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boudi's blog

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25 mars 2023

Une vie nue.

Parce que soudain tu parviens à ce point où parvenu tu déclares n'avoir plus rien perdre. 

 Nous revenons, souvent, parce qu’elle porte une puissante évidence, un grand trouble, à cette phrase si dieu n’existe pas alors tout est permis. 

Supposant, forcément, que la promesse de l’enfer - non même la récompense du paradis - nous détournerait, par peur, de nos actions immorales, plus encore que de celles criminelles. 

L’exégèse de cette phrase a permis toutes les platitudes de la Terre, j’y ai ajouté mon petit écot. 

 

 Je revisite, aujourd’hui, cette phrase, un pas de côté, dirons-nous, du royaume du ciel au royaume terrestre - qui l’eût cru qu’un seul pas de côté mais du bon côté séparait ces deux là.

Un tout est permis en dehors, justement, des rétributions post-mortem et du regard, toujours jeté sur soi, depuis ciel, ou quelque dimension où se juche le dieu-s-il-existe, je dis donc, le point du plus rien à perdre version, peut-être, mondaine de la mort de Dieu. 

 

Disparition, qui est un péché, de la valeur théologale première l’espoir. Sa négation, vaut, je crois, apostasie. Renier l’espoir c’est tuer Dieu en soi, c’est jeter l’hostie aux loups, couvrir d’eau bénite la tête du veau d’or, et noyer un enfant dans le sang de messe.


Parvenu à cet endroit de sa vie, la vie telle qu’on appelle, en société la vie, s’est éventée, demeure seule la vie nue. Parvenu, à ce point de soi-même pour qui, comme moi, déjà, ne couvrait sa peau qu’à peine d’une épaisseur de soie, il faut l’admettre, un tout petit pelage me séparait de la vie sociale, ordinaire, tout est permis. Déjà, dès le départ, à cause de la mince pellicule seulement de vie, je me tenais tout près du néant et con corollaire vivant : tout est permis. 

 

Je ne peux plus rien perdre. R., lorsque je lui énonce ceci tente de me convaincre de l’inverse parce que la raison raisonnable, nous opposerait, avec sa froideur inutile, que, jamais, nous ne perdons tout, tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir, y compris si demeure seule cette vie nue. A mon tout est permis, abolition de tout triomphe d’un éternel présent inconséquent, il préférerait sûrement un tout est possible. 

 

Nos visions convoquent des présupposés distincts. Le premier, sur quoi je reviendrai plus longuement, repose sur l’idée que la vie, en soi, vaut quelque chose, que ce quelque chose rien ne le dépasse. Repose aussi et surtout, en un rapport singulier - ou du moins distinct du mien - à l’avenir et à la durée.

Cette logique implique que le futur, puisqu’il peut s’investir, est un champ de possible, un lieu habitable que l’on pourrait semer, qu’importe si la terre est dure et salée. Jamais, alors, tout ne sera définitivement perdu, il existe, là, dans le champ désolé, un immense peut-être qui donnera, chêne immortel, ses fruits. 

 

 

Je ne mesure pas le temps de cette façon, mon temps n’est qu’un éternel présent, doté d’un peu de mémoire. Lorsque ce qui me reste me paraît trop peu alors je déclare que tout est perdu et si tout est perdu alors tout est permis. 

 

Dénué, aujourd’hui, parce que dépossédé, je déclare, j’ai tout perdu ou on m’a tout pris. 

Je n’ai pas joué ma vie, durant mon sommeil, une foule de spectres, entrée par la fenêtre, me prit tout. Leurs mains, la bave de leur mains, l’ignoraient-ils ? déposa en moi le bacille de la rage, dans mon organisme rapide palpitant, la fine couche de vie-non-nue, d’un coup sec a brûlé, la soie toute écarlate, voilà l’expression de ma haine, la forme, de mon permis de chasse. 

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25 mars 2023

bang

bang

24 mars 2023

Fendu

Je suis coutumier des crises nerveuses, des grands drames synaptiques, ces cessations de paiement de l’ordre ordinaire des logiques, des gestes admirables et bien tenus qu’on fait, disons, administrativement, afin d’obtenir, au guichet des existences, son salaire convenable, son allocation d’au-secours. Moi, souvent, je craque quand ça déborde, barrage fragile quand sourd le typhon, quand la mousson monte sanglante à mes yeux.

 

Souvent, en ces cas là d’exaltation douloureuse, je me mets en danger. En danger physiquement quand tout malingre je grimpe une statue et, pris de vertige à mi-hauteur, ignore maintenant comment redescendre, où se trouve le chemin inverse si aisément pourtant, cabri de surprise, parcouru. En danger, surtout, autrement, faisant feu comme si seule cette seconde existait, comme s’il n’y avait pas d’après, un monde affreux, quand tout devient permis parce que chaque seconde se consomme comme l’ultime…si plus rien, ensuite, ne demeure, alors l’instinct, celui de survie, de vie tout court même, qui ne se projette nulle part, la dernière, la primitive inconséquence. Tout est permis, non pas si dieu est mort, tout permis parce que non plus de futur, seulement l’expression de la rage antérieure, de l’explosion des intestins, nous pourrions jeter par là, puisque rien ne suivra jamais, ses entrailles, ses organes, prélever à soi-même le rein gauche tout gluant et palpitant avant de le jeter, lapidation toute charnelle, ceci est ma pierre, sur tous les ennemis.

Souvent, ma raison se fissure, alors, plus rien ne compte que l’expression de ma rage, mon goût presque obscène de la justice exacte qui ne peut se rendre qu’éclatante, procès pressé, le parquet lustré, la haine lustrée, les cordes tendues, feu, feu, feu, un poleton d’exécution.

Puis, ma raison revient. Parce que je reçois un appel, parce que la rage se tait, parce que le sommeil, enfin sans rêve, me console. Alors, je me rends compte ma démence, l’immense champ de ruines semés, les blessés, les autres, celles ou ceux qui d’abord me blessèrent, je retournais les balles à coup d’obusiers, je vois la terre dévastée, toute vaine devenue, dans les trous d’artillerie, où l’acier fond encore, s’élèvent de nouveaux fruits, des plaintes vertes qui préparent à leurs branches, les nouveaux poisons de folie.

Ma raison revient, je ne regrette qu’à moitié parce que je devais, parce que je voulais survivre, ne disposant alors que de ma folie pour me faire entendre, si ma bouche ne permet pas à la parole de s’imposer, alors j’ouvre mon estomac en deux, de chaque côté de la plaie, dans l’estomac digérant, sucs, les injures, une bouche ce trou de grisaille. Une bouche.

Ma raison revient.
Je me suis encore moi-même abîmé.
Me voilà passant devenant le fou affolant

Celui fou bouffon disant pourtant

comme tous ceux couronnés de breloques

la vérité pourtant


En attendant, la prochaine fissure. 

24 mars 2023

Epilepse

Parfois mon monde, hors tout épisode particulier, tremble à ses extrémités, semble, se contracter et à la fois s’étendre, en tous les cas, changer, changer, parfois, absolument, comme si de vibrer aussi indéfiniment, la vie entière pénétrait un état épileptique avec ses décharges électriques qui vous saturent les yeux d’images nouvelles, épileptiques et dangereuses. Le monde tremble, la raison, suspendue à un fil, et ce fil c’est la corde même, semblable du pendu, la raison s’y trouve, attachée ainsi la raison, à cette mince potence, au chanvre ténu, qui cassera le premier, la corde ou le cou, qui suffoquera d’abord, la potence ou la raison. 

 

Mon monde, régulièrement, tremble ainsi à son extrême, tout perd sa valeur usuel, son cours comme d’avoir, dans son sommeil, franchi une frontière mentale ; d’abord, la langue, nous étonne, son accent sans joie, ni les visages, d’ailleurs, un autre port de tête, une autre couleur. Nous ne reconnaissons plus rien et plus personne ne nous reconnaît. Ailleurs, malgré soi, pourtant tu croyais, tu crus depuis le départ, que tu étais partout hors d’ici et, pourtant, dans ce pays changé, fou parmi les fous, encore et tu n’es, en vérité de nulle part. Ni d’ailleurs ni d’ici. Tu seras au moins de toi-même, voilà ce que tu te dis, quand tu remontes de ton délire, tout collant encore, de la crise antérieure, celle qui faillit comme souvent, te laisser de côté. Tu sors, en permanence d’un mauvais rêve. Celui de la vie vécue, parfois, la mémoire. Tu revis en songes, les mensonges de C., son sexe appuyé sur ton visage. L’image te hante, te hantera longtemps jusqu’à je ne sais quel exorcisme. « Désolé » je crois que le spectre qui t’infecte s’il s’excuse disparaît. Alors tu attends, tu attends ici. Dans la veille ou son contraire. Ces mots là. « Pardon ». Tu attends ces mots, qu’elle ne dira jamais.

23 mars 2023

M.

Les événements tragiques se succèdent. On ne s’y fait guère. Hier, appel reçu de la mère de M. me demandant s’il m’avait, récemment, donné de ses nouvelles. Depuis deux semaines, inquiet déjà, je ne parvenais pas à entrer en relation avec lui. Parce qu’il vit dans un grand dénuement sa mère, régulièrement, lui porte des courses, qu’elle dépose sur le rebord de sa fenêtre ou sur son palier. Elle entend, signe de sa vie, de la musique classique ou voit de la lumière. Au cours des deux derniers jours, elle n’entendit plus rien, ne vit aucune lumière et s’inquiéta de ce que M., décida, d’éteindre sa vie. Alors elle m’appela et, parce que je ne savais rien, appela les pompiers pour qu’ils s’assurent de l’état de M. Il va mal, allait mal, son appartement était verrouillé de l’intérieur pour éviter toute intrusion salvatrice. Les pompiers, lorsqu’ils défendent la vie, s’indiffèrent, comme d’ailleurs les cambrioleurs, des portes et des serrures. M. va mal, allait mal, il fut transporté d’urgence, un transport, sans fin et je me sens, moi, dans cette ambulance, un autre lui, m’approchant à  mon tour du véhicule gyrophare tentant d’éviter celui qui de plus en plus près le suit, le beau cabriolet tout noir, ce corbillard.

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18 mars 2023

Requiem pour un massacre.

.

18 mars 2023

A vue.

D’abord il s’agissait

modulo modulant

la crise

cette pointe dans la tête

comme une corne érigée

jaillissant inspirée

du trident marin 

d’abord il s’agissait

sauf suspension un moment

de faire au mieux puis

aujourd’hui

après tout

ce sera faire au pire

après les efforts

de soutier 

souquant ferme 

dans l’océan des plaintes

maintenant la rame s’abattra 

désordre sèmera épée de bois

la rame s’abattra indistincte

tournoyante joli moulin aux pales 

d’assassins

empruntés à celui pal des bourreaux 

la rame de métal d’acier renforcé

baigné

trempé comme Siegfried 

nageant adulte dans le sang du dragon

terrassé

au pire après au mieux

le langage aquatique

de la fosse marine

là un peu encore

une fraction de vie

la lueur dans cette nuit sans fonds

où je m’enfonce à pas lents

la lueur le geste barbare moi

de la rame souquez dur souquez dur

la bataille dans la vase qui j’abats

au pire

m’extraire

diamant

du sable mouvant

la mine étrange gluante

au pire 

du pire

le mieux

 

en la guerre d’Ukraine, Xavier revenant, rapporte que les fusils à force de faire feu contre l’envahisseur russe, rougissent et se déforment, feu, feu, feu, jusqu’à la fusion de l’acier trempé, mes doigts aujourd’hui pareil, les phalanges rouges, rouges, à force de faire feu, recourbés aussi, griffes d’assassin, rougissent, rougissent,

feu

feu 

feu

 

 

17 mars 2023

Fukuyama

Comme une mécanique infernale

ce moi en moi-même

répétant revenant revenant répétant 

devenu moi devenu

Une phrase

la phrase de

Thomas Bernhard la phrase amplifiée sans cesse

retournant à son point de départ enrichie cependant

par la centrifugation

un pas de côté

une phrase la phrase de Thomas B.

enrichie à l’uranium 

verte brillante

la phrase

puissante

semblable non semblable

à moi la phrase de T. Bernhard

une danseuse 

en moi celui-ci uranium

par retour

rétrograde

chargé un uranium d’ordures

un uranium malheureux celui peut-être

des bombes sales

celles échouant au mauvais port

du cancer contagieux

mon uranium vert moi livide 

la figure pâle et verdâtre

du mort

transparent un peu

usé

le compteur geiger tremble devant

la phrase

de gêne d’embarras 

de peur

dans l’aller-retors des douleurs

l’écho, ce rebond

si la phrase de Thomas Bernhard augmente

la vibration le sens

au fur et à mesure du glissement

dans la répétition

la mienne

de phrase

si phrase veut dire vie

puissance désir

de départ en retour

s’amenuise il

n’en restera plus rien 

cette phrase de Jonathan B.

que la haie du bête clos

hé-

rissée

la bombe sale salement 

abîme celui vacillant là

moi ma phrase c’est à dire

la tenant toute proche

la phrase

comme sa vie salie

au contact de l’abdomen

la bombe sale au-dessus

de l'estomac

le diaphragme bat comme

le coeur

voilà l’endroit où se mesure

le pouls de la douleur

l’hoquet étrange

une respiration incontrôlée

la noyade aussi dans l’étang petit

un trou de boue disait rimbaud

putride pour sur la vase

la boue

du bois de boulogne

ou quelque coin d’herbe

et de pluie tu t’y rends

comme péri minuscule

nain devenu noyé dans la marre

tout devient crise et tout de go 

tu plonges dans l’eau rafraichie

les centaines de milliers de litres

où refroidit le petit soleil électrique

de Fessenheim

petit volcan endormi 

pour toujours

16 mars 2023

bang

Je disais taire n’est pas tarir et moi jamais je ne peux m’imaginer partir si je dois partir 

sans un

bang

puisque dans ma foi nocturne

hulule le grand oiseau des bois 

celui-là yeux perçants serres pareilles

si je dois partir comme je glisse là maintenant

ce dérapage incontrôlé dans la pente

raidie 

je ne le peux sans éclat

parce que taire ne tarit pas 

petite boule de feu 

enfant sauvage

muet

désapprends maintenant

ton éducation si tu brandis

la brindille enflammée

que la foudre frappe si souvent

désapprends pour devenir 

le grognement 

la crasse

la nudité

que ton corps tout ton corps

recourbé

incurvé 

voûté

ton corps on dirait le corps d’un vaincu

d’un soumis

celui perdant là la partie la guerre

ton corps ton corps courbé un corps

ignorant voilà 

bipède débutant sauvage très pratiquant

non sans un bang de la torche incendiée 

le crépitement répété si moi je brûle moi

du feu intime précipice celui de ma nuit des temp-

êtes

phénix généreux j’étends l’incendie 

l’incendie sans limite

qui monte

volcan inverse

du gouffre où je m’enfonce

monte et si je tombe alors

s’élève du fond des fonds

toutes les morts

16 mars 2023

la tête roule

La tête par là

la tête en haut ça commence ça a commencé là

en descendant lentement épaisse

la douleur qui coule

magma

ou

sève à rebours

celle d’arbres factices

enchaînés aux terres vaines

des mondes d’artifices

la tête par là

en haut

que ça débute

jusqu’au ventre

comme une grande ligne

d’épines

toute droite 

avant

la mâchoire tendue toujours

pour à force

comme mâcher une douleur

qui ne se digère pas

ni ne se déchiquette

bâton de réglisse

on dirait

que rien n’épuise

le temps peut-être

la bouche inutile

sa salive

toute eau claire quoi

purifie rien

langue pourlèche

la plaie

langue salée

des landes glacées

le langage avant

le langage ce banni maintenant

le tabou cette sorte d’ultime interdit

tu sens la parole une condamnée à mort

toi pareil ô grand billot

ici attache la tête

où le pal passe tout à l’heure

cette longue lame

sa corde assortie

tu feras tout à l’heure

un joli pendu ta mine toute verte

tu ressembles je crois

ainsi paré

de chanvre et de fer

à la vase atlantique

le moment où l’écume

tape sur les berges

les algues dansantes

la tête douloureuse 

encore toujours

le bourdonnement 

celui 

tout en même temps

une rumeur un silence

tu sais ne sais pas

toujours la même mort guette

tu ne savais pas

la mort porte

l’habit des rumeurs

tu ignorais

sa parure

le petit bijou à sa main

qui tinte 

le mensonge

qui détruit, clos

et tue

le mensonge

assis sur ton visage

immobile

tout soumis maintenant

tu te noies dans une mare 

mon pauvre ridicule

vas-y. 

15 mars 2023

SOS amitié

Chose très étrange que, tentant de se renseigner sur le suicide, les premiers résultats, toujours, dirigent vers des numéros d’écoute spécialisés. J’ai, une fois, tenté d’appeler l’un de ceux-là, pour parler à quelqu’un, je crois, pour m’assurer, aussi, de ma volonté. Pester, peut-être ou qu’en sais-je. Me faire intéressant, aussi, histrion jusque dans la mort et laisser l’interlocuteur désemparé ou las devant le sinistre spectacle. 

 

Je me demande, toutefois, pourquoi et comment, ces résultats arrivent en tête, qu’importe les mots clés tapés en français « tailler ses veines » « pendaison » « suicide » « urgence danger » arrive en tête des résultats celui de : « SOS amitié » « Aide Disponible » et un numéro de téléphone pour les joindre. En principe le privilège d’arriver en tête, de façon aussi systématique, d’une recherche réclame un paiement.

S’agit-il de la part des moteurs de recherche d’une libéralité accordée aux organismes de prévention devant « l’enjeu de santé publique » qu’est le suicide ? Je l’ignore tout à fait. 

 

Fait inhabituel, et contraire à ce qui se présente pour les commerces, le numéro de téléphone apparaît en gigantesque, comme un hameçon, comme de l’inévitable, comme du « essaie ». Quelque chose de pressant à voir apparaître ce numéro et peut-être même est-ce pour ceci que, la dernière fois, je l’appelai. 


Le nom de l’association « SOS amitié » raconte, elle aussi, quelque chose. Le suicide, sa cause, l’une de ses causes, ne résiderait pas dans un élément objectif de la vie des individus, ne saurait être choisi comme solution rationnelle et, ce nom, donc, renvoie à l’idée que tout suicide trouve, en partie au moins, sa (dé)raison, dans la solitude. Il ne s’agit pas, bien évidemment, de parler avec un « écoutant »  pour obtenir sa psychanalyse mais pour retrouver pied dans le monde réel, vivant, sortir de soi, du noir, de la douleur où, enfermé trop longtemps, seul le péri existe. Si, depuis enfant, je voulais mourir, ce n'était pas de solitude que je crevais ou non pas celle-ci qui voudrait l'entourage un désert et ma vie une soif. Je voulais mourir - le veux toujours - à cause de l'absurdité d'être, et plus encore, de durer. Vieillir, dès l'enfance, me terrorisait et, aujourd'hui que ma barbe blanchit plus encore. Je voulais mourir, non parce qu'étendant la main je ne trouvais nul corps et que parlant je n'entendais nul écho, je voulais mourir parce que je ne parvenais pas à être conquis par la vie. J'ai rêvé des années durant de ne jamais me réveiller, m'endormant, pourtant, sans aucune douleur, martyr de rien du tout sauf, croix tarabiscotée de l'absurde où, le pénitent même, est cloué tout tordu. Cubisme du suicide. Si solitude celle-ci ne peut-être consolée, elle est un hors du monde, une étrangeté, un en-dehors que rien ni personne ne peut, n'a jamais pu, combler tout entier. Si pour tous une part du soi demeure toujours de l'inintelligible, du non, du pas, de l'inexprimable, je sens que, en moi, cette part déborde de beaucoup. Ce à quoi je n'ai pas su. Pas pu me connecter, cette rencontre impossible avec le monde, la société. Solitude. Non pas, solitude.  

Souvenirs de cette famille, du Nord de la France je crois, qui, suicide collectif, laissa une note « on a trop déconné ». Je m’interroge quant à l’exactitude de mon souvenir et formule, pour moi-même, des hypothèses. S’agit-il, comme parfois, d’un meurtre familial et du suicide de l’auteur ? Par une recherche google (encore!) je tombe sur un article du Figaro qui relate les faits. La lettre, manuscrite, « soumise à un examen graphologique » précise l’article : « On a trop déconné. Pardon ». J’ignore, encore, si la retranscription ici est exacte, je me demande, si l’auteur de la lettre a bien respecté la syntaxe en utilisant les majuscules. Les faits, conformément à mon souvenir, se déroulèrent dans le Pas-de-Calais, l’idée d’un meurtre dissimulé s’efface devant le récit du journaliste. Cette famille de quatre membres s’est pendue de façon simultanée. 

 

« En découvrant les corps, jeudi dernier, les policiers ont en effet constaté que le ragoût préparé par la mère de famille était prêt à être réchauffé. »

 

« Ils vivaient toujours à quatre», «on ne leur connaissait aucun ami» racontent toutefois des proches. »

 

Ainsi la solitude. La solitude à 4 ? 

 

En me rendant sur le site web associé au numéro de SOS amitié, je tombe sur une page où figurent plusieurs logos et, notamment, celui de « l’union nationale prévention suicide » dont j’ignorais l’existence. Une grande machine administrative, publique et, j’imagine, aussi associative, tente de prévenir le suicide en France et continue, contrairement à mes croyances intimes, à le refuser comme solution mûrement pensée. Chose étrange, par ailleurs, rapportée aux débats actuels quant à l’euthanasie. Ce paradoxe quant au droit à disposer de soi-même, jusqu’à sa vie biologique et le besoin que la gestion de cette mort se passe de façon institutionnelle et médicale. On ne peut mourir sauf si l’Etat, comme en cas de guerre finalement, nous le permet. Etrange, tirant le fil, de se rendre compte que le suicide, toujours, lorsqu’il échoue, entre dans le cadre de troubles psychiatriques et entraîne, en ce cas, un suivi voire un internement et donc, cette fois, non comme l’euthanasie qui traite administrativement de la mort, une gestion médicale de la vie.

 

Je tombe, en même temps que je divague ici, sur un fil tweeter que des hommes « appellent les hotlines de prévention du suicide pour se branler ». Ah. 

9 mars 2023

Ponts.

Moralement épuisé. Depuis mes douze ans le suicide, comme issue de secours ou appel hors de soi me prend. En 5ème, en cours d’arts plastiques je crois ou peut-être de SVT, je demandai à Cyril, mon meilleur ami à l’époque, s’il pensait parfois au suicide. Il me répondit que non, qu’il était heureux, avec sa Nintendo 64 et son amoureuse Dorothée. Alors je n’ai plus rien dit. Souvent, quand des chagrins trop pressants me prenaient, j’enfonçais ma tête sous l’eau dans la baignoire sabot de l’appartement de la rue Jean-Baptiste Lully. On ne se noie pas comme ça. Pour se noyer, je l’ai compris bien plus tard, il faut être vaincu par l’eau, être dominée par elle. J’ai essayé, parfois, avec de bêtes couteaux, de me tailler les veines sans succès, n’y laissant même pas des écorchures. Suicides, jadis, sans conviction, opérés surtout comme un délestage des douleurs et le scintillement, au loin, de l’issue de secours. 

 

En 2017 au plus fort de ma pire crise je ne m’endormais pas un jour sans l’idée obstinée du suicide. A ce moment là, admis à l’hôpital de jour du IXè arrondissement, il me fallait toutes les forces de l’équipe médicale pour tenir. Mais toujours, jusqu’à aujourd’hui du moins, connaitre le suicide était pour moi une façon de ne pas exécuter le mien, de savoir que, à tout moment, si je le désirais vraiment, toute la violence, dedans, pourrait se taire, définitivement. 

 

Le 1er mars en organisant mon suicide, véritable celui-ci, en déchaînant tout ce que je contenais en moi de chaînes frustrées, retenues, d’acier rouillé, je compris la terreur de la mort, pour la première fois de ma vie. Pour la première fois de la vie, je sentis avec effroi ce que ce pouvait ne plus être, de passer de quelque chose au néant. L’absence de « l’après ». Toujours ce passage m’avait indifféré puisque, n’étant plus rien, je ne pouvais souffrir moi-même ma disparition et pourtant…pourtant à ce moment-là, sur le quai de cette gare, elle me saisit la terreur de n’être plus et, étrange pour moi, reliquat de mes années de dévotion envers Dieu, j’ai pensé à l’après-monde, à la possibilité de l’enfer. Pas l’enfer religieux, lieu de pénitence et de punition, lieu, presque pire, où l’âme évaporée erre sans pouvoir se fixer nulle part, j’ai eu peur du tourment pour l’éternité. 

 

J’ai rêvé mille fois depuis ce jour là de ce train qui fonçait vers moi et dont j’étais sûr qu’il me percuterait et que j’en finirai que toute cette douleur, cette pression dans le crâne, ces mots crucifix, que tout ça d’un coup sec cesserait. J’ai eu peur. Peur du suicide, peur du passage de la vie à trépas, peur, je pensais le métal froid ou tiède, je pensais la maladresse de moi tombant à moitié sur les voies l’hémorragie mortelle des heures durant. Peur. Peur. Pourtant. Pourtant, quelque chose en moi d’un ressort s’est brisé ce jour là, d’un ressort, ce ressort là dont je parlais plus tôt, du suicide comme une idée et non un acte, le suicide comme possibilité abstraite et non réalité douloureuse, ce ressort là, je l’ai senti a cédé, j’ai entendu son étirement jusqu’à la brisure. Je pense au suicide de façon froide et arithmétique comme d’avoir cassé la première limite, le premier obstacle qui, en même temps, est le dernier. Que la prochaine fois, parce que je ne vois pas comment il ne pourrait ne pas y avoir de prochaines fois, j’approcherai plus près. Loin des voies ferrées cette fois-ci, bien loin, je pense au monde aquatique, à cette mort privilégiée des poètes. Cela ou Woolf. Les poumons malgré le pouvoir de la métaphore ne se changent pas branchies. 

31 janvier 2023

haine.

J'ignore alors comment me défaire de la colère qui monte, un désordre du dedans parce que l'injustice, le mensonge, comme deux plaies m'écrasent et quoi il faut résister, piocher, exhumer, aller au fond des choses, de la mémoire la sienne, celle faillible, celle des autres, truquée et haineuse, se diriger vers l'autre, la mémoire dédiée, abandonnée, fiable à l'infini, sauvegardée sur l'ordinateur, l'image mouvement la voix diffractée face à ça la haine monte plus encore une haine teinte de vérité non pas déjà plus teinte cette haine mais toute haine parce que l'injustice cruelle parce que je peux hurler je peux montrer dire lisez bon dieu lisez bon dieu regardez écoutez alors comment comment pouvez vous par avance condamner lisez diantre lisez les paroles ses propres paroles et alors revenez revenez et si vous jugez toujours pareil alors d'accord à la blessure je me soumets aux chaînes je me livre mais non non je ne peux pas alors je construis cet édifice inébranlable ces preuves pleine de colère

16 août 2022

Trois jeans de chez Nudie achetés aujourd’hui,

Trois jeans de chez Nudie achetés aujourd’hui, des jeans « garantie à vie » prce que cette garantie épargne la Terre de toute surproduction ravageuse comme le soutient la marque, réparer plutôt que reproduire revient à protéger. Sonne comme l’adage contemporain, l’hymne désormais de certaines entreprises concevant à la fois que le monde risque de défaillir de son appétit productiviste et que, donc, utilisant ce constat unanimement partagé, il suffit de bien l’articuler à son produit pour en tirer du bénéfice. 
La « sustainability » comme ces marques appellent, désormais, ce concept qui veut, seulement, que la chose achetée connaisse la durée, résiste aux modes et à l’usure sans s’évaporer, que, en quelque sorte, l’époque moderne opérerait enfin sa mue, sortirait de son adolescence d’enfant prodigue, alors la consommation de masse passerait du gaspillage de produits - trop chers - de mauvaise qualité à des produits plus durables, plus propres, bref relevant d’un autre narratif commercial. 
La slow-fashion jeu de langage qui vient moquer tout ce qui est fast à commencer par le fast-food.
Je me demande, alors, si ces jeans, dont le prix d’achat tourne autour des 200 euros, sort « d’ateliers » situés en Europe (c’est que la slow-fashion et la « sustainability » connaissent des ateliers et non des usines, des partenaires et non des ouvrières) ce qui justifierait le prix de vente (élevé) et en ferait un argumentaire de vente, donnerait, du moins de la crédibilité à leur positionnement éthique. 
Nudie Jeans est une marque suédoise et l’on connait ces pays scandinaves célèbres pour leur vertu, leur féminisme, leur système social tordant d’envie, d’outre atlantique le pays inventeur du Jean et du néolibéralisme, l’ennui terrible de leurs façons d’être, l’arrogance des suédois et suédoises qui faisait vomir Stig Dagerman dans printemps français, la nourriture infecte. 
« We are an open book. You can see the Production Guide for details on where we produce. »
(nous sommes un livre ouvert, vous pouvez consulter notre guide pour connaitre des détails concernant les lieux de notre production)
« Our production are based on the Nudie Jeans philosophy and our enviromental- and social responsibility policies. »
(notre production est fondée sur la philosophie Nudie Jeans et nos politiques de responsabilité sociale et écologique)
Ce qui fait beaucoup de choses pour une marque de jeans et nombre de partis politiques ne montrent pas, pour des sujets autrement plus décisifs, une telle ambition ce que nous pouvons tous déplorer. 
En avançant plus franchement sur leur site, je vois, avec un effroi curieux, la mise en scène de leurs ouvriers et ouvrières, agencés dans une forme de bizarre néocolonialisme, où, comme l’air incertain, les travailleurs et travailleuses (turquie, tunisie, indonésie) portent des affiches imprimées « I made your clothes » (en anglais, évidemment).
De ces images se dégage un je-ne-sais-quoi déprimant, la supériorité morale des européens sortant, encore une fois, mais par le travail cette fois-ci, les pauvres orientaux de leur préhistoire économique. Il en va de même, ici, qu’avec le « commerce équitable » qui demeure, encore, prédation de ressources et captation du surtravail par de grandes entreprises. Pourtant, une partie de la production de Nudie Jeans se situe au Portugal ou en Italie (sans que nous sachions exactement ce que ça recouvre) et, aucun italien ou aucune portugaise ne porte le petit panneau. 
Voilà mon expérience, avec Nudie Jeans. 
 
J’ai payé mes 3 pantalons 43e sur Vinted, frais de port compris (et garantie vinted 0,70 centimes + x% du prix de l’article). Très sustainability.
This is the reason we started.
Every part 
Of every pair 
Of jeans 
comes 
with 
story. 
(#whomademyclothes #imadeyourclothes #transparency)
« We are an open book. »
Be PROUD of your journey
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treasure

(
Made with 
recycled 
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So, does Nudie Jeans climate 
compensate for our emissions? 
H*ll yeah, we do, 
and a lot more than that.
 he is running around the office 
putting up signs 
reminding us to turn
off the lights.
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9 juillet 2022

Louise Neuve dite Sainte-Louise

Hier soir, alors que je retrouvais de chers amis je rencontrais, de l’un d’eux la plus chère : Louise. Parce que parfois ou souvent la timidité engourdit le geste, donne à la voix le timbre maladroit d’on ne sait quel reproche, il se peut que les débuts paraissent un mauvais labeur, la terre, avec le temps, devient tendre et fertile.
Alors, moi, j’attendais que le temps s’éclaire pour parler avec Louise puisque Louise est l’amie la plus chère d’un ami très précieux. 

 

Nous buvions des gin tonics sur les marches du Ground Control ou de la bière bio. Mehdi, avait volé des brots vides pour en récupérer la consigne et s’ivresser clandestinement.

 

Louise, pour l’appétit à consoler, dévorait un hamburger plus que sexy et parce que généreuse, Louise offrait au groupe une grande assiette de frites ces alliées indispensables à tout éthylisme respectable. 


Mehdi, revenant du périple du troc du plastique vide contre de la bière fraiche, voulait lui aussi sa part de frites, Louise enjoint - sur le mode impératif - que les frites parviennent à Mehdi, moi, sur le ton léger des festivités répond « oh tu es autoritaire » ce à quoi Louise rétorque, le sourire narquois, méchant « ça heurte ton éthos bourgeois ? » m’anéantissant de par cette remarque la plus injuste, la plus injustifiée que l’on peut, la plus contraire à ce que fut est sera ma vie, à cette corde raide où je marche depuis longtemps, sans, oui, je peux le dire avec présomption et arrogance, sans me plaindre, sans un cri, sans gémir de la crainte effroyable parfois de ce que le précipice m’annule. J’ai choisi cette vie au bord du vide qu’on ne me prête pas, brusquement, soudain, la tranquillité des corniches ou des penthouses. 

 

Louise écrasait cette vie, la mienne, maintenant, ce passé, la chambre partagée avec mon frère, ses ronflements, mon insomnie, les non-départs en vacances, la culpabilité des parents de ne pas offrir la dernière console de jeux, la frustration devant le jean diesel que porte Thomas en 3ème8 et que je ne pourrai jamais avoir, les visages bronzés pendant les vacances de février quand le mien demeurait effroyablement pâle, le mensonge forcé, la honte tout au fond du gosier. Louise, qui ne connaît rien, dit « ça heurte ton éthos bourgeois » avec le sourire arrogant, certain, bourgeois au dernier degré, en vérité, la morgue bourgeoise ressemble à ce visage, oui, j’en suis sûr, un visage qui annule l’autre, qui néantise d’indifférence mais aussi de « justice », c’est le sourire, presque, qui dirait, en un autre lieu, sur une autre face, dans un arrondissement le même ou changé « méritocratie » pour expliquer que l’injustice suit un ordre admissible « oh ça heurte ton éthos bourgeois » toute ma vie à quoi on met le feu dans le rire sardonique tout empreint de justesse parce que Louise juge du bon côté de la règle, parce que le régiment législatif qu’elle possède lui octroie des droits et qu’importe alors qu’une vie s’écrase, puisque c’est juste ou, du moins, ça a l’air juste. Ethos bourgeois ça veut dire toute une vie de bourgeoisie, d’apprentissage précis de l’ordre régissant le monde, de l’école maternelle de l’être au titre suprême doctor honoris causa. Ethos bourgeois, ça veut dire l’escrime, les rallyes, la bibliothèque ENS, polytechnique etc moi, chère Louise, ma bibliothèque d’enfant se remplissait au hasard, parce que le voisin du 5ème étage, chauffeur routier, avait abimé sa cargaison de livres et nous les avait offert. J’ai lu, par chance, l’histoire de Rome, sa fondation, Rémus et ses hauteurs protégées par les aigles, ces incarnations timides d’un Zeus hésitant à toute conversion latine, Osiris, Isis, le dieu découpé en morceaux, l’amour divin une suture païenne. 

 

Je portais hier des chaussures Yves Saint-Laurent rive gauche, couleur Camel, achetées une bouchée de pain sur Vinted et je voulais, comme dit Aïzen, écraser la figure de Louise avec mes chaussures-éthos-bourgeois, laisser l’empreinte de l’éthos bourgeois qu’on dit funeste sur la bouche qui injurie. Je ne me souviens plus, qui disait ceci, que le fascisme est une botte qui écrase une bouche. La bourgeoisie, alors, il faut le croire, quand son éthos se déploie en Yves Saint-Laurent, réplique le fascisme. Macron porte des chaussures Yves Saint-Laurent. Je crois. 

 

Aizen, raconte, que si parfois les gens recevaient une gifle face à l’insulte morveuse, la bouche se ferait plus sage, comme les parents sévères, ajustant la punition au crime, versaient sur la bouche de l’enfant employant un langage proscrit, des flocons de piment de Cayenne. 

 

Alors, voilà, parce que Louise est l’amie la plus chère de Mehdi que j’aime, je voulais, parce qu’on m’a appris que les gens de gauche pratiquaient une sorte d’amitié, de parler non-violent, clarifier, dire « voilà Louise, tu m’as blessé ». J’ai dit à Louise « tu m’as blessé », tu as blessé, pour de vrai, ma vie. Alors, Louise, je n’attendais rien, au fond, que Louise, l’amie chère de Mehdi, m’écoute, pas davantage. Louise a écouté, oui, sûrement, mais demeurant la même, de marbre si le marbre tue, « Oh, fais pas ton Caliméro ». Blessé, encore, incrédule, répétant, « tu m’as blessé » « eh bien quoi tu veux des excuses » « je voulais juste te dire que tu m’as blessé ». Louise soupire, le vent fétide se lève. 

 

 

 

On peut dire « oh le transfuge de classe, toi tu as basculé de l’autre côté, tu as d’autres façons, d’autres manières, tu te vois régi maintenant par un autre ordre auquel tu crois que tu mènes à la prolifération la preuve tu viens de la donner mon pauvre ou plutôt mon pas si pauvre alors comment tu peux convoquer la misère ancienne ce dépôt presque plus encroûté au fond de toi tu exagères franchement tu fais hontes même de protester contre ma juste accusation une remise à ta place à ta nouvelle place admets le ce déplacement ton ethos bourgeois écoute mon arrêt ma déclaration qui ne vaut pas punition je constate moi c’est tout ton ethos bourgeois »

 

Mais je ne suis pas basculé dans l’ailleurs mondain, le frottement des diamants remplaçant dans la nuit avantageusement le soleil idiotement naturel, bien commun, appartenant à tous, donc à trop, le précieux ne sachant qu’être privé tandis que sur le soleil nous ne comprenons pas encore comment le réduire en titres, le morceler, lancer la sublime OPA.

Et si je suis le transfuge, après tout, le tributaire de l’ethos bourgeois alors pas plus pas moins que Louise, or moi, sans le jugement, sans la valeur qui crée partout entre toustes la hiérarchie, le moins, donc le plus. La pureté morale de celle en vérité, Louise là, la très impure, les mains sales je l’ignore, parce que c’est bien pire, les mains intangibles, purs, je crois ces mains sales jamais, ces mains que le sang versé purifie. Il faudra demander.

Louise enchaîne, dit, parle de militantisme, moi, ahaha, moi, eh bien j’écoute, poliment parce que je ne veux pas de dispute et quoi peut l’être face au marbre dur coupant. J’écoute, quand elle me parle du tunnel de Fréjus et des luttes écologiques contre la traversée du tunnel des Alpes, le TAJ ou quelque chose comme ça, alors, il ne faut pas que la vrille de Vinci perce la pierre montagne tant la pierre précieuse importe aux êtres humains mais la bouche de Louise peut transpercer sans vergogne, sourde, comme si le tunnelier progressant dans le massacre rendait la douleur inaudible, ma personne. 


Je ne sais pas, pourquoi, toujours cette sorte de gens, du côté de la vertu se montre aisément les plus cruels, réformer le monde sans commencer par soi-même, ah j’ignore ce que ça vaut que la reproduction, la même, des anciennes hiérarchies, on remplace un mot par le suivant, on progresse dans le dictionnaire et c’est la même langue il faut croire. Oh, oui, j’objecte déjà moi-même à l’abject, oui, bien sûr, changer les structures sociales ne changera pas l’âme humaine et l’ordure dans un monde économiquement juste vaudra mieux que l’ordure d’un monde pas juste, il vaut mieux une ordure communiste qu’un saint capitaliste ahaha. 

Les échelles, oui, voilà, les échelles, la quantité, le micro-social ou le macro-social.  mais il y a aussi que les êtres humains, les petites minutes de leurs vies, se déploient dans le bêtement petit quotidien, si je souffre de maladie, de peur, hier, ma blessure n’a pas été ouverte par Bernard Arnault ni l’hyper-fascisme macroniste, elle a été ouverte par la bouche-tunnelière de Louise, par l’indifférence de Louise, par la méchanceté de Louise et, j’ose peut-être, la perversion. Il y a toujours un·e flic dans lea pervers·e. Le vieux monde ahaha qui sera aussi le nouveau monde. 

 

Et si demain m'était demain, demain demandé qui de Louise ou Gérald Darmanin je souhaitais voir trucidé je répondrais Darmanin après une hésitation d'une demie-seconde et cette demie-seconde assassine tue en quelque sorte Louise tout autant que moi ce bégaiement entame mon sens moral. 

9 juin 2022

Traire.

Parfois j’aimerais m’abandonner à l’écriture non-sinueuse, celle droite et raisonneuse, me menant de la prémisse à la vérité sérieuse, grave et rigide. Or, je ne connais que le frottement de la tige contre la tige, de la pierre taillée contre la pierre grossière, je sors du heurt le plus creux des feux. Incapable de mettre en ordre la parole pour lui faire servir un but plus grand que soi, et je dis, plus grand, et je veux dire, extérieur, à soi. Le monde ne me dépasse pas, je lui tiens tête.

Parfois, je voudrais dire, l’autre , la vérité du monde, dans un air d’évidence, dans une formule qui conclurait brillamment le paragraphe narratif d’un roman et laisserait songeur le lecteur ou le changerait à tout jamais, l’aiderait à vivre même. Je ne parviendrai jamais à semer les petites pierres blanches et rondes qui forment le chemin et les étapes du chemin. Mes pierres lapident. 

Je ne sais, sauf par tricheries ou collages, produire de l’universel, du partageable, du commun. Moi, moi, moi dans le moi égoïste pas partageur du tout, avide, moi qui ne veut l’autre que pour digérer l’autre, dont l’autre alimente le feu intérieur ah la belle littérature que voici, le bel art n’est-ce pas de se nourrir fauve ou hyène que de l’autre ruant ou dépouille. 

 Je suis de là, oui, de là, lorsque l’écriture me saisit ou me cabre ce qui me prend le voilà la griffe longue brusque se recourbant sur la proie et la faisant pourrir comme le rubis à l’ongle, ah mes pierres précieuses sanglantes vous tous.

 Je ne dirai rien du monde. Je dirai tout du monde. Je suis le monde. 

 Et qui croit encore à ces feux littéraires ahaha, cette violence gratuite qui n’a jamais mis le feu qu’à deux ou trois êtres épouvantés et convulsifs ? Je suis passé de mode, je mords les mors retenant la course par crainte un peu du ridicule, voilà que la solitude s’avance quand la haine gronde. La solitude de celui qui ne sait bien que détruire parce qu’au monde ce qu’il préfère depuis toujours c’est bien ce carnage et non le fumier patiemment remué pour élever dans le jardinet les fleurs à foutre dans les cheveux.

Voilà ce qui monte si je laisse monter. Et ça ce n’est plus de la littérature pour personne et moi j’ai combattu avec haine le lyrisme cette expression du soi indigne et privilégié pourtant moi j’en suis encore là. Autrement. Mais pour qui se prend-il le feu qui se moque du feu au prétexte que ce n’est pas son feu ?

 Spectateurs falots voilà tout ce qu’au mieux je concède, de vous tenir vous de l’autre côté mais à portée de crachats ou de baisers s’il vous plait et qu’importe que votre coeur vous mène aux hourras ou aux huées parce que j’haïrai toujours le plus le mieux. 

 Moi moi moi moi

 Si j’écris, si je me laisse aller à ce narcissisme furieux de l’écriture, à ces claquements de porte, à ces éboulis lyriques, à ces tremblements de terre brutaux, la haine me revient comme si la haine constituait mon principe fondateur depuis je ne sais quel héritage transmis avec rigueur par actes irréfragables depuis cent milliards d’années depuis la haine fondatrice le big bang qui dilatait l’univers et me parvient amaigri par générations et générations dispendieuses qui me laissèrent toutefois ces mots hérissés de piques vénéneuses.


Ah vous dites que le rare est précieux, qu’il faudrait se tenir au mutisme et la rose vaudrait-elle moins que le rosier ?

 lorsque je parle de moi souvent je me parle au passé comme si, devenant plus doux, je trahissais un héritage millénaire et fragile, une identité rare et corrompue de toute part qu’il faudrait défendre comme une langue prête à disparaître et moi le dernier locuteur honteux je la tais. J’en trahis l’histoire, la douleur, je trahis mille moi-même et j’ai mal. 

 je dis « si tu m’avais connu avant alors… » je le dis dans un sens dédoublé qui dit 

« tu as de la chance » qui dit aussi « tu as raté quelque chose ». 

 Le monde au-delà en deça à côté ou qu’en sais-je, de la morale, le temps de la brutalité qui était aussi le temps de la pire angoisse
une sale époque où la maladie étendait tentaculaire son empire sur moi et entre deux suffocations je crachais le feu du dragon cracheur de feu

suis-je mieux en moi-même ou pire je ne sais ça dépend quel soleil en moi je veux traquer celui pâle de l’automne ou celui des fins des temps ah oui il me manque il me manque ce soleil carnassier lutteur complice 

 reviens-moi
reviens-moi
je donnerai tout
pour retrouver la sauvagerie
pour retrouver
la robe de mariée
déchiquetée
par les loups
la tiare trempée
dans le coeur
épouvantable
de l’enfant meurtrier
des blêmes paturages
du Cantal

 

 

je voudrais à la seconde être projeté dans cinq milliards d’années quand le soleil explosera et que dix mille millions de Tchernobyl raseront la terre

 

le temps du saccage qu’en reste-t-il
une nostalgie parfois une croute un regret ces quelques lignes pondues à la hâte 

je voudrais parfois retrouver ce courage d’avant la droiture mes possibilités criminelles ma cruauté mes faillites mes vertiges je voudrais retrouver parfois le monde du tout est possible et la haine habite mes mots la haine qui vacille dans mes yeux encore parfois certaines nuits comme une flamme toute noire et ronde qu’on appellerait pupille

 pourtant mes mains ne sont plus de feu le courage m’a quitté je ne contredis plus la haine assignée à domicile, enchaînée au fond d’un sous-sol

je me demande parfois si un jour elle se relèvera ailleurs que dans cette écriture fortuite qui m’échappe
comme si la haine suante au fond de son abîme

projetait son haleine dans mes mains moites

 

ah comme je voudrais haïr. 

 

 

27 mai 2022

Hépars

Hépârs

Toi, à quoi bon toi dire toi dire je haha te mener jusque là voilà que tu recommences la vieille affaire, la sale affaire, toujours la même, tu recommenceras toujours en empruntant ce chemin, incapable de retenir la moindre leçon, celle de cours élémentaire…toi dire toi tandis que…regarde un peu les lambeaux…écrire pourtant comme si le mot change quoi que ce soit comme si la phrase éreintée détournera un peu du néant

Ecrire…un sale métier de traitre de tricheur de menteur de tous les vices en même temps avec la fausse pureté du drame acquis ahaha et on ne se salit même plus les mains à l’encre pas séchée les mots tous ceux de la pire canaille, ceux du journaliste le plus pitre les mêmes tu changes la police et le mot haha haha s’il fallait en dire plus…la police. 

Malgré le temps qui passe toujours tu ne vois qu’un seul sentier, une seule route, sa nature, je peux pas dire, boueux ou de pierres belles, si la margelle de marbre luit ou si les marais grelottants de moustiques y vibrent, un seul sentier, la vue au bout vaut-elle la peine ou tout le long du trajet le défilé observé des usines d’assainissement, le traitement des eaux usées et des âmes dans un état le même. 

Forcément, ce doit être de par là, toi le résultat du processus purificateur toi l’enfant d’un filtre HEPA™ ne parvenant pas pendant ce trillion d’années d’évolution à filtrer de toi la lie ta crasse ton humeur 

voilà suis cette direction, la même approche je te dis, la démence, ta patrie véritable, où tu retournes et pourquoi tu te retournes toujours malgré toutes les dénégations, la main mise sur le coeur ou le doigt devant la bouche les transes magiques autour d’un feu bohème toujours tu reviens à ta première flamme comme le phalène mal mué que tu es au fond.

ton monstre dans le bas ventre pas dans le bas ventre plus haut beaucoup plus haut gros comme un oiseau de proie le descendant des lézards d’avant la bipédie, tenace l’envie de tenir entre les serres rapaces qui a le malheur de passer par là ah oui la proie des proies les peaux écorchés un grand panneau le trophée des épidermes défaits haha tes ours tes cerfs avant c’étaient les larmes des filles tu t’en souviens tes larmes à toi coupaient coupaient comme le verre d’un vase fendu quel monstre se tenait là avant avant loin loin en arrière au temps toi aussi de ton ancêtre reptile affamé 66 millions d’années avant l’extinction du dernier spécimen croyait-on alors quoi 

quoi 
toi ce serait
hanté oui voilà par celui là prisonnier éternel
de son oeuf non éclos
ta peau
ta folie
ta démence
toi tu 
coquille pleine du dinosaure mitoyen
sa mâchoire
violente
toi

la matière flasque pourtant à quoi bon reprendre le vieux cri avorté cette plainte ce gémissement cri d’amour comme dit déchiquetant l’adversaire renversé le tyrannosaure matière flasque puis poussière tu évites tu te le devais c’est le moins qu’on puisse dire la flétrissure du long processus pourrissant parvenant immédiatement d’un bond sans dissertation à l’état de cendres tu t’épargnes l’acharnement thérapeutique tu t’épargnes la corrpution

couche-toi surtout ne te relève plus, couche-toi attends patiemment ton tour il viendra bien assez tôt à quel jeu tu ne sais pas personne ne sait avant le premier jet le premier coup de sifflet la balle perdue logée dans j’ignore quel barillet exquis couche-toi ne te relève pas pendant des siècles et toi recroquevillé à ton tour dans 66 soixante-six millions d’années à ton tour tu hanteras la bête descendue de ton intestin déroulé couche-toi la relève arrive

 

Sois la sixième extinction de masse
La septième
sois le règne 
anthropocène
dévore dix fois
les Saints
ton dû 
fends le vin 
Consacré

29 avril 2022

Pour rire - Imitation

Tu lisais Emily Dickinson

assise seule patiente

les épaules nues malgré le froid

tu te tenais là immobile

Printemps précoce

près de toi le vent tiédissait

Moi j’haletais contre l’hiver

luttant sans t’apercevoir d’abord

Puis ce fut tu le sais

l’accident le souffle

broyé les mots souples

et maladroits

La première violence 

 

Tu as parlé la première en me voyant

souffler

Tu as parlé tout mon corps

te répondait

mes muscles ma peau mes dents

ma peur 

Tout mon corps répondait

immobile

Tu m’as demandé mon nom

je l’ai bégayé sans demander le tien

On réfléchit mal quand sous soi

le sol se dérobe

 

la lumière

nageait dans tes cheveux

le soleil gloussait en roulant

sur ta peau

 

Kettly

Tu te tiens 

dans ces mots

tracés à la hâte

tu penches vers le silence

Tu te tiens légère comme le vent

Au bord d’un baiser au milieu du vide

jusqu’aux points lumineux

dans le ciel

 

Maintenant je marche seule dans nos souvenirs

qui dansent jupon flottant

au milieu du vide jusqu’aux étoiles

sans nom

 

Dans ce sable l’écume

calmement en couvre les traces

Tu n’existes plus depuis ces mots

Mon premier hiver
Le plus long des hivers

Je parle de tes mots à toi

Je parle du parfum d’Arabie renversé

Sur les draps

 

 

Tu es entrée dans ma peau

par toutes les ouvertures

Tu as dilaté mes pupilles

tordues mes mains 

tu t’es infiltrée dans les lignes du devenir

dans le claquement de mes dents les lèvres 

gercées tu t’inscrivais partout

 

II.

 

Maintenant, je dois me souvenir

Pour nous deux toi

ta mémoire comme tu disais

flanche facilement

Si j’avais pu emprisonner

ton souffle dans de petites

fioles transparentes conserver

tes baisers dans un coin éperdu

de mon corps si j’avais pu

toi tout simplement te retenir
Kettly, ton prénom vagabonde

On ne te retient pas plus

que la rive retient les hautes-marées

Kettly, l’incendie c’est de toi que je parle

parlerai longtemps de toi que je parle

encore là dans l’écho doux de ces mots

là où tu es où ton ombre où la lumière

te suivent tu sentiras parfois le vent tiède

des mots projetés des mots d’amour pour toujours

 

III.

Tu te souviens Les Landes
Tu venais des Landes et tu n'en parlais pas
Il a fallu que je te demande d'y aller
Un jour tu m'as dit "on part demain"
Terrifiée, tu m'as prise par la main
J'ai jeté sur le téléphone des parents
Un mot "ne vous inquiétez pas".
Alors, Les Landes, les forêts immenses
le bruit mouvant de la scie électrique
assourdissante j'entendais la scie
électrique scier à l'intérieur de mon amour
chaque os chaque cartilage je rompais
d'amour
J'admirais ces arbres identiques et alors
Tu éclatas de rire Kettly tu me dis
la forêt truquée cette forêt une forêt
presque pour rire pour le papier
pour la menuiserie une forêt
avide conçue pour la hache la sciure
les oiseaux n'y dorment le colibri 
ne vient pas y voleter depuis l'Amérique

Tu m'as jeté contre le tapis de pin
les aiguilles piquent des millions
de petites blessures comme des étoiles
amoureuses
Je caresse aujourd'hui les sapins
je ramasse les aiguilles souples et dures
et j'enfonce dans ma peau leur pointe aigue
pour mle souvenir

11 avril 2022

Medusa

J’ai vu ces êtres devenus microscopiques qui me paraissaient, le furent peut-être, immenses. La vie parvenue, pourquoi je l’ignore, à l’étroit détroit encombré du néant. Ces images m’ont marqué, cette fille qu’on disait sublime et dont je voyais le visage défait, les mâchoires serrées, combien d’échecs dans ces pupilles dilatées, de larmes contenues dans ce visage tendu, d’inaveux ? Elle disait j’en suis à ma quatrième montée, tentait de prendre dans ses bras les invités et tout, impalpable, tout devenu fumée et fantôme, échappait.

Le monde semblait inatteignable vidé de substance. Le corps, c’était le corps qui manquait, la matière, le dur, les occiputs et notre tangibilité.
Alors…J’ai eu nostalgie de ma propre vie. Alors…j’ai écrit à Léah à qui je n’avais pas écrit, m’indique messenger, depuis le 01/09/2018 21:35. Des années. Elle me répond Je pense souvent à cette époque, avec nostalgie  - ce qui est rare en ce qui me concerne mais c'était un temps un peu béni, pour moi initiatique, de passage dans une zone sans loi. On était quand même fort d'être ensemble et invulnérables.
Ce temps réel et sublime ce temps d’où je peux dire, ma jeunesse mes vingt ans (25) sans rougir ni pâlir trop certainement. Oh, le ridicule, bien entendu nous empourpra et nos longues fourrures d’antan, la joie du vacarme, du scandale et des déshabillés, oui, peut-être, peut-être et alors ? Pour de vrai nous hachèrent menu et tranchèrent grossièrement, pour de vrai la jubilation à nous plier en mille d’orgasmes et d’extases rares, précieuses. Tout ce qui brille n’est pas d’or m’écrit M. et je lui réponds oui peut-être mais le brillant seul est précieux. Le monde nous appartenait comme vous, la plupart, l’ignorez. Ce qu’on a touché, qui s’est échappé dans un grand rire et nous étions nous les rieurs et les rieuses. Le flambeau allumé sur la plage, la nuit, de Normandie les robes blanches des filles, l’odeur du sel et le froid malgré l’été. Le contact de la nuit devenue matière, complice, se confondait avec la mer, avec nous-mêmes. 
Nous portions ambition de carnage à quelle dignité, une minute ou deux heures, nous sûmes nous élever. Ce soir là, grimpant, jusqu’à son sommet, la basilique Saint-Denis en travaux. Je me souviens, défoncé à l’ecsta, avoir vu dans le ciel une colombe fendre, éclair blanc et rebelle, la nuit. Une colombe blanche, détachée d’un muret.
Et quoi ? La jeunesse paresseuse ? Et quoi, son destin, voilà, c’est de décevoir et sa gloire de se trahir elle-même. Nous en accomplîmes le terme. Il faut bien l’entendre, le difficile, vient après, s’en défaire et dire, voilà.  

J’ai cru renouer avec ces gestes d’antan, au milieu de ces personnes très belles et assez riches et un peu artiste-parisien. J’ai cru que ce n’était passé, ce temps de la force, des beaux yeux écartelés, que par accident et que d’autres en surent garder intact l’éclat douloureux. Je venais reprendre, naturellement, ma place. Sur la table un carton à mon nom, l’air du fils prodigue…haha, la farce, il faut le dire, quelle farce, à se tordre de douleur.
Je pense à ce film la Grande Belezza on ne peut guère atteindre que ceci au mieux, ccomme c’est triste à mourir, mon dieu. Vide, inutile, sans courage qui criera au-secours ? 
Là-bas, je ne jouis pas, je suis comme à dix millions d’années lumière de ma vie et, c’est aussi ce que j’aime la nuit et le carnage, me voilà de nulle part. Le jour m’horrifie toujours autant. Je cherche une pénombre, cette vie à mi-pente, j’ignore où la trouver. Alors d’où suis-je moi désormais ? Quelle douleur d’apatride moi me traverse et comme, oui je le sais, en ces temps chargés d’apatrides réels, on dira, ah les peines des poètes quelle indécence or, ce sont celles que j’éprouve, ces peines là et cette nuit vide pour moi qui ne me sent bien que dans l’obscurité. Tout me fait horreur, personne ne comprend que TOUT ME FAIT HORREUR et que j’ai cru trouver dans la nuit, et je l’ai trouvé même, le réconfort complice et ouaté, ce monde tiède et âpre tout comme moi. Aujourd’hui, trop souvent, je me mets à dire tu ne comprends pas tu ne peux pas comprendre et cette phrase moisit le langage, j’écris, j’écris pour ne pas dire tu ne comprends pas j’écris pour me foutre des malentendus, pour me toucher moi-même et moi seul me savoir dans le dédale étrange et fouillé, de mon absence de remords et de remèdes. 

Ces gens mon dieu, ô ils trahirent la nuit, ma nuit précieuse en la faisant, la nuit de vacarme, cette chose délabrée, humide et moite. Un cellier d’où s’élève l’odeur métallique des boîtes de conserve, de la poussière, du délaissement.

Ah, j’espérais, j’espérais voir dans ces peaux mobiles et souples, ma jeunesse. Je le sais, elles connurent aussi mon genre de splendeur et avec quelle intensité, beaux belles et riches…Mieux préparés, nous dirons, à porter haut leur emblème hiératique. A quoi bon ? A la fin. De s’être montrés plus aptes les voilà aussi plus laids et menteurs, inaptes à la réforme de la langue, pas capables, elles et eux, de se renommer eux-même ni dire avec cette autre bouche, la beauté peut-être, ni guider leurs yeux sous l’éclat toujours valable ou mener par la main nos ombres sous de nouvelles ombres.  

Or, je suis seul sous les néons écrasés, sans escorte ah, j’étais le prince en ce temps là, des choses obscures d’assez de sordide pour, face au miroir, me dire ah quelle beauté salaud. 

Mon dieu, les tristes à crever j’en suis à ma quatrième montée et l’autre qui crie les paroles obscènes, les godes répandus, le mot dildo tintant comme la cloche d’une Eglise, et tout ça ne me fait rien. Rien que des mots, maintenant, plus aucun de ces mots n’étendra plus jamais l’horizon. De ça je leur en veux atrocement, je leur en veux de ne reproduire à l’infini que ce défilé du même, de l’identique, du passé et donc, de l’identique, faire en réalité, du moins, du pas assez, de l’usé. L’impardonnable félonie et je voudrais un châtiment à la hauteur du péché.
Ah, ça, je ne leur pardonne pas, de ne plus pouvoir, de leur scandale, accroître le possible. Qu’aucune horreur pure et lumineuse ne jaillisse des peaux.
J’apprends, aujourd’hui avec horreur, que C. au restaurant a sorti sa bite devant une fille et je voudrais qu’il meure. Parce que. C’est exactement l’inverse qu’il aurait fallu. 

Alors, je vais apprendre le grec, et vivre peut-être à Athènes, cette vie à mi-hauteur dira-ton ? Je me suis infiniment précieux et cette parole donnée à moi-même de ne jamais me trahir qu’importe le coût, le ridicule et le quolibet je dois la tenir, mon je quelque chose de décisif, du domaine de la survie, de trois jours sans boire, y réside et résiste, pierre immobile et tout autour n’est que torrent. 

Heureusement, je peux encore, mal, à peine, douloureusement écrire. Heureusement, il me reste par là, encore, de quoi faire sortir de moi goutte à goutte l’esclave qui y réside.

6 avril 2022

C'est au bus palladium que ça se passe

Le bus palladium va fermer, je m’y rendais moins souvent, c’est vrai qu’il fût un temps, pourtant le bus palladium va fermer, m’écrase malgré moi. Pigalle a changé, je peux dire ça, moi aussi, comme d’autres bien plus vieux Pigalle a changé. Je me suis senti Pigalle dérobé, vrai devant ces inconnus sortant, non plus du trop ivre, venu de trop près, de trop tôt, des horaires de bureaux. Le bus palladium va fermer je ne m’y amusais plus autant, le temps de l’innocence, des premières chutes inconscientes, des réveils difficiles a passé, je me suis éloigné, moi, ainsi qu’une belle Métive des alcools en quantité inouï et des réveils de 18h du matin. Le bus palladium va fermer, dix ans, onze ans en vérité, de ma vie, de belles années dramatiques autant, le bus palladium va fermer, port de mes nuits, Le bus palladium va fermer, je me croyais le plus fort quand le pas mal assuré j’entrais par l’entrée des habitués et le bus palladium va fermer. Titubé, je titubais, nez rougi le bus palladium va fermer par le froid sec, dix ans, ce sont dix ans de ma vie, des naufrages souvent, qui là-bas échoua par trop, les laissés pour compte, celles et ceux oubliés le bus palladium va fermer je pense à ces disparus le bus palladium va fermer le suicide de H., le cancer mortel d’Eric. Ma nuit le bus palladium va fermer ma première, mon interminable découverte de la nuit du tard du sombre les verres volés, la poudre envolée sur la table de l’étage par D. menaçant. Le bus palladium va fermer. La disparition engloutie de Y. dans la folie dure, méchante.
Je l’aimais moins, le bus palladium va fermer Pigalle a passé, colonisée Pigalle de ces des garçons aux chemises bleu couleur de cimetière et d’after work, les barbes identiques, les cheveux peignés, ces hommes du pareil au même, les filles, le même modèle rétréci d’une boutique Claudie Pierlot.

Nous trouverons d’autres marges, le bus palladium va fermer des plus extrêmes, forcément, d’autres où ne pas vieillir, où brûler convenablement, jusqu’à quel point et à quel prix ? Plus loin, repousser le bus palladium va fermer la nuit
le bus palladium va fermer 
et je repense avec effroi à cette soirée sans profondeur qui, je ne le savais pas alors, annonçait ces dix ans non-amers. Cette soirée dont je croyais avoir tout dit le bus palladium va fermer que je n’ai pas encore dite en entier. Cette soirée mon dieu d’achevés et d’inaveux cette soirée le bus palladium va fermer nous trouverons.
Nous taillerons à la serpe dans la nuit profonde, nous nous épargnerons ces lieux non-dits jusqu’à la malédiction, cette traitresse, le NoPi, érigée là comme une injure, une raillerie, un voilà ce que vous êtes devenus or, non, nous ne deviendrons pas canapé de cuir éclopé, toute grande propreté du NoPi, nous d’autres marges, d’autres non-vieillir, les sources claires et profanes des immortalités jouventes, du corps revenu de l’encan où nous ne trouvâmes pas notre compte, nous laisserons ardoise et découperons sous les murs de béton de l’angoissante ror.shar les absides incrédules. Le NoPi venu là, boîte de Pigalle, se moquant, disant voilà, tu as trente ans, ICI maintenant que le bus palladium va fermer tu vas t’épuiser, rire et te faire croire. D’autres marges, plus loin, plus loin, là, juste là. 
Le bus palladium va fermer non, je ne suis pas triste sans épouvante je reprends le cours de la vie de la fête, dix ans de force en vérité, de courage retrouvé, on ne se doute pas le bus palladium va fermer la force venue de la chose à mourir, le don miraculeux, dix ans le bus palladium va fermer mon dieu dix ans ma première nuit comment la tristesse alors ? le bus palladium va fermer la joie d’autres marges d’autres non-vieillir. Merci
Oh, cette soirée, délabrée, aux êtres victimes de leur force trépassée, celle du VIIème arrondissement, toute sertie seulement de l’horreur défaite des voix mornes aux éclats ternes l’horreur l’horreur le bus palladium va fermer voilà le vrai meurtre, le crime à quoi je survécus, le meurtre ne tuant que ce qui devait mourir le bus palladium va fermer plus jamais je ne verrai ces gens leurs figures de jadis, elles et eux je les vois butent et rebutent rebutant contre le muret. le bus palladium va fermer, cette soirée du VIIème m’a réveillé de partout, l’élan vital de la fête, déjà, de, bien plus loin que la fête, aussi, elle m’a rendu écrivain, à nouveau, cette soirée de désolation, de la terre en ruine, du monde en friche, des fins de l’incendie où continuent, elles et eux, corps calcinés, à miettes à miettes se faire cendres, moi ranimé par la cendre, la terre fertile couverte de ces morts. Me voilà devenu oui le bus palladium va fermer écrivain à nouveau pour ne pas déchoir dans ce puits infâme. 
Ecrire pour ne pas chuter pour ne pas moi dire tout en chutant j’en suis à ma quatrième montée comme cette fille le bus palladium va fermer qu’on disait sublime et que nous voyions hideuse, Médusa échouée, prise au piège de sa nuit devenu néant. La nuit gluante, je ne savais pas, la nuit qui ne te quitte pas, la nuit devenue visqueuse mouvante, qui les prit tous presque sauf G. qui j’ignore pourquoi garde à cause de ses yeux encore clairs et ses vingt-quatre ans, la vie que je sens en moi remonter, remonter, une cascade à l’envers de le bus palladium va fermer sentiments contraires; 

Moi, si je suis des abîmes et du tragique, je leur veux la couleur de mon sang éclatant, je veux de ces blessures portées depuis toujours, en riant, en pleurant, au désespoir, avec honneur élevés jusqu’à très haut. J’ai vu à cette soirée du VIIème le bus palladium va fermer qu’il a déjà fermé, depuis longtemps, pour eux, emmurés, ma nuit ne sera jamais leur cimetière. Ecrire et d’autres marges, ensemble, cette vie, ma vie, la fête, mes extrémités, écrire, écrire. Je suis redevenu écrivain terrifié de voir leurs le bus palladium va fermer ces vies achevées, là, une guillotine tombée, ce lieu de faux-semblant, la fin du monde j’en suis à ma quatrième montée voilà ce qui l’annonce. Je ne finirai pas.L

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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