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9 mars 2023

Ponts.

Moralement épuisé. Depuis mes douze ans le suicide, comme issue de secours ou appel hors de soi me prend. En 5ème, en cours d’arts plastiques je crois ou peut-être de SVT, je demandai à Cyril, mon meilleur ami à l’époque, s’il pensait parfois au suicide. Il me répondit que non, qu’il était heureux, avec sa Nintendo 64 et son amoureuse Dorothée. Alors je n’ai plus rien dit. Souvent, quand des chagrins trop pressants me prenaient, j’enfonçais ma tête sous l’eau dans la baignoire sabot de l’appartement de la rue Jean-Baptiste Lully. On ne se noie pas comme ça. Pour se noyer, je l’ai compris bien plus tard, il faut être vaincu par l’eau, être dominée par elle. J’ai essayé, parfois, avec de bêtes couteaux, de me tailler les veines sans succès, n’y laissant même pas des écorchures. Suicides, jadis, sans conviction, opérés surtout comme un délestage des douleurs et le scintillement, au loin, de l’issue de secours. 

 

En 2017 au plus fort de ma pire crise je ne m’endormais pas un jour sans l’idée obstinée du suicide. A ce moment là, admis à l’hôpital de jour du IXè arrondissement, il me fallait toutes les forces de l’équipe médicale pour tenir. Mais toujours, jusqu’à aujourd’hui du moins, connaitre le suicide était pour moi une façon de ne pas exécuter le mien, de savoir que, à tout moment, si je le désirais vraiment, toute la violence, dedans, pourrait se taire, définitivement. 

 

Le 1er mars en organisant mon suicide, véritable celui-ci, en déchaînant tout ce que je contenais en moi de chaînes frustrées, retenues, d’acier rouillé, je compris la terreur de la mort, pour la première fois de ma vie. Pour la première fois de la vie, je sentis avec effroi ce que ce pouvait ne plus être, de passer de quelque chose au néant. L’absence de « l’après ». Toujours ce passage m’avait indifféré puisque, n’étant plus rien, je ne pouvais souffrir moi-même ma disparition et pourtant…pourtant à ce moment-là, sur le quai de cette gare, elle me saisit la terreur de n’être plus et, étrange pour moi, reliquat de mes années de dévotion envers Dieu, j’ai pensé à l’après-monde, à la possibilité de l’enfer. Pas l’enfer religieux, lieu de pénitence et de punition, lieu, presque pire, où l’âme évaporée erre sans pouvoir se fixer nulle part, j’ai eu peur du tourment pour l’éternité. 

 

J’ai rêvé mille fois depuis ce jour là de ce train qui fonçait vers moi et dont j’étais sûr qu’il me percuterait et que j’en finirai que toute cette douleur, cette pression dans le crâne, ces mots crucifix, que tout ça d’un coup sec cesserait. J’ai eu peur. Peur du suicide, peur du passage de la vie à trépas, peur, je pensais le métal froid ou tiède, je pensais la maladresse de moi tombant à moitié sur les voies l’hémorragie mortelle des heures durant. Peur. Peur. Pourtant. Pourtant, quelque chose en moi d’un ressort s’est brisé ce jour là, d’un ressort, ce ressort là dont je parlais plus tôt, du suicide comme une idée et non un acte, le suicide comme possibilité abstraite et non réalité douloureuse, ce ressort là, je l’ai senti a cédé, j’ai entendu son étirement jusqu’à la brisure. Je pense au suicide de façon froide et arithmétique comme d’avoir cassé la première limite, le premier obstacle qui, en même temps, est le dernier. Que la prochaine fois, parce que je ne vois pas comment il ne pourrait ne pas y avoir de prochaines fois, j’approcherai plus près. Loin des voies ferrées cette fois-ci, bien loin, je pense au monde aquatique, à cette mort privilégiée des poètes. Cela ou Woolf. Les poumons malgré le pouvoir de la métaphore ne se changent pas branchies. 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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