17 décembre 2021

Désirer comme une femme

La première fois a ressemblé aux suivantes. Les suivantes à la première. Je ne sais à quel moment le fil des pareils-aux-mêmes, s’interrompit, à quel instant je pus au plaisir prendre ma part. Celle qui m’était due. Le désir je le savais, pas par coeur certes, on ne le sait jamais en entier, ni aujourd’hui ni plus tard, le désir je le sentais boule tiède dans le ventre, petit animal doux et ronronnant, sensible aux images, aux regards. Le désir parfois violent, carnassier prêt à tout rompre, le désir hurlant, à l’intérieur de moi semblable une foule en insatisfaite, affamée et avide de sang, de dents enfoncées dans une chair tendre comme du pain frais. Le désir solitaire me clouait insatisfaite, hors d’une totalité que je pressentais, qui, de justesse, m’échappait, me faisait étrangère. Je ne parvenais pas, piégée en haute mer, sans vent, sans courant.

 

Le désir fonctionnait parfaitement bien. C’était au niveau du plaisir que ça coinçait.
On aurait dit que la peau ne suivait pas le mouvement muet, que l’influx nerveux ne parvenait pas jusqu’aux profondeurs, comme si le désir s’engageait dans toutes mes impasses intimes, qu’aux embranchements décisifs un éboulis de pierre coupait la route en deux. Le plaisir ne venait pas. Orgasme enfoui trop profondément, dans des couches géologiques sans nom, minéral fragile, tremblant, invisible. 

 

Je demeurais insensible à la main follement désirée dont la matière, au contact de ma peau, changeait. Devenant métal dur, froid après avoir semblé argile mou, tiède.

Brusque, impatiente, douloureuse. 

 

Moi, je ne savais quoi faire de ce désir, ces impasses, ce courant électrique, alors je reprenais les paroles, les mêmes depuis le début, comme une comptine ânonnée de toute ma chaleur tourmentée. Je me disais qu’en répétant toujours la leçon quelque chose finirait bien par vibrer, une juste récompense me parvenir, alors je disais, je répétais, je m’exclamais puis je me suis tue sans croire au silence. Je me suis tue. Aphone. 

 

Je ne dirai pas que c’était désagréable, je dirai que ça rendait le temps long comme l’attente dans un train arrêté en pleine voie. On signale un problème électrique pour expliquer la paralysie momentanée. Je revenais à ce problème électrique, le signal ne se traduisait pas, aucune intervention intérieure ne semblait pouvoir ressouder les fils dénudés. Tous mes efforts semblaient vains.  

 

Je restais assoiffée, le corps impertinent, rageur ou vengeur. Pourtant, je jouais le jeu, j’écoutais les désirs des garçons puis, sans que rien ne s’en trouvât changé, des hommes. Toujours la paume d’argile devenait la pierre rude, insatisfaisante, puissante d’aucun feu. Les poils, les leurs, les miens, un buisson d’orties frôlé d’un peu trop près. 

Le désir intact. Le petit animal grandissait, atteignait une envergure mythologique.  Je me souviens :

Le garçon que j’aimais dormait d’un sommeil pur et je me tordais, agitée d’un désir qui me paraissait coupable. Dans l’immobilité son corps retrouvait lentement la couleur tendre du sable chaud, je sentais dans les creux de son dos comme de minuscules tanières, des abris microscopiques qui sentent bon la forêt, la mousse, le refuge et la cabane maladroite. Le désir montait, intact, comme une musique intérieure, une fanfare festive, assourdissante. Ca ne clochait pas ici. Puis s’écrasait, anéanti sur une plage vide, n’abandonnant aucune trace sur les galets ronds et polis. La marée montait, puissante, sans jamais dépasser la falaise immense de la côte. Le plaisir devait se trouver de l’autre côté du mur infranchissable. J’attendais le déluge. 

Posté par boudi à 15:10 - Commentaires [0] - Permalien [#]


11 décembre 2021

KOTS

Tu ne vas pas reculant mêler
la sueur à la sueur le sang avec le
sang
au long dîner de ton toi épuisé
Comme chaque fois tu tiens
entre tes mains toute ta vie
cette mémoire de rien du tout
cette vie la tienne autant qu’au receleur
le bracelet dérobé
Tu ne vas pas reculer
Tu déposes, brume brûlante
ton espoir ta croyance
ton dieu supérieur et tes idoles
paniquées
tu alignes près du ring
toutes tes superstitions
le pendentif d’os cannibale
la tête minuscule d’un sorcier
vaudou terrassé par sa propre magie
le miroir dont on dit qu’il renferme l’image
immortelle
de Nicolas Flamel
le Saint-Suaire acheté
à l’ombre du grand temple
auprès d’une jeune juive aux cheveux
teints orangés tant dorés que tu les pris
pour la moisson et la mort
une croix toute tordue
d’un martyr égyptien qui refusa
d’embarquer avec les Dieux
Tu te signes tu ne recules pas
à la montée des eaux tu ne crains pas
le dégel du continent arctique
le tonnerre des neiges fondues
dévalant à vive allure prédateur
blanc insatiable
Toi, séisme le poing pied
la main elle passe tu la devines
la main passe lentement lente la main
qui passe t’effleure la main qui passe
t’effleurant cette main dure sévère
lente à mourir cette main comme
les cheveux roux d’une vieille juive
un jour à Jérusalem qui vendait aux
naïfs l’ombre la cendre du Christ
il fallait regarder les mains
de la vieille juive
rouges les mains rouges les cheveux
du sang du sauveur
la main touche
quel espace ouvert là
soudain
quel abîme
sépare en deux le doux le dur.
Tu entends au loin des voix inhumaines
comme le chant aphone des anges déchus
le froid soudain t’entre dans la peau semblable
à dix mille clous te perçant les membres
te voilà serrant les dents la main revient
tu distingues dessus l’ombre du sauveur
tu mords la main tu bois le sang de la main
tu entends de l’autre côté l’hurlement vivant
de celui qui tient sa main
la mâchoire mâche la main maintenant
dans une étrange mare de baisers et de brisures
ta main à toi se lève ta main à toi affamée
d’espace parcourt le vide à une vitesse inouïe
quand dans l’air accourent tu ne les comptes pas
d’autres mains sèches ailes dures polies par l’effort
par la mort
on te parle
comme si tu ne pouvais plus
entendre
comme si tu ne pouvais plus
sentir
tu demandes

Posté par boudi à 16:47 - Commentaires [0] - Permalien [#]

17 novembre 2021

Sofiane

 Je me souviens de Sofiane et de sa console Nintendo Nes. Sofiane avait deux ans de moins que moi et m’imitait en tout. Il vivait dans l’immeuble voisin du notre. Il buvait du Cherry Coke parce que je buvais du Cherry Coke et ajoutait du ketchup à ses pâtes parce que j’ajoutais du ketchup à mes pâtes - des années plus tard, Louis, m’expliqua avec effroi combien ceci lui apparaît dégoûtant.

Avec Sofiane nous jouions chez lui à Mario Bros. Dans une pièce qui n’était pas sa chambre, au fond du couloir, à droite, sombre et tapissée. Après avoir vaincu le premier boss, un garçon-champignon nous gratifiait d’un thank you ! or, en ce temps, nous ne disposions pas du moindre rudiment d’anglais 

(en CM1 je lisais le petit Nicolas et ce mot, rudiment,
pour parler de l’anglais 
était associé au bon élève de la classe 
qui se prévalait, lui aussi, de rudiments 
et ceux-là valaient à peu près les miens
il parlait le rudiment
comme moi) 

        Moi, devant faire honneur autant à mon aînesse qu’à mon magistère, et qu’importe que le prix en fut la duperie, dît à Sofiane que nous allions obtenir, prochainement, comme récompense de nos habiletés, un tank - puisque c'était à la fois le mot le plus proche dans notre langue et l'objet le plus excitant dont nous pouvions rêver. Le père de Sofiane nous indiqua, un jour, gâchant le charme des mythes - les adultes s’obstinent par nature à gâcher la légende et ne lèguent de mondes que tristes, inhabitables et pollués de réalité - que ce petit bonhomme champignon nous remerciait en anglais ce qui, assurément, quoi que trouvant l’urbanité nécessaire à la vie collective, se trouve beaucoup moins utile qu’un tank. Surtout pour combattre Bowser, un dragon harceleur de princesse, et sa clique de plantes carnivores et de chaussons sur pattes aux sourcils froncés.

        Le père de Sofiane était tourneur-fraiseur et je ne comprenais pas bien ce que le mot fraiseur représentait. Il travaillait à l’usine et c’était dur ceci je l’avais compris, à cause de son air las lorsque lui-même en parlait. Tourneur-fraiseur et je ne pouvais m’empêcher d’imaginer, au milieu du bruit des machines, un coin de bois, de ronces où parmi les angles métalliques, poussaient je ne sais quels fruits doux, sucrés, tendres et juteux. Je voyais aussi, lorsqu’il entrait dans les détails plus techniques, parce que je l’interrogeais, les étincelles flamboyantes crachées par la vitesse contenue dans le mot-profession de tourneur. Enfant, ma curiosité, trait général des enfants je crois, se contenait mal, malgré la sévérité de ma mère et son envie, toujours, que nous paraissions bien, c’est-à-dire nous taisions, ne réclamant rien, disant toujours non. Je n’ai guère perdu, sincère curiosité, le goût des questions indiscrètes, prétend-on, profondes selon moi. 
        La patrie imaginaire me plaisait bien et la réalité m’indifférait beaucoup, je racontais à Sofiane que le monde intérieur, le mien, se trouvait être un pays véritable dans lequel d’autres moi que moi vivaient et qui n’étaient pas moi, ces autres moi, vraiment. Je pouvais moi me rendre dans moi et, pour donner le change au dehors, aux adultes, surtout eux redoutant par trop les disparitions d’enfant, me substituer un alter venu de mes confins intérieurs. Ces autres moi, de même apparence extérieure mais possédée d’une autre âme, tenaient en des fonctions assez basiques, SINGE, sorte de bouffon ne vivant que pour la farce et la gaudriole, NINJA, habité par la violence qui me permettait, de rosser qui me déplaisait et d’autres dont j’ai gardé souvenir moins marquant.
       
     Un jour, après une partie de billes disputée où nous ne savions trancher vraiment qui de Sofiane et moi fut le vainqueur, Sofiane joua de sa connaissance de mon secret et menaça de révéler ma terre d’exil à ses parents et aux miens ce que je le suppliai de ne pas faire. Trop paniqué je ne pensai pas à convoquer l’argument moral, m'indignant de sa félonie d'un je te faisais confiance cinglant, comment oses-tu. Je le suppliai donc non parce qu’ainsi, trahi, mes parents m’interdiraient l’accès à ce pays seul précieux mais parce que mes parents, trahissant la vérité - spécialité, nous l'avons déjà constaté, des adultes -  abolirait ce pays en lui et, par extension, pour moi. Eglise ne tenant que par et à sa foi. 

 

 

Posté par boudi à 17:06 - Commentaires [1] - Permalien [#]
Tags : , ,

15 novembre 2021

Loriane

Un matin, novembre c’est Loriane dans la cour de l’école primaire. Elle me parle, je n’entends plus, de si loin, les paroles. Sa voix fait comme une marrée, un bruit de vagues. 
A mon poignet flotte ma montre toute neuve, une casio noire à affichage digital. Sa main touche - ne finit pas de toucher - ma main. Se déplace et, sans que je n’ai rien demandé, resserre à mon poignet le bracelet. 
Marque d’amour la marque le soir retrouvée sur le bras.
 
Je me souviens, la vague de chaleur blême qui me parcourt, je me souviens le lieu exact la cour de récréation, les arbres, la saison, la foudre. Pas la première foudre, certes, le plus puissant, vertige. Pour longtemps. 

Le premier émoi, plus tôt, c’était vers quatre ans, dans la cour de l’école maternelle, elle s’appelait Sandra. Brune, très jolie, toute petite je dis, écris jolie petite brune, m’étonne de dire, jolie petite brune pour dire le visage imprécis, prisonnier des yeux de la mémoire. Visage oublié et souvenu en même temps. 

Sandra, que je croise au supermarché Champion
avec mes parents
 Souhaitais-je, plus tard, volant plus qu’à mon tour
 dans les supermarchés,
elle la dérober et par le geste malandrin 
mon enfance recouvrer ?



Longtemps, je portai mal montre pour que Loriane ou, plus tard, toutes les figures aimées, en pensées, en désir, renouent à mon poignet ce premier geste d’amour. 
J’ai été amoureux, comme toute l’école, de Loriane pendant des années. 
En CE1 un jour que mon institutrice se trouvait malade nous dûmes être dispersés dans les classes d’autres enseignants. Mme Pichly, maîtresse Minotaure, terrorisait tous les enfants moi y compris. Elle portait de grosses boucles d’oreille dorées, des tailleurs aux tons marines et, surtout, était la maîtresse de Loriane ce qui la rachetait d’à peu près tout. Je décidai, au soulagement, de quelques autres, de me porter volontaire pour la classe de Loriane-Pichly. Doux espace. 

A l’école, j’adorais jouer avec les filles (je jouais au football à la cité) parce que j’adorais la corde à sauter et l’élastique. Loriane et moi jouions ensemble, souvent jusqu’à ce que…je ne sais quoi de laid, de pleutre en moi, d’un orgueil blessé et blessé jamais d’autre chose que de ma propre couardise. Je ne sais pourquoi, j’ai mimé la détestation à sa plus grande surprise. Longtemps, cette pente si banale, cette pente de gâchis - et de sa propre vie - je la suivis…

Plus tard, des années après, j’écrivais à la fille que j’aimais et que je fuyais

déplaire est mon plaisir 

et elle de répondre 


ce n’est pas mon plaisir que tu me déplaises

Longtemps, je mis à la remonter, cette pente. 

Loriane et moi furent dans la même classe en CM1. Sur la photo de classe de ce temps-là tous les visages, malgré le temps, demeurent intacts à l’exception du sien qu’immédiatement, j’avais effacé. Je crois en utilisant un peu de salive - baiser malade ? et mon ongle pour gratter. Arrachant, copeaux d’image, l’incarnant sous ma peau, dans mon système, passant dans le sang, mouvant, aujourd’hui encore.
Elle règne, sur la photo, fantôme plus vivant que les visages confus, devenus indistincts de l’enfance. 
Eternité curieuse à quoi je l’ai consacrée. Une ombre très pâle, la même qui toujours à mon poignet resserre la montre défaite. 

Ce petit espace, là, entre la peau et le bracelet
l’interstice de l’amour

Posté par boudi à 02:55 - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : , ,

04 septembre 2021

L'amour, la mort, les vagues

Le bonheur, jamais, ne constitua pour moi une recherche centrale, digne d’intérêt ou d’entrain. Le bonheur, pour moi, toujours se montra évident, rayonnant ou obscur, sans devoir résulter d’une lutte, victorieuse ou pas - toujours menacée, d’avec le malheur son heureux rival.

être là

Une sorte de vieille rumeur, colportée de dictons en bouches champêtres, de gratte-ciels en ondes radio, évoque, pour dire la chance et le bonheur, un être là au bon moment qui, pour moi, a valeur de pléonasme ; être là suffit. 


Être, pour moi, en mon existence particulière - non généralisable aux forêts vierges ou aux idoles détruites - ne se déroule, ne se vit jamais qu’au bon moment. Chaque geste, donc, porte et étend le bonheur d’être là. Tout le perpétue.

Le bonheur ne m’apparaît jamais comme une chose revêche, dangereuse ou boudeuse. Je le saisis, sans délicatesse ou science particulière. Je garde, en la matière, loin de moi le geste pernicieux de l’archéologue ou celui, plus sordide, de l’amoureux. 


Ne connaissé-je pas la détresse ?


Si, plus qu’à mon tour, depuis toujours, sans que les spectres et toute la matière abrasive qui, souvent, en moi, s’élit domicile, n’entament en rien le bonheur, qui, si je dois aller plus loin, se confond avec la joie.

J’appelle, il me semble, au fur et à mesure que je le déroule, bonheur cette sorte d’inépuisable confiance en la vie. Le noyau dur, impénétrable, sans qu’aucun acte positif ne contribua à cette résistance ; ni herses montées, ni alliage de fer, de carbone, d’argile ou de courage. 

Aucune aiguille aussi fine ou vicieuse soit-elle n’y peut entrer ou, du moins - surtout, n’y saurait laisser son empreinte. 

La douleur ne se confond pas, à mes yeux, avec le malheur. Elle me traverse, la douleur, comme si moi, matière transparente ou souple, semblable à de la gomme à mâcher, ne pouvait connaître la cicatrice qui, du fait de sa permanente redondance (cauchemar, la nuit, ou points de suture le long du majeur), constitue la vraie mesure de la douleur.

La blessure, toujours, apparaît comme un doute, trop brusque, trop intense, trop énorme pour être saisie dans sa vérité. Elle existe moins comme sensation présente que comme souvenir. Nous somme bien davantage certains d'avoir été blessés que d'être blessés ; il faut attendre le spasm post-traumatique, les trois gouttes de sang échappées de la blessure ne valent rien, fausse monnaie de la douleur. 


Si je continue de dérouler ce rapport au bonheur et à la douleur ou, plutôt, si j’en remonte le fil en quelque sorte biographique, je tombe, au milieu de la fouille, sur la question de l’origine à laquelle, paradoxalement, je ne porte qu’un intérêt limité et, au pire, purement intellectuel. Je crois, même, que ce point là, ou ce refus d’un endroit matriciel, explique, en partie cet inextinguible du bonheur. Des choses horribles, objectivement, je veux dire selon les critères de l’horreur mesurable, médicale, sociale pourtant survinrent, m’arrivèrent, je puis en faire le récit très tragique or, celui-ci, se trouverait très vide de larmes, de sang ou d’encre. Il imiterait, afin de se conformer, les attitudes, voutées ou tragiques, du malheur prescrit.

Je me remonte, sans cesse, comme un jeu, si j’explore mon passé pour retrouver mon présent c’est, souvent, par un chemin différent qui change, sans le changer vraiment, mon je actuel. Je reviens au moi contemporain par d’éventuels détours, délesté de certaines vérités peu décisives, enrichi d’autres. Mon origine ne connait pas de point de départ, le je se rebrousse instantanément, touche un point déterminé (connu ou non, sur la grande carte de soi-même, toujours des destinations inconnues) et, à ce point parvenu, ce souvenir, je reviens au présent pour me réatteindre (me recommencer?) je randonne en moi-même. 

Egouts, voies rapides, chemins vicinaux, cohabitent.

Sur l’origine la relecture de Freud me fascine. Voilà un homme qui convainquît d’autres de ses congénères que sa conception poétique du monde et des êtres humains valait science et vérité. Poésie du je, donc poésie lyrique.  

La question du suicide si, régulièrement, depuis aussi longtemps que je crois pouvoir me souvenir, m’habite, elle m’habite sans…maladie, sans contagion, sans prolifération douloureuse. Elle appartient, comme celle de la faim, de l’amour, du travail ou de l’art, à un choix de vie qui à ce titre se discute, trouve, en moi, dans mon interprétation du monde, de solides arguments.
Je compte le suicide au nombre des destins acceptables. 

Je n’accorde pas, excepté par goût du spectacle, quelque importance à l’épitaphe et, si par devoir romanesque, je me décidai à en choisir une elle serait : tout va bien, tout ira bien.
Celle-ci, non moins vraie qu’importerait la raison de ma mort. Que cette morte résulte d’un suicide, d’un duel à l’épée émoussée, de m’être hissé, sans me voûter, à l’âge vénérable de 99 ans et, à cet âge, veille de mes cent-ans, anonyme ou non, trébucher, sciemment ou pas, sur une plaque de verglas devenue, même en mai, banales comme, peut-être, seront banals les billets de 500.


Au terme de cette sorte de narration du bonheur, ce jeu, de ce moi remonté, cette illusion de deux pages, ce chemin tortueux d’italiques, de choix arbitraires qui, pour l’heure, constitueront une partie de ma périssable vérité. 

Posté par boudi à 23:21 - Commentaires [1] - Permalien [#]
Tags : , ,


15 août 2021

Opium - Jeu d'écriture


IZALGI 500 mg/25 mg gélule 
(paracétamol, poudre d'opium) 
est une nouvelle spécialité 
antalgique de
 palier 2, indiquée 
chez l'enfant à partir de 
15 ans et chez l'adulte, dans le
 traitement de la douleur
 aiguë 
modérée
intense, en cas 
d’échec
 des antalgiques de palier 1.
(…)



poudre d’opium, comme si, timidement, par le détour des ordonnances et des pharmacies ou, plutôt, plus justement ici, des officines oui, pour revenir au langage meurtrier des années 1900la substance Morphétique pouvait resurgir.

article 2 loi février 1916 : punis d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de mille à dix mille francs ou de l’une de ces deux peines seulement, ceux qui auront contrevenu aux dispositions de ce règlement concernant les stupéfiants tels que : opium brut et officinal ; extraits d’opium ; morphine et autres alcaloïdes de l’opium


Modeste cet opium, diminué, remboursé, institutionnel si l’on peut dire et, à ce titre, comme toutes les choses administrativement reconnues, amputé. Opium modéré, infans, remodelé, accompagné, gardé ou, plutôt, certainement, oui, surveillé par cette sorte d’aîné sec, sévère, le Paracétamol qui laisse l’esprit en paix, négocie, toujours perdant, piètre diplomate, avec la douleur : aigüe, modérée, intense. Vieillard ou soûlard, tapant le foie, de sa canne molle, hurlant d’une voix aigre. 

Et si je déchire par le milieu ce comprimé d’Izalgi quel passé survivant, quel chant quelle, mélodie ? 
Les tragiques accents de cette 
mystérieuse
plus vaporeuse que la poudre d’opium
la mystérieuse au visage poudre de riz
pour rendre l’atroce douleur muette
la mystérieuse peau blanche blanche blanche blanche
blanche du sommeil irrécusable
la mystérieuse spectre étrange
autour de quoi ni mains
ni poèmes
ne savent plus se nouer
ni rêver
sinon trouvant fantôme
Ni Personne, ni Desnos, ne surent sauver
celles et ceux tombés entre les griffes
de cet amant mortel, faux amoureux
assassin véritable

(…)
Le risque de pharmacodépendance doit également être envisagé en raison de la présence de 25 mg d'opium par gélule.


Rien, ni Nancy Cunard ébouriffée, rien, une poudre blanche, mate, pas le Charleston, pas la loi-même. 500mg de paracétamol, 25 mg d’Opium. Rien.

Posté par boudi à 17:48 - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : ,

13 juin 2021

A toi la maudite.

 

M., à 19 ans, remportait le prix de Flore pour son premier roman. Quelques milliers d’euros, là-bas, où une bouteille, à chaque visite devait l’attendre. Or, M. ne peut se rendre à sa guise au café de Flore parce que sa mère lui ôta, comme souvent les mauvaises mères à l’amour fétide, une partie de ses forces. Cet amour, sordide, cet amour que cette mère, comme d’autres, croyant bien faire, souhaitant décider pour leurs enfants - conçus comme simples dépendances d’elles-même - cet amour arracha à M. la moitié de sa vie. Dépendances, j’écris et, plutôt, même, oui, remise et débarras où cette femme entreposait (et continue) ses névroses, ses jalousies, ses frustrations.

Dix-neuf ans, un monde à venir qui ne vint pas. Les cerbères se tiennent sur bien des seuils et cette bête là, devant l’avenir de son fils, montait une garde farouche, l’empêcha d’y descendre - ou d’y monter.
Elle engeôla (oui ou, vraiment, cage-ola - ses actes d’amour, de tendresse toujours, en vérité, dissimulent ou affichent le meurtre, le crime, la souillure) ce fils tout en, émue d’elle-même, se flattant d’être une excellente mère.

Elle suicida la moitié de la vie de son fils et l’autre, celle qui reste - immense - tient semble-t-il de justesse. Je crains souvent, comme d’autres, que le funeste projet de cette femme n'aboutisse. 

Les pères de l’Eglise, d’Augustin à Tertulien, tenaient la reproduction (et donc les femmes) pour répugnantes à cause de ce que l’engendrement charnel contenait la mort et, donc, dédoublait la chute originelle. C’est d’avoir chuté que nous mourons ; et de mourir que nous chutons à nouveau. 
Il fallut dix siècles de théologie pour retourner ce dégoût et valoriser, cette fois, la procréation. Seulement, je me dis à l’instant, cette méfiance, peut être, intuition des sages presqu’antiques, ne visait-elle pas seulement les mères-monstres ? 

M. ne manque pas de délicatesse ni, par ailleurs d’excès. 

M. et moi divergeons sur le lien même qui l’unit à sa mère. Je crois, moi, qu’elle voulait donner à sa vie (celle de M.) la forme qu’elle envisageait, elle. Surtout, il fallait qu’il obéisse, et quelle pire école que l’internement psychiatrique, la contention, les paralysies chimiques. Tout, dans le parcours médical qu’elle lui infligea raconte cette volonté de dressage, d’asservissement, de soumission. Pourtant, il ne se soumit pas. Il plaignit, se révolta. En vain. La main visqueuse de la mère assistée du bras non moins gluant de la psychiatrie s’étend(ent) à l’infini. Aucune cachette ne dure ni n’est sûre. 

Femme duplice ? Elle admet que son fils soit un grand écrivain - et se glorifie elle-même d’avoir engendré cet écrivain. Seulement, manifestement, cela ne suffit pas. Ou, peut-être, ne comprenons-nous rien, nous autres, trop simples, trop d’une pièce. Amour inouï celui de cette femme bourreau-bourrelant. Goût romantique, très dix-neuvième, très déplacé, visant à instituer son enfant aux hauteurs mythiques et le sens du mythe, selon son goût faisandé (à elle), ne se peut atteindre que l'être-écrivain crevé de mille flèches ou, en la circonstance, le cerveau grevé de neuroleptiques ; il faut être martyr, se dit-elle, et, Judas solaire, elle accepte le rôle, la grâce duplice, du bourreau-déifiant. Soit.

Judas, lui, se pendit.

M. à la sortie de son premier livre décida de se consacrer à l’oeuvre dont il se sentait, si on peut dire, le responsable. Sa mère le refusa sèchement. Le rendit fou (la folie résulte de l'assignation, non de mesures objectives), l’interna, le damna publiquement (un procès). Sa mère condamna cette vie sans recours - sinon chimique - possible. Sa mère, que nous appelons ensemble sa « » tant elle se rend, chaque jour, un peu plus indigne de ce mot.
M., lorsque la vie, comme chez chacun, le déborde ne peut trouver nul secours chez V. sa « », là-bas, à Orléans où elle vit - comme dans un échec. Si M. se plaint, il ne reçoit que deux sortes de réponses : je te l’avais bien dit (c’est à dire : tu aurais du te soumettre) ou j’appelle la police (c’est à dire : j’appelle l’HP c’est à dire : tu devras te soumettre et mourir)


Il y a quelques jours, sous des poussées d’angoisse et de peur, Ma. faillit mourir. Il m’écrivit « j’ouvre le gaz » sans que je ne sache s’il ne s’agissait que de la parole excessive de l’écrivain ou, de celle, mesurée, lucide, du désespéré. Il s’agissait de la seconde. Sans nouvelles pendant quatre jours je parvins, à force de recherches, à trouver le numéro de sa « » avec laquelle je pris attache et son attitude me stupéfia. V., tout au long de la conversation, moi qui ne voulais savoir qu’une chose « Comment va M. », me répétait quelle extraordinaire « » elle avait été et tout ce qu'elle sacrifia et  son amour immense et incomporable etc. J’attendais qu’elle me dise « M. va bien » non pas (pendant 20 minutes !) l’entendre m’expliquer, ce dont je me contrefoutais, sa perfection (à elle) morale. Il était à croire, l’entendant, qu’elle (ac)cumulait en son coeur, en son âme, en ses mains, toute la bonté de toutes les saintes, réceptacle ultime du bon, du beau.

A-t-on jamais vu sainte ou martyre mener quiconque à l’échafaud ?

Quel amour, oui, condamne ?
Poursuit en justice
Un fils
Interne-tue 
Un fils ?

Sa sainteté immense brise la vie de son fils, cette « » lui refusa si fort, si violemment ce qu’il souhaitait être qu’elle le réduisit à la glace, à la cendre, à la fin. Avant ce message, cette ouverture du gaz, M. tenta de fuir sa « » pendant des années, craignant sa  « » il évapora les 90 000 euros des gains de son premier roman. Cette dépense, matérielle, typologiquement signifie le reste, annonce l’advenir, cet épuisement des forces, physiques, littéraires. De chambres d’hôtel en chambres d’hôtel, de pays en pays, il échappa à la traque avant, épuisé, vidé, de revenir chercher un toit auprès de sa « », ignorant alors ce que serait ce toit : celui de l’hôpital psychiatrique - lieu de néantisation. Encore.
« » aurait voulu forcer en lui un destin auquel il se soustrayait de toutes ses forces s’en sachant, l’ayant prouvé, doué, lourd, d’un autre.
Par un pouvoir exorbitant elle l’assassina administrativement. S’il ne se destinait à ce qu’elle décidait, il devrait payer cher.
Elle insinua, en lui, le poison et se flatte, chaque jour, elle, de n’être que remèdes, les larmes de sainte, coulant effusion brutale, pour panser l’âme d’un fils bouleversé. Et tous les actes d’amour revendiqués de cette « » blessent. Tueront.
Les paroles de M. me fendent le coeur. 

La « » de M. au lieu de lui apporter tout secours, matériel, affectif, moral, au lieu de ces étayages nécessaires, ne fit peser sur lui que la méfiance, le reproche, le soupçon, toute pleine de récriminations contre ses choix de vie. L’Art, souvent, oui, fait de l’homme ou la femme qui s’y adonne, un être tragique. Seulement, cette tragédie, provient de la nature de l’Art. Pas de la corruption des parents. Pour M. il en alla autrement. La littérature lui était douce et les parents atroces. 

Lui interdisant cette route c’est sa vie toute entière, sa vie à lui, qui ne tînt qu’à un fil ces derniers jours, dont elle le dépossédait. Comment, par incompréhension et, si j’ose dire, par incompétence maternelle, de tels drames peuvent surgir et pourquoi, même, ces drames, ces tragédies de  funeste envergure ne cessent de surgir, atroces ?
J’aimerais que ces choses se sachent, plus largement. Une semaine durant, à cause de l’amour malsain, défaillant, de sa « » je croyais perdre mon ami. 

M., pour toujours, portera la marque de cette cruauté de celle qui dit, sûre d’elle-même et de son bon droit, « je suis une excellente mère, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour lui ». Quand, essentiellement, elle employa ses forces à la destruction de celles de M. 

Sa « » jamais ne comprît ce que l’art signifiait et, parce qu’elle ne le comprenait pas, voulut l’assassiner dans le coeur de son fils or, ignorant tout de l’Art, ne s’apercevait pas que toucher à la création c’était toucher à la substance même de son enfant. Au téléphone je disais à V., la « » de laisser son fils en paix, de l’accepter tout entier, qu’importe le coût de ses choix. L’amour d’une mère, d’une vraie mère, l’amour de ma mère, moi, me porte, me protège et défend, mordicus, chaque aspect de moi-même, et c'est ainsi, je crois, que l'on apprend, soi-même, à aimer.
Alors, le désespoir, jamais moi, ne peut m’être mortel, il existe pour moi un sanctuaire qui n’est pas la froide province et les portes épaisses des hôpitaux psychiatriques. Si j’ai un asile, il s’appelle Maman qui jamais ne se muera en « »-PSYCHATRIE. 

 M. a écrit un magnifique livre, l’Architecture, publié chez Fayard. Il faut, malgré la difficulté abrasive de ses lignes, le lire. 

 

Les derniers échanges, avec M., me fendent le coeur.

Courage, très cher ami. 

 

Capture d’écran 2021-06-13 à 01

Posté par boudi à 01:30 - Commentaires [5] - Permalien [#]
Tags :

13 mai 2021

Twitter 12 mai 2021

12 mai : 

Chiara est #juive ce qui provoque parfois des tensions avec ses camarades de classe.
Tensions sans importance, de mauvaises blagues d’adolescents qui jouent avec les limites. Il arrive que Chiara s’énerve c’est antisémite et Rayan, mort de rire, répond
tu vas appeler la #LICRA ?
Les paroles, parfois, cependant excèdent le permis, Chiara sent bien qu’un vieux fond #antisémite baigne toutes ces « blagues ».

Chaque fois que le conflit #israélo-palestinien se trouve une actualité, ce bain rance engloutit.
Chiara, parce que la situation s’apaisait ces dernières années, n’y pensait plus. Elle ne remarquait même pas que les blagues antisémites, pour peu qu’elles demeurassent, se prononçaient avec moins de conviction. Ca passait. 

Chiara, ne dort pas cette nuit, la #guerre entre le #Hamas et #Tsahal la terrifie, lui donne de l’insomnie.
Elle écrit à Anissa vers 2h du matin
Chiara : putain ça va être horrible demain
Anissa : je sais mon père casse les couilles
Chiara : les ovaires
Anissa : casse pas les couilles toi
Chiara : Rayan va être trop relou
Anissa : mon père là #yahoudi, #yahoudi #yahoudi 
Chiara : mes darons…ils ont rien dit à table.

Les parents de Chiara, juifs, intellos, de gauche, qui ont transmis à Chiara une solide culture littéraire et intellectuelle, l’encouragent dans toutes ses prises de position politique, admirent son courage et la remercient de prendre, presqu’en leur nom, la défense des plus faibles. Sarah, sa mère, se sent fière de sa fille quand à Kippour, en 2019, en famille, elle défendit le #voile auprès d’une assemblée plus que réfractaire.
Les parents de Chiara ne comprennent pas tout des engagements de leur fille et acceptent, eux, d’être un peu dépassés ma chérie par tous ces trucs cisgenre et compagnie…on te fait confiance… 

Les parents de Chiara ne dorment pas non plus. Ils regardent cette chaîne d’info en continu qu’ils détestent tant #i24News sorte de #BFM israélien, au goût prononcé pour le scandale. #I24 diffuse aussi en français et, cette nuit, Sarah et son époux ne se sentent pas capables de penser en hébreu. 

Ils voient à la télé les #explosions
ces morts pour rien
Comment va David à #Tel-Aviv ?
Julien vient de m’écrire…il est dans l’herbe avec un chauffeur de taxi
Y a 130 #sirènes qui sonnent
C’est la #guerre
#IsraelUnderAttack
#GazaUnderAttack
#Lod
Quelle horreur, quelle horreur…
Salauds #Netanhyaou 
Salauds #Hamas
#Milice. 

Ils auront le temps d’atteindre l’#abri ? 
90 secondes il a dit David pour y aller
Seulement ?
#Missiles, #Roquettes, #F35, #F16, #Qassam
#DômeDeFer
Des larmes, partout, des larmes. 
Le droit d’Israël à exister
Le droit de la Palestine à exister
Jérusalem
3 fois sainte


Ils savent que les prochains jours seront difficiles ici, qu’on leur demandera de prendre position, les juifs, les arabes, tout le monde attendra d’eux une prise de position sans nuance.
A #gauche on les considérera comme des meurtriers s’ils ne condamnent pas #Israel en les termes les plus dur ; les #juifs les traiteront comme pire que des traitres s’ils ne souhaitent pas l’abolition des palestiniens. 

La mère d’Anissa, pleure, devant les images d’enfants morts que lui montre son mari sur l’ordinateur. Il veut les montrer à Anissa, papa je veux pas voir ça ! 
Aziz : Ah tu veux pas voir, tu veux pas voir…#harki !
Anissa : Tu me parles pas comme ça !!!
Zohra pleure encore plus : hlass, hlass, hlass
Anissa au père : Tu casses ton ramadan hein
Aziz : qu’ils aillent se faire enculer les #juifs
Anissa, entre ses dents, : alcoolo de merde.
Aziz : regarde, regarde, il tend son smartphone cette fois. 

Anissa voit, dans des langes enveloppés, 7 #enfants immobiles, Anissa voit 3 femmes, à genoux dans la poussière, un grand voile blanc leur couvre la tête. Elle devine leurs larmes, elle fait face aux images du désespoir, de l’injustice. Son coeur se serre et une bouffée de haine monte en elle qu’elle réprime de justesse. Elle se souvient, cette photo, l’avoir vue ailleurs. 
Papa…c’est une photo de #Daesh ça 
Aziz : harki, harki 
se tourne vers la mère
Aziz : t’as vu ta fille, lahchouma, 
Anissa, entre ses dents, : c’est toi la honte de la famille. 

Max ne dort pas de la nuit, trop excité par la guerre, il jubile devant les explosions il tape sur son clavier
t’as vu la précision de Tsahal ?
Wah les roquettes, pouh pouh pouh 

 

Posté par boudi à 00:38 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags :

Twitter 10 mai 2021

10 mai :
Les filles se retrouvent pour déjeuner, la #demie-jauge c’est fini. Ce matin M. Feumer, avec beaucoup de majesté : sa seigneurie #Blanquer autorise nos réunions et la transmission verticale et disruptive des savoirs en jauge pleine. 
Toute la classe hilare, Rayan : eh vous êtes trop drôle monsieur.
Anissa : T’es trop trop belle Lou aujourd’hui
Chiara : vazy viens on arrête de parler de la beauté c…
Anissa : T’es trop jalouse parce que t cheum 
Chiara : n’importe quoi 
Lana : c’est vrai c’est chiant
Anissa : vos grosses têtes là
Lou rougit, en entendant les paroles d’Anissa, elle ne rougit pas d’être flattée, elle rougit de honte, de regrets et de secrets. Elle refuse autant que possible de penser à son apparence et refuse même d’écrire sur ça, ce corps sinueux, maigre longtemps, apparition à peine. La beauté de Lou ne ressemble en rien à la beauté de #mannequin d’Ophélie. Lou beauté plus simple, peu apprêtée, involontaire et embarrassée en quelque sorte.  
Lou a vu sa poitrine enfler avec horreur. Pour lutter contre l’inéluctable elle dormait sur le ventre en pesant de tout son poids contre le matelas. A la biologie elle opposait cette sorte de physique naïve et primitive. Lou devenait trop belle comme le lui répétait Anissa plusieurs fois par semaine. A douze ans, son premier amoureux, Sam la traumatisa pour toujours. Il avait 16 ans, avait plus ou moins exigé qu'elle soit sa copine, Sam avait redoublé, il était en 3ème, Sam était beau, Sam avait un scooter et avait couché avec plein de filles, Sam c’était la star de l’école.
Le premier jour de leur couple - officieux comme elle le comprit plus tard, il l’emmena dans un coin isolé de la butte Montmartre et joua à la caresser puis, interrompant son geste, la regardant durement dans les yeux, t’en parles à personne sinon c’est fini. Lou, ne comprenait pas trop ce qui se passait mais accepta. Une après-midi, elle l’invita chez elle, sa mère avait coutume de rentrer tard. Une fois dans la chambre, Sam la jeta sur le lit, Sam enfouit ses mains sous son t-shirt, Sam lui fit remarquer d’un rire cruel t’as pas de eins lorsqu’il voulut glisser la main plus bas, Lou cria si fort que, paralysé, Sam s’interrompit avant de partir en hurlant que c’était fini. L’été il se remit à lui écrire des messages tendres au début et de plus en plus sévères et exigeants. Peu avant la rentrée scolaire 
on peut se remettre ensemble par contre tu fais pas comme la dernière fois. 
Lou, accepta sans comprendre bien ce qu’elle acceptait. Sam, la #viola, elle apprit, plus tard, que la baiser c’était un pari. 
Lou, ne s’en remit pas, sa solitude s’aggrava. Elle profitait d’Internet pour trouver du contact social et ne plus être la meuf trop bizarre. Anissa fut sa première vraie amie, le reste des filles suivit pour lentement la guérir. Chacune à sa manière, Lana avec son #BTS2NDWEEK, sa légèreté et son sérieux aussi, Chiara et le féminisme de #balancetonporc dont elle parle toujours, Anissa, parce que c'est évident et Ophélie par sa douceur. 
Lou tire Anissa par la manche : S'il te plaît Anissa...
Anissa : Ouais ?
Lou : J'aime pas quand tu dis que je suis jolie
Puis Lou éclate en sanglots, 
Anissa : eh tranquille
Chiara : t'as dit quoi ton encore
Anissa : mais rien
Ophélie s'approche de Lou, instinctivement, quelque chose de primitif, "là" les relient. 

 

Posté par boudi à 00:37 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags :

Twitter 7 mai

7 mai :
Le lycée Jacques Decour se situe à la frontière du 9ème et du 18ème, il accueille une population hétéroclite, un des rares lieux de #mixité encore possible dans Paris. Plus à l’ouest, le lycée Jules Ferry ne compte d’élèves qu’issus de la bourgeoisie du 9ème ou du 17ème. Situé Place Clichy, jadis haut lieu de l’interlope, des rapines et d’Henry Miller, elle abrite désormais des terrasses chics, une population bobo qui vote #Hidalgo et peut-être votera #Jadot.

La mère d’Anissa fait #ramadan et sa pratique ne déborde pas, elle ne s’en vante pas, la garde pour elle. Scrupuleusement, elle prie cinq fois par jour, lit le Coran, prépare pour #ZakatAlFitr les denrées alimentaires et un peu d’argent à donner, le jour de #l’Aïd aux nécessiteux. Zora, la mère d’Anissa, n’aime pas #Israël sans que, à l’inverse du père à moitié-alcoolique à moitié complotiste, elle n’imagine #Israël responsable de tout le malheur humain. 

Anissa déteste Aziz, son père, elle réduit au maximum ses interactions avec lui. Aziz adore ses enfants, tous ses enfants. Sale égoïste, lui avait envoyé à la figure Amine  l'aîné (27 ans aujourd’hui) avant de partir pour toujours, gardant contact avec le reste de la fratrie, surtout Anissa sa benjamine qu’il adore. Il a ouvert en Chine, à Pékin, une boulangerie française au succès fulgurant, là-bas, comme par ironie je suis un vrai français dit-il. 
Anissa, elle, simule le ramadan pour ne pas blesser sa mère. Elle se délecte, avec une toute petite pointe de culpabilité, des sandwichs #libanais et du coca-cola zéro qu’elle boit avec les copines. Elle ne parvient pas à manger de porc, sauf le saucisson…c ouf ! le week-end elle boit et rit et profère des paroles violentes contre son père.
Anissa, collégienne, tenait l’#Islam en horreur avant de revenir, observant la tranquille pratique de sa mère, sur son jugement d’adolescente. Les discours de télévisuels et la vague #islamophobe qui monte, plus encore avec les #attentats, et bruisse y compris au lycée, lui donnent parfois, par provocation, envie se proclamer musulmane. Elle s’en abstient, elle entretient toujours avec la religion ce rapport ambigu, elle ne peut pas s'empêcher de trouver insupportable la place que toutes les religions font aux femmes. 
Lou et elle doivent passer le week-end ensemble, que toutes les deux. Anissa tient absolument à ce que Lou lui lise de la poésie. Toute seule, elle lui dit j’y arrive pas, c’est trop dur. Alors Lou, favorisée économiquement et culturellement, lui lit des poèmes et lui prête parfois des recueils. Le dernier de Sylvia Plath, en édition bilingue, a fait pâlir Anissa qui, en plus de l’habituel violence symbolique de la poésie, a du se confronter à ce décalage culturel régnant entre Lou et elle ; tu lis l’anglais toi lui dit-elle mi-impressionnée mi-jalouse. 
Lou : Elle a pas l’air bien Ophélie
Anissa : jsais pas avec #insta et tout
Lou : la semaine passée c’était.
Anissa : chelou ouais
Anissa : lis moi vas-y
Lou, les yeux dans le vague : pas venue en cours de la semaine
Anissa : ouais ouais
Lou : jamais elle sèche comme ça
Anissa : on a graille avec elle mardi mercredi ça va
Lou : même avec le fond de teint on voyait les cernes
Anissa : jeudi même 
(pause)
Anissa : Lana cassait les couilles avec #BTS sur son enceinte. 
(pause)
Lou : on fait la philo ?
Anissa : ça se voit tu l’aimes trop Feumer. 
Lou : n’importe quoi !!!

 

Posté par boudi à 00:36 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags :