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24 février 2022

Ukraine

Je me surprends à actualiser Twitter, le live du journal le Monde et celui du New York Times, comme les lives des multiplex de football. La même excitation molle dans l’attente d’une nouvelle notification. Un but marqué, un aéroport pris. Le carton jaune, les hélicoptères détruits. La surface plane de l’écran aplatit les informations, m’accoutume à ressentir sans relief les différents messages. 

Dans le feed Twitter, de courtes vidéos montrent un système sol-air détruit dans un champ ukrainien, je vois la frappe du barcelonais Frenkie de Jong face au S.S.C Naples qui détruit la lucarne du gardien comme l’indique un commentaire.


Tout s’égalise, voilà donc, ce qu’on dirait le spectacle ce mode d’équivalence des images, le vrai comme mouvement du faux, même lorsque ces images cachent (puisqu’elles ne montrent pas) la réalité la plus insupportable selon nos récents critères occidentaux : la mort. Nous ne supportons pas, nous a-t-on soutenu, la mort, ce qui a expliqué, nous a-t-on encore dit, les mesures autoritaires, et acceptées, prises par tous les gouvernements. 

 

Je parle peu d’hyper-actualité, je n’aime pas le régime hyper-émotif et egocentrique qu’elle engendre - en toute bonne foi. 

Je n’aime pas, non plus, me produire moi comme au-dessus de la mêlée, moi qui serais, alors, de la dernière lucidité, c’est à dire du pire cynisme, ou de la plus extrême raison, c’est à dire de la plus apathique lâcheté. Ici, je m’étudie, être mon propre rat que j’éventre et étudie comme l’écrivait Dustand. Sujet de l’objet ; objet du sujet.

 

La mort, se montrait à nous, de façon quotidienne, par courbes comparant la surmortalité du printemps 2020 devenue rapidement surmortalité de l’année 2021. Sur différents sites, nous pouvions trouver un décompte quotidien, actualisable, des morts du COVID et des contaminations, ces morts en suspens, crût-on, pendant longtemps. Décompte quotidien ou hebdomadaire tenu à jour avec la même rigueur encore aujourd’hui, dans l’indifférence, suspendus que nous sommes désormais, exclusivement, à d’autres images, l’infographie et le calendrier de la levée des mesures sanitaires. 

La courbe de la mort neutralisée, elle aussi, devenue image sans relief.  

 

Voilà une longue file de camions russes présentés par certains journalistes comme des camions crématoriums. Ils viseraient à effacer les morts russes, à faire une guerre propre une guerre sans morts. J’ignore la valeur de ces images et j’ignore, tout autant, si elles devaient être vraies, ce qu’elles diraient de la guerre, de la psychologie russe, de l’intensité du conflit. Nous pourrions ergoter, des heures, sur le statut de l’image, la grammaire des signes et je crois que ces discussions ne valent guère mieux que les indignations qui me révulsent. 

 

Wendy, avait installé des gens devant une télévision projetant des images de la guerre syrienne qui durait alors depuis trois ans. Elle filmait, dans le halo bleu et clignotant, les visages bientôt impassibles des spectateurs. Les images, les mêmes depuis trois ans, et les mêmes encore sous la caméra de Wendy, ne faisaient plus aucun travail, neutralisées par la répétition, aplanies par la redite, la caméra de l’artiste n’agissait pas, ne réactivait pas une émotion même d’occasion.

Ce sont des images mortes, des vestiges devenus sans valeur, d’une émotion déjà toute donnée. Images lisses de la télévision, images rendues supportables, bien entendu. Images de guerre tout de même. Racontant, directement ou par suggestion, le meurtre, le viol, la mutilation la torture. Devant ces images, les visages studieux, beaux parfois dans le charivari de la télévision, demeurent sans réaction, les images glissent, liquides. Spectateurs des spectateurs nous regardons ces gens qui regardent, ces gens regardent pour nous et nous nous révoltons, devant cette image re(-)générée parce que re(-)médiée, de leur passivité, qui est notre passivité. Leur indifférence à eux est notre indifférence collective, la montrer, voilà une nouvelle image, elle aussi bientôt épuisable, hors de l’exposition vidéo. Le site Web de Wendy où était hébergée l’image a fermé. 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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