La nuit du boxeur
Je viens ici hisser mes hurlements
Très anciens et fameux jadis
(prisonniers de missels hérétiques
on les murmure encore parfois
aux bûchers prisonniers des
Songes)
J'ai été habile crieur (écumes, morves et pitié)
et piètre rieur
Arrachant à l'infini les
Pourrissantes fleurs d'agonies
Aux parfums de pluie et de rimes
Piétinées.
Je reviens depuis très loin, depuis derrière la nuit très amère. Ma mère peut-être ou mon enfant mort-né, la nuit. Je viens exposer mes lèvres brûlées, mon langage saccagé de bonheur (couleur des matins d'hiver, de la bûche trop vite dévorée par le feu de la Noël).
Depuis un an, je vis dans la lumière, la lumière fameuse du Gel (l'ombre) et de Dieu (le corps). La lumière calme, pâle murmure de la mer insomniaque.
Je viens ici pour retrouver ce mot minuscule, imbécile : écrire. Je viens le trouver avec toutes ses chaînes, ses boulets, la fureur, le chagrin, l'alcool jamais assez.
Je viens ici vous prendre votre part de nuit, votre couleur de cerne, votre goût de manque.
Je cherche la nuit où mon âme (yeux crevés, crucifiée à la grande ourse, lueur impossible du cauchemar) se tord et gémit.
Je cherche la nuit, la nuit immense, sans espoir. La nuit des sortilèges manqués, des amants trompés, la nuit impatiente (vierge de soleil).
J'avancerai, craintif mais heureux jusqu'à atteindre le point le plus sombre, le plus cruel de la Nuit, fut-elle la Mort impudique.
J'avancerai dans la nuit oubliant le matin.
J'avancerai dans la nuit à la recherche de l'obscurité, des ténèbres de la légende
J'avancerai dans la nuit jusqu'à mon anéantissement.
Je suis de ceux dévorés par les dessous de velours
De la nuit.