Tues.
jolis insectes dignes des voltiges
brusquement effacés
les ailes troublées par la flamme insensée
ah, enfant de la tragédie ou de la foudre péri du feu et des surfaces
ma vie pour rien jetée dans un enfer mon propre coeur l’abîme
dedans, je traquais dehors les monstres profonds je croyais
tous abîmes extérieurs ces
pédiluves, le coeur passé à la javel
dans ces lieux inabyssaux
l’abîme, je le porte
Madame catacombe, c’est moi c’est moi
ce coeur rompu moi la poitrine creusée
les yeux plein de larmes je ressemble à ces voyageurs anciens
sûrs de trouver au-delà des mers, dans les continents neufs et sanglants
des mines de sel ou d’argent
Moi une tache lentement que le ciel gomme
petit à petit
tendrement autant
la pluie tombe
le ciel tombe
la mer tombe
je me vois marcher moi avancer moi dans la vague
la vague me heurtant moi l’écume
moi le sel gerçant l’océan immense
de ce qui semble un instant la plainte
du lutteur vaincu sur le fil
qui ne se résignait pas pourtant à taper
trois fois le sol mou
en signe d’abandon
ce grand cri dernier
le manque d’oxygène l’épaule démise
un cri mourant un cri vainqueur
alors j’aborde l’excès avec excès je me rêve funambule au rebord des volcans
où je croyais vivre toute ma vie où je ne peux que mourir
alors je cherche dans l’abus la force de moi disparaître me traîner
à genoux sur le ventre dans le silence
cette obscurité
l’obscurité
après l’obscurité
moi qui suis
le noir plus noir que le quelque chose
noir
l’obscurité court-circuitée
le noir lui-même écarquillé devenu plus noir
sans fantômes sans rien sans enfer
Antique, le Paris Neuf.
Quitter Paris, 9ème arrondissement, constitue l'une de mes angoisses les pires. Il m'est arrivé souvent, moins depuis que le COVID a ratatiné la ville, de me pencher à ma grande fenêtre pour regarder ma petite rue et tenter d'absorber chaque petite goutte de cette rue. Le garage Renault en face de chez moi où j'entends parfois le pompiste disputer avec les automobilistes qui, ne comprenant pas comment payer, tentent parfois de se barrer sans l'avoir fait. Le tailleur turc, dont le fils vient de se marier, qui rapetisse les vestes trop larges, coud des ourlets aux pantalons trop longs, répare les déchirures qui courent le long des coutures. Le restaurant au numéro 23 aux pierres apparentes et à la cave voutée. Tous mes souvenirs, parmi les plus essentiels. Les retours de soirée du Bus Palladium, titubant le long des 350 mètres qui me séparent des lumières hallucinées, des rêves renversés. Les deux chambres de l'appartement, la respiration douce de l'amoureuse, la chaleur la plus humaine.
Je redoute de quitter cet appartement qui souvent tombe en morceaux, le plan de travail rongé d'humidité, les murs vieillis avant l'heure des fuites multiples de voisins morts ou peu précautionneux
Je pense, avec détresse même, à ces nouvelles rues qu'un jour j'habiterai, loin, trop loin du 9ème arrondissement, je les imagine vides et tristes, grises même en pleine lumière. Ma lumière, c'est la place Gustave Toudouze, le café cher, bio et surtout dégueulasse du Père Tanguy. Tout me manquera, la librairie Vendredi où j'ai trouvé un peu de ma vie et où, comme un livre abîmé, en laisserai beaucoup la quittant.
Plus précieux que le 9ème arrondissement seulement, mon amoureuse qui guérira de ce deuil, caressant les boucles tombantes tristes de mes cheveux quand je penserai aux matins de Paris, l'hôtel quatre étoiles tout au bout de notre rue. La limite au-delà de quoi c'est la nuit du reste du monde.