Jeudi 20 avril 2023
Hereford :
(saison 2023-2024)
Deuxième saison, entière celle-ci, avec Hereford. Effectif que je peux, malgré un budget très limité, modeler à mon envie (pauvre). Budget limité à tempérer si nous devions le comparer aux budgets d’autres ligues, SeriousCharly sur Twitter et Twitch s’est amusé aussi à jouer une partie commencée sans emploi, embauché en troisième division nord irlandaise ou deuxième division lituanienne, il bénéficiait d’un budget de zéro euro de salaire ce qui le forçait à recruter des joueurs payés en olives noires ou spécialités locales. Les propriétaires du club me permettent de dépenser 60 000 euros avec un budget salarial, à affecter à tous les joueurs, de 57 000 euros par mois. Par maladresse, je dépense tout le budget sur le médiocre Henry Woods qui s'avèrera tout à fait dispensable.
J’ignorais les règles contractuelles du championnat et aucun juriste ne vînt me prévenir. En effet, le contrat d’Henry Woods arrivait à expiration très prochainement, or il est possible, lorsque le contrat n’est plus valable que pour six mois, de faire signer le joueur gratuitement (il rejoint son nouveau club à l'expiration de son contrat mais sécurise son avenir), seulement, parfois, faire signer ce contrat avant son expiration entraîne le versement d'une compensation obligatoire. Ce dont je fis l’amère expérience parce que je me privais, alors, pour un joueur inutile de trop d'argent.
A l’avenir je demande à mon adjoint, lorsque je repère des profils semblables, de ne commencer la négociation salariale qu’APRES l’expiration réelle du contrat ou si le club accepte de le céder pour 0 euro.
Toujours est-il, j’ai du budget, à peu près 20 000 euros de marge pour compléter l’effectif. Je dégage des joueurs. J'en signe d'autres. Grands mouvements.
(ça dégage)
J’écrivais, dans mon précédent billet, que la valeur symbolique du football en Angleterre et en France ne correspondaient pas, la popularité de ce sport, en Angleterre, déborde largement les frontières sociales. Chaque membre masculin d’une famille se revendique d’un club et transmet cet amour à la génération suivante. Les clubs de divisions inférieures, comme Hereford, vendent tous les ans 1200 abonnements (à 200 euros par an), c’est à dire que tous les matchs de ce club de sixième division accueillent au moins 1200 spectateurs payants. Pour une moyenne de 1800 spectateurs par match, ce qui en France équivaudrait à un club professionnel (tous ne le sont pas) du top 3 de la troisième division.
Les anglais s’attachent à leurs clubs locaux, il existe, pour eux, un enracinement par le club de football qui, celui-ci, peut se doubler, non nécessairement mais souvent, d’une affection pour un club des ligues supérieures.
Cette spécificité anglaise tient, j’imagine, à l’histoire de ce sport né dans les publics schools, ces établissements d’élite, et formalisé par les aristocrates, répandant le football partout, donnant lieu à ce que l’on appelle, aujourd’hui, des derby c’est à dire l’affrontement entre deux clubs d’une même ville. Ces derby, à cause de l’éclatement communal français (36 000 jusqu’il y a peu) et à l’intérêt modéré pour ce sport, n’existent pas en France, les derby, au mieux, sont régionaux, Saint-Etienne Lyon par exemple. En Angleterre, les villes se coupent en deux (ou pour Londres en 5 ou 6), chaque partie, historiquement liée à une classe sociale, Manchester City, club populaire, fondé par des religieux pour distraire de la délinquance les jeunes hommes désoeuvrés, Manchester United devenu rapidement propriété d’un riche homme d’affaires. Ce partage se retrouve partout. Arsenal/Tottenham pour Londres, Everton/Liverpool pour Liverpool. Contrairement à ce qui s'entend partout à cause de l'écho continu des ballons de football, la France "n'est pas un pays de foot" comme le veut l'expression consacrée par les suiveurs du "beautiful game". Il a fallu attendre le début des années 2000 pour voir émerger des analystes du football l'intellectualisant, contrairement au reste des pays de foot. Il n'y a qu'à lire n'importe quel auteur argentin pour s'en convaincre.
évidemment les aristocrates finirent par se détourner du football pour revenir à leurs amours plus sophistiquées et inaccessibles où le cheval, signe de distinction premier et princier, tient la part belle.
Je signe plusieurs joueurs assez talentueux pour ce niveau en leur offrant des contrats à mi-temps et des salaires compris entre 1500 euros et 3000 euros par mois sans compter les primes. Je me débarrasse d’une quinzaine de joueurs. J’intègre aussi des joueurs payés au match, sans contrat.
Luke Pearce sera mon attaquant remplaçant, j’obtiens Tarik Gidaree, joueur de Bolton, en prêt qui sera un fantastique latéral droit, je signe Luis Fernandez qui constituera le coeur de mon équipe, défenseur central rugueux, violent, pas adroit des pieds, mais on lui demande surtout de casser les attaquants adverses, pour le ballet nous irons à l'Opéra...enfin à la salle communale d'Hereford.
Obtention, après maintes demandes, de deux diplômes d’entraineur (deux formations de quatre mois), désormais titulaire du diplôme national B que le club me paie après avoir, réticent, refuser de nombreuses fois de crainte que ces diplômes ne me rendent trop attractif auprès d’équipes de standing supérieur. Si je m’attache lentement à ce club il ne pourra me permettre que de molles perspectives d’évolution, je n’éprouve pas un amour suffisant pour vouloir en faire une nouvelle place forte du football britannique. Patiemment j’attendrai que mes résultats et mes diplômes m’offrent de meilleures chances de briller.
Turn-over incroyable des joueurs qui restent rarement plus d’une saison, les contrats ne peuvent, sauf clauses spécifiques, excéder une année. Précaires parmi les précaires, mon contrat, aussi, se joue d’un an en un an, toujours soumis à l’évaluation des propriétaires du club. Après tout j’occupe cet emploi parce qu’ils dégagèrent mon prédécesseur aux résultats insuffisants.
Les joueurs filent les retenir est complexe, je n’ai qu’à peine le temps de les connaître comme un professeur à mi-temps. Ils occupent des fonctions, leur poste, que je tente d’optimiser en considérant leurs aptitudes. Tu ne t’appelles ni Stuart ni Mickael, tu t’appelles MC (milieu centre) ou MZ (Mezalla) AP (attaquant pivot) ou RS (renard des surfaces), si tu manques à ton poste ou défailles, un autre te remplacera.
Pour moi qui, auparavant, ne m’était jamais lancé dans cette sorte de RP, en commençant si bas, j’évalue difficilement ce qui fait un bon ou un mauvais joueur, un joueur d’un niveau suffisamment compétitif pour le niveau auquel j’évolue. Les joueurs possèdent des attributs physiques, mentaux et techniques notés sur 20 et certains d’entre eux plus ou moins appropriés à leur rôle dans l’équipe. Un attaquant, par exemple, devra avoir une bonne finition, une bonne qualité d’appel, une bonne vitesse s’il prend la profondeur. A l’inverse un défenseur devra avoir une bonne note en tacles et en marquage, nous nous fichons d’un défenseur doté d’un 18 finition et souffrant d’un 4 en tacles.
La difficulté vient de ce qu’à ce niveau là, les différences d’un joueur à l’autre sont assez faibles mais, vu le niveau moyen, ces petites variations entraînent de grandes conséquences sur le jeu. S’adapter est difficile.
Si nous connaissons les attributs de nos joueurs nous ignorons, sauf observation payante et déduite du budget, les attributs des joueurs que nous convoitons. Et même après observation par notre adjoint leurs attributs peuvent demeurer lacunaires
Construire une équipe dans ces conditions est une gageure. Aucun joueur ne sera assez bon pour être performant dans tous les systèmes, à ce niveau là un joueur versatile est un joueur nul, il les faut choisir unidimensionnels, capables de n’accomplir qu’une quantité limitée de choses mais de les faire au mieux.
Certains joueurs, lorsqu’ils s’avèrent trop bons pour le niveau auquel j’évolue profite de la brièveté de leurs contrats pour signer gratuitement, c’est à dire sans indemnités versée au club (le mien) d’origine, dans des équipes offrant de meilleures perspectives financières et sportives. L’un de ces ambitieux, Jonathan Dinzeyi (que j’ai sauvé du chômage), m’a informé, à la mi-saison, de son choix de quitter le club à la fin de son contrat, ainsi, comme couperet et rappel permanent, à côté de son nom figure la mention TG, pour, Transfert Gratuit. Lorsqu’il m’apprend la nouvelle, je recrute, Bayli Spencer-Adams joueur de qualité équivalente qui aura toute la saison pour s’accoutumer à mon style de jeu.
J’emploie aussi cette technique de la fin de contrat pour débaucher des joueurs d’équipe adverse. La lutte est âpre pour recruter les talents errants. Le jeu associe un qualificatif à chaque joueur selon sa carrière en prenant en compte, notamment, le nombre de clubs intégré. La plupart de nos joueurs sont des bourlingueurs non par choix, la sédentarité en matière contractuelle est un luxe, mais parce qu’allant de brefs contrats en brefs contrats.
Comme en France, souvent, la plupart de ces joueurs semi-pro, ont connu un grand espoir, antérieurement, venant de centre de formation, dans leur biographie, je parcours leurs espoirs déçus, le délitement progressif jusqu’à ce qu’ils échouent ici, dans ces bas-fonds, qui leur offrent tout de même un salaire. Loin de celui espéré jadis. Je les vois jeunes adolescents, luttant contre des centaines de rivaux, passant les détections des clubs londoniens, Tottenham ou Arsenal, ceux du Nord de l’Angleterre les rivaux maudits, rouges tous les deux, Liverpool et Manchester United ou les détestations locales, United encore et son voisin de pallier, Manchester City. Pourtant, ils échouent, là. A chaque fin de saison, le jeu nous annonce que « les clubs libèrent leurs jeunes joueurs » ceux-là, rejetés ici, ne signant pas de contrat pro, sont la moelle de nos clubs inférieurs, ils ruissellent, ces échecs.
(une carrière aux espoirs brûlés)
Parce que je n’ai jamais été un tacticien extraordinaire et que mon équipe, relativement au niveau, demeure plus faible que la moyenne, je choisis de reconduire la tactique de la saison précédente : une tactique ultra-défensive, ne s’embarrassant que peu de technique et faisant jouer avant tout des qualités physiques fortes.
Le ballon brûle les pieds de mes joueurs. Avant tout il s’agira de ne pas prendre de buts. La saison commence mal, 4 défaites, deux nuls, deux victoires pour les neuf premiers matchs. La défaite 2-0 contre Peterborough Sports fait mal, je les voyais comme un concurrent potentiel pour la montée. Mais je commence à douter de celle-ci. J’ai promis à certains de mes joueurs, pour les convaincre de signer, la promotion dans la ligue supérieure. Promesse, heureusement, réservée aux joueurs et non aux dirigeants qui, enragés, auraient pu me virer.
Je prends peu de buts, mais je n’en marque aucun. Pour sortir un peu de la monotonie du championnat pluvieux, mon équipe joue des matchs de coupe, coupe réservée aux équipes non professionnelles, j’y affronte des équipes de division inférieure que je bats, redonnant confiance à mon effectif. Cogner un plus petit que soi…belle philosophie.
A partir de Novembre, je parviens à redresser la situation, je signe un nouvel attaquant, Luke Pearce, qui concurrence le titulaire Shaq Coulthirst et me donne de nouvelles perspectives tactiques. J’ajoute à ma tactique de base une alternative à laquelle les joueurs doivent s’habituer et me permettant de mieux m’adapter aux situations à venir.
FA CUP dite Coupe d'Angleterre
L’équipe joue aussi la coupe d’Angleterre, compétition ouverte à tous les clubs nationaux y compris des divisions les plus méconnues. Les clubs les plus prestigieux n’entrant dans la compétition que dans les tours finaux, après que les petits s’affrontent sans pitié dans ce qui se nomme « tour qualificatif ». Il me faut en passer trois pour parvenir au premier tour officiel (les équipe de première division n’entrent en lice qu’à partir du troisième tour officiel). Je passe sans encombre les deux premiers tours. Le 21 novembre j’affronte Carlisle United qui joue en quatrième division. Nous faisons match nul chez eux ce qui, selon le règlement, implique un match retour sur le terrain de l’autre équipe, ici, la nôtre. Ce match à rejouer est âpre. Surpris d’entrée, l’équipe adverse marque à la première minute de jeu par Taylor Chartes. Sans ajustement tactique, Luke Pearce égalise à la 23ème. Le match tombe dans un faux rythme, peu de tirs, une grande imprécision technique avant que Jonathan Dinzeyi ne marque, pour nous, sur corner travaillé à l’entraînement. Les équipes plus faibles doivent miser sur ces phases arrêtées qui égalisent le niveau. Hélas, l’entraîneur hésite à savoir s’il faut préserver le score avec des changements défensifs ou s’il faut maintenir la pression. Durant l’intervalle ce diable de Taylor Charles égalise à la 64ème. Les tirs au but départageront les deux équipes. Taylor Charles, encore, tout en confiance, frappe le premier tir au but avec succès. Siôn Spence lui répond pendant que tous les tireurs adverses manquent leurs frappes. Nous sommes qualifiés. Tirage clément, nous affronterons Gloucester (qui m’évoque Shakespeare) équipe de notre niveau qui, elle aussi, s’est extirpée des tours préliminaires. 4-1. Nous les broyons, malgré leur ouverture du score, grâce à un quadruplé de Shaq Coulthirst,
Le niveau moyen des équipes en lice augmente. Nous tirons Bolton, ancienne gloire des divisions anglaises supérieures, je ne suis pas serein, l’équipe joue en troisième division, dans un stade de 30 000 places, avec des joueurs payés entre 20 000 et 40 000e par mois. Je prépare le match du 9 janvier en consacrant les séances d’entraînement aux coups de pieds arrêtés offensifs. Avec une stratégie ultra-défensive. Nous l’emportons 1-0, grâce à Luke Pearce qui supplée la mauvaise passe de Coulthirst avec un grand match de Urwin, mon gardien titulaire, dix huit frappes de leur part contre une de mon côté. Nous nous qualifions pour le troisième tour, emportant par la même la somme de 80 000 euros ce qui, pour un club de notre envergure est énorme. Le match ayant été diffusé à la télévision nous obtenons aussi des droits de retransmission. Champagne.
Le 13 janvier nous affrontons, au troisième tour, l’équipe de Bristol, en deuxième division anglaise. Leur joueur le mieux payé Andreas Weimann touche 155 000 euros par mois. Son salaire annuel dépasse le budget annuel de mon club. Stratégie ultra-défensive en place. Nous obtenons un nul miraculeux à l’aller en tirant exactement zéro fois au but adverse. Comme précédemment, le match doit se rejouer à l’extérieur. Hélas, je ne parviens pas à trouver la faille dans l’équipe adverse, nous nous inclinons logiquement 2-0 sans rougir.
Reprenons le championnat
Les victoires s’enchaînent. Sur 22 matchs, je ne connais que deux fois la défaite, quatre nuls, et le reste de victoire. Je m’envole en championnat, pas encore de façon suffisante pour rattraper les équipes de tête qui ne souffrirent, pas comme moi, un début aussi chiche. Les dix matchs suivant me permettent de passer en tête, avec six points d’avance sur le second. Il reste moins de dix matchs. Les nuls s’enchaînent. Mes poursuivants me collent. A deux journées de la fin, je ne compte que deux points d’avance sur le second et le troisième. Je refuse de changer de tactique pour, y compris contre des équipes objectivement plus faibles, me montrer plus offensif. Je ne redoute rien tant que les buts marqués considérant qu'il est plus facile, en football, de défendre que d'attaquer.
(molesse)
J’aimerais m’éviter les matchs de barrage pour la montée et l’obtenir, directement, sur un match tout peut arriver et ma saison est trop belle pour la gâcher sur un pari.
Je bats Peterborough Sports 1-0, futur dauphin, revanche du match aller, je fais nul contre Southport autre rival. Finalement, je parviens à gagner le championnat, inscrivant mon nom au palmarès de cette ligue. Peterborough Sports finira second mais se verra priver de la montée suite à sa défaite en barrage contre Scunthorpe United qui m’accompagnera donc à l’étage supérieur.
Nous quittons la Vanarama North League pour intégrer la Vanarama National League. Parmi les équipes inscrites pour la prochaine saison je remarque une vieille connaissance, Carlisle United que j’avais battue en FA Cup (Coupe d’Angleterre) et qui, quand je monte, descend, nous faisant nous retrouver face à face.
La Promotion.
Après avoir obtenu la montée, je dois renforcer mon effectif, je m’étonne qu’un club de cinquième division puisse mettre à la disposition de son entraîneur de tels budgets, je peux, pour acquérir les contrats des joueurs, utiliser environ 200 000 euros et je dispose d’une enveloppe salariale de 80 000 euros à répartir selon les besoins.