Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
boudi's blog
boudi's blog
Archives
Newsletter
1 abonnés
6 avril 2021

Temps Gris


Les jours étaient beaux et moi j’étais triste. Le soleil se levait et moi, bien après lui, je me levais. Je voyais sa lumière belle et pure et sa lumière belle et pure n’entrait pas en moi, elle glissait, évaporée avant de m’atteindre. Je demeurais gris



Me reviennent en mémoire ces jours neutres, ce temps sans couleur, sans odeur, ce temps gris qui colle, sans férocité ni pitié, à la moitié de toute ma vie.
 
Mes souvenirs ne m’apparaissent jamais avec la linéarité froide des faits, ils se présentent toujours sous la forme imprécise de sensations et d’impressions ; les événements objectifs n’en constitueraient que l’arrière plan, le savoir dispensable des arrières-cours, la matière réservée aux alibis.


Ma biographie réelle, vécue, souvenue, se tisse de ces fils là : le mal de mer, l’engelure, le velouté, le piquant, le gris et les vagues.


En moi, le sentiment du bonheur varie peu, son apparence ne change pas. La joie me revient comme habitée de la clarté des rêves et de l’étrange lumière du sommeil. 
C’est une sensation peu précise, vive, que j’appellerais, si je devais jamais la nommer, vérité. 


Le désespoir, lui, connait des tours plus nombreux…


Le soleil entre dans la chambre, il traverse le rideau rouge, peu épais trop préoccupé à tenir en équilibre pour filtrer sérieusement la lumière. Le soleil entre, tout est gris à nouveau. 
Je reconnais ce sentiment du gris, tous les ans le même. Un temps comme coupé en quatre, quatre fois la sensation d’une neige noire, sale, mal-fondue sur les trottoirs salés de Paris. 
Ce gris claironne les jours durs, âpres, à venir. Une paresseuse envie de mourir se délasse, en moi.


J’aime tant le gris drôle des toits de Paris, la tôle brillante comme un miroir à mille feux, j’aime tant Paris, l’été au gris éclat, chantant comme un rapace affamé, illumine la vie. J’aime tant ce gris lointain, cette pluie de fer et de bleu, ce gris des idoles au nez droit.


 qui n’est pas le gris de ma mémoire.


Alors, revient le gris, le sentiment du gris océanique, atroce. Une couleur cireuse et inodore qui tire sur le vert comme le teint d’un mort  avant l’embaumement. 


Au printemps 2011, j’attendais mon Thalys à la Gare du Midi et quelqu’un mourait, je me souviens de cette scène, une scène immobile, une scène de l’impossibilité même du mouvement. Ce visage gris, mourant, cette couleur de masque pré-mortuaire couvre mon visage. 


Tout s’engourdit, devient lourd, lent, pénible. 


Je me trouve piégé dans cet espèce d’interstice qui sépare l’automne et l’hiver. Peu nombreux remarquent cet espace, celui de la pire seconde de tout un siècle ; l’instant du gris le plus pur. 
Et cette saison intermédiaire qui ne dure, au pire, pour les autres que le temps d’une expiration, d'une sorte de frisson bizarre aussitôt oublié, en moi s’inscrit, dure, me dévore. 



C’est une saison décharnée et humide faite de brume et cette brume une poussière grise, suffocante, une poussière dense, suspendue comme la poussière ocre des maisons de banlieue éventrée - je repasse des années plus tard, un immeuble neuf, laid, sans personnalité l’a remplacée. 


Ma poussière ne virevolte pas, elle tombe, grise intransigeante, sans remords. Elle couvre tout, s’étend partout ; comme la neige blanche atténue le bruit des marcheuses, cette neige morte atténue la vie. 


Place Blanche, saison intersticielle 2019, le monde autour de moi s’arrête, une bourrasque de gris me percute. Je ne bouge pas, je rejoins l’immobilité du monde, autour de moi, le mouvement reprend. Pas moi.


Dehors, il faisait beau…


le sommeil me vient au matin, peu avant le lever du jour, comme le veilleur de nuit qui, sa tâche acquitée, cède sa place à la lumière sans bavures.


 Je ronfle, mâtines sonnent.

 

Publicité
Commentaires
boudi's blog
  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 49 344
Publicité