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29 juillet 2019

Quand tu parlais de suicide.

Wendy me disait, il y a une dizaine d'années maintenant, que jamais je ne me suiciderai. Par cette assertion elle entendait que mon désir de suicide - j'en parlais souvent - ne reposait que sur une superficielle intention. A se yeux, sûrement, je ne souhaitais guère vraiment mourir mais être suicidé et, quelque part, jouir, vivant, de cet état là : suicidé. Comme s'il portait en lui le plus insigne des honneurs et qu'aucun autre statut vivant ne pouvait l'égaler. Ma détresse, réelle, et la maladie, déjà (inommée, alors, mais présente et contagieuse à moi-même), me rendaient inaudible la justesse de son argumentaire. Parler de suicide, alors, c'était se souhaiter des ressemblances avec d'illustres prédécesseurs (négligeant par là le grand nombre des anonymes qui périssent atrocement, sans faire d'éclats, dans les baignoires, les draps, les lits d'hopitaux, les fleuves et les coups de feu) ; ce n'était pas souhaiter mourir.


A mon désir, artificiel, de suicide elle opposait celui plus réel et convainquant de Jean-Baptiste (que nous appelions Jibé). Non, parce que son désespoir était le plus impressionnant ; presque à l'inverse ; parce que la vie lui paraissait indifférente, qu'il la négligeait, s'y promenait avec un certain bonheur et assez peu de réussite. Ce n'était pas, dans son cas, le malheur qui rendait crédible la possibilité du suicide mais ce détachement face à la vie - recelè-ce une douleur ? Wendy l'imaginait bien, un jour d'ennui, saisissant son coupe-papier pour ouvrir, comme tous les jours, son courrier ; voyant la boite aux lettres vide ; continuer son geste et l'adresser à son poignet pour que lui, Jibé s'achève dans un flot de sang indifférent. 

Jibé, aujourd'hui, n'est pas mort. Il écrit dans différentes revues. J'ai connaissance de son actualité parce que nous sommes amis sur facebook. Il aime la musique et en vit. 
Aujourd'hui, pour moi, la mort et le suicide ont changé de formes. Détaché de mes amours adolescentes pour les poètes maudits ; découvrant, avec l'emprise de la maladie et la dureté de la vie, le suicide dont me parlait Wendy et dont Jibé était le titulaire. Mon rapport au suicide a été, ces quelques dernières années, celui de Jibé. Au milieu d'insupportables crises d'angoisses, il m'arrivait de retrouver l'ancienne forme, le geste brûlant et désespéré et l'envie brutale d'en finir (mais pour une autre raison, parce que la douleur, non poétisée ni poétisable, me dominait tout entier ; parce que je souhaitais l'extinction et non le rattachement à je ne sais quelle ignoble généalogie nervalienne). La plupart du temps, quotidiennement ou presque ces dernières années, mes envies suicidaires reposaient sur ce détachement face à la vie. Un ennui généralisé face à la répétition, grotesque en apparence, de ce qui m'attendait pour toujours et que l'on ne pouvait moduler qu'à la marge. Que tous les jours comprennent une trop grande quantité de gestes incompressibles (dormir, se brosser les dents, manger, parler, se réveiller etc)

Wendy avait raison, sauf peut-être, dans l'éternité proclamée de son jamais. Celui que j'étais, s'il s'était maintenu dans son obscure fièvre, alors peut-être, oui, jamais n'en serai-je mort. Mais j'ai changé. Et j'ai changé encore, aujourd'hui, dans l'amour toujours renouvelé pour Marie-Anaïs qui me préserve de cette mort ennuyée. 
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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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