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3 janvier 2014

Les lèvres sales.

 

Je ne sais plus bien ce que je voulais écrire, ça a traîné plusieurs fois dans ma tête, chaque fois c’était autrement recommencé

peut-être le bégaiement des po-poèmes d'Aragon et ma la-langue à moi abstraite et tortueuse (delta éclaté c’est le fil bleu sur la carte d’Egypte, on le suit de l’ongle et le Nil brusquement se sépare et le doigt doit choisir son chemin entre tous les embranchements ou stopper sa course ; mon écriture est un de ce doigts qui refusa le choix et poursuivit les routes toutes en même temps, tu imagines l’étrange cohue dans la bouche, tu imagines les lèvres indécises l’étrange accident des sons tu imagines). 

 

Je parle une langue

dans une perpétuelle agonie

en cours d’anéantissement

une langue

de fragment

de théorème

et il faudrait y ajouter les formules mathématiques

la clé

de l’équation

mettre fin au mystère par je ne sais quoi

cette sorte de formule qu’on trouve la première fois en 4ème

le vertige immense (tu t’en souviens peut-être) le premier x mis à la merci d’une méthode et torturé jusqu’à l’aveu sa vérité son chiffre son matricule de BAGNARD

et

la béance dans le ventre quand x

bascule du côté des choses nommées identifiées 1 2 3 4 5 6 7 8 9 

comme

une lumière allumée dans la chambre d’enfant au milieu du cauchemar

la sainte sortie du couvent (visage enfin sans voile)

 

ah ma langue théorique inventée pour le ciel de la nuit

et demain j’en changerai

c’est un habit taillé à la main et ma langue

a des vêtements étranges

peut-être sont-ce des mains de femme

(ongles peints vernis et toute la douceur du monde)

ou un peu de soie fanée

 

Ecrire

(je devrais ici ajouter les italiques  prétentieuses, les italiques du concept inventé, écrire en la langue penchée sorte d’hébreu prénatal et tout alors aurait l’air d’importer on pourrait écrire

pâtes

ainsi

et l’on penserait à autre chose autre chose que le blé tordu dans les machines et l’eau bouillante

autre chose que la faim à peine consolée

autre chose

ce serait

pâtes

mot sortilège

formule

et tout autour serait réduit

à ce mot là

tout alors n’existerait qu’attraction répulsion de ces : 

pâtes

soleil d’occasion

à la gravité insolente

et l’on a encore faim

le soleil ce n’est plus ce que c’était)

 

écrire et pour ceci partout j’élève de petites scènes

un prétexte quelque chose où figer la voix

une cible

c’est une cible, un endroit à viser atteindre percer de cris

enfin un public et le cri le cri tout puissant

on s’en souvient on naquit jadis avec ce cri là

jaillit

écrire face à ce public

fut-il virtuel

une pensée

une image

(déformée par le miroir

un autre moi qui me ressemble

vieille photographie cornée

on ne sait dire le prénom

on bute sur sa mauvaise mémoire

sur les traits changés

on bute

avait-on en ce temps là

-c’était un temps maudit peuplé de jeunes gens baroques-

un frère un jumeau

un autre soi

prisonnier des glaces

l’air encore heureux

la vie c’était une autre vie

qui fit chemin dans ce visage là

la bouche on reconnait le goût des baisers

bientôt

ceux qu’on prononça donna reçut

on ne sait dire

la mémoire la sale mauvaise mémoire

et le passé était-ce un rêve

dérangé par le réveil-matin d’aujourd’hui huit heures)

 

j'écris pour ajouter de l'ombre à la nuit et trouver un refuge de noir un crépuscule étrange un oeil noir de fille ou plutôt son maquille coulé le jour qu'on l'a trompé

c'était il y a longtemps une rue un sourire et le verre vide et la bouteille même déjà, c'était une nuit froide à fuir comment était-ce déjà le nom du cauchemar jadis

Ah l'angoisse, c'était l'angoisse avec ses caractères glacés (rutilants, une guillotine)

on fuyait ceci

avec les mots dans la nuit

avec la bouche ouverte pour y faire de la lumière

(Barthes dit la parole est un langage brûlé, non pas brûlé mais en train de brûler, une consomption si tu veux)

pour mettre le monde en feu

comme imagine, toi IMAGINE

une grande forêt incendiée (et le spectacle retient le pyromane

prisonnier de son geste -crime et oeuvre en même temps- c’est ce peintre anglais insatisfait à la fin de la toile, il y manque quelque chose c’est du sang de la vie de la chair il dit et va chercher dans sa cuisine un hachoir, il tranche sa propre main et l’accroche à la toile « enfin » il dit c’est toujours lui qui parle c’est cette voix de fou et Van Gogh loin là-bas dans son siècle rougit de honte c’est trois fois plus d’audace que je n’eus -étrange comptabilité des peintres et des fous)

le hurlement sauvage du désastre

oui l’enfer

on dit

l’enfer

parce que

 

Je ne parlerai jamais une langue audible

prisonnière des définitions concepts immobilisés

d’une des deux mille cinq cent cinquante sept pages du dictionnaire

JAMAIS

une langue intacte comme une

morgue

jamais

les mots banals

trahis

ceux dont on fait les « bonjour madame »

les « combien ça coûte »

« comme il est mignon »

les mots de tous les jours

fatigués

de passer en hâte de bouche en bouche 

de siècle en siècle

ah tu remâches toi le chewing-gum passé entre toutes les dents

le chewing-gum craché ramassé toujours ce geste là d’horloge

toujours ce mouvement des morts

et moi je ne meurs pas pas

Il y avait cette fille

Diane son prénom c’était Diane et je me souviens elle vivait dans cette langue atroce

cette langue de tous les jours

le parler banal

elle parcourait la peau le corps comme tu fais peut-être d’un digicode

cherchant dans le râle une réponse

le bip

le « d’accord »

et pousser une porte

un corps pour elle 

c’était la même chose

c’est

le vide

toujours

le vide l’absence

derrière ces portes ouvertes avec ces mouvements là

et mon dieu j’avais peur en ce temps et c’était février dehors et les arbres toujours nus et les journées à peine rallongées


J’allais dire les mots comme il faut

j’allais me laisser distraire de moi-même

être pris au piège du langage du papier journal

les « ah c’est ceci cela c’est très intéressant et quand est ce que etc » et puis pourquoi faire il y a la télévision tout l’ennui quotidien les salles de classe avant

alors je continue je porte ma voix à moi

théorique

je t’ai dit je l’invente chaque fois et je ne dis pas

je tente de dire

tant mieux si l’on est compris et autrement

tant pis on a craché du ciel

son ciel son propre ciel

pris à aucun autre

tout est tentative 

tentative de correspondance

entre le dedans et le dehors entre

ces bruits sans pensées

le pouls de la langue c’est :

(le pas des gens rêvés

tu les rencontras je suis sûr

ces gens là

aux visages inconnus beaux comme la fatigue

au coin du rêve

c’était avant les sursauts du matin

avant la sonnerie du téléphone portable

avant le retour de la ville

les vrombissements les moteurs

la pluie sur la vitre

les pas des enfants

et sous la douche

sous l’eau tiède 

-qui ne chante pas-

tu tentes ce visage là

le recommencer avec les gouttes d’eau sur l’émail

tu tentes sa reproduction

choisissant la mèche 

brune ou blonde

et tu ne te souviens de rien

ni les yeux ni la bouche ni la voix

sauf peut-être

la semelle et le bruit

contre le pavé du rêve

de ce pas là

toute la journée dans les sons du monde

tu cherches la trace

le reflet

un débris

rien

)

 

 

La nuit souvent les gens paraissent des ombres

et par quel miracle

atteignent-ils à la densité des êtres humains

un prénom

un mot échangé

un de ces mots décisifs

un mot

en italique

avec la bouche dite

(pensée amusante) 

des éclats de rire et le vin renversé à quatre heures du matin

c’est étrange

les lèvres tachées de voix de ces autres

ombres presque humaines

et le danger là-bas un soir c’était Claire

Un autre c'était VOUS

un soir je veux dire une nuit il était l’heure 

où l’on hésite

recommencer ou pas

croire ou finir

et l’ombre au matin s’évapore

c’est étrange cette rosée de gens

séchée par le soleil

(ou les phares d’automobile ou les bruits de métro

ou toutes les choses là en attendant)

tous ces prénoms de fille agglutinés en moi

ce grand creux d’ombre

et souvent je nomme en souvenir

et c’est la première fois que je fais autrement

souvent je nomme en souvenir

dans mes phrases dédaléennes

souvent en souvenir je les nommes

C.
D.

E.

M.

comme le langage crypté par quoi on désigne 

les stupéfiants

et je me souviens

LSD

c’est

les visions le soir dans la forêt de Rambouillet

(nous marchions Valentin Louis Yan MOI éclairés par les pierres pâles)

et les trois prénoms en désordre de Diane (Diane Sarah Lise)

autant de cheveux décoiffés

le matin après

après les gestes saints

et puis saints encore

et enfin

païens

athées 

débaptisés

crucifixion renversée

les gestes de l’hérésiarque dans l’église

le rire les larmes quand il remplit la coupe de cendres et de salive

les genoux jamais fléchis

libre comme une femme divorcée

 

 

 

 

 

 

Je dis souvent

vieillir ne me ressemble pas

comment pourrai-je devenir moi

avec ce je porté à ce point d’incandescence ce je

comme une flamme toujours refleurissante

c’est le printemps du feu toujours autour de ma bouche

comment pourrai-je moi vieillir et ne plus croire

en l’infini aux soleils convulsés d’aimer

comment pourrait-elle finir la vie avec ses syllabes

impromptues son sens neuf

avec mes cheveux à moi et ma voix à moi

non jamais un regard de vieillard ça ne me ressemble pas et pourtant

je ne crains plus le noir

à quel moment était-ce

les lumières éteintes et l’indifférence

aux formes aux bruits devinés

dans l’espace clos menaçant jadis

ah revenez peur d’enfant revenez pensées effroyables

revenez par pitié rendez moi l’effroi des premières fois

quand

dans ma bouche les dents fragiles mortelles

mâchaient avec difficulté les morceaux de la vie

on se retourne un soir tout à fait 

on refuse de travailler et personne ne nous croit à ce point inapte

aux habitudes (LA VIE MUTILEE 50 HEURES PAR SEMAINE)

on refuse pourtant et le monde le monde entier

l’univers

avec

les barbelés

de toutes les galaxies

et l’étoile la plus lointaine

lointaine au point d’être morte avant d’arriver

te pousse jusque là bas

tu résistes en serrant tes dents d’adulte

tes dents

je dis mes dents de loup

alors il faut déchiqueter la réalité

partout répandre la maladie

la rage qu’on a 

 

et pourtant

on a vieilli au jour où le mot 

artiste nous effraya davantage

que le noir complet

 

 

 

Et après tout ça quoi dire

rien on a gorgé le monde de soi-même

Aragon : « Je suis plein du silence assourdissant d’aimer »

Après

face à ceci

on est le public paralysé

comme devant le spectacle dodécaphonique

cette musique sans faire exprès de la musique

du bruit partout envahissant à ceci semblable ma parole

et ainsi je vis ainsi j’écris

la forme ininterrompue jusqu’au sommeil

ah

je te joins je crois des poèmes d’Aragon qu’on trouve sur Internet

sinon lis si tu veux respirer des fleurs inconnues

si tu veux savoir l'odeur jamais racontée par personne :

la mise à mort

théâtre/roman

lis aussi Aurélien pour pleurer ça fait du bien

et puis ses poèmes :

Les poètes

Le roman inachevé

Le fou d’Elsa

c’est beaucoup

c’est vrai

 

Puis il y a Guyotat à lire aussi le formidable Eden, Eden, Eden

mais il y a une vie à vivre (hélas ?) avec des formes mouvantes là bas

du vin à boire 

et peut-être lire c’est vivre ailleurs

je crois

mais c’est vivre dépeuplé de sa chair

asséché de son double mortel

c’est vivre dans une cave où entre le soleil

pur certes mais à peine aussi et

il y manque les baisers

qui sont aussi des soleils purs

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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