je me souviens du cours d’EPS, en 4ème2. Le choix d’Alexis porté sur moi ; son équipe constituée de filles malhabiles - et ne se sentant guère légitimes pour choisir. Le prof, connu pour sa violence physique, l’air toujours sale comme si l’activité intense du sport avait laissé à son visage une couche indélébile de transpiration.
Le prof refuse mon intégration supposant, parce que j’étais petit et que je portais des lunettes, que j’affaiblirais encore plus cette équipe déjà nulle. Alexis qui dit « mais il est fort » très en vain. Il avait un nom arabe que j’oublie et une voix très grave et très lasse. Nous jouions sur le terrain de bitume de toutes les cours de récréation et ses cages de hand ball où personne n’a jamais joué au hand. A passy, le collège où je mutais après, nous avions aussi des terrains en herbe. De foot et de rugby. Comment les entretenaient-ils ?
Finalement l’équipe avec Grégory et Arnaud. Grégory, philippin par qui j’appris l’existence de ce pays. Il courrait d’une façon curieuse ou donnait cette impression à cause du mouvement désordonné de ses cheveux très lisses et fins comme souvent possèdent les asiatiques. L’évocation dans l’actualité des Philipines m’évoque toujours Gregory. Duarte ou Paquito toujours font signe vers lui.
Alexis était très beau ; sa beauté ne me parvenait que dérivée ; répercutée par le plaisir qu’avaient les filles à le regarder. Un jour, Gregory ou Clyde, je ne sais plus, s’étonnait du nombre de ses amours. Arnaud dit « because he has blue eyes ». Il a dit « blue eyes » pour le reste de la formule je ne suis pas sûr.
Les parties commencèrent ; j’ai marqué souvent. Cyril, nous regardait sur le côté son match fini et célébrait avec moi mes buts ; Cyril était super fort au foot ; rapide, technique, précis. Son impulsivité le menait régulièrement à des actes de violence. Julien M. en fit l’expérience malheureuse. Cyril était le plus petit de la classe et le plus frêle. De Julien, je ne me souviens que de peu ; il portait des lunettes et les oreilles très décollées ; tant que pour s’épargner à l’avenir et pour toute la vie les moqueries des cruautés d’enfant - et celles plus cruelles et muettes des adultes à venir - recourut à la chirurgie esthétique. Laissant apercevoir, entre l’oreille et le crâne une matière lisse et brillante comme du chewing-gum qui fut l’objet de moqueries. J’ignore le sort de Julien et de cette sorte de silicone. Faut-il renouveler l’opération à intervalles réguliers, la mixture s’use-elle et fait-elle reprendre, progressivement, son ampleur à la honte et à l’humiliation ? Je pense à mes dents, appareil d’orthodentie portée trois ans, avec douleur mensuelle à chaque serrement des bagues. Aujourd’hui mes dents se trouvent désordre, parfois on me dit, c’est charmant ; de ce c’est charmant qui s’oppose au beau. En serait une forme, non pas contrariée mais rivale et complexe. On ne souhaite pas toujours dénouer l’écheveau ; à raison.
Passements de jambe, puis grand pont ou crochet intérieur. Frappe du droit, je n’ai pas de pied gauche ; ni de façon générale de corps gauche. Je n’existe que dans l’anté-sinistre. La partie gauche de mon corps ; je la sens comme endolorie toujours ; sorte de fantôme ou d’ombre incorporés. Si du pied droit je puis faire un nombre incalculable de jongles dès lors que mon pied gauche est sollicité la balle roule, morte et déçue. Il en va de même pour tout, sauf, je crois pour l’amour ; je sais faire l’amour de la main gauche aussi bien que de la droite ; ou la maladresse de celle-là rend le plaisir original ; intense mais autrement. Cervantès, après avoir perdu sur je ne sais quel raffiot dans je ne sais plus quelle guerre (l’invincible armada?) sa main gauche écrivait : c’est pour la gloire de la droite. Plus tragiquement ambitieux. Mon cas.
L’équipe d’Alexis, je crois que j’ai marqué 5 buts contre elle, battu de justesse Mohammed, écorché mes genoux en taclant brutalement sur la terre rapeuse. Je m’en foutais. En 5ème, parmi le collège de bourgeois où j’étais et où je prétendais être plus riche qu’eux, j’avais dit à mes camarades, malgré l’aspect hésitant de ma dentition, que je n’avais pas besoin d’appareil ; que mes dents se replaceraient d’elles-mêmes ; tant j’étais certain que mes parents, jamais, n’auraient les moyens d’un orthodentiste. Il s’en était trouvé une, dans le 20ème c’était je crois, Dr colla, à 9000 francs au lieu des 16 000 à Suresnes. Sans cette excuse la supercherie aurait été visible.
La balle piquée au dessus d’un gardien sorti trop prestement ; encore un but.
atelier écriture L. Vasquez : thème la foule.
fou e ab ent l s d sparus foule creus e
q e est e t- l
vîle déserte :
c’est tu te lèves le matin, tu penches la tête pour retrouver klaxonnades ; mâtines de Paris 9.
fenêtre vide
tu ne sais
si le double vitrage
sert encore un but sinon l’effet de
môrt
Pétarade un engin à moteur, il sera le seul avant longtemps à vrombir
camion à glaces : absent
ne fut jamais là
tintamarrant cloches et
rires des enfants
tu l’espères tout se confond
la foule reflue
foule deve-
nue
De l’autre côté de la rue, l’immeuble exposé plein sud, tu dis, ils ont de la chance, l’immeuble avec des balcons, tu dis, la chance, de l’autre côté de la rue, le bruit des voisins qui font l’amour, ils ont de la chance, de l’autre côté de la rue, les voisins partis avec leurs cris, leurs gémissements.
Pas de chance.
les volets
de l’appart
sont clos
il n’y a pas de
volets
Grappe humaine de ci de là grappes vertes et pâles pépins jetés sur la route en travers légumineuse de brume et de pierre il en poussera de plus doux.
Les vacances scolaires débutent, on dit. On dit, L’A13 complètement bouchée une foule de bagnoles, #restezchezvousputain. On dit. Une foule d’images dit re-dit répète. IL y a eu des bouchons sur l’A13 direction la Normandie et la Bretagne.
Il y a des bouchons.
C’était un hoax, un pour de faux, une info contagieuse, déformée, fausse et vraisemblable.
Un kilomètre d’embouteillage d’après sytadin ; c’est l’effet d’optique des maladies à mort et des contrôles de police. Un kilomètre c’est 385 fois moins qu’une journée normale. Une journée comme il ne s’en fait plus. Les routes, les fours, les hôtels de passe ne résonnent d’aucun pas. Vide, l’A13.
En chine, des files immenses se constituent devant les crématoriums. A Wuhan il y a un embouteillage de cendres. L’approche de la fête des morts presse les parents
;
les urnes funéraires doivent être restituées afin de procéder aux rites d’usage.
Cent mille
attendent à
Wuhan.
vivants ou pas.
50,6 k inscrits sur le groupe Facebook bibliothèque solidaire. L’initiative visait, au départ, à sauver du désarroi les chercheurs et étudiants privés de ressources bibliographiques nécessaires à leurs travaux.
Désormais 50,6k fois, groupe organisé de flibustiers pillant avidement et sans culpabilité les oeuvres éditées par de petits éditeurs (ou non) qui dépériront de la maladie à mort : l’épuisement du fonds de roulement. L’éditeur « le monstrograph » vend pour deux euros les versions numériques de ses oeuvres. Un fragment des 50,6 demande un de leurs livres. Le monstrograph pour préserver du désarroi et de l’ennui les lecteurs a mis en accès libre son catalogue. Les 50,6k s’en foutent.
50,6k foule non absente
qui devrait être aurait du être absente.
les administrateurs m’ont banni après que j’ai évoqué la dite flibuste scandalisés que le scandale vint contre les solidaires.



Chicorée tu dis et colchique
des bas prés
blé au milieu
des champs bluns
c’est mars et le
désert
la paille séchée
du
papier de verre
ta lèvre
la basse surtout
une coupure le mot-
cassure.
yeux-lierre
la chienlit tort-
dû
houblon clématite chèvre-feuille
lobes arbustifs 5 fois
Le pas une plongée dans les sables ah le désert
quêté la main tendue un peu de sable on te verse
mendiant le temps du
verre rompu
Tu casses et cesses
aventure ratée il faut rentrer le premier
bateau n’importe quoi la cale même poncer si
on demande le mat le pont lisse pour abriter -
superstition de gens d’eaux -
le soleil
reflets rayons entassés
éloignent
scorbut
de Surcouf je tiens
ce savoir
tu manques de tout
sunshine
nouveau
state
Immortel de peu décrépite la vie liane tendue roulée sur mur mort toi roué mains absence des foudres enrouées rien ne tombe sable ta vie dé-
com
peau
zée
basse-cour lumière récoltée à Jacksonville acide la lueur pressée un plein bain la vitamine
C’est le chlore
l’insolation des éléments chimiques
le désert l’aventure t’ont chassé ils ne restent de toi rien que ces mots effacés dans le sable moisi on ne savait pas que sous l’écoulement nasal le pus des larmes sable pourrissait c’est bravo à toiil fait un grand soleil c’est encore mars pourtant la plante rampante rétrécit dans ma main casse sèche ronces à l’odeur de brûlé
d) que mon poème est une réaction reprenant les motifs pour les détourner
et quelque part la progression mais pour la faire échouer là où le poème gradue et étend la réussite métaphorique
je la fais sombrer incarnant, quelque part, le poème dans ce personnage ce tu qui est l’autre poème et ce je apparaissant brutalement qui est prise en charge par l’auteur-narrateur de l’hostilité.
Irruption de ma psyché, à moi, dans le poème de l’autre pour protester.
pour l
Que suis-je sans passage, ma peau brune granuleuse sans méplatissements.
Que-suis-je, longue figure peinte,
jaunes zigzags peints au feu-chalumeau
être de pétrole et de chaux.
Ils m’étaient coutumiers le vacarme et les cris ; enfant turbulent de la ville ; naissance toujours à naître le fracas
S
i
l
ence
Le grand camion ELIS, déposant aux trois hôtels de moi-même, le linge propre. Trois hôtels, deux, trois et quatre * ; valeur décernée ô haut ministère du tourisme
Eux aussi goûtent la mort humaine ;
à l’entrée ont remplacé les baies vitrées
des planches de bois
qu’on devine
coupées à la va-vite
sur un parking d’une banlieue lointaine
Avec soin peut-être ou négligence il s’en est coupé tant
depuis quelques semaines
et l’homme et la scie
s’émoussent
indistincts
Tout ferme
on ne savait pas
à quoi ressemblait
les désert des villes
LA
De combien d’étoiles me sanctionnerait-on
mais on ne note pas les rues
sinon quelques unes admirables
celle qui me coupe par le travers
comme un obus
rue des martyrs
c’est tout
Dans ce moi-rue Clauzel (sens unique) le camion trois fois s’arrêtait ; pour défaire sa charge (disparue aujourd’hui). Alors, derrière-lui s’engageait la fanfare des klaxonnages pressés.
Je pense à ton sort à toi
soeur humide du canal de l’Ourcq
Tes fumées transparentes
saleté régurgitée
de tout ton long
s’étend l’usine de tôle
(comme un accordéon
de fer)
où entrent et dé-rentrent
le Permis C
linge sale
sang sperme sueur
draps propres
ainsi vont tulle et tutu
bringuebaler à l’arrière du camion
ballet secret des froissures.
le linge et le kaxon sont
cartes postales des gens de notre sorte
de toi je n’ai plus de nouvelles
de tes
ô berges eau éclaircie
par ce silence humain
pourriture draînée
par l’absence
des hommes
et des femmes.
que vois-tu chemin de halage
le liquide transparent peut-être
où
roucoulent les poissons-fées.
Où est-elle la bringue place Gustave Toudhouze qui retentit jusqu’à moi la sono grésillante des soirs de chaleur où sont-ils les cris du 20 rue Clauzel, le garagiste interpelle la bagnole qui faillit filer sans payer son plein d’essence ou de diesel.
La pompe est vide.
Tout s’est tu
et je ne sais si encor j’existe encore
à 20 h quelques minutes
dé-torpeur se naît
mais fragile fanal
aussitôt dé-germe.
Au bar, il demande un verre. Une liqueur amère, dense, noire comme du pétrole. Petit goût d’amande sur la finale. La première gorgée endolorit les lèvres. On ne sent plus ni la morsure ni le baiser. Sur le comptoir, quelques gouttes de sang. Celui, qui se mâchonne les lèvres ; les coupe avec les dents.
C’est un bar d’une autre sorte on y sert le sommeil et non l’ivresse. C’est là bas qu’on vient le trouver, toujours. En disant encore. Tu es encore là. En protestant mollement. Par devoir. Garder les apparences de la colère quand la colère a passé. Ca aussi, c’est un devoir.
J’aime me confondre, liquide, sableux dans la substance somnifère. Sentir, s’engourdir, chaque morceau de moi et devenir mon tout dans la narcose. Adieu, les désensoleillés ; les sibériens ; adieu la toundra et l’herbe sèche. Ah, laissez tranquille mon être mortel. Ah, vers grouillants. On ne prête pas attention aux vers solitaires.
On l’appelle, désormais, narcotique. Ca ne fait rire personne. C’est pour lui conserver une identité sociale. Le reste de lui, progressivement, s’est défait. Son prénom, même. Il y aurait quelque chose d’indécent à le nommer, comme s’il était le même.
Il est cet autre somnambule qui se déshonore lui-même.
Saviez-vous, vous, que les êtres humains ça pouvait se rétrécir comme ça, jusqu’à ce point. Se plier, une fois, deux fois, puis quatre et huit comme des feuilles de papier. Un être humain ça peut diminuer comme le papier d’Arménie sous la flamme.
Le costume nous rappelle ta forme passée. Tu t’es rapiécé bien avant lui. Tu ne te ressembles plus. La main, peut-être, quand tu redresses sur ton nez tes lunettes neuves. Je me demande quand tu les as achetées, ces lunettes neuves. Quand les as-tu achetées tes lunettes ?Elles sont neuves.
Je ne sais pas combien de fois tu as cherché cette brume. Tu as fini par la trouver, hein. Le néant, cet aspect du sommeil même dans la vie. Toujours tu t’es tenu au rebord de quelque chose. Ton appétit démesuré ; à combien ne t’es tu pas essayé…Les drogues, les filles, les garçons, la musique…quelle erreur on a faite. On s’est dit. Voilà, un ogre vorace et féroce.
C’était l’inverse. Tu étais, l’inverse, exactement, narcotisé depuis le premier jour tu te mouvais pour échapper à la gerçure de ta nature. On s’était trompés. On t’a pris pour un autre. On a pas aidé.
Oui, tu étais un puits sans fond. De vide et non pas de désir.
Je vous fais peur et j’aime vous faire peur. Quand j’appuie mon être dégoûtant contre ta poitrine ; je me laisse tomber, répulsif, sur toi. Je vomis Ton sourire qui vomit.
Quand tu parles, on ne comprend rien. Tu bredouilles ou tu marmonnes. On ne peut guère dire que c’est parler, ça.
Oui, le souvenir des petits poings serrés dans le lit d’enfant.
Tourne, sur le côté. L’un, puis l’autre. Le retour en arrière.
La première forme ; l’attitude primitive ; la dernière apparence ; la mort.
Oui, tu me charmes, quand tu dis comme ça.
Mais c’est du vice. Je ne suis pas d’accord. Pas besoin d’être saint. Humain, voilà. Durable. Ferme.
Maintenant, c’est dans la vie ; l’éveil que tu joues au défunt. Je ne savais plus même que c’était la mode, ça. La cyanose, on savait, les lèvres bleues ça a du style et le mot il en jette ; on pourrait se retenir de respirer de longues minutes pour le plaisir simple de dire : je suis cyanosé, oui, regardez mes lèvres
« coloration bleutée des muqueuses lorsque le sang contient
plus de 5 grammes par décilitre d’hémoglobine désoxygénée ».
La cirrhose
« du grec ancien roux est une maladie du fois résultant d’agressions biochimiques
répétées le plus souvent par la consommation chronique d’alcool »
on connaissait oui, c’était d’un banal. Ca on comprend que tu n’aies pas essayé. Enfin, un peu tu diras. Par accident.
Mais la narcose, ça. On aimerait dire : c’est épatant. Ca l’est pas du tout. De te voir traîner là en ta forme périclitée.
Voilà, à quoi ça ressemble une noyade de plein air.
Un échoué, c’est.
Je les vois et je m’étonne de tant d’agitation. Je tente, souvent, de m’exprimer d’un geste simple de la main dont le sens dépend du contexte. Il ne signifie pas toujours l’extrême lassitude. Ils défilent devant moi. Lentement, comme des diapositives, ils m’ont l’air plus vieux que le cinéma muet. Chameaux ils ne peuvent pénétrer ici. Il y eut un temps jadis où l’évanouissement valait bien des succès ; c’était le tout du monde sa façon de tomber. Les tapis persans accueillaient la chute ; les corps très humains s’épanouissaient mandragores muettes. Peut-être on finissait par mourir mais on finit toujours par être le repas des vers ou du vent…Alors. J’aimerais bien qu’on me demande, et toi, comment tu tombes ? et non plus « que fais-tu dans la vie » ou alors qu’à cette question on puisse répondre, moi, je tombe, j’ai la chance de tomber et qu’on me regarde ébloui comme si j’avais dit j’ai fait HEC ou l’ENS.
Moi je dis, je suis Monsieur Morphée.
Ils souhaitent le sauver malgré lui et cherchent sur Internet un thérapeute spécialisé. Spécialisé en quoi…C’est une addiction, ça le sommeil ? Une addiction sans substance. Le bar…même sans lui il parvient sans peine au néant. Le bar, c’était comme pour parachever le mouvement. Pour signifier sa défection totale et irrévocable. Il a déménagé de ce côté de la vie, traversé une rive mais d’un autre mode. Ils s’interrogent. Certains sont fatigués ; se rattrapent par une blague ; ne t’endors pas…on a déjà assez à faire. Un s’écarte du groupe, ne comprend plus bien à quoi bon. Deux fois par mois, cette réunion dans le petit salon de l’avenue Jean Jaurès.
C’est comme s’il était devenu le dernier prétexte à leur amitié. La bave du sommeil devenue ciment. Le temps passe. On s’éloigne. C’est normal. Certains deviennent de droite. On les oublie. D’abord en prétendant se faire une trop haute idée de l’amitié pour leur en tenir rigueur. Mais ça ne dure qu’un moment. On se sépare. Il se dit « tiens moi je suis fatigué, vraiment fatigué ».
Tu devrais me rejoindre, tu sais. Je ne parle pas souvent. Pas beaucoup. Si tu comprends ça, ces signes là, si tu déchiffres quand je bouge de droite à gauche. Si ce langage moins lisible encore que le morse tu le comprends sans peine ni atermoiement s’il t’éclate à la figure comme un b.a.ba alors…viens essaye, toi aussi. Je ne te dis pas pour toute la vie…tu sais ce que j’en pense à la fin…il ne s’agit pas de se convertir. Tant qu’à faire. Je veux dire, tant qu’à faire, depuis combien de temps deux ans, cinq ans, j’ai perdu ces notions là moi, vous parlez de ça comme d’une chose étrange et dangereuse et moi j’en suis le repoussoir ; le totem c’est pour ça qu’on me garde ; on m’entretient comme un mauvais diable ou une mise en garde, la bonne action sous le coude, la bonne excuse quand ta meuf ou ton merde t’emmerde tu dis « j’ai monsieur narcose » comme on va au chevet d’un mourant. Alors…pas…joins toi, mais tente. Si tu comprends, c’est déjà que tu as pénétré le périmètre. La chute, c’est le vertige. Tu vois, la chute, on néglige, cet aspect là. Cette chute elle dure toujours…tu ne finis pas écrabouillé. C’est ça la vérité, tu vois…Ils l’ont choisi la chute. C’est le grand mensonge depuis 5000 ans. La chute, c’est un choix.
Deux, ils sont deux maintenant…
Oui ça n’a plus aucun charme si on est deux, ça se fissure.
C’est trop d’énergie, et puis pour quoi faire, à quel titre.
Haha, oui quand c’était singulier ça avait un air de sacré et de sacrifice. Mais deux, deux on dirait une contamination. A qui le tour, maintenant. Ce n’est plus pour rire. L’effroi il est pour de vrai.
J’ai ma vie, pourquoi de toutes les façons les gens changent, voilà, on ne les abandonne pas ; ce sont eux avant tout qui nous ont quitté.
Tu te dis, j’ai fait de mon mieux, franchement, je me suis bien battu mais s’il ne veut pas être sauvé. Mais depuis le départ il n’y avait rien à sauver.
Si ça leur plaît la merde…je n’ai pas à juger des préférences des autres.
Tu es tolérant tu te dis « chacun sa merde ».
Lui se dit, à la fin, que tout ceci était un bien piètre artifice. On tente de donner du sens à sa vie en prenant des poses christiques. Deux fois par mois on a accompli son devoir de charité et nul besoin de Dieu, d’enfer ou de paradis pour ça. L’ego, sans aucun problème, supplée et condense ces trois-là. Il ira, les voir. Parfois, sans régularité. En silence. C’est donc ça l’amitié.
Parfois, tu viens nous rendre visite. Ce n’est pas ta vie et sans mépris ni violence tu te risques à nous puis tu te dis le non-vertical que ce n’est pas pour toi. Un jour de grande douleur ou de grande joie, tu tentes le coup, mais c’est temporaire. Le temps d’une nuit, une visite, ça fait plaisir. Ca me fait plaisir de partager ça avec toi. Les autres…ça finit toujours pas révéler sa vraie couleur et c’est moi qu’on croyait du vide et du néant ? Les narcotiques ce sont eux ; la contagion de tout ; leurs gueules pandémiques.
L’ordonnance prescrit 2 cachets de lamotrigine 200mg par jour. La pharmacienne précise : un le matin un le soir. Demande, s’il sait comment ça marche. La question n’est pas claire. Parle-t-elle du processus chimique, la digestion, le passage dans le sang, la partie rejetée dans l’urine et toute la secrète métaphysique de la pharmocopée.
Parle-t-elle de la méthode d’administration du traitement. Un verre d’eau ou le laisser fondre sur la langue, le comprimé dispersable.
Le loxapac
la quétiapine
le lithium
sont prescrits en cas de troubles bipolaires de type 1 ou 2
quand les patients souhaitent mettre fin
à leurs corps
ou
quand leur corps déborde
sur d’autres corps.
Le loxapac
la quétiapine
le lithium
assomment le patient
le privent de corps
de l’exercice social
civil
du corps.
C’est encore mon corps la chose gisante que je sais gisante et sans conscience
quand 15 heures ont passé dans un éclair
je n’ai pas attenté à ma vie
pendant 15 heures
ni à celle des autres
pendant 15 heures
le monde n’a pas bougé
15h
sous mon influence
moi non plus
pendant 15h
suis-je encore dans mon corps absent
ne pouvant désirer ni refuser le désir
inapte rendu inapte mon corps par l’ingestion
sérieuse et constante
le respect scrupuleux
de l’ordonnance
en bon élève
en bon patient
ne donnez pas confiance aux psychiatres.
Parlant de votre esprit c’est votre corps
les possibilités de votre corps
qu’ils visent
et mutilent
circoncisent
circonscrivent
votre corps leur fait peur
et ce sont en vérité
des légistes plus que les légistes
eux-mêmes
qui vous démembrent
et vous rendent au monde
après retenue.
le lithium provoque la chute de
cheveux.
Ce chapitre fait suite à un que je n'ai pas posté. Deux personnages, celle qui parle ici et son ami, vivent en colocation dans un petit deux pièces. Elle est au RSA, il est pion. Tous deux touchent les APL. Un contrôle de la CAF, les soupçonnant de concubinage, menace leurs allocations.
Des doigts ce sont de gros doigts velus qui gros doigts velus malaxent l’espace.
Je suis composée…je suis l’espace même malaxé par les gros doigts velus.
Je croyais…j’ai cru que j’étais faite de ciel. Même pas le plâtre d’un plafond insalubre s’il faut tout…trop dire.
Je suis ce volume creusé malaxé par les gros doigts velus
pendant qu’ils…
je regarde l’étoile dansante au mur, la télévision allumée, la télécommande pressée par les gros doigts velus étaient-ce ceux là ou d’autres.
On m’a dit, travaille, bosse…sinon…on m’a dit…récure des chiottes sans quoi…on m’a dit c’est pas si mal…on a compté sur les doigts…l’intérim, auto-entrepreneur…C’est bien ça…ça vous irait bien…beaucoup de liberté le statut…oui la précarité…mais il faut voir les avantages. précaire…oui….bon…le SMIC au pire…C’est un bon début…le SMIC. Le C de SMIC vous savez…ça veut dire croissance. SMIC ça termine par une promesse…il faut voir les choses du bon côté…moi je fais de mon mieux…mais…
J’ai dit d’accord…on va essayer ça…Déjà je voyais sur son bureau des gros doigts, des gros doigts velus, qui malaxent. Ses doigts à elle.
En rentrant, j’ai pris des photographies de moi. Le plus difficile ça n’a pas été le corps nu, les poses et tout. Ca a été le visage. Ca devenait vrai à partir de là ; moi sans aucun doute possible. J’ai hésité à flouter puis j’ai pensé à des chiottes, des chiottes pleines de merde. Ca a été plus facile.
J’ai hésite à attendre Etienne, mais il bossait et je ne voulais pas lui en parler tout de suite. Je ne sais pas encore où et comment mais je lui en parlerai. J’aurai besoin de l’appart desfois sans qu’il ne soit là, ni ne risque de débarquer.
L’appareil photo posé sur le trépied, autant faire ça bien. Régler la vitesse d’obturation, la profondeur de champ pour faire comme il faut. Me donner, sous l’objectif, un air de promesse.
(j’ajouterai ici des détails techniques de meilleure qualité) 1600 iso f/5,6.
J’ai dit d’accord sans haine, avec dépit et dégoût.
D’accord oui…il faut bien haha…sinon…contribuer voilà…s’insérer c’est mieux…C’est pas une allocation d’attente…comme vous dites…quelque part c’est une incitation…je n’avais pas perçu la chose comme ça…c’est intéressant…haha oui non pas un choix de vie…quand même…
on a ri ensemble avec l’assistante sociale et qui, occupant sa fonction d’agent de contrôle me rappelle le gouffre qui se tend devant moi. La rue, le dénuement le plus total. Le passage de la pauvreté à la misère. La précarité, tant que l’on a un toit, ça se gère. Le problème de la rue c’est qu’on ne vit plus au jour le jour mais carrément heure par heure. Que parfois, à 23h30, il nous manque 5 euros pour l’hôtel social ou un repas un peu consistant. Un soir, un type de 20 ans est venu me voir pour me demander quelques euros. Il en avait besoin pour loger sa copine ce soir là. Ils avaient trop peur tous les deux de la laisser à la rue. Le nombre de viols commis sur les femmes SDF est monstrueusement élevé. Le mec avait abandonné son job à courtepaille où il était agent polyvalent (ça veut dire qu’il prenait les commandes, les déposait, rangeait le stock, passait la serpillère). Le SMIC, évidemment. La boîte refusait la rupture amiable qui lui aurait permis d’obtenir des indemnités chômage. Il avait 20 ans. Inéligible au RSA.
On me menaçait de ça. De la rue, de la misère, de la précarité extrême, du viol. On me menaçait dans ce bureau dépouillé en ne prononçant jamais directement la menace ; l’énonçant par détours mais inflexiblement. J’aurais aimé, j’aurais du lui cracher à la figure : l’alternative que vous me proposez c’est le viol rémunéré ou le viol tout court.
« Femme de ménage (et les hommes??), métier à risque. L'emploi de nombreux produits nettoyants toxiques met en danger la santé des agents d'entretien. Benzène, éther de glycol, acétone, autant de substances connues pour leur toxicité et pourtant manipulées quotidiennement par certaines catégories professionnelles. »
C’est ça récurer les chiottes, les produits chimiques simplifient la tâche. Il faut frotter un peu moins fort pour récurer plus de chiottes, au final. Ca ne diminuera pas l’amplitude horaire ni n’augmentera le salaire. Les gains de productivité sont pour d’autres.
Les dirigeants, lors de la réunion annuelle présentent ainsi les faits : L’incorporation de moyens modernes (mortels c’est moi qui commente) a permis d’augmenter la productivité de 12%, de limiter l’augmentation des effectifs de terrain et de maintenir la compétitivité de notre groupe. Ceci à périmètre salarial constant. Je vous invite à consulter la page 42 du rapport remis à l’entrée et d’observer la progression du CA.
On en oublierait presque l’odeur de pisse.
Quelques clics. Attendre que les photographies chargent. Imiter les autres profils en variant un peu, histoire de s’adapter au…marché. Se distinguer tout en demeurant dans la norme ; ne pas trop choquer les attentes mais les surprendre assez. Efficace. Proactive. C’est marrant, chaque fiche ressemble à un C.V. On énumère les compétences, on évalue même sa maîtrise linguistique. Français, Anglais, Russe…Trois étoiles le maximum, pour dire courant. Une pour notions, « je comprends tes ordres » j’imagine. Un nombre incroyable de pages mentionne le russe comme langue maternelle. Je ne sais pas, ou je ne sais que trop, le parcours de ces femmes.
Les clients notent les escorts qu’ils ont fréquentées et commentent la qualité des prestations. Plusieurs catégories : massage, social time, propreté… Certains clients exigent, au-delà, du cul, du 69, de la levrette, du cum in mouth, du french kiss ; exigent au-delà de la variété des contorsions sexuelles amitié et considération. Simuler le plaisir. Simuler l’affection. Ils se comportent avec les femmes comme face au dîner à noter sur tripadvisor.

En continuant de remplir ma fiche, je m’aperçois de la terminologie étrange employée. Pour parler de baise on dit « massage » tout en listant, pourtant, les pratiques sexuelles proposées ; quant à l’aspect monétaire on le dissimule sous un ironique romantisme : on ne dit pas 200 euros l’heure mais 200 roses. Prolongeant ce langage les prostituées se divisent en deux grandes catégories, poreuses l'un à lautre, les PSE ou les GFE. PornStar Experience ou GirlFriendExperience.
Sur Chrome j’ouvre un nouvel onglet pour oublier un peu tout ça. Sur le site de franceculture, j’écoute une émission j’entends « entre récurer les chiottes et être pute j’ai choisi de braquer ».
Texte à visée ironique - concours Guerlain - Parfums d'amour - les mots de sperme de chatte de bite de fluide de liquide de pleurs se manifestent implicites dans l'hypocrisie de ce texte.
La porte claque. Il est en retard. Il a traîné. Mes mains le retiennent. Mes ongles longs s’accrochent. Mes ongles peints le retiennent ; l’agrippent. Il part. Il laisse dans le lit du soi-même. Une odeur différente tous les jours et pourtant chaque fois la même. Celle de l’amour. Il claque la porte et l’air alors déplacé emplit la pièce de son odeur. Ce parfum par lequel il dit « c’est moi, je suis de retour ». Ce parfum qui le précède et l’annonce. Ce parfum partout avec lui comme une ombre, une ombre paresseuse, une ombre toujours en retard, une ombre indépendante de toute lumière, indifférente à la lune ou au soleil.
Il l’appelle depuis le bureau où il est arrivé à la bourre. Entre les bouchons des trop grandes villes et son départ tardif il lui était impossible ne pas être à la bourre. Son boss l’a convoqué dans le bureau, il a claqué la porte. Une porte inodore. Alors il l’appelle, il l’appelle elle, et il rit en racontant son entretien. Elle dit, tu ris alors que tu t’es pris une soufflante. Il dit pour ce que j’ai vécu ce matin…des soufflantes je m’en prends tous les jours.
J’aimerais ne pas partir il lui dit. J’ai du boulot moi aussi, elle répond. Il dit oui c’est vrai mais voilà. Non, pas voilà, c’est elle qui dit.
Je suis obsédée par son odeur, en manque de son odeur. Présent, je le renifle comme un animal sauvage. Ce parfum là, ce parfum provenu d’aucun parfumeur. L’odeur de sa peau, la manière dont la sueur tourne, jamais aigre, sur sa peau lisse, sur son torse imberbe, son torse d’adolescent rieur. Le parfum de ses mains, tu sais, entre chacun des doigts, je ne sais pas ce qui s’y loge, c’est comme du magnolia, comme s’il portait aux phalanges d’invisibles champ de fleurs. Parfois, c’est l’odeur sèche du sel. Je ferme les yeux contre lui et s’annonce un saccage de vagues et la voix silencieuse de la nuit. Je ferme les yeux et je chavire contre ces odeurs toujours changeantes et pourtant identiques.
Il rentre. Elle n’est pas là. Il arrange sur la table le bouquet de fleurs qu’il vient d’acheter. Un bouquet maladroit qu’il a composé sans l’aide de personne. Elle adore ce qui sent bon. Elle adore les odeurs. Elle en parle et déjà elle emplit l’air de saveurs et d’amour. Alors, pour l’attendre et la retrouver ombre, il se glisse dans la salle de bains. Il ouvre le meuble, au-dessus du lavabo, où le chapelet multicolore des parfums l’annonce. Il saisit un parfum, au milieu du tas d’un geste. D’un geste brusque, maladroit, le même geste qui le fit composer le bouquet offert. Contre la faïence tout se brise et éclate et de ce mélange impossible il la ressent. Il la ressent en saccades, en décharge, il la ressent, comme démultipliée, cinquante fois elle-même déployée, enivrante.
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Puis la panique. Il transpire.
Merde, elle va être en colère. Merde elle va me. Je dois. Je ne sais pas. Il saisit son téléphone, commence plusieurs fois le même message. Désolé. Non. Pas comme ça. Il reprend. Je suis arrivé ! Non, toujours pas. Il tourne dans sa tête le message pour lui dire. Il s’épuise. Il transpire. De grandes auréoles envahissent sa chemise. Il dit, maintenant en plus je pue. Je pue, je sens pas bon, je sens la lâcheté, la maladresse. Il ouvre une bière, qu’il renverse sur son pantalon. Maintenant, je sens l’alcolo. Merde, merde, merde. C’est grave ? Oui ? Je sais pas. Merde. Quinze ans d’efforts, paf, je les ai réduits en morcaux. Fais attention, elle dit, fais attention, en souriant. Elle dit, quand je casse tout. Quand je dépareille tous les services à thé. Merde.
Il s’assied par terre, sur le carrelage froid de la cuisine. Il observe la mosaïque, les petits carrés multicolores importés de Positano où d’une autre ville côtière italienne.
Il s’assied et il se dit qu’il l’aime. Il ne sait pas pourquoi il se dit ça à ce moment là. Il l’aime.
Alors il retourne dans la salle de bains. Range comme il peut ranger ce qui s’est brisé. Il se coupe et dans le lavabo il ajoute l’odeur insensible du sang.
La porte s’ouvre. Elle en a marre de cette serrure elle le dit. Elle la graisse tous les deux mois. A cause de l’humidité ça s’entête à bloquer. Elle ferme la porte.
Elle s’avance, il n’arrive pas à parler. Il lui dit, j’ai merdé. Elle s’inquiète, elle imagine le pire. Elle sent l’odeur de la bière et de la sueur. Ce n’est pas son parfum. Elle se dit ça y est il a merdé, il m’a trompé, c’est ça, c’est sûr. Ce parfum. C’est un autre qui s’est déguisé en lui, c’est pas possible. Il sent le parfum de cinquante femmes au moins. Des mélanges de poivre, de cire d’ambre de fossile l’odeur de… Elle rit un rire nerveux d’abord, le rire qui ne comprend rien, qui tord la bouche, qui donne au visage une autre senteur. Il panique, il doit se dire que c’est mort, que c’est trop grave, que c’est un assassinat presque. Puis son rire s’apaise, clair, comme du verre, elle reconnait dans ce chaos de senteurs tout ce qui est à elle, elle voit le doigt qui saigne. Ce doigt même pas pansé, la petite traîne rouge qu’il a semé sur le parquet du salon et dans la cuisine, des gouttelettes à peine semées sur son chemin, s’entrecroisant là et là.
Alors elle sourit, elle le prend dans les bras, malgré l’odeur de bière. Elle cherche dans son cou, elle retrouve son odeur à lui. Parfum d’amour rival toujours victorieux de toutes les eaux de parfum. Elle le pousse un peu. Montre-moi l’ampleur de la catastrophe. Elle rit. Elle dit, on verra plus tard. Elle remarque le bouquet de fleurs.
Estelle
Des doigts ce sont de gros doigts velus qui gros doigts velus malaxent l’espace.
Je suis composée…je suis l’espace même malaxé par les gros doigts velus.
Je croyais…j’ai cru que j’étais faite de ciel. Même pas le plâtre d’un plafond insalubre s’il faut tout…trop dire.
Je suis ce volume creusé malaxé par les gros doigts velus
pendant qu’ils…
je regarde l’étoile dansante au mur, la télévision allumée, la télécommande pressée par les gros doigts velus étaient-ce ceux là ou d’autres.
On m’a dit, travaille, bosse…sinon…on m’a dit…récure des chiottes sans quoi…on m’a dit c’est pas si mal…on a compté sur les doigts…l’intérim, auto-entrepreneur…C’est bien ça…ça vous irait bien…beaucoup de liberté le statut…oui la précarité…mais il faut voir les avantages. précaire…oui….bon…le SMIC au pire…C’est un bon début…le SMIC. Le C de SMIC vous savez…ça veut dire croissance. SMIC ça termine par une promesse…il faut voir les choses du bon côté…moi je fais de mon mieux…mais…
J’ai dit d’accord…on va essayer ça…Déjà je voyais sur son bureau des gros doigts, des gros doigts velus, qui malaxent. Ses doigts à elle.
En rentrant, j’ai pris des photographies de moi. Le plus difficile ça n’a pas été le corps nu, les poses et tout. Ca a été le visage. Ca devenait vrai à partir de là ; moi sans aucun doute possible. J’ai hésité à flouter puis j’ai pensé à des chiottes, des chiottes pleines de merde. Ca a été plus facile.
J’ai hésite à attendre Etienne, mais il bossait et je ne voulais pas lui en parler tout de suite. Je ne sais pas encore où et comment mais je lui en parlerai. J’aurai besoin de l’appart desfois sans qu’il ne soit là, ni ne risque de débarquer.
L’appareil photo posé sur le trépied, autant faire ça bien. Régler la vitesse d’obturation, la profondeur de champ pour faire comme il faut. Me donner, sous l’objectif, un air de promesse.
(j’ajouterai ici des détails techniques de meilleure qualité) 1600 iso f/5,6.
Je lui répondais d’accord sans haine, avec dépit et dégoût.
D’accord oui…il faut bien haha…sinon…contribuer voilà…s’insérer c’est mieux…C’est pas une allocation d’attente…comme vous dites…quelque part c’est une incitation…je n’avais pas perçu la chose comme ça…c’est intéressant…haha oui non pas un choix de vie…quand même…le C de SMIC haha...C'est contribuer aussi...haha...
on a ri ensemble avec l’assistante sociale et qui, occupant sa fonction d’agent de contrôle me rappelle le gouffre qui se tend devant moi. La rue, le dénuement le plus total. Le passage de la pauvreté à la misère. La précarité, tant que l’on a un toit, ça se gère. Le problème de la rue c’est qu’on ne vit plus au jour le jour mais carrément heure par heure. Que parfois, à 23h30, il nous manque 5 euros pour l’hôtel social ou un repas un peu consistant. Un soir, un type de 20 ans est venu me voir pour me demander quelques euros. Il en avait besoin pour loger sa copine ce soir là. Ils avaient trop peur tous les deux de la laisser à la rue. Le nombre de viols commis sur les femmes SDF est monstrueusement élevé. Le mec avait abandonné son job à courtepaille où il était agent polyvalent (ça veut dire qu’il prenait les commandes, les déposait, rangeait le stock, passait la serpillère). Le SMIC, évidemment. La boîte refusait la rupture amiable qui lui aurait permis d’obtenir des indemnités chômage. Il avait 20 ans. Inéligible au RSA. La boîte lui refusait la rupture conventionnelle, ce qui voulait dire le chômage. PourquoI ?
On me menaçait de ça. De la rue, de la misère, de la précarité extrême, du viol. On me menaçait dans ce bureau dépouillé en ne prononçant jamais directement la menace ; l’énonçant par détours mais inflexiblement. J’aurais aimé, j’aurais du lui cracher à la figure : l’alternative que vous me proposez c’est le viol rémunéré ou le viol tout court.
en cherchant sur google première occurrence femme de ménage.
« Femme de ménage métier à risque. L'emploi de nombreux produits nettoyants toxiques met en danger la santé des agents d'entretien. Benzène, éther de glycol, acétone, autant de substances connues pour leur toxicité et pourtant manipulées quotidiennement par certaines catégories professionnelles. »
(ici il y aura l'insert des comptes consolidés et du rapport remis aux actionnaires de l'entreprise Nicollin)
C’est ça récurer les chiottes, les produits chimiques simplifient la tâche. Il faut frotter un peu moins fort pour récurer plus de chiottes, au final. Ca ne diminuera pas l’amplitude horaire ni n’augmentera le salaire. Les gains de productivité sont pour d’autres.
Les dirigeants, lors de la réunion annuelle présentent ainsi les faits : L’incorporation de moyens modernes mortels (c’est moi qui commente) a permis d’augmenter la productivité de 12%, de limiter l’augmentation des effectifs de terrain et de maintenir la compétitivité de notre groupe. Ceci à périmètre salarial constant. Je vous invite à consulter la page 42 du rapport remis à l’entrée et d’observer la progression du CA.
On en oublierait presque l’odeur de pisse.
Quelques clics. Attendre que les photographies chargent. Imiter les autres profils en variant un peu, histoire de s’adapter au…marché. Se distinguer tout en demeurant dans la norme ; ne pas trop choquer les attentes mais les surprendre assez. Efficace. Proactive. C’est marrant, chaque fiche ressemble à un C.V. On énumère les compétences, on évalue même sa maîtrise linguistique. Français, Anglais, Russe…Trois étoiles le maximum, pour dire courant. Une pour notions, « je comprends tes ordres » j’imagine. Un nombre incroyable de pages mentionne le russe comme langue maternelle. Je ne sais pas, ou je ne sais que trop, le parcours de ces femmes.
Les clients notent les escorts qu’ils ont fréquentées et commentent la qualité des prestations. Plusieurs catégories : massage, social time, propreté… Certains clients exigent, au-delà, du cul, du 69, de la levrette, du cum in mouth, du french kiss ; exigent au-delà de la variété des contorsions sexuelles amitié et considération. Simuler le plaisir. Simuler l’affection. Ils se comportent avec les femmes comme face au dîner à noter sur tripadvisor.
En continuant de remplir ma fiche, je m’aperçois de la terminologie étrange employée. Pour parler de baise on dit « massage » tout en listant, pourtant, les actes sexuels pratiqués ; quant à l’aspect monétaire on le dissimule sous un ironique romantisme : on ne dit pas 200 euros l’heure mais 200 roses. Prolongeant ce langage les prostituées se divisent en deux grandes catégories, poreuses l'un à lautre, les PSE ou les GFE. PornStar Experience ou GirlFriendExperience.
Sur Chrome j’ouvre un nouvel onglet pour oublier un peu tout ça. Sur le site de franceculture, j’écoute une émission j’entends la voix d'une femme « entre récurer les chiottes et être pute j’ai choisi de braquer ».
Voeu-x, porter les peaux de léopard vrai
Ensanglanté-es encore un peu
De la chasse séchée
un peu de poudre ou-ù
le froid métal laissant dans la peau l ' incision
précise
par quoi butor
enfon$a profonde
lame
où balle
de
marines
avant de smuggle
tel carnivore
dans la soute
rugissante
d’un coucou à hélice
je m’imagine paré ainsi des atours
du meurtre
devenant moi fauve
des villes des ponts
des chaussées
moi animal de l'animal
dos du crime le porteur
emprise féroce ouvrir
non mains et paumes
plutôt
à la bouche le désir
n
Vu : 23:26
Fin de la discussion
Écrivez un message…
Je n’ai plus rien à dire
comme les droits de la défense
me le permettent et même le prescrivent
je garde désormais silence