instruire de silence.».

Pour mon pleur sauvage,
Une chandelle a frémi.

Mes yeux ne battent plus. Ils se sont habitués à la paupière violette de l’insomnie, le monde je le vois à travers un prisme de sang mauve, deux cerceaux de flammes sans fauve. Je vois le monde à travers un cirque chargé de nuits, de rires et de tours. Je vois le monde comme un clown magicien qui tourne vite le sable de la vie pour en faire des diamants sales mais précieux à fiancer aux solitudes. Je le raconte à Mirjam qui s’esclaffe. Elle aime le mot « cirque » elle me dit que ça lui fait penser à des billes qui roulent en désordre multicolore sur la route les forains, que c’est très drôle de voir leurs longues processions de guirlandes ambulantes traverser les villes et partout tacher le paysage. Ce sont tous des clowns, dit-elle, ils sont tous maquillés pour cacher l’horreur de la vie. En coulisses ils se frottent avec des gants d’escrocs pour faire sauter de leurs visages tous les désespoirs qui font partie des hommes. Il faut plaire, et donc paraître, sous la peau fétide, sur la structure creusée de mitraille.
« Je fais le même métier qu’eux, en plus libre, en plus violent ».
Je ne veux pas savoir ce qui l’a faite se mettre nue pour des hommes. Ce n’était pas le désir pas plus que le vice, l’orgueil, peut-être la faim, la faim qui asservit tout, qui brise les hommes mieux que le temps. Peut-être l’époque, même. Encore insatisfaite de n’avoir pu devenir quelqu’un elle s’est résolue à être quelque chose, une reine des objets, un astre immobile au milieu des boules de plastique et des crachats cérémonieux, une fixité dans l’Univers des grouillants, des agités, des corps tendus, de toutes ces choses qui rendent vieux et bêtes. Elle était prostituée comme aristocrate, régnait sur un tertre de puanteur, décrétait ici, réglementait là, la loi dans toute sa forme, dans ce tribunal de liberté, où le jugement sonne sur le pupitre du corps dans le bruit de dix pièces de souvenir qui tonnent. "Condamné, condamné Je te rends à la liberté, je te dis d'avoir froid, d'avoir faim et d'aimer. Je te dis de parcourir à la vitesse des astres la terre, l'herbe, de grelotter contre le corps des déités malades, de vivre sous les ormes rassurants des montagnes, je te dis de te réfugier dans les mots, d'affronter le silence, je te condamne à ne jamais te rendre, à ne jamais céder, jamais abandonner, je te condamne à la dignité éternelle, à la royauté sans abdication ni tyrannie. Je te condamne à vivre sans chaînes, sans entraves, sans retenue, je te condamne à rire et pleurer, à sentir et à vivre." Et tous les jugés, horrifiés, sortent de son corps, livides, courbés. Douloureuse liberté, lourde du poids de l'âme délaissée.

Je lui admets que je ne suis venu ici que pour deux choses et avant que je ne les énonce, tout son être se fait murmure « Les femmes et l'argent ».
Je n'ai pas pu lui répondre tout de suite « Attila Joszef et le hongrois ». Je n’étais venu ici jamais que pour la poésie, la poésie aux méandres de vers et de détresse, la poésie et ses chiens d’enfer aux têtes multiples couronnées de cheveux rois, aux mâchoires de piège. Je ne suis venu ici que pour chanter d’un lange de râles et d’agonisants, pour appréhender la liberté par le cœur, pour la savoir dans un cri souverain de fête qui, ému, dirait aux chaines de faner et aux fleurs de se répartir, de se répandre incrustés de mots, d’espoirs et de volonté, de s’exhaler de la terre morte, de s’exiler de ce bagne salaud qui rassemblait ma jeunesse, élevait de sa ruine maussade la soumission, la servilité et la hiérarchie. Je suis venu ici pour laisser Paris et mes amours desséchés de ma paresse et de ma honte d'être pauvre. Etonnant de voir le pauvre vivre comme une faute sa seule vertu. Sa seule innocence.

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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