Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
boudi's blog
boudi's blog
Archives
Newsletter
1 abonnés
9 juin 2022

Traire.

Parfois j’aimerais m’abandonner à l’écriture non-sinueuse, celle droite et raisonneuse, me menant de la prémisse à la vérité sérieuse, grave et rigide. Or, je ne connais que le frottement de la tige contre la tige, de la pierre taillée contre la pierre grossière, je sors du heurt le plus creux des feux. Incapable de mettre en ordre la parole pour lui faire servir un but plus grand que soi, et je dis, plus grand, et je veux dire, extérieur, à soi. Le monde ne me dépasse pas, je lui tiens tête.

Parfois, je voudrais dire, l’autre , la vérité du monde, dans un air d’évidence, dans une formule qui conclurait brillamment le paragraphe narratif d’un roman et laisserait songeur le lecteur ou le changerait à tout jamais, l’aiderait à vivre même. Je ne parviendrai jamais à semer les petites pierres blanches et rondes qui forment le chemin et les étapes du chemin. Mes pierres lapident. 

Je ne sais, sauf par tricheries ou collages, produire de l’universel, du partageable, du commun. Moi, moi, moi dans le moi égoïste pas partageur du tout, avide, moi qui ne veut l’autre que pour digérer l’autre, dont l’autre alimente le feu intérieur ah la belle littérature que voici, le bel art n’est-ce pas de se nourrir fauve ou hyène que de l’autre ruant ou dépouille. 

 Je suis de là, oui, de là, lorsque l’écriture me saisit ou me cabre ce qui me prend le voilà la griffe longue brusque se recourbant sur la proie et la faisant pourrir comme le rubis à l’ongle, ah mes pierres précieuses sanglantes vous tous.

 Je ne dirai rien du monde. Je dirai tout du monde. Je suis le monde. 

 Et qui croit encore à ces feux littéraires ahaha, cette violence gratuite qui n’a jamais mis le feu qu’à deux ou trois êtres épouvantés et convulsifs ? Je suis passé de mode, je mords les mors retenant la course par crainte un peu du ridicule, voilà que la solitude s’avance quand la haine gronde. La solitude de celui qui ne sait bien que détruire parce qu’au monde ce qu’il préfère depuis toujours c’est bien ce carnage et non le fumier patiemment remué pour élever dans le jardinet les fleurs à foutre dans les cheveux.

Voilà ce qui monte si je laisse monter. Et ça ce n’est plus de la littérature pour personne et moi j’ai combattu avec haine le lyrisme cette expression du soi indigne et privilégié pourtant moi j’en suis encore là. Autrement. Mais pour qui se prend-il le feu qui se moque du feu au prétexte que ce n’est pas son feu ?

 Spectateurs falots voilà tout ce qu’au mieux je concède, de vous tenir vous de l’autre côté mais à portée de crachats ou de baisers s’il vous plait et qu’importe que votre coeur vous mène aux hourras ou aux huées parce que j’haïrai toujours le plus le mieux. 

 Moi moi moi moi

 Si j’écris, si je me laisse aller à ce narcissisme furieux de l’écriture, à ces claquements de porte, à ces éboulis lyriques, à ces tremblements de terre brutaux, la haine me revient comme si la haine constituait mon principe fondateur depuis je ne sais quel héritage transmis avec rigueur par actes irréfragables depuis cent milliards d’années depuis la haine fondatrice le big bang qui dilatait l’univers et me parvient amaigri par générations et générations dispendieuses qui me laissèrent toutefois ces mots hérissés de piques vénéneuses.


Ah vous dites que le rare est précieux, qu’il faudrait se tenir au mutisme et la rose vaudrait-elle moins que le rosier ?

 lorsque je parle de moi souvent je me parle au passé comme si, devenant plus doux, je trahissais un héritage millénaire et fragile, une identité rare et corrompue de toute part qu’il faudrait défendre comme une langue prête à disparaître et moi le dernier locuteur honteux je la tais. J’en trahis l’histoire, la douleur, je trahis mille moi-même et j’ai mal. 

 je dis « si tu m’avais connu avant alors… » je le dis dans un sens dédoublé qui dit 

« tu as de la chance » qui dit aussi « tu as raté quelque chose ». 

 Le monde au-delà en deça à côté ou qu’en sais-je, de la morale, le temps de la brutalité qui était aussi le temps de la pire angoisse
une sale époque où la maladie étendait tentaculaire son empire sur moi et entre deux suffocations je crachais le feu du dragon cracheur de feu

suis-je mieux en moi-même ou pire je ne sais ça dépend quel soleil en moi je veux traquer celui pâle de l’automne ou celui des fins des temps ah oui il me manque il me manque ce soleil carnassier lutteur complice 

 reviens-moi
reviens-moi
je donnerai tout
pour retrouver la sauvagerie
pour retrouver
la robe de mariée
déchiquetée
par les loups
la tiare trempée
dans le coeur
épouvantable
de l’enfant meurtrier
des blêmes paturages
du Cantal

 

 

je voudrais à la seconde être projeté dans cinq milliards d’années quand le soleil explosera et que dix mille millions de Tchernobyl raseront la terre

 

le temps du saccage qu’en reste-t-il
une nostalgie parfois une croute un regret ces quelques lignes pondues à la hâte 

je voudrais parfois retrouver ce courage d’avant la droiture mes possibilités criminelles ma cruauté mes faillites mes vertiges je voudrais retrouver parfois le monde du tout est possible et la haine habite mes mots la haine qui vacille dans mes yeux encore parfois certaines nuits comme une flamme toute noire et ronde qu’on appellerait pupille

 pourtant mes mains ne sont plus de feu le courage m’a quitté je ne contredis plus la haine assignée à domicile, enchaînée au fond d’un sous-sol

je me demande parfois si un jour elle se relèvera ailleurs que dans cette écriture fortuite qui m’échappe
comme si la haine suante au fond de son abîme

projetait son haleine dans mes mains moites

 

ah comme je voudrais haïr. 

 

 

Publicité
boudi's blog
  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 49 381
Publicité