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11 mars 2011

La décimale à Diane. Lettre nocturne

J'ai abusé de la nuit et le sommeil ne me le le pardonne pas.

On vous introduisait à moi en les termes que vous saurez sans que vous n'en soyez avisé. Les salons portent mal les bruits de rumeur, et je dois me fouler les muscles pour faire cahoter les paroles voilées jusque dans les politesses.

« je suis tombée sur une femme sur FB et j'ai presque cru que c'était toi. Elle écrit, un peu, et ça ressemble un peu à ce que tu écris toi. Avec beaucoup moins de talent, bien sûr, mais il y a quelque chose, de la colère, du dégoût peut-être, quelque chose qui me rappelle toi. Je me demande d'ailleurs si cette femme n'est pas un homme déguisé... On s'en fout, au fond, ça fait peu de différence.
Elle s'appelle Diane Elbach, si tu es curieux et veux t'y frotter. Attention, j'ai dit qu'elle n'avait pas ton talent, et c'est vrai, alors ne te vexe pas en la lisant. Elle emploie le mot narcissisme, et puis le verbe "baiser", avec colère, c'est ça, je crois, qui m'a rappelé toi. »

La violence me drogue, me coule dans le corps, je la retiens souvent d'un geste volontaire et vain, afin que comme l'eau violente des fleuves insoumis, elle vienne secouer la digue fébrile de ma mesure, et emporter le paysage d'un élan d'autant plus sauvage qu'il en a été retenu. Regardez ces fauves que l'on affame.
J'aime feindre les civilités, prendre les usages entre mes doigts, et en faire des pantomimes, jusqu'à tant que la poudre blanche craquelle entièrement sur le visage, que le geste muet devienne le cri fou, furieux, brutal, qui s'en vient assommer de sa bouche de carnage le public horrifié. L'ordinaire se déguise en monstre ; le monstre en l'ordinaire. Tout est affaire de perspective, les points de fuite sont changés selon que l'on est le personnage, l'artiste ou le spectateur.
Voyez. Je vous écris dans une vieille langue fatiguée, j'ai pris des mots quelque part dans les souvenirs éteints, j'ai ramassé la cire des cierges pour les coller à ce silence, parce que la flamme même des veillées funèbres était trop vive pour pasticher le gris du reste des existences.
Je ne vous cache pas que je suis intrigué par moi, par moi dans tous les débris que ma chute peut engendrer, dans tous les fragments que l'on retrouve et contre lesquelles par accident, l'on me rapporte l'horreur de mon reflet.
Je vous traite avec des gants bêtes qui abritent des mains jeunes, cruelles, qui voilent la chevelure auburn de mes véritables façons. Je dis bite, je dis sexe, comme je dis « moi » pour prolonger l'Univers, pour faire du reste des êtres vivants les cercles concentriques qui s'étendent depuis le céleste « je », l'indisponible « être », depuis l'intime, tout est de la racine originelle du moi, de son filament dangereux, de sa loqueteuse expression, de son hésitante radicelle. Voyez. Je sais crier, mais je ne veux pas pour lors, je retiens, je réserve, l'extase c'est après, nous sommes dans la politesse, pensez, la terrasse du café, imaginez une scène, voilà, vous jouez le rôle de l'ordinaire. Les mots ont des forces de marées qu'il est bon souvent de contenir dans la gorge sans espoir de les annihiler, il n'est pas assez encore de n'être que l'eau vive des torrents, il faut la conserver en gargouillis dans la stase de l'attente, dans la patience sournoise qui vient y faire pousser les plants vénéneux et unir leurs poisons violacés, menaçants, au courant de noyades. Voyez. Du lit faire la lie.
Enfin. Je vous regarde avec circonspection, je vous regarde d'yeux faussement myopes, derrière le monocle artificiel, de celui qui empèse son pas, qui en ralentit la cadence en le confondant dans la pensée râleuse, cette négation de la geste, cet ennemi de l'action. Voyez. Vous aimez Colette, et je déteste Colette. Vous aimez Lou Reed et je subis l'affront de l'avoir en concert, m'ennuyer de ses rauques malfaçons. Encore. Vous aimez Glenn Gould, et je veux vous déchirer les lèvres de passion. Je vous imagine le sommeil pénible, à l'entendre tamponner la beauté à toutes les particules d'air qui portent le son. Je déteste Yourcenar, et l'on écrit Jane Austin. Rilke me fait mouiller les sous-vêtements que je ne porte pas. Non, décidemment. Vous avez des choses communes à moi. Et d'autres ennemis. Nous pouvons nous croiser dans l'étroit couloir des forcenés. Je ne sais pas bien. Si je dois vous y assommer, vous aimer, ou vous ignorer. Je ne sais pas quoi faire de mes mains autour de la pensée de vous qui se façonne. Les posez dans le geste sacré de la prière autour de votre gorge souillée, joindre ferment les mains,donc, dans cette prière jusqu'à vous voir expirer Dieu, vous caresser du bout des ongles, ou bien m'en bouchez le nez. Dites moi.
Enfin. Ce message m'ennuie. Ce style me pèse, les bottes de métal je les laisse à ceux-là qui croient encore aux politesses des chevaliers imbéciles. Aux pucelles qui boutonnent à leurs âmes mortes des boutons de rose, des espoirs de mariage, d'enfants, des rêves de grand-mère, tous ces archaïsmes. Je sais une chose. Je suis moderne. Le monde pour lequel mon être a muté n'est advenu nulle part, j'ai tourné des pages d'Histoire, j'ai fouillé les détails, enquête dans les manuels d'anthropologies, et nulle part je n'ai ma raison. Alors, cette époque se laisse attendre, elle traîne à l'angle de la prochaine rue amoureuse, elle attend que je la trouve. J'ai déjà muté pour elle, en tout ce que j'ai de différent, d'inadapté à mon temps. Je suis déjà dans le plus tard. Chaque geste que je fais, qui paraît illogique à mes contemporains, trouvent une nette solution dans un temps proche, entier. Je laisse aux gens l'archaïsme. Vous savez, je suis au bout du Droit, là où la route se tend, où les ambitions prennent tous les plis des robes avocates. Je suis entouré par des médiocrités d'êtres humains, par des sténographes. Dans chacun d'eux il y a une leçon, de l'éducation qui ne survivrait à rien. Je les évite autant que possible, les automates me font peur depuis que je suis enfant. Expliquez leur les passions furieuses qui peuvent abîmer une âme et ils vous interrogeront sur le sens mystique de cette âme comme si vous étiez plein d'une fièvre malsaine. Ah. Parlez leur avec les boutons des fleurs éclatantes dans les fins de rimes, et vous les verrez rire cette langue inutile. Je peux leur dire, « la poésie me froisse la peau », ils s'étonneront. « Le papier d'accord, un muscle encore, mais la peau ? ». Pourtant, j'ai la peau froissée, tachée, aussi. S'y impriment les doigts de la nuit, quand sa tendresse trop vive, trop impatiente appuie la pommette fragile.

Revenons en à moi. Ce moi, réel, pas l'autre, là, le truqué, le mensonger, pas le malicieux qui feint, qui imite, qui dissimule ses crises et ses cris dans à peine de délire. Je suis un monstre honnête parmi le monde, tandis qu'en réalité, je suis plus sauvage, plus violent, moins bien coiffé encore que ceux qu'ils savent, mes yeux absorbent des volutes noires, des charbons irradiées de vice. Voyez.

Moi je parle de la violence folle, avec de la vitesse au lieu des mots, je dis des névroses qui crèvent comme des intestins cancéreux, ce que je dis, c'est l'accident purulentau fond de la phrase, le précipice à la suite des virgules, le silence qui suit la voix des acteurs, le platane du cœur où s'écrasent les amours. Quand je dis « j'écris » je veux dire « je bande » quand je viens mettre des typographies, ce que je tente, ce sont des attentats, des homicides, j'aimerais tuer d'une phrase. Le papier tranche si mal les gorges amantes. La poésie se contente de ce vulgaire sang translucide, cette lymphe à peine du regard troublé. Pouah. De la haine, voyez, de la haine, de la haine fantastique, de la haine qu'on boit par l'éclat luminescent, de la haine, voyez, qui s'agite sans fins, du haut de sa tour vierge, où le quartz qui transperce les hommes fait un sabre ironique « voyez, le temps tue, littéralement ». Crachez, vomissez, toutes les couleurs je les sens dans ma bile, venez faire se désunir, se fracasser la lèvre sur les miennes, à travers ma langue, unique, celle que je déforme, que je reforme, celle pleine des caprices de fillette vierge. Je mets les doigts jusque dans tous les intérieurs, l'intimité c'est moi, l'intimité je la délie. La pudeur je la moque. Sur les places publiques, des inquisitions ont tremblé à la lecture d'un nom, semblable au mien, ils se souvenaient, les papes éteints, se souvenaient les tisons de fièvre que je tirais de chacun de mes cheveux pour les faire gober par les yeux. Ah. Qu'elle est belle la violence quand ses cloques suppurent le venin de l'atroce, la laide esquisse des silhouettes. Un livre. Ça commence par une interrogation, ça commence par un lieu imprécis, qui se dessine à toute hâte. Vite. Des manières, des gens. Vous savez. Un texte c'est d'abord une ville déserte, abandonnée, qu'il faudra rendre à l'allitération diserte, c'est stupide, l'écrire, s'il n'y a pas de baves, de sperme, de rage, la reddition des morales, si les maladies ne viennent pas incuber dedans, faire tourner leurs bacilles nouveaux et s'inventer des gardes, des mantelets, attacher des souvenirs de morts à leurs poignets, je connais des mots, savez-vous, qui ont à leurs clous, des prénoms de femmes égarées, des qu'on ne fait plus aujourd'hui ailleurs que dans le marbre des tombes. Leurs visages est ici, dans mon écriture. Sentez. Certains hommes traversent l'existence sans odeur, et ne s'en découvrent une qu'aux lendemains du partir : le miasme. Ne se prennent une lumière que dessous la tombe : le feu follet. J'ai rencontré des peintres de rue, qui ont voulu me trafiquer, et j'ai saisi une ardoise blanche, je leur ai dit « voyez, mon visage c'est l'infini, mon visage il suffit de la feuille vierge pour le dessiner, je suis l'Univers extensible, ma taille est souple, ma colère et mon sexe se tendent jusque des frontières injustifiables ». Faites tourner les mots comme la langue dans la bouche amoureuse, suez par tous les pores, suez, noyez, que les sexes embaument de leur indécence les salles de classe, de théâtre, que sous l'archet du violoniste la sueur glace la note dans l'effroi terrible de la jouissance. Imaginez, un parterre de somnolents. Aux attitudes graves et mesurées, imaginez ce vieil homme public, aux accents de constances, à l'éloquence d'un laurier vieilli -dont le suc est le seul souvenir glorieux-, imaginez le soudain sorti de sa torpeur, se souvenant non du corps, non de l'âme, ces deux choses il a fallu bien tôt les vendre pour entrer dans les affaires, pour faire du droit, de la politique et des choses de finance, des choses « sans cause », se souvenant qu'autour de lui volent des insectes creusant dans les vagins des femmes des odeurs pointues, des insectes aux dards enjolivés, aux abdomens rougis dans des forges venus des temps antiques. Imaginez, celle-là, dont le corps se traîne d'abandons en abandons, et dont la beauté sent le plastique, la colle, l'hermine et l'humeur détestable des poudres angéliques, imaginez là avec sa pensée dévoilée ainsi formulée à ses miroirs cataplasmes « ma vie je l'ai dédiée au plaisir, le plaisir c'était l'argent, la robe d'avocate, les amants beaux, et les maris riches ». Imaginez là, dans son fauteuil de velours rouge, sous les ors de cet Opéra à la douleur morbide, imaginez là, se faire agresser par le plaisir véritable, celui des sens, qui perce le corps pour se ficher dans l'intérieur de la nausée, dans l'électricité qui stimule le nerf, dans la veine de la veine, sous le plastique du coeur. C'est d'ici que je parle, c'est ce cri que je raconte, que je fais, que ma bouche s'obstine à réciter. Le mantra, le mantra invoque des dieux, des chimères, des sorts, il y a des magies infernales à s'obstiner, il faut le savoir, il y a une chance qui jaillit, toute fatiguée d'être rappelée depuis le tard de son oubli, sous la voilure crépusculaire de son lointain gésir.
Ah. Des fontaines à boucher, des portes à clore, à voilà le sort de la modernité, ses mains agiles,sa censure gentille, tout ça est pour le bien, la paix entretient la servilité.
Faites la guerre, avec moi, vous y verrez des images graves, tremblantes, des photographies d'une bataille que nous ferons à deux, sur la frontière volage des infidélités.
Trahissons toutes les mesures.
A genoux dans la salive laquée
Des angelots de pierre aux fronts de crachat
Dans mon sommeil j'abuse les galaxies
J'ai enfanté, des astres, qui ont fait
Les yeux bleus des amours

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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