Emotions.
Je suis comme ceux-là, j'ai pris l'amour pour faire passer la nuit, et puisé dans les clairières dessous les sourcils, le sommeil en patience. Au minuit de ma journée, je sors mes pantoufles de poème, sur la pointe des rimes je passe dans le caniveau de la strophe, je bois les eaux immondes où se fertilise l'ordure. Il y a des puits pour toutes les soifs, et les yeux aigus y tracent des filets de songe.
J'ai mis toute ma vie en risque pour aimer une seconde, j'ai tout jeté le poids du vêtement, de la fonction, tout jeté les livres, les espoirs, les craintes par la lucarne nocturne pour échapper au poids des ans. C'est qu'il y a ma nationalité fissurée en deux, par des misères, des origines, cette voix de pierre qui ruisselle quand la pluie bavarde sur les roches bougiotes. Chaque pas que je formule, se masse hors de ma jeunesse. Chaque pas m'échappe de ma force, tire à ma vigueur sa nourriture, et toujours si je vais c'est retranché de moi, c'est arraché non en substance, non en essence, mais en rythme en voix. La nuit passe plus douloureuse quand ma bouche prend forme de dernier ; mes dents de carillon, laisse à la poitrine amoureuse deux cicatrices rondes comme des globes.
Les refuges d'ivresse, les regrets incrustés de baisers et le matin dans les mains tout le plaisir qui fume et s'efface. Vie de neige, eau de larmes. Que suis-je ? La suie de mon visage, la brume d'oraison, la nuit dans tes cheveux et le rêve qui perle de ta lèvre enfantine. Mon amour qui es tu ? Je dis ton nom qui absorbe ton relief, je ne sais tes traits sous ce voile d'attente, je ne sais ta voix qui ne sait traverser et ma détresse et mon phare.
La nuit a ses récifs lumineux, aigus de la voix de petite fille qui les pousse hors du paysage. Traversez mon ciel gris, ô supplices du tard, traversez ma peur, ma crainte, filez par le chas des blessures, faites y vos sutures.
J'ai bu les promesses des astres. J'ai bu les tortures des jolies. J'ai bu les liqueurs infernales, bu tes larmes et tes joies. Je suis habitué à l'émotion.