Désert
Tant de désert
une seule
gourde
Je préfère dire fou il y a dans fou une grâce demeurée
Je préfère dire fou et disant fou sortant le fou du monde pathologique et clinique
De l’entretien individuel et personnalisé aboutissant à l'ordonnance
au parcours de soins coordonné
à la médecine ambulatoire
dire fou et sortant le fou
Du parfum brutal de l’hôpital des blouses blanches et de la chimie néfaste, produite en grandes et inutiles quantités par l’avidité (vraie maladie psychiatrique nécessitant traitement de choc crucifixions enfermements ou pire châtiment : psychanalyse) de grands groupes privés (toujours scandaleux)
Dire fou nommer fou, le fou, pour rendre grâce au fou, celui qui par tous les autres sera, quoi qu’il en décide, quoi qu'il en sache, dénommé, connoté et par là, du simple fait de cette interpellation insulté, mutilé, diminué
Handicapé non de sa condition objective ; non même de son ressenti, handicap non de ses mains, non handicap, le fou, de la vision de ses yeux ; handicapé, alourdi du mot-croix ; du jugement-faix. La déflagration que c'est "malade".
L’arracher a l’humiliant jargon des enfermeurs légaux ; l’arracher autant aux communautés imbéciles et satisfaites ; à cette mode nouvelle de dire, pour neutraliser la folie : neuro atypique(jamais neutre, la langue, rien, nulle part, neutre, transparent invisible, nulle part, sauf le sperme translucide des trop masturbés et des stériles) ; « neuro-atypie » comme si cette singularité conceptuelle, ce pas de côté ce renoncement total à la voyance (la possibilité soi-même de devenir soi-même Simon le Mage -simon le fou - volant très haut au niveau des coucous, des ailes brûlées et des aigles étonnés) comme si ce mot rétrécissant comme si ce mot diminuait, ce que le fou le mot fou désespérément dans un effort insensé de pure raison démente agrandissait.
Rapatrier, en réalité, le fou dans l'usage ordinaire de l'existence. Le sortir de son enfer pour l'envoyer à l'autre enfer. Celui de tous les autres.
Clore cette paupière qui ne savait se clore ; rendre à l’iris son mécanisme biologique, son programme typique. Celui. Qui. Veut. Que. Lumière. Rétrecisse. Iris.Que. Obscurité. Agrandisse. Iris.
Le fou, le fou avec son regard mental, le fou et son regard mental - yeux du dedans, disent poètes de jadis - se refuse à ces obéïssances et ces bassesses et que toujours, surtout dans la pleine lumière d’août, fait l’iris se dilate au-delà des possibles. Sa raison, sa raison de fou, la seule raison véritable, le fou sa raison toujours sous le feu dansant des foudroiements ; raison dansante l’enfer, qui n’est qu’un excès de lumière, et la vie.
Et lorsque je dis fou, je dis moi.
Disant moi je dis nous.
(...)
C'est amusant. Il m'arrive régulièrement - mais peu fréquemment - (une fois par an) de retourner lire et constater mes premiers écrits en portant sur eux un regard superficiel (comparé au tien), tantôt étonné, tantôt amusé. Sans jamais, cependant, avoir pensé à produire autour d'eux une sorte de divagation consciente. Sans les ramener, à des jugements tantôt moraux, tantôt esthétiques ; jugements qui réactualisant les poèmes les constituent en un nouvel objet. D'une certaine façon (absolument même) ils seraient réécrits d'être présentés là, maintenant et réécrits profondément d'être abondés par un commentaire de soi, maintenant.
Très intéressante, donc, cette démarche de les ramener au présent et d'apparenter (selon moi) ces poèmes réels à des fictions et les rattachent, involontairement (mon point de vue) à des poèmes fantômes. Prolongeant (élevant?) cette expérience parce que troublant un peu plus le rapport entre la diégèse et le réel (et je sais qu'on ne devrait pas dire diégèse ici, et je voudrais étendre le sens de ce mot, et le forum, à sa façon est un univers diégétique).
Fantômes parce qu'il s'agit de traces presque évaporées, ne demeurant que dans une matérialité creuse d'avoir perdu l'intention qui les avait engendrés. Sans intention, donc, celle-ci ne pouvant pas être retrouvée (même pas approchée), juste reconstruite aléatoirement, avec tout ce passé qui s'est mis, entre-temps, entre ces écrits et son exégète et dont a du mal à croire (l'auteur y compris) que les deux "je" qui parlent puissent se confondre et dans le même temps aucun étonnement à voir que c'était "moi" qui disait "je.
Ce trop loin dans le passé (dix ans, seulement, pourtant) nous interroge, en même temps, sur la place de la mémoire dans nos biographies respectives, sur l'angle que l'on choisit lorsqu'on se présente (c'est à dire qu'on se reconstitue, qu'on se "refabrique", qu'on se "remonte") aux autres, au miroir, au journal, à soi-même.