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20 février 2020

Roman 1 : MDPH

  Lorsque le papier lui arriva par la poste il ressentit un grand soulagement. L’angoisse, qu’elle que soit la réponse, cesserait. Il avait sollicité la MDPH pour obtenir une évaluation de son état psychique et, si celui-ci entraînait une « restriction durable à l’emploi », l’obtention de l’allocation adulte handicapé d’un montant de 900 euros, augmentée, à Paris, de 180 euros versés par le CSVAP. Ce qui lui permettrait de quitter la précarité terrible où il s’enfonçait depuis quelques années, devant vivre de rapines dans le supermarché du boulevard de Rochechouart, du RSA et de quelques combines maladroites et inquiétantes. Il n’avait pas le goût de la frugalité mais s’en accommodait sans difficulté. Il ne fumait pas mais tenait dans le revers de son manteau un paquet de sobrani, cigarettes multicolores au bout doré. Prodigalité, malgré la pauvreté. 

   La réponse, positive, le rassura. On lui ouvrait des droits jusqu’à 20 mars 2023. Trois ans. Il avait le temps, un peu d’argent, l’aspect matériel de l’existence moins angoissant. Il maintiendra une certaine quantité d’illégalisme dans son quotidien. Pourquoi s’en navrer ?

Il s’agit, au fond, de s’aménager des interstices de liberté face à un ordre économique scélérat.

Difficile à croire, ceci, que certains, par quelle étrange intériorisation du droit (et son assimilation avec le bien ; ou la crainte fictive de la matraque) se refusent à seulement imaginer le vol. Les plus riches, souvent, par l’ingénierie et la dissimulation, manquent à leurs obligations fiscales. Des juristes, des financiers, suisses ou même pas énoncent une poésie de la triche où le trust, sa plus parfaite expressionbatifole dans les eaux chaudes et généreuses des pays poivrés. 

Du côté des employés, des cadres moyens, de ce qui reste du monde ouvrier et paysan. Au niveau de ces tranches fiscales on ne triche pas ou peu. Et ces rares moments quels vertiges n'offrent-ils pas, vertige du parieur victorieux et culpabilité, aussi, de l'assassin débutant. 

Ne pas faire de vagues. Avoir honte. Leçon bien apprise. 

   Face à la procédure de surendettement qui les vise, les parents de Pierre refusent de mettre en oeuvre l'intégralité des moyens juridiques à leur disposition. Honteux, ils préfèrent se taire, ne rien demander. Ils craignent que, plus largement connue, leur situation  les humilie et les offense encore davantage. Ils redoutent les regards dans le village, ils redoutent l’officialisation administrative de la déroute financière dont ils s’estiment coupables. 

   Le père de Pierre s’est cassé la santé sur les chantiers. A la limite de l’accident de travail en permanence ; ne sollicitant jamais d’arrêt auprès du médecin, sûr que le travail paierait, sûr à cause de l’abnégation qu’intègre bien les pauvres. 

Pourtant, malgré son dos cassé, ses efforts à crever, il n’a rien. Il appartient à ceux-là dont on dit qu'ils ne sont rien. 

De la dépouille de la sécurité sociale - de ce qu'on a pas encore dépecé - il obtient quelques infiltrations pour l'aider quand la douleur le cloue sur place. Comme ce jour où, seul à la maison, voulant se déplacer vers sa voiture, la douleur le foudroya. Son téléphone...trop loin pour appeler au secours. Il dût attendre deux heures que la douleur se tasse pour se déplacer, en rampant, appeler le 15. Voilà ce qu’il a gagné.

Le misérabilisme ce serait de dire : ce sont de belles mains, des mains de travailleur, des mains de vivant. Mains abîmées, blessées. Mains exploitées et saignées. Et pour retraite le minimum vieillesse 10 838,40 € par an. Des dettes partout, des dettes de toutes les sortes, un écran 4K dans le salon qui trône ici comme une honte.

Lorsque je bossais chez UBS Cyril, le compagnon - saloperie - de Margot gagnait des fortunes. Plusieurs millions d’euros par an. Au moment de leur séparation Margot voulait une part du butin. J’entendais depuis notre bureau commun les manigances mises en oeuvre pour obtenir, sans fiscalité, le fric qui lui paraissait dû. Cyril, disposait d’avoir dans des coffres échappant à la vigiliance et aux inquiétudes de la DGFIP. Aussi, peu crédible que ce puisse paraître il faisait transiter des valises de billets par la frontière Suisse. Margot, cherchait un arrangement pour qu’on lui remette ces sommes à Guernesey. UBS se comportait comme un mauvais film.

Margot devait rencontrer Cyril dans les locaux d’UBS. Celui-ci arrivé, les hôtesses appelèrent Margot pour lui signaler l’arrivée de Cyril. L’hôtesse demande : que lui sert-on. Margot de répondre : du cyanure.
J’aimais beaucoup Margot. Pour cette phrase, là, à ce moment précis. A quoi ça tient... 

 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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