L'écriture impatiente.
J'ai vu des amours finir mal. J'ai entendu des oiseaux chanter sans comprendre leurs timbres de prophètes, j'ai avalé des flocons délicats, j'ai vu des gens s'absenter, je les ai sentis me manquer. Est ce que ça dure toujours l'absence ? La douleur m'est égale.Je passerai les saisons. Maude a dit que j'étais vierge.Elle n'a peut-être pas tort.Je pourrais repousser, me défendre, pétrir.Je pourrais cogner avec mes genoux.Subir les yeux et les statues, subir ma structure, ou encore séparer mes mains.Mais mon innocence me fait peur.
La fête des idiots..Dans la rue, il y'avait un homme qui dessinait au fusain des portraits, pour quelques euros.Les filles buvaient comme des hommes.Je m'éloignais des corps vulgaire.S me dit "je ne te déçois pas hein ? Je ne me le pardonnerai jamais".Puis S vomit.C'est l'alcool qui monte à la tête.Moi, en rentrant, je dis toujours "je n'ai pas bu".Je ne bois pas, je ne fume pas.Je joue le rôle de l'adulte.Parfois, on me le reproche "tu es un garçon déséquilibré".Je manque de m'évanouir à chaque fois.Equilibre.La beauté des corps puis le dégoût."Vous êtes un garçon malade".Le dégoût. Puis l'éclat de rire.Alors, je suis passé à côté de cet homme qui dessinait.Il a léché du regard mes yeux d'adulte.Il a caressé du regard, l'ondulation de mes cheveux à cause de l'humidité de l'air.Son haleine chaude.Il était seul.C'est un chien sauvage, une biche blessée.J'aurais pu m'asseoir en face, sur le tabouret.Le regarder me dessiner.Immobile.J'aurais pu.Pour la grâvité avec laquelle il m'a regardé en passant comme pour me dire « je sais tes pensées, je sais tes yeux ». J'improvise.Je baisse le regard.Je ne veux pas."Monsieur, je peux ?".Non, je n'ai pas d'argent, et puis vous savez, je n'aime pas assez la forme de mon visage pour ça.Vous savez, je suis porté par les sens, et mes lignes sont infinies, irréfléchies.Menacées.Vous pourriez m'offrir une de vos pages blanches et vierges, je pourrais vous prouver qu'il y résidera mon visage : la transparence.
M. dit que je suis un peu spécial. : "c'est à cause de l'écriture et de tes yeux noirs". Chaque fois que quelqu'un d'autre apprend que j'écris, je me maudis. Je le dis, je l'annonce, mais je ne veux pas qu'on le découvre. Je veux que ça paraisse un mensonge. Ne voyez pas mes folies, elles sont sincères.
Les lettres de Marine sont longues.Marine.Marine chez les Hednin.Marine et ses examens.Je connais tout.Ou presque.Marine écrit : "Je ne veux pas grandir, mais ça, tu le sais déja, je l'ai remarqué au Manoir, quand tu es sorti de table pour prendre Marion dans tes bras".Marine ne veut plus aimer les garçons qui ne l'aiment pas.Marine veut voler.Profiter de ses 20 ans.Marine veut couper ses cheveux avec des couteaux de cuisine."Apprends moi à devenir une femme". La déshonorer de ma tristesse. La nuit. Dans son appartement. La nuit. Sur le trottoir. Où j'ai écrit, tellement de lignes, que j'ai eu peur des passants, et des figures qui s'y assemblaient.
J'ai souvent le vertige.Comme ça.Pour rien.Parce que j'ai peur de tomber de moi même.
Quand je me mets à lire, j'entre en apprentissage. C'est autre chose que celui que je fais. Officiel. Trois jours par semaine. J'apprends le frisson.
J'ai déjà oublié le lycée.Les rires.Les mains, ces ventouses.Mon pére est partout.Partout, il m'a appris à aimer.Pas à apprécier. A dévorer.Cette envie.Je suis mon pére.Sous la forme d'une fragilité cruelle.Je protége.Mon père.Je souris.Je saute au cou.Je ne veux pas écrire pour me prouver.Je ne veux pas écrire pour être lu.Je ne veux pas d'une écriture mensonge.Je ne veux pas me vendre aux yeux.Je veux être ma propre écriture.Je veux l'essentiel.Je peux tout partager.Tout offrir.On peut me tuer.En aimant.Je veux offrir les mots.Sans laisser de trace.Sans laisser d'empreintes.Simplement les jeter.Aux visages.J'ai toujours rêvé de baigner mon corps de mots.Et d'éclabousser les passants.J'ai toujours rêvé d'être dans le mouvement du vent.J'aime beaucoup ma barbe, mes cheveux longs. J'ai l'impression d'être en retard. De n'avoir pas compris quelque chose comme un meurtre. Un rasoir. Vous savez. Un rasoir sur la différence..La ville la nuit.Les jardins.Les amours qui oublient.
Le sourire, de l'ancien amour qui vous dit :"je ne sais plus où j'en suis", est comme le coeur qui vous arrive dans les tempes : l'envie soudaine de l'aimer à nouveau pour lui redonner sa place.
Tzara a dit :"Nous ne voulons pas écrire, nous nous laissons écrire".
En errant près de Convention, hier après-midi, il y avait un garçon qui me suivait, le pas pressé. Il m'arrête dans les couloirs du métro..Me demande où se trouve la Rue de l'abbé.Je réponds que je ne sais pas, qu'il a inventé ce nom.Il dit que oui, c'était un prétexte. Je lui réponds que c'est dommage, que ça aurait pu être plus original.Il me demande si je'ai déjà tué, je réponds « presque ».Il me demande si j'ai deux minutes pour le suivre.J'aurais pu répondre que j'avais toute la vie pour suivre, ramper, siffler.Lui dire que mon enfance est une grande liberté.Lui avouer que mes 8 ans se cachent.Lui dire que je suis censuré.Lui apprendre que là bas, les poètes transmettent la chute, qu'ils m'apprennent à fuir, qu'ils ont des plumes dans le ventre, qui leur permettent de voler.Mais non, je me suis contenté de dire "Non, je n'ai pas le temps".J'aurais aimé qu'il me réponde que personne ne possédait le temps, que ça ne nous empêchait pas d'aimer, de donner, de s'offrir.Mais non, il s'est contenté d'un bavardage,timide..J'aurais aimé lui dire "ça doit être étrange de draguer, de te contenir, de paraître, qu'est ce que ça fait ? Tu te sens intimidé ? Pressé ? Pourquoi tu ne voudrais pas seulement m'accompagner en silence le temps de finir ce couloir ? Tu sais.Juste pour dire d'être là.D'être entré dans ma vie.Sans infraction.Le silence est une politesse.Une marque d'éducation.Pourquoi tu ne m'aurais pas porté mes idées ? Ca m'aurait enchanté, des tonnes d'idées.Pourquoi ne pas me donner de consignes.Pourquoi ne pas disparaître après m'avoir rendu le coquillage ? Qu'est ce que ça fait de draguer ? Est-ce que j'étais positif ? Est-ce que c'est mon parfum ? Mon allure maladroite ? Parce que je cours, je provoque ? Est-ce parce que je suis l'apprenti ? L'animal des mers chaudes ? Est-ce parce que je parle une langue de sel ? Mais non, je me suis contenté d'un "ah..." et d'un sourire timide.Il m'a demandé si j'aimais les garçons. J'ai répondu j'aime D. Je ne sais pas pourquoi.
Et je suis parti rejoindre Marine.