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23 février 2022

Vanilla

La sexualité dite vanilla me procure, je crois, les orgasmes les plus adéquats. Si quelques miettes effractives, en provenance des extases plus littéraires, se glissent parfois dans un râle ; elles demeurèrent toujours rares ou poussières. 

 

Pour autant, rien ne m’effraie vraiment et, assez curieux de tout, je me suis laissé embarquer au cours de ma vie, dans de brèves étreintes, aux goûts de l’autre aimé ou, à tout le moins, désiré. M., plus âgée que moi, dans sa jolie chambre étudiante, cachait ce qu’on pourrait dire un arsenal sexuel qui, la première fois que je le vis, ne provoqua pas l’effroi en moi, jeune fille provocatrice, qu’elle supposait, mais plutôt une surprise. Une extension des possibles de ce qu’on peut faire. 

 

J’ignore à quel âge, pour quels motifs se construisent les fantasmes sexuels. Dans Frisk, Dennis Cooper raconte que son fantasme sexuel de tuer son partenaire vient de ce que, à 13 ans, le propriétaire d’un sex-shop, lui montra la photographie d’un adolescent, pas forcément à son goût d’ailleurs, attaché par les quatre membres et blessé d’une blessure mortelle au-dessus de l’anus. 

Après avoir vu la photo, Dennis, se jeta sur son vélo et pédala de toute sa force, sans parvenir jamais à fuir cette image. Cette image innerve son désir et, parce qu’il est écrivain, son écriture. Des années après, dix ou quinze ans, Dennis apprend, en rencontrant l’acteur de la photographie, que son désir, ce désir crucial, le premier cristallisé, reposait sur une illusion.

Le fantasme, indifférent à la vérité, ne se dissipe pas pour autant, ancré rien ne nous en délivrera. Comme, peut-être ici, parce que le fantasme a date, un double ou une forme du traumatisme. 

Dans ses livres, Dennis Cooper continue de vivre, à travers ses personnages brutaux, parfois jusqu’à la caricature, une sexualité qui ne s’accomplit totalement que dans le meurtre.

Chez Dennis Cooper les gestes, tous les gestes, se prolongent ou commencent dans la sexualité. Son univers poétique se compose de deux éléments centraux : une homosexualité générique, tous les personnages, sans qu’il ne soit besoin de l’annoncer, sont des hommes gays et tous ces personnages vont baiser et cette baise, jamais vanilla, tremblera de violence et atteindra, dans les apothéoses les meilleures, le meurtre. Chez Dennis Cooper, le sexe revient à tuer ou se faire tuer. 

 

M., et je trouvais le mécanisme fort habile, cachait sous son matelas, aux quatre points cardinaux des attaches. A l’inverse de son coffre magique, elle éprouvait une sorte de gêne à ce que je les découvris. Je me souviens, d’un scratch d’abord ressemblant à celui des attelles et de lui demander, tout à fait curieux, c’est quoi. Je crois que je ne me représentais pas la sexualité SM sous ce tour là, c’est à dire que je ne l’imaginais pas aussi…instrumentale. 

Les liens en question étaient très laids et ressemblaient, comme je l’ai dit, à des attelles souples. Je m’imaginais de loin, sans intérêt spécifique, à cause de Sade ou de la Vénus à la Fourrure, des accessoires plus lumineux ou douloureux, j’imaginais d’autres matières le cuir, du vinyle ou de l’acier. Ici, c’était juste…pratique, utilisable et performant.

J’ai, ce jour, renouvelant l’expérience souvent, attaché M. La première fois, bon élève, l’attachant par les quatre membres, elle semblait suspendue, lévitant quelques centimètres au-dessus du matelas, portée par le désir ou la surprise. J’ai essayé parfois, avec elle ou d’autres, de former des noeuds plus complexes avec des cordes plus audacieuses, sans parvenir à mieux qu’au noeud le plus basique.

 

Je ne déteste que peu de choses et mon désir, toujours, disons ma pulsion, je l’ai dit est simple, dépourvu, une vie nue. 

M’attachant, par goût de la réciproque et de la curiosité, j’ai pourtant détesté, me sentant plus broyé qu’entravé par cette horrible mécanique. De façon générale, je découvris, souvent, que dans la sexualité comme dans le reste de ma vie, toute contrainte m’est atroce. 

 

Si je ne sais de quel coin secret de la mémoire ou de la biologie vient le fantasme, j’ignore autant l’origine de ce qu’on pourrait dire, en mon cas en tout cas, son contraire. Cette absence, en matière de sexe, de toute image antérieurement fabriquée. Preciado imagine lui de grands vents intérieurs soufflant à l’intérieur de nous et que toutes ces bourrasques, soulevant des grandes quantités de sable, révéleraient des pyramides. Il faut l’admettre, pour moi, sous la plage, la plage

Je ne me questionne pas tant que ça, en cette chose comme dans le reste, les pourquoi me semblent des angoisses inutiles et je suis, en la matière, assez doté de tortures intérieures. 

 

Je me souviens de W. que je retrouvais à Bruxelles, dans une chambre d’hôtel, vers 23 heures. 

Elle portait de très hautes chaussures en cuir, sexy j’imagine, qu’elle gardait tout le long de ce qu’on faisait l’amour. Une marque anglaise, peut-être, avec des sortes de clous ou de pics au niveau du mollet.

Après m’être dit qu’elle devait en être gênée et que ce risquait de me faire mal

j’ai rapidement mis de côté cette interrogation - l’inutile pourquoi - pour me plonger plus précieusement dans l’adorante consolation. La sexualité ne réveille pas en moi une sorte de brutalité, elle fait entrer en collision quelque chose de l’ordre de l’immense tristesse avec un bonheur retenu dans un vide lointain que, en faisant l’amour, j’atteins ou je (me) réunis avant même d’atteindre l’autre. Et après ? 

Je me souviens de sa voix et son léger accent, 

ce sont des FMS, et moi, très gêné - je détestais être pris en défaut en ce temps là - de lui demander, après avoir feint de savoir en hochant la tête, c’est quoi ? Des Fuck Me Shoes. J’ai appris, tout le long de ma vie, ces choses ce langage que, si j’en crois la partition habituelle des genres et la distribution du désir, je devais moi enseigner. 

 Peut-être de ce temps-là tiens-je le goût des chambres d’hôtel luxueuse. L’odeur des sexes mouillés, le bonheur, les lotions hydratantes Hermès ou Lanvin comme on en trouve dans ce genre d’hôtel. Aussi de mes chaussures anglaises, mes préférées, des boots en faux serpents, au talent cubain, toutes cerclées de clous et de têtes de mort. Comme si mon plaisir retenu se convertissait, dans mon cas, ailleurs que dans le désir sexué. Se devait trouver une concrétion, devenir de l’observable, du touchable. Je touche l’impalpable.

 

 E., sur une plage du Nord de la France, me demande, je me souviens du bruit des vagues, de nos serviettes curieusement blanches, E. qui me demande dis-moi que je suis ta pute puis crache-moi dans la bouche. T’es ma pute. J’apprenais de nouveaux mots, des mots que je savais, bien sûr, et plutôt que je comprenais cette fois, dont l’association résonnait avec un peu plus de vérité. J’étendais mon langage, le champ du dicible dans l’amour, partout. 

 

Si, après elle, j’insultais d’autres filles en baisant ce ne fut jamais avant que d’être sûre qu’elles étaient d’accord comme si, malgré le souvenir heureux de cette nuit sur la plage, je n’étais toujours pas moi-même convaincu qu’il s’agissait vraiment de mon désir à moi. 

 

Ce dont je suis sûr, par contre, c’est que ces paroles ne déposèrent en moi aucun fantasme si nous appelons fantasme la sorte d’anticipation abstraite avant de baiser. Aucune chorégraphie jamais ne s’établissait d’avance, pour moi, en quelques images précises. Quand mon ami M. me décrivait très précisément, non ce qu’il avait fait et souhaitait reproduire, mais ce qu’il voulait faire avec telle ou telle, je me trouvais là, épaté devant mon total manque d’imagination moi qui, en tout le reste, surtout l’impossible, en suis doté plus que du reste. Je veux une baignoire, pas une baignoire où le robinet se trouve à l’une ou l’autre des extrémités, une baignoire où le robinet est au milieu pour éviter qu’il encombre le corps, sinon ou bien les pieds ou bien le dos cognent contre, ça fait mal, ça distrait. Ou bien Sur ce fauteuil là…Il voulait la lécher, si ici je ne reproduis pas - les faisant passer pour siennes - ses paroles c’est que, les trahissant, je leur donnerai un tour viriliste qui n’était pas son ton d’alors.

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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