La lumière à la croix
mais lorsque je me mets à dire
je sens bien la lumière revenir la lumière de là-bas et alors peu m’importe quel là bas : la bouche du diable, ses yeux sa langue son rire ou l’aile défaite d’un ange l’éclat du soleil (l’inverse : l’aile défaite du soleil et l’éclat de l’ange) la larme d’une fille ou la tache de sang sur les draps d’une vierge violée (et peut-être la larme de la fille tout à l’heure c’était la larme de la vierge abusée mais on ne sait si elle pleura jamais on refuse d’approcher à ce point ces douleurs là, tout ceci appartient aux commissaires et aux juges et nous ne les laisserons pas -jamais- entrer dans la littérature avec leurs bottes crottées et leurs robes noires (lire à ce sujet le mémoire de M. Charles H), mais des juges pour juger quoi, nous sommes dans la fiction domaine du non-droit de l'invivant de tout et du contraire comment faire avec des mots soudain un tribunal une police -on nous dit vous faites bien des personnages et des douleurs et des crimes alors pourquoi pas le criminel et la proie de son mal mal, ah même dans la littérature vous délaissez les victimes (c’est un jeune homme tout juste adhérent au front national, sa carte n’est pas encore froissée qui entre, je suis peut-être cet adhérent, enfin, je l’ai dit— comment retrouver celui qui viola, personne ne sait et les témoins les preuves, oui c’est joli on sait il y a des larmes des images et du sang sur un drap, mais est-ce encore un crime ici? avec tout ce qu’il faudrait inventer pour l’occasion, c'est à dire un univers où tout se ocomplique : où mettre le condamné, il faudrait en plus d’avoir fabriqué le commissariat, le tribunal les jurés les témoins les preuves ériger dedans une prison nous découvrons au hasard des mots jetés et recommencés une ruse une ruse formidable il nous suffit de BARRER ; ah la rature et son apparence de barreau nous permet en un signe, de reproduire les hiéroglyphes d’avant quand le mot image vénérable de la chose lui ressemblait comme une photographie)
je sens bien et peu m’importe alors si je dois ma brûlure à l’enfer ou au ciel
je ne crois en rien qui soit sorti des livres où l’on dit le bien le mal le juste l’injuste
(le code pénal hahaha)
je réclame la poussière des ombres
et les forêts intérieures quand elles se mettent à sentir bon le bois pourri (on en fait les églises) et la fuite des loups
pourchassés par leurs propres rêves
et parce qu’ils sont des loups
des sauvages
des fauves
comment pourraient-ils séparer
le réel de leurs songes
quand on a des yeux de loup
(imaginez le loup aux yeux vairons
rencontrant au milieu de sa chasse
-il a entraperçu, là-bas, avec son oeil
ou son nez, une biche blessée
sent l’odeur de sang ; voit
la plaie profonde-
un loup albinos à la peau blanche
aux yeux rouges
imaginez cette vision pour lui
qui dans l’eau des lacs apercevait
ses dents
ses dents à lui
après avoir déchiré
la biche blessée
le faon peureux
le sanglier barré
et il se dit alors
celui-là
celui-là avec son regard
ensanglanté
déchiquette
la réalité)
tout a la forme d’un rêve d’homme
avec son angoisse
les pas perdus tard dans la nuit
(dont on ne revient pas
souviens toi tes gestes brisés
au petit jour
quand le crépuscule n'avait pas encore -allait, presque-
dit son premier mot
pleuré sa première larme)
les désirs inavoués
M-A qu’on déshabille avec les dents et c’est encore cette histoire de sang sur les draps et la peau nue sent le brûlé, le mal (et pourquoi pas une histoire de diable, on nous suggère) et une prochaine fois