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15 mai 2024

Correction En direct

Ce roman écrit en 7 jours, voilà que je le corrige, tout ça aussi en direct.

 

Ici je corrige en direct sur youtube :En vidéo, la correction

 

ici le texte, accessible à tous, en cliquant sur le lien vous pouvez y ajouter à votre guise les corrections que vous souhaitez : Texte commun à partager

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13 mai 2024

Choses éparses 2023-2024 (2)

Longtemps je me disais que, moi, qu’importe mes faires d’aujourd’hui, du jour là, même, cet instant achevé, puisque destiné à l’absence de durée, être sans longueur, tout d’un bref fil, tout irait bien puisque, à chaque mètre de la vie urbaine et, sous des formes changées en les endroits rocailleux rapporté le sigle O aux anciens gestes comme si ceux là pénétrateurs de toujours abolissant années d’années que la justice se demande même ce pourquoi ici son nom déposé un cylindre neutre et creux où résident quelques ombres du passé, longtemps, me remémorant les anciennes courbes, ces virages pris de justesse, ma vie, à droite ou à gauche toute, d’un côté toutefois tant que radicalement tenu, l’erreur, se changer, mieux vaut paraître pareil paré, ma forme convulsive m’exposait à nombre de calamités, la vérité importe moins que la sensation d’elle-même, longtemps, qu’importe si mon 

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Reprendre, reprendre, encore et encore, toute la vie de cette maladie et ses excroissances se résume à reprendre tout ce qui, sans cesse, s’interrompt, reprendre, le fil, la couture, combler les trous, ne plus se connaître d’endroit de départ, à répétition les reprises forment comme un agglomérat, un pâté, comme ces boursuflures de stylo-plume sur les copies-doubles, jadis, la tache d’encre.

Reprendre le fil interrompu, formule dont je pourrais, sans peine, intituler ma vie.

Reprendre c’est, déjà, parvenir à se trouver un nouveau point d’ancrage, un lieu d’où partir, une direction à suivre. Cette reprise jamais ne s’organise a priori, elle se découvre, soudain, je m’aperçois que j’ai repris du poil de la bête. 

Toute ma vie consista toujours en une agitation dont j’espérais que d’elle, comme un arbre secoué délivre ses fruits, sortent des possibles. Vieillir limite le pouvoir de se mouvoir, la fatigue prend le pas sur le reste, c’est à dire sur la vie, elle la domine, la fatigue, devient, subreptice d’abord, puis toute affirmée, 

 

probablement malade, la sensation, deux jours de suite, de mourir, qui, en soi, ne m’inquiète pas, je ne redoute pas mon trépas, je désespère, quoi de plus normal, de l’intervalle existant entre les deux états. 

L’étonnement de ce que, parfois, les émotions ressenties valent ou, même, dépassent, des arguments raisonnables.

J’en ai pleuré 

J’étais angoissé.e

Ca m’a mis.e en colère

etc.

Sentiments, le plus souvent, mobilisés comme des réfutations du premier ordre moral. Qui peut continuer d’objecter à qui en a pleuré. 

 

Je me souviens d’une discussion s’inscrivant dans de semblables catégories. Pendant le confinement nous nous rendions, parfois, en des soirées clandestines d’un parking du XIVème arrondissement, réputées, les soirées, mobiles 

 

exigeant de se montrer plus tendre et compréhensif envers l’argumentation parce qu’elle ressort du courage de son locuteur. Bien sûr nous pouvons admettre, a minima, une réserve lorsqu’une personne témoigne, c’est à dire relate, avec sa mémoire, ses failles et ses justifications, d’une partie, douloureuse — ou non — de son existence. 

Lorsque je commençai, hier (plus loin en arrière maintenant, toujours textes pointillés, espacés entre leur début et leur fin), mon texte sur le palestinien écrasé par le blindé israélien, je voulais, d’abord, parler de ces gens qui, suicidés, ou, plus rarement, trébuchant dans le vide, se jetant d’une grande hauteur, ne forment pas, au contact du sol une masse difforme aux organes dispersés, gluants. La mort qui les envahit ne les démembre pas, leurs os, fracturés, et leurs articulations se plient selon des angles impossibles. Seulement. Plus semblables à des pantins délaissés qu’à des morts gisant. Rien, au-delà de ces courbes nouvelles, ne laisse deviner sans doute, le mort qui se cache derrière le corps. 

 

Je rêve, souvent, ces derniers jours, de suicide, je me retrouve, en larmes, à l’intérieur de mes rêves, dédoublé entre mes êtres morts et à mourir, me sentant, moi-même, l’endeuillé de moi-même, portant, ici, toute la procession funéraire, une route recouvrant tout d’obscurité, le drapé noir, s’étendant, étoffe lourde et suffocante, traîne interminable, jusqu’à je ne sais quel terme. Contrairement à ce que l’exergue laissait à penser, dans ces rêves je n’envisage jamais de sauter de quelque hauteur, assassiné par la gravité. Souvent, à cause d’un souvenir d’Attila Joszef qui ainsi se périt, je m’imagine le cou posé sur un rail d’un train à grande vitesse, pour que les lames de celui-ci me guillotinent comme jadis, criminels, révolutionnaires ou rois dépérdus, s’abolissaient dans ce sort. Dans les rêves ou le demi-sommeil qui les suit et les précède, je pense à ce que des grillages protègent ces emprises ferroviaires, que, pour parvenir à ce seuil de mourir, il me faudra peut-être grimper un entrelacs de fer rouillé ou peint en vert, dans mes rêves, le grillage est fin et fragile, il est vert, j’en devine la couleur parce qu’il fait toujours nuit dans ces images mentales. La nuit, aussi, balaient de leurs lampes torches des employés des chemins de fer, ils s’assurent de l’état du rail et, aussi, s’organisent peut-être en police, protégeant les rails des saboteurs éventuels ou, plus probablement, des voleurs de métal. 

 

Nous parlions, dimanche, avec le père de Jeanne de nos réveils successifs. Le premier, pour lui comme pour moi, survient peu de temps après le coucher — qui ne pose pas ou plus de problèmes —moi je ne me lève pas à ce moment là parce que la nuit trop profonde et solitaire m’angoisse, parce que, plus pratiquement, je dois remettre mes lentilles sans savoir si la fatigue, trente minutes plus tard, ne me reprendra pas ; lui, son père, se rendort ici parce que des pensées affreuses le harcèlent, il se juge. La vie à venir autant que celle de la veille, le lacère, il se condamne avant que, rendormi après la torture, son second réveil ne dissipe ces ombres gigantesques et machinales. Il garde, bien entendu, sa nature ne se trouve pas ainsi aboli, il la délaye seulement, un réel pessimisme. Il considère avec dureté ces choses qui quelques heures auparavant l’anéantissaient, il se considère, aussi, apte à les surmonter. La réalité en tant qu’évènement n’a que guère changé, sa praticité, elle, se trouve renversée. Il conserve les réserves du faire dans ce second sommeil. Il répare. Au lieu de ce que, comme la plupart des êtres, les cauchemars, surgissent au cours du sommeil, les siens, apparaissent à l’état de veille, entre deux inconsciences, qu’il traite, ensuite. Fonction du rêve que de trier pour rendre acceptables les faits. 

 

 

Mes rêves récents de suicide, eux, se déroulent systématiquement au cours de ce second sommeil, qui, toujours et depuis toujours, abrite les rêves les plus proches du réel, ceux que je prends, parfois, pour la vie vécue. 

La nuit, dehors, ne reflue pas, encore drue, elle semble exercer sur moi son ultime poussée de # 000000

 

Lorsque la souffrance, qu’importe sa nature et ses raisons, nous oppresse nous devenons, très souvent, injustes envers les autres qui, tout aussi souvent, se montrent injustes à notre endroit. Nous ne mesurons pas, de chaque côté de ces douleurs ce qui fait les réserves et les excès de chacun. Et, presque, nous, je veux dire les affectés, les déplorés, ceux saccagés, terre meuble retournée par un soc , sa rouille, sa rage, nous montrons d’une exigence sans limites, jamais nous ne pouvons obtenir assez puisqu’assez signifierait la fin de cette douleur or cette douleur ne peut se résorber.
Des autres nous exigeons un secours absolu et un engagement total.
En bref, sans le pouvoir avouer en ce terme, leurs vies, puisque la nôtre nous paraît si injustement suspendue, partout nous réclamons que les mains charitables deviennent même nos propres membres et se comportent ainsi que des organes de substitution. Une greffe.

Lorsque Marien, tout pénétré d’une affreuse douleur à quoi se mêlait son grand orgueil, une façon, au monde, l’orgueil, d’être déçu. Il souffrait, Marien, de injustice qu’il ressent certes et qu’il subit.

Marien exige absolument parce qu’il est frappé absolument, bouilli(e). Une réduction sur le feu chimique à quoi, le feu, il prête des intentions, celui du sadisme, où, le feu, soutient-il, il en sait la main manipulatrice. Qui, mieux que le diable, en sait faire le parfait usage qui diminue l’homme ?

On organise, semble-t-il, du dehors, sa disparition.

 

Marien nous reproche, à ceux qui l’approchèrent, de. Et si je laisse, ici, indéterminé et suspendu, ce reproche c’est en raison de sa labilité, celui-là, polymorphe, s’amarra toujours à une forme, s’emparera toujours d’une justification.
Rien n’efface l’injustice au passé, aucune justice du présent n’annule un vécu, une expérience. Ni même tout donner. Il aimerait un meurtre. Que les amis, lui offrent, à la fois leur sécurité légale, puisque le meurtre, passible de poursuites pénales fait partie des infractions les mieux élucidées, parce que, aussi, le meurtre, laisse rarement indemne ses auteurs.

La justice, légale ou non, ne répare pas en réalité, console, parfois, au mieux. Ce que ne cherche pas Marien. Elle ne peut, sauf dans la fiction (les nullités juridiques), faire à la vie rebrousser chemin, la reconduire au point anticipé de sa dérive.
Parce que si au présent même nous pouvons obtenir le sentiment de la justice, l’injustice, c’est à dire les faits au passé, risquent toujours de remonter à la surface, bulles néfastes, elles ont eu lieu. Nous ne pouvons abolir l’évènement.

 

Marien me reprochait de manquer de courage de, brutalement, m’être tu sans concevoir que moi, je possédais une vie, une vie sans rapport avec la sienne ni avec lui, que, quelque part, devenir son ami, selon ses termes, revenait à lui consacrer tout. La radicalité, l’intensité de rapports, la fusion, celle des amoureux presque, pourrait ne manquer de charme. En son cas, elle se ne se consolidait plus que par la haine. Son objet visait, avant, ou se dirigeait irrémédiablement vers, la haine.
Seul les secours les plus absolus de la science : remonter le temps, effacer le passé, sauverait Marien. Marien refuse tout catégoriquement de passer à autre chose comme le veut cette expression sage et idiote. Marien refuse de recommencer à partir d’une souche certes tardive, certes fatiguée, abîmée, mais, toujours, encore vivace. 

Il ne le peut, engourdi, désabusé, je crois, plus justement, dans ce post je-ne-sais-quoi qui deviendrait un à-quoi-bon. Il ne veut plus parce qu’il considère que seule sa première vie méritait d’être vécue, que les promesses de celle-ci, les dons qu’il possédait, méritent, encore, une rétribution. Quelque chose lui est dû et il ne souhaite l’obtenir d’aucune autre manière.

 

Après avoir disparu de longs mois, il remet à jour son existence numérique et, tout récemment, poste une photo de lui dont j’ignore le sens. Un selfie, lui allongé, je crois, l’oeil triste, forcément, il écoute, j’imagine, de la musique.
Quel témoignage, ici apporte-t-il ? De quoi cette photo rend-elle compte. Il la légende, approximativement restitué, il écrit des nouvelles. J’imagine un complément non écrit : du front. 

 

Lors de sa réapparition, il m’envoya un message vocal pour m’insulter. Une sorte de tic de l’injure, une façon de reprendre attache qui lui correspond, lorsque, mécontent ou, en ce cas plus certainement, indifférent, il souhaite exercer le claquement de sa langue. Des horreurs, auxquelles le plus souvent je demeurais indifférent, dont il était coutumier. Marien diminue, moque et injurie souvent. Il existera toujours, pour moi, pour ce motif, une asymétrie entre lui et les autres. Entre ce qu’il se permet et ce que les autres tolèrent tandis que lui se convainc de tout donner et de ne recevoir rien. J’ai passé des heures à l’écouter et connaître son existence avec ses recoins, ses replis, ses méplats. Sans parler de moi.

Il m’en veut, dit-il, de mon manque de courage tu n’as pas de couilles parce que je n’aurais pas insulté son « » (c’est à dire son géniteur) alors qu’il me l’avait demandé. J’avais appelé, pourtant, en vain, tonalité ne débouchant jamais sur aucune voix, le « ». De la même façon qu’après sa tentative de suicide (au cours d’une conversation, tardive, j’ouvre le gaz, me dit-il) je me démenais pour obtenir de ses nouvelles, trouvant le numéro de téléphone professionnel de sa « » qui m’accueillît avec froideur et dans un insupportable mystère, ne me révélant, qu’après une interminable attente, le sort — vivant — de son fils.

Mais rien ne pouvait suffire, parce que, même une vie toute entière consacrée à lui ne pourrait effacer ce qui le défît. Même qui mort pour lui, Marien considérerait cette mort comme une trahison.

Toute interaction humaine se compose de maladresses, de malentendus, de faux raccords. Marien les imagine tous, qu’importe l’ensemble dans lequel ils s’inscrivent, comme des manigances parce que, en dernier terme, il faudrait tout lui donner et, c’est à dire, le dédoubler, s’accorder à lui en tout. Il cherche, sans s’en rendre compte, des êtres algorithmés. 

A le lire aujourd’hui nous croyons orphelin né sous X, déréliction la plus absolue, adopté par le néant et abandonné de tous et par tous. Je déteste ceux qui, alors, pathologise sa protestation, la réduisant à de la paranoïa, le diagnostic compte pour rien ici, il effacerait la réalité objective de son existence, les souffrances réelles et l’exil dans son propre pays qu’il subissait (des internements de force répétés). Il hurle contre une injustice dont tout le monde devient le complice parce que personne ne la compense parce que, ce qu’il refuse de voir, personne ne le peut. 

 

Alors, lui, sans reconnaissance, ingrat même, se mue en une foule de reproches, il ne vous pardonne pas de ne pas transcender ce qui ne se dépasse pas. Personne ne peut effacer son passé, personne ne peut, hélas, le relancer dans l’avenir. Ce destin écrasé, piétiné dont je crois encore parfois qu’il saura habiter encore.

 

 

 

J’y pense à cause de ce que je souffris tant que je me déployais, ex

 

Lorsque je souffrais tant, j’en voulus, par exemple, à Louis de

Souvent nous lisons, en ce moment, devant le triomphe maintenu d’un Polanski ou d’autres identiques, que les accusations ne ruinent pas les vies, preuve de la vitalité du patriarcat. Je ne doute pas de la vitalité de celui-ci, je doute, par contre, de cette croyance que les accusations n’affectent pas ou ne détruisent pas les vies sociales et conduisent à des exils et des violences sans limite.

Croire que Matzneff, Polanski ou d’autres, ne pensèrent pas, par exemple, à se tuer, se défoncer, attenter à quelque chose d’eux, à cette immédiateté d’eux, relève d’une sorte de cruelle folie.

La justice extra-légale, pour compenser son incertitude, exagère et fait, à la fin du tout, de son exagération, une vérité. Au lieu de la considérer comme une base de discussion à partir de quoi ensuite. 

 

Les accusations ruinent les vies et les violences sexuelles détruisent les vies. Croire que déplorer les premières c’est tracer un signe d’égalité entre elles et les secondes relève d’une lecture erronée dont, à cause des malfaisants et leur mauvaise foi, il faut, pourtant, rédiger cette prolepse. 

 

Que les victimes se déploient sans mesure voilà qu’elles demeurent dans leur nécessité, elles ne peuvent se contenir puisque leur position, par définition, les conduit à l’exagération. 

13 mai 2024

Textes en Vrac 2023-2024

Brouillon non terminé de 2023 et de 2024

 

Curieux depuis deux ou trois jours l’absence totale d’appétit et de sommeil. Du sucré, pas mal, compensant, hélas, le déficit calorique, au moins en partie. Je pense à sa fille, son enfant, sans la nommer, comme si, d’écrire ici, dans cet endroit, aux yeux de tant, sali, je le blasphémais. C’est ce que personne ne comprend, l’immense retenue, la suspension permanente, l’interrogation toujours répétée quant à mes gestes et la plupart d’entre eux abolis. Parce que moi cet être furieux chimiquement ou de toute sa personne volontaire porte tous ces gestes, toutes ces imaginations, ces versets de l’atroce, toute une compilation monstrueuse et méthodique. La plupart du temps, il tient bon, je ne croyais pas écrire, en pointillés même, l’idée de son prénom comme de celle-là, presque voisine, jamais vue, je ne dis rien, qui, comme lui d’ailleurs, le père et la mère chacun de son enfant, leur disparition de mes correspondances virtuelles. Pas grave. J’écrivais, faute involontaire, Pax grave. Pax, c’est à dire, en latin, paix. Tout ce qui manque. Mes suspensions, dans mon état, et qui le réprouve et le refuse, je lui crache à la figure, sont des actes moraux parce qu’ils sont des cas de conscience. Je pense toujours, ne pouvant tout à fait tenir la bride, ne souhaitant pas sûrement, or même ici, finalement, au moment de l’embardée, par quel miracle qui sait ? le gouvernail, les bras l’accompagnant, maintient le cap, évite la dérive, voilà toute la morale. Je pense, soudain, à elle qui m’explique, chose curieuse, combien les expériences sexuelles répétées, frénétiques, s’opposent à l’idée de toute agression sexuelle antérieure, comme si, pourtant, il ne s’agissait pas d’un mode assez ordinaire de traitement pratique et pathologique de ce type d’évènements. Comme si la seule abstention témoignait du traumatisme, parce que, paradoxalement, plus visible, d’un choc si le mot traumatisme se montrait, pour décrire la situation, trop ambitieux. Je m’agaçais, en silence cependant, que l’on me disait que, je rapporte approximativement, la répétition d’actes sexuels empêchait l’amour. Ce qui suppose une sorte de généralisation, depuis un certain point de vue, des conditions de l’amour. Je trouve toujours curieux ces opinions qui présupposent, nécessairement, une essence humaine commune, une sorte d’opposition entre les amours et l’amour à quoi je dénie, inutile caprice, la majuscule de circonstance(s) pompeuse(s). L’hypersexualité pas plus que toute autre intensité n’entame l’amour les deux ne se lient pas ni ne s’interdisent. Chacun, avec ce qu’il porte, les embrasse. Chacun. 

L’idée du double standard m’insupporte quand elle ne me rend pas malade. En matière de morale, opinion personnelle dont l’universalité semble indubitable, la plus grande rigueur s’exige sous peine de nier, la morale. Les professeurs de l’austère les plus libidineux dégoûtent plus que le libidineux revendiqué. 

Qui sait les nerfs enrubannés autour de l’acte, les pulsions, les pires et les plus belles, cet imbroglio de gestes ne devenant pas des faits ? Or, de la moindre esquisse me voilà blâmé ceci, bien entendu, je le refuse et le réfute. Nous délirons comme nous sommes, comme nous réagissons comme nous sommes, si je trahis, à un certain point, une réalité, elle doit, cette réalité se rapprocher de tout ce que, à l’état de raison, je retenais, blâmer le délirant de son délire à cause de ce qu’il se révèlerait dans ce délire pour de vrai suppose qu’auparavant il agissait dissimulateur et coupable en suspens, ne remarquant pas que, si quoi que ce soit ici, porté au jour, sa bravoure quotidienne, sa lutte intense et permanente contre ça. Moi, de ceux-là, être contenu, élevant, digues, sac de sable, tout ce qu’il trouvait celui-là, sur sa route, bricolant barrages et berges, elles cédant, révèlent le secret réprimé, la nature, si vous voulez qualifier ainsi, ne reconnaissant pas le reste, l’effort, la culture, elle la primeur puisque seule ou le plus résultant de la volonté, du vouloir, du je. Etrange contraire et douloureux effort de remercier le délirant cruel sa méchanceté son horreur de son apparition tardive remercier ces mois, ces années, ces jours quand il tenait bon, évitait, évidait, il émondait le mancelinnier amer et vénéneux, épargnait à tous son ombre, effort permanent, sécateur à soi-même. La folie, sa nature, si vous voulez, sa nature à lui, dire lui, pour moi, comprimée qui jaillit d’un coup de tout le contenu, la boue, une purée, les glaviots, tout. Les inondations manquent de politesse. Est-il saint le démon qui suspend sa nature a-t-il été saint jusqu’à ce que le démon, un temps seulement, se réveille ? Ou alors, c’est un homme, oui sûrement, un être humain. 

( novembre ? continué 30 décembre fini 3 janvier 2024) 

 

Se mouvoir, encore, toujours, répéter, divers milieux, les gestes, ces sortes de gestes perpétrés, perpétués de lieux en lieux. Une journée commence, identique, d’une forme propre tout de même, en possession d’elle-même, cette journée, elle offre un tour neuf, il suffit d’observer de près, remarquer ses singulières aspérités, ce visage jamais vu ni même imaginé, une démarche surprise dans la rue que l’on se prend à vouloir imiter, le balancement des hanches, comme le pantalon flotte, puis, se rendre compte, à calquer ses gestes sur ceux d’un autre tout ce qui d’une vie se dépose dans ce simple geste de marcher ou, plus encore, pour qui dépourvu de jambes, se déplacer et qui, même, figé dans son lit de malade, encore, possède sa propre démarche, son être concentré dans l’expression de son visage, les ridules dessinées, une façon de sourire ou de ne pas sourire, ces manières de se forcer, la contraction réflexe des muscles faciaux. 

 

Se mouvoir, attendre, détester attendre, se tenir sur le qui-vive des non-évènements, réagir, tout de même à ceux à demi advenus. Se dépourvoir de colère de l’exigence, la sienne propre, de justice, d’obtenir justice, découvrir, en soi la colère, la folie accolée à la colère qui dit tout de même soi soi-même. Avec son horreur. Son tragique. Son incompréhensibilité qu’on tourne et retourne sans parvenir à en délimiter le sens. La démence ne connaît pas de raisons, les chercher nous détournerait de l’essentiel, s’en soigner, se rectifier, se remettre en cause. 

 

j’écrivais, avant, en novembre ce petit passage que je ne sais plus intégrer à ce texte, à mon actualité. 

la seule réparation espérée, souhaitée, la vérité, c’est à dire l’accord entre les discours, tous les discours, les souvenirs, la mémoire, les douleurs et les faits, la constitution de ce réel, en dehors de quoi rien. La haine. Rien. Autre façon de dire rien. La postérité de la haine, le rien.

 

Je me suis toujours cru doté, malgré ma forte émotivité, d’une capacité de relativiser et de me maîtriser qu’importe les circonstances de ne pouvoir, jamais, excéder un principe fixé en amont, y compris lors de mes crises récentes, répétées, douloureuses, cette désignation du monde entier comme ennemi ou à tout le moins adversaire, en ces moments, la rationalité débordait encore, selon moi, mes faits, mes gestes, mes pensées, me retournant sur ces mois de défense, de démence, je parviens, encore, à me trouver cohérent sans mesurer, qu’en réalité, au-delà des actes, des gestes, de ce que je leur prétendais de maîtriser, ce qui les animait, une folle, irrépressible colère portait, en elle, des possibilités tragiques, réalisables. Elle m’avait plusieurs fois reprocher de me croire, en quelque sorte, imparable, malgré mes capacités de remise en cause, j’esquivais cette part de moi, de délire, de violence, lorsque je remonte ma vie je me souviens que, jadis, il y a longtemps, avant le Lamictal, surtout, adolescent et enfant plus encore, des pulsions brutales m’animaient. La vie, ma force, les médicaments, me détournèrent des possibilités de son exercice. J’écrivais taire n’est pas tarir, jadis, pour désigner maintes choses en moi, et celle-ci, la violence, plus et mieux encore dissimulée, tue et donc proclamée tuée, parce qu’elle heurtait un principe biographique, une de mes nombreuses rigidités. Les gens de ma sorte, manquant d’esprit d’abstraction et de généralité, doivent passer souvent par l’évènement pour se comprendre, se changer, or l’évènement, jamais neutre, produit dans le monde des effets, le monde constitué de gens, le monde, pire encore, constitué de gens aimés, eux, à cause de leur proximité, toujours le sujet privilégié de ces expériences. Les meilleures. Les pires. 

 

Je me savais impétueux, je m’ignorais ça, de ce  

 

 

 

Sinon, quoi, l’envie de détruire encore et toujours réprimée, la liste, comme une prière, un chapelet de noms égrené, chacun qualifié, pas le même adjuvant, selon l’humeur, la plupart d’entre eux oubliés, il faut l’avouer, le temps, fait partie de son affaire, il classe et trie, l’ivraie de l’ivresse. 

 

Je pense à la lâcheté, ce sentiment parmi tous honni qui, elle, lâcheté, commande à bien tous les drames, tant de choses perdues à cause de son tremblant empire étendu, lâcheté, qui ne se confond pas avec esquive, c’est à dire fuite anticipée, lâcheté plutôt refuser quand, pourtant, l’évènement se montre, présent, irréductible sauf à l’affronter, lâcheté, péché mortel à cause de ce qu’il pourrit ce qu’il évite. Il évite le monde.

 

au théâtre nous nommons béquilles ces conjonctions introduites entre deux propositions, conjonctions verbales « et » « ou » « ah » ou, parfois, somatiques, une respiration appuyée, un pas en avant ou en arrière selon le caractère de chacun. Ces béquilles rassurent qui elles appuient sans permettre, nécessairement, d’accroître le sens ou de frapper d’un rythme élégant le phrasé. A force d’apparaître elles deviennent des tics à quoi on ne s’accoutume jamais vraiment, qui, béquille, alors, fait passer celui qui l’emploie pour un éclopé véritable. Il oublie comment marcher sans cet appui artificiel.

 

En écriture, je souffre la même chose, ajoutant, à tort et travers, des « et » débutant nombre de mes phrases par ce « et », n’en finissant pas d’autres par un point, lui substituant le plus rassurant « et », son rythme factice, sa brièveté, une syllabe gratuite.

Au paragraphe précédent (le précédent du précédent maintenant, après un double saut de ligne) j’écrivais d’abord « péché mortel à cause de ce qu’il pourrit ce qu’il évite et il évite le monde. » perdant, pour me rassurer, le drame risqué du point. La chute, suivant la pause, dépassant la conjonction. Cette virgule alphabétique. Je me bats, souvent désormais, contre ces lâchetés du langage, ces, lorsque j’y réfléchis plus avant, limitations de la pensée ces « et » en début ou fin de phrase clôturent davantage que les signes de ponctuation reconnus comme tels. Et(c)…

 

Je pense, alors, à Louis, qui me disait, lui, que, dans ma position, c’est à dire qui accusé, il faudrait se tenir en retrait, muet, que, tout présumé coupable doit agir ainsi que victime expiatoire, cible exposée à tout, non-humain, dépourvue désormais de sentiments, 

ce jour là, moi, comme souvent, inapte, bégayant, à La Fourmi, tentant, encore, de plaire, quand, plus rien de moi ne pouvait lui plaire.

Je déteste que l’on exige, égoïstement forcément, le reniement de son humanité, c’est à dire de ses sentiments, de son imperfection, de ses excès quand, justement, toute la folie vient au bord des lèvres, quand il ne reste plus qu’elle pour tenir. Ce verre, cette après-midi là, me mettait face à ceci. Les gens prennent parfois pour des problèmes de morale ou d’éthique leur simple lassitude, ils justifient la dernière par un prétexte vraissemblable. Tous les gens, mes abandonneurs, je trouve (à part quelques un qui se savent) ont fait énormément, dans ces situation, seulement, personne ne peut jamais faire assez.

 

Une colère divertie ne s’assimile pas à une colère retombée.

 

 

puis ce passage, l’autre, là, ce passage, les deux disque durs manquants, la plainte, sur le sujet, l’hypocrisie, le double-standard, les arguties quand jules césar dit puisque toi tu as parlé à tes amis il est normal qu’elle ait parlé à ses amis

produisant une fausse équivalence entre des situations distinctes ou le horrible renversement accusatoire quand non

Le fruit tombait comme le cri aigu d’un enfant

les mains, des ridelles, accueillent la chute

du cri, un fruit, du fruit qui crie

la ritournelle, le sucre coulant le bourdonnement

de la guêpe, le dard figé, la guêpe ivre

tambourinne les débris de la ruche

 

le fruit un chien errant il ruisselle

attend le rombo

cette fissure de la terre

dans la terre l’intimité dangereuse

sexy

ses bas emmêlés de collants

de nylon

tous les corps entassés

un charnier, une histoire

 

un panier balancé la stupeur

qui s’ensuit quand la jeune fille

compte les fruits s’étonne 

de la figue

séchée encore lourde

la figue du venin 

piaillant, une mandragore 

sous le balancement du pendu

celui innocent condamné pour 

l’appétit d’un loup-garou

on le nommait prétexte ou 

circonstance agravante

aujourd’hui on pend encore

sans croire plus aux monstres

réels habitants liminaux 

promeneurs allègres

dans l’ignorance

la même

son revers de celle des autres

naïfs abusés des siècles et des siècles

quand le pouvoir des prêtres 

truquait

Luttait contre le mal emploi

des bureaux des menuisiers 

des gardiens de cimetière

et de toutes les révoltes

 

la loi substitut du mythe

n’adjoint à son jugement

aucune justice

la raison la pauvre raison 

de mauvaises raisons cet esprit

de science ne condamne pas moins

injustement

prélèvements d’ADN

ou

ordalies reviennent au même

 

elle ignore le panier d’osier

figé, elle-même immobile

les juges antérieurs

ces rêveurs inspirés

avant le débarquement massif

des raisonneurs

ces magistrats formés 

à Bordeaux aujourd’hui

où jadis s’enferraient les nègres

esclaves

la justice sait s’inspirer là où elle doit

fidèle à sa tradition

 

les rêveurs juges judicieux

le magistrat formé

sept ans excellant moins

à son métier

le savoir use

la justice 

 

un coup de dés 

 

 

 

Ses gestes, lui, reniflent, malgré lui, la chair, ça le dépasse, il le sait, parfois le nie, le plus souvent même, parce que, plus pratique ainsi de se distancer de soi-même, d’abolir le règlement, qu’au monde abstrait, c’est à dire autant celui des idées que des autres gens, il applique, avec rigidité ce qui, grâce à cette rigueur extrême permet, toujours et chaque fois, de s’exciper, involontairement, toute énergie, dirigée vers le monde des idées ou de l’altérité, laissant à l’introspection la place si mineure qu’elle en devient, sauf de la façon résiduelle qui sert, encore et toujours, sa propre justification, absente, j’ignore si la théorie abolit le monde, si elle rend l’action personnelle incompatible avec l’éthique, je crois que, en effet, les plus grands promoteurs de la morale, à qui jamais je ne me fie et à toustes je conseille l’attitude, même que mienne, tant satisfaits de leurs vibratos, un rapport à Dieu ou même, eux, le médium de celui-ci, Dieu, ne peuvent s’appliquer à eux-mêmes les règlements stricts qu’ils promeuvent promesses, avant tout, le large éventail de sanctions, les tourments, de la tombe, du vivant, l’enfer se comptant, pour le mort, en degrés et profondeurs, pour le vivant en des dettes incompressibles, eux, de la morale les patrons, les pratiquants pas du bon, les thuriféraires monastiques, une prêtrise, un ordre de l’ostracisation à l’extermination pure et simple, au nom du bien, qui voisine, étonnamment en ces cas, avec la cruauté, la mort et la mort par, idéalement, crucifixion, symbolique, limitation des honneurs, une couronne de clous, logique, d’une certaine façon que de se voir, soi, par morale, rendu au même sort que le sauveur antérieur, celui périssant pour nos péchés à tous, inutilement, le péché, à la seconde de l’ultime expiration, le coulis pulmonaire, ce rôt des côtes, continuant de prospérer identique ou plus encore qu’avant, avec ce teint tragique de la vallée de larmes de mille pénitences, son air, sur les peintures, qui s’en souvient, le verdâtre sauveur si, ainsi montré, tout vert ou jaune, d’une apparence inhumaine que, malgré mensonges ou menaces, personne ne prendrait, même dans la fosse au lion comme celui dix mille fois béni, béni au point de divinité, le Christ veau d’or d’une autre apparence, le lion, celui singulier, double tétramorphe de l’apôtre-évangile, Marc, connu pour quels faits, qui peut le savoir, Jean ou Paul, les fameux l’Apocalyptique et le sévère,  pour Dieu, le multiple de Dieu ou la division de Dieu, un Evangile, Marc le Lion, le mangeur des croyants, loin, son voisin de déluge, cet aigle, dévorateur du foie mythologique et païen, obéissant à Zeus, le vrai Dieu, punisher des très arrogants, celui, promoteur, donc, forcément, du côté de l’élimination, de la réduction, d’une trinité contractée jusqu’à l’unité pensée et conçue non comme synthèse, pensée, vécue, comme mode et moyen d’économie, le chant, celui, juste, c’est à dire absolument faux, dans ces édifices insincères, à cause de leurs beautés, une dentelle de pierre, elle ressemble, à n’en pas douter, au péché, le premier, Adam mordant dans le marbre de Sa Dame (pause, 21h16-10h54), la bave, du marbre mâché, des montages d’enfants puissants, le début de l’homme, l’enfance de l’humanité, lui, celui, renifleur, incapable de ne pas, à cause de, l’instinct, un manque (13:52), réprimer l’appétit reproducteur, la faim primordiale, aquatique, mille rangées de dents succédant à mille autres, dans une rotation irrésistible, l’appétit, un mensonge, une dissimulation

Celle qui, incapable de trouver dans son intelligence proclamée ou son talent revendiquée les honneurs et l’attention, se les réclame sous d’autres yeux, dans d’autres antres, elle exige de la justice et des institutions pénales, le regard compatissant qu’elle transforme, observant tout de biais, en une admiration sans borne. Morille porte plainte. Souvent. Trop souvent pour, sauf coïncidence extrême, la croire chaque fois. La répétition, comme toutes les répétitions, affaiblissent. Elles usent. Y compris la vérité. Parce qu’elles fatiguent, je crois, bien davantage que parce qu’elles 

 

à la sortie des camps les hommes et les femmes maigres répètent à leurs libérateurs américains ou soviétiques l’horreur vécue qui, les premières fois, les écoutent, terrorisés, ébahis puis, à force d’entendre, des mêmes, ou d’autres, de plus récemment sortis de l’enfer des camps, le même récit disent « je sais » de ce qui ne peut faire pourtant l’objet d’aucun savoir, d’aucune connaissance, et, mais les narrateurs l’ignorent encore, d’aucun récit, le langage, jamais programmé, pour atteindre ces descriptions, ce qu’il y a « dedans », que, la répétition seule, une répétition éloignant, divertissant du but originel, éloignant de l’ex^pé

 

Les premières fois, bien entendu, nous la croyons, les sceptiques, ces imbéciles comme S. ou F-M, se vanteront, plus tard, lorsque nos doutes, à nous aussi, émergeront, sans, précision importante, jamais tout à fait s’élever au rang de vérité.

 

Importent — paresse de leur expliquer — bien davantage les motifs du doute que le doute lui-même. Ils doutent en leur qualité d’hommes, ils doutent en leur qualité de potentiels agresseurs, ils se défendent, par cette méfiance, d’avance de ce qu’ils contiennent, firent, feront. Leur méfiance est idéologique, elle nie un état du monde. De la même façon que, de l’autre côté, contrepoids logique quoi que douloureux, le je te crois, finit par produire des résultats semblables. A la différence près que des femme pas crues; 

 

 

ivre, trop ivre pour dire oui vraiment

en ces cas lui le garçon dit, aussi, moi ivre

pourquoi le pénis, pas en érection, dit le garçon, à cause de…elle prend la parole pour lui, ici, l’accablant — lui, absent, pas là — la drogue l’enquêtrice aménage stupéfiants comme le médecin, plus tard, toxiques. 

coït

pénétration

veulent dire pour Dworkin, équivalent pour Dworkin à viol

la reproduction sexuée est un viol tous les enfants sortent d’un bas-ventre le

péché originel

la bite

 

 

 

12 mai 2024

Chapitre 7 : L'Heure H.

Je devais finir aujourd'hui, septième jour ce roman qui doit compter dans les parages de 15 000 mots (dont à peu près 1/3 de Sarah D.) ce qui, relativement aux conventions, n'en fait qu'une longue nouvelle. Je pense continuer.

le roman entier : Roman Entier

 

L'enregistrement youtube : Vidéo du jour

Chapitre 7 : L'heure H.

 

Sarah D., porte en elle la ville-monstre et Sarah D., que disait, en riant, La Baleine ma cage de Sarah D., elle, Cage de Sarah D., parce que tu bloques toute la brutalité du monde. Ce que, Sarah D., le sait et n’en disconviendra jamais, est absolument faux, Sarah D., ne se délecte pas des accès de violence du monde, de ses tremblements de terre, brutaux mais ne sait réprimer une certaine excitation devant la catastrophe, quelque chose du drame, la possède, l’aiguise, que, sûrement, cette aptitude au drame c’est la volonté de l’évènement et celui-ci, évènement valable de sa surprise, évènement dont on ne soupçonne pas les effets réels, et qui si connus d’avance, comme, un désir hirsute, non-retenu, dix kilos en trop ou une addiction mortelle au crack, nous les eût fait les refuser. Alors si cage de Sarah D., celle, cage, qui ne protège rien, barreaux écartés, verrou crocheté.

Ce matin, Sarah D., le petit-déjeuner pris, les pensées en ordre comme les cheveux ne le sont pas, quitte sa chambre, elle, Sarah D., la quitte et demeure pourtant, encore sur le seuil, seuil de cette ville, encore et toujours, retenue, elle Sarah D., ici, prise dans un récit qui lui échappe ou qui à elle s’agrippe, se sent toujours incapable ou devant lutter, force étrange, de quitter d’un pas sûr, décidé, sans interrogation et mélancolie, cette chambre, elle se trouve aux prises avec quelque chose, des quelques choses se succédant qui la coincent en elle-même et dans ce que ce que quelque chose lui consent d’étendue, la chambre et, peut-être, par métonymie des surfaces, l’hôtel. Sarah D., se demande, là, à elle-même, sur le seuil, la main retenant la porte entre-ouverte — elle Sarah D. se trouve sur le seuil, sur le seuil dedans, le seuil encore de la chambre. Elle pense, Ça pense à cette difficulté du hors-de-soi, que La Baleine lui disait, que toujours à la fin nous vivions dans l’étreinte et la mâchoire de notre propre carcasse et lui après son choix de celle masque d’une identité de poème se choisît de cage la terre définitive, molle et sentencieuse d’un cimetière en bord de mère.

Que, oui, elle, Sarah D., se trouve, ici, sans cesse se repassant elle-même, aux prises avec elle-même, avec sa carcasse, avec elle qui efface tout, le reste, les autres.  Elle balaie, Sarah D., la crainte éventuelle de la ville, une angoisse souterraine rampante, traumatisme caché remontant à la surface ; c’est autre chose, ce sont ces pensées accumulées, tous les souvenirs qui ici la retiennent, qu’elle se sent le devoir de classer pour, ici, vivre et que, ceci, lui semble comme la proposition de son inconscient à son établissement ici, dans cette ville-monde, que, avant, elle doit, Sarah D., de tout ce qu’elle y vécût et de tout ce qu’elle ne connût que de surface, compter, perle à perle, pour y vivre. Et que, de se sentir la possibilité de ce mouvement corps, de ce mouvement vie, du départ, elle se sent, ici, Sarah D., dans cette ville qu’elle connaît et qui la reconnaît, un besoin de jalons et de souches. Alors, elle explore, Sarah D., la ville en elle, cette ville peuplée de figures, La Baleine, Mehdi C., les lieux, aussi, forcément et ce qui s’y passait, les excès et l’ennui, les joies, la découverte, le MoMa où l’intérieur hollandais de Miro l’introduisait dans une certaine peinture moderne — aujourd’hui elle ne s’intéresse guère à Miro, elle préfère Sarah D., les minimalistes dont elle possède chez elle certaines pièces authentiques ou non. Elle, aussi, Sarah D., qui se dit qu’elle connait de la ville aussi ces endroits d’artifices, polders de souvenirs, au bord de séjours réels. Que, ça la frappe, voilà encore ce qui la fige, doucement, ce n’est pas très grave, ça, d’être ainsi figée parce que les pensées en elle-même tonitruent et se confondent. De Paris, elle ne commît jamais aucune de ces fauxtographies or si elle devait quitter Paris, elle changerait, en quelque sorte la règle fixée en elle, qu’il existait quelque part, chez elle c’est à dire, un lieu solide et concret, un refuge enclos. Et peut-être, voilà vers où elle avance, elle retire la carte de l’hôtel de l’encoche où on la range, ça éteint les lumières, elle ouvre la porte de la main qui la retenait, elle range, Sarah D., la carte dans son sac — elle l’y jette plutôt — elle quitte la chambre, la porte derrière elle se referme lentement et claque doucement quand Sarah D. s’éloigne, que Sarah D. appuie sur la touche, un carré doré qui s’illumine par simple contact, sans force, ici tout s’effleure. Ce qui compte, voilà ce à quoi elle aboutit, temporairement au moins,  chez elle, ce qu’elle enclos et recommence, chez elle, son lieu, à elle, refuge, vie naît sous ses pas, elle est, voilà que carcasse remet ça, au final, voilà, Sarah D. qui engendre le refuge de Sarah D., où qu’elle se fixe, dans le temps du moins, elle sera chez elle. Et, de là, fictionnalisera ou pas son monde ancien.

Sarah D., descend jusqu’au lobby, elle demande, là voilà situationniste presque, ou  surréaliste, elle corrige en elle-même la collision de ces deux pensées, aux deux réceptionnistes affairés à mimer l’affairement — ravies d’aider ou qui, ça aussi, savent le mimer — ce que l’on peut faire un mardi après-midi à New-York, elle leur demande, et les deux réceptionnistes se regardent et l’une d’elles prend la parole sur l’autre et demande à l’autre de souligner ou la reprendre, lui demande son avis — sonore ou muet — lorsqu’elle émet une suggestion — ou du moins elles s’entendent, là, déjà, sur la future répartition des rôles et le partage entre, elles Jenny et Solange qui, contrairement à ce que son prénom laisserait accroire n’est pas française mais de Louisville. Elle leur précise, rapidement, Sarah D., qu’elle ne souhaite pas que ce soit culturel, elle veut, voilà qu’elle sait mieux, ce qu’elles ont fait chaque week-end du dernier mois et qu’elle voudra faire pareil, ce qui surprend les deux réceptionnistes, elle, Sarah D., remarque seulement maintenant leur jeune âge et leur assurance, en même temps, de ne pas se laisser dépasser, surtout Solange, celle qui semblait la plus discrète, qui prend alors, elle, la parole, tire de son bureau une feuille de papier aux armoiries de l’hôtel, un beau papier grainé, et elle rédige une liste de ce qu’elle a fait, elle y écrit tout, est-ce qu’elle s’attendait, Sarah D., à y lire cette description exhaustive, de son existence, à elle, Solange, pas exhaustive seconde à seconde, bien entendu, mais déclinant, tout de même, ses temps de trajet selon le mode de locomotion, avec le signe des approximations pour éviter de tromper Sarah D. — comme s’il fallait ici, loin de tout pragmatisme, s’adonner à la plus grande honnêteté. Et c’est comme appartenir à une performance ici par surprise et Jenny regarde surprise sa collègue, son aisance à jouer le jeu, à ne pas se limiter à l’ordre des choses, aux feintes et aux esquives, en ces situations imprévues, si, certes, elles contiennent, elles, face aux demandes parfois loufoques des clients, un petit art de l’improvisation, il arrive rarement que celles-ci, les demandes, soient si…curieuses, c’est à dire non scandaleuses, coûteuses, dont l’extravagance réside dans la poésie et la dépossession de l’intimité. Elle, alors, Jenny, ajoute mentalement aussi ce qu’elle fît, se remémorant mal et, tentant de se souvenir, s’étonne de ce que Solange y parvienne si aisément, sans effort, et se demande si Solange invente, si son imagination prend le pas sur sa mémoire et, même si ce devait être le cas, ça n’en demeurerait pas moins impressionnant. Le téléphone de la réception sonne, il interrompt la scène, il l’arrache à son cadre suspendu, à cette poudre magique qui semblait flotter autour d’elles trois, elles d’abord un duo puis, avec le temps, bref pourtant, elles trois réunies dans cette expérience curieuse, flottante. C’est Jenny qui répond et Solange qui conclue auprès de Sarah D., ça n’était pas assez intéressant juste les week-ends, alors j’ai inscrit ce qui m’a touchée, c’est à dire qui m’a concernée au cours du dernier mois. J’espère que ça vous aidera. Elle ajoute. vous êtes artiste ? Sarah D., à son tour décontenancée, qui déjà l’était en vérité, devant le mouvement né de sa demande qui elle-même la première, l’a surprise, répond Peut-être, et il y a tout un espoir dans ce peut-être, une confidence et peut-être une menace. Sarah D., ne se rend pas compte, ou ça ne lui importe pas, que, si, ici, elle pût agir ainsi et imaginer même agir ainsi, c’est avant tout d’une position de surplomb. Elle, Sarah D., plie en quatre la feuille que lui remet Solange, tandis que Jenny les observe en finissant sa conversation. Sarah D. demande à Solange si elles peuvent se voir ce soir, Jenny raccroche le combiné à ce moment là, et propose, alors, Sarah D., aussi à Jenny, qui, bien consciente de la politesse seule contenue dans cette demande, décline, sans, bien sûr, avoir avant réprimé son désir et sa curiosité, elles ne sont plus que deux, à nouveau, Solange lui dit qu’elle demandera, elle, Solange A., à ce que la femme de ménage lui laisse son numéro de téléphone sur la table de chevet après son passage. Sarah D., lui précise le numéro de sa chambre et qu’elle s’appelle, Sarah D., Sarah D.

Sarah D., quitte l’hôtel, il est midi passé, New-York ressemble à une pomme sèche et fatiguée, les gens qu’elle, Sarah D., connaissait si lestes, elle les trouve aujourd’hui se traînant. Ou bien c’est elle, elle qui ne le sait pas, qui, d’une énergie retenue dans toute cette attente depuis la veille, se propulse à une vitesse qui excède celle des grandes villes.

Sarah D., pense à Solange A., elle découvrait le A., de son nom à l’insigne qu’elle portait à son blazer et, Sarah D., pourtant, ignore, celui de la collègue de Solange A., dont l’identité reflue à mesure que Solange A., occupe ses pensées, occupe, plus bas, peut-être, de ce peut-être, encore de choix et d’effroi, dans quoi tient la vie brûlante, le désir.

Et le désir, ça fait peur parfois à Sarah D., à La Baleine encore elle pense, à quand tout un passé ressurgit qui ne le laissa pas lui indemne, lui, qui, pourtant, jadis purement spectateur des frasques masculines, n’échappa guère à la déflagration, celle qui colora le monde de sang, celle qui répandit le feu et face à quoi Sarah D., aujourd’hui encore, des années après les premiers drames et leurs spasmes, garde un regard méfiant, celui qui succède à l’enthousiasme premier, la farandole des mots, sororité et ceux semblables, puis, elle perçut, les abus, ceux, abus, toujours venus, de loin, d’à-côté, d’une colère retenue et qui propulsa violemment un sexe contre l’autre sexe, intervertissant, cette fois l’ancienne violence, que la force vectorielle se renversa tout à fait ou presque. Elle se trouve dans la ville D’Harvey W., qu’elle ne connût pas, qu’elle ne connaissait pas avant le début de la mitraille, elle sent alors le regard des hommes posés sur elle et trouvent que New-York a repris de sa vitesse, elle sent, Sarah D., le pépiement peureux ou fier chez certains d’entre eux qui ressemble à celui d’H.

 

11 mai 2024

Chapitre 6 : La Baleine

Donc voilà ce que je fis-fais aujourd'hui, tentant de rendre ça -- sans y parvenir encore tout à fait, explorant -- moins chiant, c'est à dire redondante qu'hier comme le suggérait Pierre Cormary et c'est toujours par infléxion, murmure, soupirs las ou étonnés, que les formes changent et varient le plus utilement, le brusque ça ne vaut-n'appartient qu'à ceux déjà constitués, ce que je ne suis pas, puisque toujours hésitant, incertain.

 

premiere partie
https://www.youtube.com/watch?v=ncl6UisU9zo

et la deuxième partie :
Deuxieme partie

le roman entier : Roman Entier
 

Sarah D., se remémore, elle se remémore, dès le matin, au réveil, sans que le room service, ou avant que le room service, elle ignore, ce matin réveillé, si elle, Sarah D., demande le petit-déjeuner local, c’est à dire le salé, celui des insulaires et des loin là-bas, choisissant le bacon et les oeufs au plat, le café et le grillé au lieu de la confiture ou au lieu de la confiture exclusivement. Le sucré, Sarah D., le lit régulièrement, dès le matin, au lieu de donner force et forme, fatigue rapidement, vers dix heures, pic glycémique ou quoi que ce soit avoisinant, entraîne cet état de catatonie passagère, et peut-être, plus que l’esprit du capitalisme de Weber ce explique le décrochage économique de l’Europe continentale, latine surtout, vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique, que leur plus grande force ne vient pas de la destinée manifeste, du protestantisme, des parpailleurs ou des portes-avions à propulsions nucléaires, que tout tient dans ce repas le plus essentiel, le premier, le plus décisif, jeunesse de l’humanité, de sa recherche de sa journée.

Sarah D., se lève, un coup de téléphone à la réception, elle presse Sarah D., la touche 0 du combiné qui la met en relation avec le ou la préoposée pour demander s’il est encore possible de se voir monter le petit-déjeuner, petit-déjeuner, de pure habitude dans les hôtels, à Paris, chez elle, Sarah D., se contente d’un double espresso, la touche Doppio+ de la machine automatique De Longhi, parfois Sarah D. enfonce une seconde fois la touche Doppio+, le café, aussi, une habitude. Tout est possible, évidemment, naturellement, tout d’un tout relatif si, déclaré comme tel, tout, il s’agira pour l’hôtel de recréer un petit-déjeuner, le luxe bien sûr, cette illusion du facile, du possible, de l’ouvert, rien ne semble pouvoir constituer un obstacle d’où, de ceux qui le pratiquent avec régularité, une force puissante, puissance de, bien entendu, avant, avoir l’argent. 


Ici, Sarah D., vît décrochée de sa condition d’européenne puisque Sarah D., travaillant pour une compagnie américaine ne souffre pas de l’écart de rémunération, celle-ci, composée pour partie d’actions et d’intéressement, comme pour tous les cadres dirigeants, limitent (sinon annulent) les disparités entre les économies différentes et le gestionnaire de la branche Cambodgienne (qui n’existe pas, qui se discute, il faut toujours, de nouveaux marchés, encore, des possibles) ne serait que marginalement moins fortuné.

Sarah D., prévient la réception de ce que le groom, peut, qu’importe quoi, entrer dans sa chambre pour y déposer le plateau, elle, Sarah D., peut-être prendra un bain, dit-elle, comme une précision à elle-même davantage, celles, précisions, que l’on découvre à voix haute et qui, en réalité, procèdent du cheminement intime, personnel que, la politesse, partout également disséminée — non propre celle-ci aux lieux des gâchis —ne relève jamais.
Sarah D., aime, chose partagée encore, des grands hôtels les produits de beauté et les peignoirs lourds et toujours, semble-t-il, neufs. Ici, tout, en Lanvin, le lait de corps, couleur bleu ciel, le shampoing transparent — elle, Sarah D., n’utilise pas d’autres shampoings que le sien, sa marque, par là, non celle d’elle la fondatrice ou propriétaire comme la mode veut, aujourd’hui, que les femmes entrepreneuses s’investissent, celle de son usage, de son habitude, de, aussi et donc, sa réussite — le savon noir, chose, encore, à la mode, comme s’il fallait, pour s’assurer du propre ne pas s’accoutumer trop longtemps à la même couleur de savon.
Sarah D., ne prend finalement pas de bain, elle, Sarah D., se contente d’une douche, chaude, très chaude, parce que, jeu d’il y a longtemps, de petite, comme tant, conservant aujourd’hui cette élégance de son enfance, elle, Sarah D. aime la buée sur le miroir, ce qu’elle peut dessiner, les lettres d’abord, sur le petit meuble aux parois vitrés, sous la vasque de la salle de bains parce que trop petite pour atteindre le miroir — mais assez grande pour se laver seule — le mécontentement de maman parce que d’effacer la buée ainsi laisse des traces sur le verre. Jeu, continué, aujourd’hui, sans récriminations, sur le grand miroir de la grande salle de bains de l’hôtel, l’hôtel où les salles de bain, pour le confort ou comme une ostentation, une exagération de confort, comptent à la fois la douche italienne, sans pommeau, jet en pluie depuis le plafonnier et grande baignoire ronde. Elle, Sarah D., ne se lave pas ce jour les cheveux, elle, Sarah D., pour la sortie de cette nuit, les voudra un peu négligés, de celle qui, chic de son indifférence, sent la vie, sa barbe de trois jours, en quelque sorte. Sur le miroir, comme à son habitude, comme lorsqu’elle finit sa douche, depuis des années chaque jour, sa douche ou son bain par un long jet d’eau glacée, elle trace, Sarah D., des caractères inconnus, des formes qui, semblent-ils, comportent un sens et que celui-ci, se perdant aussitôt, ne contient plus qu’une intention et celle-ci, sous le souffle de la VMC et de la vapeur d’eau qui s’enfuit de la pièce, disparaîtra tout à fait. La douche, dura plus longtemps que Sarah D. crût, puisque le petit-déjeuner est servi, sur le plateau, une fleur, une pivoine, ça lui rappelle son amie et toute l’enfance, encore elle qui ressurgit, qu’importe les chemins les raisons, sinueuses elle se glisse, l’enfance, partout, chez chacun, tous, êtres humains, êtres de réminiscences tentant, tous, humains, de n’être pas des êtres de ressentiments, cette mauvaise moitié de la mémoire et du souvenir. Une fleur rose sans être une rose, qui sur ses pétales comptent comme de petits points rouges, une rougeole de fleurs, c’est joli, ou bien la fleur rosier elle-même porte, minuscules, d’autres fleurs qui, pour le monde microscopique sont autant de fleurs véritables, de présents d’amour et de pardon.

Aujourd’hui, Sarah D. ne prévoit rien, le lendemain de tout séjour elle ne prévoit rien et souhaite que la ville s’immisce en elle, Sarah D. ne porte pas de la veille les cernes hirsutes des sorties tard, des rencontres de hasard, ni le tremblement affamé du verre offert, ce présent transparent, un poison remède. La nuit passée, hachée, elle dormît, rêva, dans toutes les positions du rêve, comme nous savons, c’est à dire, aussi, les poussées de l’inconscient revêche, celui qui perce-neige, traversait les strates de ses limites, franchissait, discrètement — puis de plus en plus fièrement —les confins de son territoire assigné —et quoi de plus naturel que l’inconscient se révolte contre ce qui le tempère, son rôle même, s’exprimer et si, habituellement, comme murmure du schizophrène ou impulsion du diable, impose son empire comme chez Sarah D., certaines fois, sans danger, le diable n’ose guère trop.

Sarah D., se souvient de sa première fois à New-York, ça lui fait une décharge dans le coeur, une décharge amoureuse, un courant de regrets, elle qui, Sarah D., regrette si peu, le plus souvent, parce qu’elle sait que, c’est au-devant qu’elle existe, que, même, elle-même se trouve, après. Bien sûr, elle connaît, Sarah D., les virages et il lui arrive d’emprunter les routes étroites, chemins de halage ou sentier à peine nés, ceux de faux aventuriers, forcément, guidés, eux, aventuriers par cartes, smartphones et tout ce qui aujourd’hui dompte la nature, la dompte individuellement — avant ce qui lui réglait son compte à la nature c’était l’Etat, la puissance publique, puis celui-ci, timide, se mît à reculer, prudent, puis peureux et maintenant tout à fait vaincu. Sarah D. n’emprunte pas dans la vie uniquement ces larges avenues la Cinquième et ses consorts, ces villes de pure géométrie sans perte possible, elle traverse diagonales, aussi, se promène, en imagination au moins, dans un Paris d’avant Haussmann, ses impasses imprévues, ses murs érigés là et qui n’existaient sur aucun plan, ce Paris existe encore, les vieilles villes comptent ce genre d’exceptions, c’est à dire de possibilité de s’oublier. Sarah D. ne peut, encore, ou déjà, à cause de ce que ça ne lui appartient pas, se diriger dans une ville avec la carte d’une autre, comme les situationnistes avec la carte de Bilbao. Geste au passé, dont, si elle, Sarah D., avait possédé l’idée, l’eût mise en pratique.
Ce qui la renverse, là, de l’intérieur, à New-York, le premier séjour, dix ans, ce qu’elle se dit dix ans en arrière, se rajeunissant ou comprimant le temps qui, vieillissant devient imprécis, vague, fonctionne par demi-dizaine puis dizaine, avec La Baleine qui refusait de se voir nommé autrement que comme ça et que, par fidélité à son héritage, c’est à dire leur mémoire commune dont elle est légatrice, aujourd’hui, après qu’il se fût jeté sur les voies, sans prévenir personne, ni laisser aucune lettre d’explications. Parce que, elle le suppose, Sarah D. d’imaginer si elle-même eût dû se jeter dans la mort ainsi, culpabilise les autres, leur donne l’envie d’une sémiologie impossible, d’une fouille interminable des caractères, de chaque espace et interligne. La Baleine ne considérait pas la vie digne de toutes les attentions, elle se trouvait là et s’il fallait s’en débarrasser il s’en débarrasserait, il exécuta, La Baleine, sa doctrine, finalement, agacé, las ou dévasté, nous ne le savons pas, puisqu’il ne dît rien, la veille non plus, personne ne sait de quand sa résolution datait, s’il organisa cette mort avec soin ou si celle-ci, pulsion soudaine ou curiosité surprise, le saisît. Simplement, il mourût, emportant avec lui ses motivations qui, probablement, n’était que de peu, sinon de toute sa vie, de toute sa croyance. C’est avec lui qu’elle visita pauvrement New-York jadis, lui et ses idées, lui et sa magie, La Baleine qui se nommait comme ça parce qu’il vivait, disait-il, dans le ventre de La Baleine et que s’appeler Jonas ne lui convenait pas que lui, Jonas, habitant de La Baleine s’était recouvert en vérité de La Baleine que La Baleine c’était lui, sa représentante. New-York et sa baie et tous les cétacés tanguent en elle, en Sarah D., il existe, La Baleine dans toutes les marées, tous les ressacs, ça lui sert la poitrine, elle se sent une Eglise décharnée, un grand boulet de présent qui la déchire, elle ignore pourquoi, Sarah D., cette image là, se sentir pierre, la douleur la fige, elle croit, et la mort s’incarne dans ce Dieu de voyage qui, ici, inonde la ville. C’est de La Baleine, lentement, de La Baleine qu’elle tient ce qu’elle contient absolument de création, c’est à dire que si elle écrivit toujours, elle ne commença à penser en dehors des formes convenues que grâce à lui. Si Maman lui donna cette force de paradoxe, cette force de bouleversement, ce qu’elle contient elle d’orage mûr, La Baleine, lui, lui, La Baleine, lui offrit, le pas de côté, la saison océanique et profonde, La Baleine lui, c’était le jargon impénétrable, le rrrrrrr et lllll et les consonnes, toutes sans voyelles ou presque, précédent et excédent Perec, le débordant, voilà le langage qu’il lui offrait, qu’elle porte, elle, dans des écrits avortés et ses photos, le monde inventé, dans lequel La Baleine, vit encore, que peut-être, aussi, elle produit ce monde d’à côté, comme lui, La Baleine, lui apprît à emprunter, pour se tenir, au présent ou dans cette demie-seconde au passé, encore à ses côtés. Elle ignore Sarah D., ce que sera sa journée au-dehors, il y a longtemps qu’elle n’avait pas, Sarah D. repensé à tout ça, et de ce tout elle enveloppe La Baleine, un instant, elle-même ainsi recouverte devenant lui, elle veut dire, elle veut dire Le Baleine. Elle. 


 

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10 mai 2024

Le roman en 7 jours - Jour 5

J'écris désormais ce roman en direct sur youtube : Live Youtube et rediffusion

Le roman en 7 jours - Jour 5

Le roman entier : Roman entier chronologique



Sarah D., ainsi que souvent, maintenant se.
et Sarah D. bute alors sur le mot, sur le point, elle s’interrompt, dans ce réveil brusque après le sommeil qui, tout autant, le fût, la figea, ce sommeil d’artifices, des lendemains de vols longs courriers, de chute de tension, le vertige de Sarah D., ce bord de falaise de ce que soudain le corps défaille, ce corps à soi irrésistible que Sarah D. pense et dessine comme de l’usage parfait, Sarah D. tend son corps et la semaine et le dimanche, avant que de venir à son geste de création, à ce rétablissement de l’art dans sa vie, cette dispersion que Sarah D., fait des photos pour de faux, son visage et sa vie générés par l’ordinateur, être-machine.
Sarah D., regarde l’heure sur son téléphone, ce réflexe pris, elle ne se souvient, Sarah D., à quel moment d’elle-même, de délaisser la montre-bracelet, l’une des montre-bracelet que Danielle A. lui offrit, elle oublie même, Sarah D., pourquoi ce geste, jadis, ce cadeau d’elle à elle. De Danielle A., Sarah D., ne conserve que cette montre Cartier, le reste, les souvenirs aussi, tout étiolés, n’appartiennent plus à personne, ni Sarah D., ni quiconque, Danielle A., un spectre, une presqu’illusion, et, pourquoi pas, se dit-elle, la faire apparaître, Danielle A., disparue, défunte ou vivante, agitée ou immobile, être figé ou de révolte, peu importe, la ramener, là, dans les photographies de mentir-vrai, qu’elle crée, Sarah D., dont l’appartement de Sarah D. se gorge comme chez d’autres, elle pense, ici, Sarah D., à son amie, Violette, ses paires de chaussures entassées, les mêmes parfois presque déclinées ou celles que Violette (quel nom de famille ? Sarah D. croit ne l’avoir jamais connu, est-ce donc ça l’intérêt qu’elle porte à Violette, la connaissance superficielle, ses paires de chaussure et un prénom passager) craint de ne jamais retrouver, se prémunissant, Violette V (elle se souvient, Sarah D., elle omettait à cause de la redondance de ces deux V, l’aspect renversé de cette consonne, lui donne, elle ignore, Sarah D., encore et déjà pourquoi, une sorte de malaise et d’inconfort) de futures pénuries de cuir ou de style, sans s’apercevoir, Violette V., qu’elle-même déjà démode ces chaussures qu’elle chérit, les regardera, plus tard, comme simple quantité, dont elle aimera, Violette V.,, à se vanter dans un rire de fausse honte j’ai 42 paires de chaussures…et je continue !  Sarah D., compte dans son appartement, un nombre tout aussi incalculable de ces fauxtographies qui, elles aussi, de parvenir à une telle somme, deviennent, illisibles, ne racontent qu’une existence — mais toutes ne sont-elles pas ainsi ? entremêlée, des lianes, des jungles, des marais, de l’obscurité, beaucoup, toute la sorte de lumière qu’involontairement Sarah D. projette sur le monde, cette lumière épaisse, dense, qui assomme plus qu’elle n’éblouit.

Trois heures du matin, elle constate Sarah D., sur son téléphone qui, contrairement à la montre Cartier — ce n’est pas ce qui motive l’usage de l’un au détriment de l’autre —ne réclame aucun réglage. Sarah D. se remémore la veille, Sarah D. n’en oublie rien, elle se remémore pour retrouver, dedans, de l’influx, de l’envie, un sentiment de révolte contre ce corps presque failli qui faillit la trahir. Et si…se dit-elle, ses jambes, avant, au cours de l’entretien où la force physique, quelque part, s’évalue, avaient cédé, si…puis se ravise. Sarah D., ne compte pas, du moins jamais longtemps, au nombre des ressasseuses, elle regrette peu et désire beaucoup. Sarah D. ne se contente de rien et, dans le même temps, sous chaque averse et dans tous les drames, elle voit, Sarah D., combien c’eût pu être pire, alors, Sarah D., poursuit, veut, souhaite, désire. Tous, pour elle, Sarah D., verbes modaux de l’existence, points rectilignes qu’elle dispose sur l’axe de son existence. Une ligne droite. Demain, c’est à dire tout à l’heure, elle ira à Central Park courir, ça l’amuse, Sarah D., ces gens, partout, elle pense, Sarah D., dans tous les pays occidentaux, cette obsession de la course à pieds, des dossards payés chers pour les trails et les marathon, que toujours ou de plus en plus, on y voit des cadres ou ceux maladroits issus des start-ups. Elle remarque, Sarah D., que ce que la course permet, c’est, avant tout de dissimuler-montrer, l’absence de technique de course, donc l’absence de travail, de grâce, ne se voient pas. L’effort, à l’inverse, lui se remarque, joues rouges et poing au côté, souffle court, t-shirt mouillé et cet air victorieux. Oui, décidément, sport de tricheurs ou, plutôt, aussi de tricheurs. Salomé et Mathilda R., les deux soeurs, enfants de Maman, courent parce qu’elles courent depuis toujours, parce que la vitesse, la durée et la distance, semblent enroulées, anémones et corail, autour de leurs os, elle le sait parce qu’elles documentent et illustrent leur pratique, leur élan, sur leurs réseaux sociaux. Sarah D. se réjouit d’en pouvoir partager, de loin, ne possédant ni leur goût furieux pour la course ni le temps qu’il faut, leur vie. Cette partie de leur vie. Et ça fait comme une blessure soudain dans Sarah D. de sentir loin les deux soeurs et Maman, ça fait autour d’elle comme une salle étroite, de béton brut qui la serre, elle sent, dans le creux de toutes les parties de son corps, ce manque, ces amitiés là, flammèches précieuses, elle ferme les yeux, Sarah D., elle voit, Sarah D., les deux soeurs courir loin d’elle, Sarah D., qui tant voulût être la troisième, ne vont-elles pas dans le poème par trois…alors.

Demain, elle ne courra pas à leur recherche, d’abord, il faudra trouver la tenue de sport adéquate qu’elle n’introduisit pas dans son bagage, les chaussures techniques, le survêtement technique, étudier pour partie l’itinéraire où elle risque au moins de réfléchir, c’est à dire de tomber sur des impasses ou des groupes lents et encombrants. Sarah D., se dit, ceci, la course à pieds, ces gens qui la dévorent, ces non-danseurs leur carcasse traînante, la mise en spectacle toujours de ce que l’espace public, alors, sous leurs foulées, leur appartient, cette façon qu’ils ont d’impatience devant, sur les trottoirs, le rythme humain, de leurs inférieurs pédestres.

Sarah D., ouvre la fenêtre, elle cherche, Sarah D., dans son sac à mains un paquet de cigarettes, elle, cherche, devant son absence, le paquet de cigarettes sur la table de chevet, elle cherche, Sarah D. dans son bagage, puis dans son armoire, puis ne trouve pas, Sarah D., met ses chaussures, les mêmes que la veille, celles qu’elles voulaient porter avant de sortir déchirer la nuit ou la piétiner, ces chaussures, ressac lointain de cette femme, Maman, qu’elle admirait enfant, qui la fit, avant tout, avant les livres et la dureté du monde, avant de vieillir, femme et madame. Elle, Sarah D., saisit sa veste, étendue par terre, sûrement hier, quand trop chaud, ou le médecin souhaitant prendre sa tension, ou, peu importe pourquoi. Elle sent, Sarah D., dans la poche latérale de sa veste de tailleur, le paquet rectangulaire et plein de ses cigarettes. Ce qui l’étonne, c’est que, comme le lui racontait (et lui apprît) maman (c’est sa mère à elle, maman, celle minuscule et mademoiselle, Maman, l’autre, celle des deux filles, des amies et des soeurs) on ne se fait pas les poches, sans quoi le tailleur se déforme oui je sais, elle se répète ce qu’elle répétait à maman. Puis, là, sortant de la poche décousue le paquet de cigarettes encore scellé, elle se dit donc que l’éducation, elle aussi, peut se dissoudre, inconsciemment, que cette leçon, la seule retenue, peut-être, comme un réflexe enfantin, une volonté de plaire à cette maman pour laquelle elle n’éprouve qu’une lointaine et coupable affection, ou, plus certainement, une dette acquittée par le respect de cette règle, une reconnaissance de neuf mois de débats dans les boyaux.

Sarah D., compte qu’elle n’a dormi que cinq heures en deux jours, dont deux dans l’avion, à quoi il faut ajouter les somnolences éparpillées dans l’avion, le taxi, la chambre d’hôtel, la rêverie, elle aussi, qui repose les yeux, comme disent les enfants qui s’endorment involontairement et, révoltés de cet état, redoutant d’être chassés du monde des adultes, c’est à dire de ceux qui se couchent quand ils veulent. Enfant, c’est Eva J. qui le dit et que Sarah D., à sa suite reprend, elle sentait une injustice terrible à cet état réduit, servile par définition, toujours jugé inapte, incapable et un peu stupide sans que les autres, adultes, qui ne possédaient pour eux, comme tout tyran, que la force, ne sachent ni n’imaginent même que la stupidité, c’était la leur, la dureté, la barbarie, toute l’horreur. Elle, Eva J., ne se le formulait pas avec cette précision, enfant, elle se souvient Eva J., et Sarah D, à sa suite, mêlant toutes les deux leurs mémoires qui, aussi sont les mémoires de tous les enfants, qui confluent ici, des poings serrés, des joues pivoines et les qu’elle est mignonne quand elle boude assénés comme des gifles dont, des années après, Eva J. dit sentir encore le souffle et l’odeur de brûlé.

Sarah D., voudrait, aujourd’hui écrire et ne sait plus, Sarah D., si pour elle écrire revient à déplier ses pensées, les incliner, les pensées, roseaux, sur le papier ou l’écran, produire, construire, projeter ce qu’elle contient, elle Sarah D., tenter, Sarah D., d’imiter une Sarah D., dans l’écriture, la singer, se demande à quoi ça ressemble une Sarah D. qui elle-même s’écrit, quelle face, si, demain, là, le médecin revenait et plutôt que prendre sa tension mesurait son activité cérébrale tandis qu’elle écrit Sarah D. à propos de Sarah D., quelle forme, quel visage, cette Sarah D. ne synapses convulsives prendrait-elle ? Elle ignore, Sarah D., si soi-même écrire, avec ses mots, cet emprunt général ou ce pillage parfois, l’affront, comme soutient Jean V, le compagnon prétentieux, écouté toujours distraitement, de V.V, vaut quelque chose, si, ce n’est pas, déjà, se croire d’une importance redoutable que de soi-dire. Elle écrivait, jadis, sans se poser la question, continuant son être dans cet espace discursif, ne connaissant, jadis, pas de frontières, voyageant, fluide, entre toutes les composantes d’elle. Puis. Dans vieillir, dans la rigidité de vieillir quelque chose de cette souplesse cesse. Quelque chose d’autre, aussi, précieux cette fois-ci, de réflexion et d’humilité, pousse. C’est toujours être une jungle qui compte, à la fin, la faune et la flore qui s’y débrouillent, on s’y fait, les appréhende, s’en nourrit ou on se laisse faire. Oui, c’est ça. Aujourd’hui, alors, elle se demande, Sarah D., si elle doit dire quelque chose, là, à son écran ou si elle continue, elle sent, Sarah D., que c’est par là qu’elle va, qu’elle ne peut aller ailleurs, parce qu’elle explore que Collomb et Cortès moins le meurtre et le carnage, elle veut Sarah D., l’aventure violente, elle, Sarah D., écrit, alors, à iwillneverexist, pour générer, encore, dialogue avec la machine, avec les serveurs refroidissants disséminés en Chine, Inde ou aux Etats-Unis, des images, une vie, ces fauxtographies, qui, elle croit le sentir, prolongeraient, un peu, l’art de nos jours, les questionnements sur nos identités. Ce qu’elle pense, en même temps que ses yeux, encore une fois, se reposent, pour, demain, elle ne sait quoi. Il lui reste encore trois jours dans la ville immense, celle qui enveloppe, New-York qui, depuis toujours, lui paraissait le rêve, que ce rêve ne la déçoit pas, sauf le pastrami dont elle ne rêvait pas et qui se révéla assez conforme à son absence d’attente. Sarah D. repose ses yeux, encore quelques heures.
 

9 mai 2024

Jour 4 - Chapitre 4 - inDécise.

Jour 4 : Chapitre 4 - InDécise - 1925 mots + images

Le roman entier chronologique pour lisibilité : Roman Entier

 

Sarah D., ferme l’ordinateur. Sarah D. aime à découper ses journées et les faire discontinuer, entretenant des activités intensément vécues et de peu de rapport, sinon, elle Sarah D., d’en être le point de rencontre. L’étreinte aérienne, la consultation des fiches, l’entretien et ses sociabilités, la discussion avec le taxi nerveux de New-York qui, à la manière du serveur parisien, se comportait avec l’exactitude attendue, l’errance virtuelle. Et maintenant…

Sarah D. ne compte de sommeil que celui de la longue parabole aérienne. Sarah D. n’en réclame que peu et adore cet état d’ébriété lorsque le sommeil, réduit à sa portion congrue, ne garde pas dans sa gangue les pulsions. Cet inconscient, qui de ne pouvoir s’exprimer dans le rêve, avec toute sa barbarie, son amour, son désir, se manifeste dans le réel, le concret. Elle, Sarah D., n’en laisse rien paraître, le visage que Sarah D., affiche s’adapte aux contextes, elle le modèle selon les circonstances, dans une plasticité infinie, il existe des Sarah D. de toutes les saisons, sous tous les ciels et à Pei-king, comme elle apprend qu’on le transcrit en pin-ying elle sait la forme souple du salut des hommes qu’elle imite, parfois, dans un mélange de transgression, dépassant sa condition de femme, et de respect, connaissant le geste culturel. Au nombre de ses pouvoirs, nous devons ajouter, celui de surprendre et, par là, de garder toujours l’initiative, la plus apte à avancer, à diriger.

Sarah D. s’apprête à sortir, tard dans la nuit de New-York, la ville ne dort jamais, certes oui, mais, au fur et à mesure, de ses voyages, elle s’aperçoit que de plus en plus elle somnole. Peu importe, elle cherche, Sarah D., ici, comme partout et souvent, un épuisement, d’où elle, Sarah D., trouve l’inspiration, cette inspiration continuation de son inconscient maintenu aiguisé, la guide, bâton de sourcier et la mène dans les aventures noueuses dont elle fera récit, plus tard, dans son appartement lorsqu’elle devra, Sarah D., inventer, un voyage à venir. Sarah D. compose et compresse ses expériences, les déplace, subtilement. Sarah D., adapte ses récits illusoires. Elle pourra se passer ailleurs, cette aventure new-yorkaise, cette odeur, ce parfum de rat, d’égoûts, de phamarcies ouvertes tard, protégées par des grillages compliquées comme si le fantôme de l’ancien Bronx encore pouvait dégainer son arme à feu, Sarah D., en changeant les termes photographiques, l’angle, les mots parfois, remodèlera ce souvenir, le projetant à Londres, Madrid ou Nairobi. Sarah D. décide.

Sarah D. voyage presque nue, si quelque chose manque, Sarah D. l’acquiert sur place et, si ce manque ne manquait que, là, ponctuellement, dans le périmètre défini, limité géographiquement et temporellement par le voyage, elle l’y abandonne à qui veut, charité ou ordures. Il lui arrive, bien entendu, de trouver, au cours de son voyage, une rareté, bibelot dérisoire pour tous ou pièce de haute-couture, que Sarah D., ajoute à son leste de retour. Ceci, aussi, le voyage, l’incertitude de ce qu’on laisse, de ce qu’on mène. Mais tout ceci, ce sont des phrases pour les autres, de petits encarts sous un tableau, qui n’informe de rien. Des expressions, algéco de la langue..

Sarah D., flotte au-delà et en-dehors de bien des considérations, qui vit hors de la lutte pour la survie, qu’importe son empathie, finît par ne plus s’encombrer d’une éthique inutile, celle qui ne change rien. 

 

le colibri pour faire sa part devrait se jeter dans le feu de forêt le doux parfum du plumage coloré de bleu et de braises le colibri symbole de la brûlure de là colibri sa part le poème transmis celui du crépitement l’alliage de trois signes terre feu air le colibri qui sa part arrogante autrement commet



Pour Sarah D., les palabres de la sobriété, servent de prétextes et d’excuses, de limites, pour beaucoup, à toute subversion. Prenez les armes, faites feu et puis. L’épicier maugréant contre la grève des transports tandis qu’il range les courses de Sarah D., dans son sac, il dit, fier, qu’il n’a jamais fait grève et, un client, l’oreille traînante, Sarah D., limite les interactions, les gens, elle le remarque depuis longtemps, parlent très bien seuls, lui réplique et si on tuait les riches et là, l’épicier, le non-gréviste, la mine grave, là, acquiesce et demande, déjà, songeur le fusil, serrant le sac qu’il remplit comme la crosse de l’arme, un regard vers Sarah D., elle se demande, à ce moment-là, ferait-il feu contre moi ? Où serai-je moi ? Puis, elle sort de la boutique.

Si elle devait, tandis qu’elle s’habille, la jupe noire, asymétrique, Sarah D., égrener ses fautes, la chemise blanche, d’homme, faite sur mesure, dans une boutique d’homme, morales et que demain devait se réunir le tribunal des infractions individuelles, les chaussures une hésitation, contre l’humanité, c’est à dire sa persistance sociale et écologique, sûrement que la liste, les colliers, fines chaînettes mêlées de tocs et de précieux, des griefs s’étendrait longtemps, de quoi essouffler le procureur chargé des poursuites, si elle devait, aussi, être jugée de ces actes, ceux-ci, de se subsumer, les bottines vernis en cuir de veau glacé, la semelle renforcée par un poinçon de métal, en la seule catégorie de, société de consommation, lui vaudrait une peine légère, analogue à nos Travaux d’Intérêt Généraux, elle est prête.

Sarah D., avant de sortir, liste, tout de même, ce que, la fin du monde arrivant, de quoi elle porterait le blâme, c’est à dire non en tant que autrice de la destruction, mais coupable de sa passivité, voisine, passablement actrice - de loin, négligemment, ne changeant rien, ou peu, et toujours du mauvais côté de la pente.
Sarah D., : 

 

Sarah D., se demande ce qu’elle oublie et ne trouve pas cette liste si terrible, comme si, malgré elle, Sarah D. se redoutait plus ignoble. Elle constate, Sarah D., une distance, essentiellement, des préoccupations mondaines et quotidiennes.
Surtout, Sarah D., constate qu’aucune perfection morale de sa part n’infléchirait significativement le cours du monde. Sarah D. se contente des obligations légales, surtout professionnelles, se soumet aux directives d’entreprises puisque désormais, l’essor du RSE « Responsabilité Socio-Environnementale des Entreprises » conduit toutes les entreprises à réformer leurs pratiques et leurs conséquences environnementales. Comme tous les labels, celui-ci exige plus de ruse que bonne foi. En ces matières le juge de paix demeurera toujours et indubitablement le profit. Il en va ainsi de la plupart de ces impératifs, qui, même violés, n’entraînent pas de sanctions assez dissuasives.

Sujet, source de discordes, plus molles encore, avec quelques amis ou connaissances, les indignés de la dernière heure qui ne parlent qu’en tics de langage et que Sarah D. écoute sans protester, donnant son assentiment à chaque saillie sans rien n’altérer de son comportement. Eux, partent satisfaits, prosélytes accomplis, ne surveillant pas, ou pas encore du moins, les pratiques réelles des convertis ou prétendus tels.
Sarah D. s’abstient de voir ces personnes dans des contextes qui les pourraient voir s’énerver et s’indigner. Elle les suit dans les lieux habiles de consommation, ceux couverts de label éco-responsables, étoiles michelin de la bonne conscience. Sarah D. suit du doigt tous les sigles, les décompte, certains, comme le commerce équitable, elle l’apprend en voyant rayée sur la carte pas changée pour raisons écologiques, à l’avenir elles seront toutes dématérialisées, la mention commerce équitable, noblesse perdue, remplacée par une autre éthique. Si ceux-là, missionnaires du vin naturel, lui pèsent trop, elle les projette loin dans le silence.

Sarah D., traîne avec ses pensées dans sa chambre d’hôtel, prête à sortir, parfumée déjà, le maquillage léger qui ne dissimule rien et souligne tout, Sarah D., marche dans la grande chambre d’hôtel, elle regarde par la fenêtre les lumières de la ville, des phares projetant partout leurs lumières, mille ports éclatés, chacun halant passants hésitants, ivrognes en construction ou simples égarés à la recherche d’une surprise. Sarah D., songe devant ces lumières, elle parcourt mentalement la ville qu’elle connaît bien de s’y rendre, depuis cinq ans déjà une fois par mois au moins. Elle observe les transformations de la ville, le reflux de toute une jeunesse, découragée par l’étroitesse des logements, leurs prix déments, la suffocation des grandes villes, celles où couvent les incendies.

Mehdi C., l’incluant dans le groupe, lui déclare que nous (toi, Sarah D., moi Mehdi C) sommes comme Elon Musk ce qui, de la comparaison d’une part et de ce que vienne d’une personne dont elle estime le jugement (à défaut de l’intelligence, les êtres instinctifs, ruent dans la vérité mais ne démontrent pas, le sort d’une conversation ne repose pas avec eux sur les ressorts de l’argumentation, ce qui peut être reposant ou fatiguant). Sarah D., ce jour, sans qu’elle ne vacille ou ne change, ou si imperceptiblement, que les effets n’apparaîtront que bien plus tard, réfléchît à ce libertarisme à quoi l’assignait Mehdi C., et, surtout, ne changeant rien, se rendît compte, à cause de son mouvement de rejet, qu’elle conservait un cadre moral, que certains actes, croyances, pratiques, ne pouvaient ni ne devaient entrer dans sa vie, que, si son individualisme d’apparât, devait la mener dans la proximité de Musk, elle devait le mettre sévèrement à la question. Tout bien compté, elle ne lui ressemblait pas encore assez, c’est à dire sur ce qui, elle pouvait la révulser, le racisme, le sexisme en somme tout ce qui dans le libéralisme nie l’altérité.

Sarah D., balaie maintenant les photographies, ces illusions passées, de ses précédents séjours à New-York, elle cherche, Sarah D., une rue qu’elle ignore, elle, Sarah D. de la parade ce soir, et que la Sarah D., des photographies, semble connaître. Sarah D., balaie les albums photos. New-York 2018, New-York 2019. Sarah D., bute ce soir, sur la possibilité de la nuit, de l’obscurité, son instinct semble émoussé, peut-être de ce qu’entrer au conseil d’administration, use, tout d’un coup, la pulsion de vie, prive l’être aussitôt admis d’un élan pour, cet être, Sarah D., en l’occurence, lui conférer les feints pouvoirs, que les jetons de présence, cette monnaie d’entreprise, se paie et ce prix ne figurait à aucune ligne du contrat ni du dialogue, que, par contamination, elle leur ressemble. Sarah D., cherche en elle, fore en elle cette force, au passé déjà conjuguée, elle le redoute, ça ce nous de Mehdi C., dans la comparaison avec Musk, ça, elle, nerveuse, souvenirs, avant, longtemps en arrière, le xanax fondu sous la langue, cette fois, avant, pour l’angoisse, l’accélération du rythme cardiaque après…ou avant…dans ces instants convulsifs de la vie qui s’étendait tout le temps, tout le temps. La contagion du néant, non, oui, elle ne peut, ne veut, tout s’effondrerait, là, ce qui compte, ce qui justifie le travail, les rendez-vous, ce non-lieu où elle évolue, ce non-lieu véritable que ce monde l’autre, le très-lieu ce pays des photographies qui pour eaux fortes se révéler exigent de Sarah D., la saisie du monde, la pulsion suivie, la vie reniflée, l’autre visage, la multitude des visages, Sarah D. l’indécise, elle refuse, Sarah D., de devenir ça, impotente, sinon…tout ça pour rien, sinon, cet appartement, cette oeuvre insituée, inusitée, qu’elle voudra bien un jour, peut-être, faire quelque chose, ouvrir le bras, désigner cette vie, cette accumulation d’images, comme un ensemble créé, une deuxième vie, un être conçu et connu à partir de lignes de codes et d’un langage indéchiffré, devenir, elle, pure parole.

Panique.
Sarah D. se sent mal
Sarah D. appelle le room service
Le room service dépêche un médecin
Le médecin mesure la tension de Sarah D.

Basse
Le médecin donne un somnifère à Sarah D.
Sarah D. s’endort toute habillée.


 

8 mai 2024

Jour 3 - Chapitre 3 - Sept chiffres

Afin de rendre plus lisible le texte, ici l'intégralité (en chemin) :

Roman entier

Chapitre 3 - Jour 3 : 2000 mots

 


Sarah D., écoute distraite les directions données par la cheffe de cabine, la cheffe de cabine indique à Sarah D., après lecture de son billet, son siège, la cheffe de cabine dirige Sarah D. dans les allées, les précautions de la cheffe de cabine augmentées par la qualité business du billet de Sarah D.

Sarah D. s’installe à la place désignée par son billet et confirmée par les gestes imprécis de la cheffe de cabine, Sabine, comme son insigne l’indique. Pour s’épargner les mauvaises surprises, habitude prise il y a des années, en voyageant avec Mehdi C. — et conforme à sa propre nature, elle s’assure du bon fonctionnement de son siège, si le siège peut se déplier facilement en position lit, si la tablette demeure stable, si les portes coulissantes se ferment sans s’ouvrir. Sarah D., s’assure du fonctionnement des lampes et des prises de courant, la liberté, pour elle, ici, savoir. La cheffe de cabine, avant le décollage, précise à Sarah D. que la presse (une sélection) quotidienne, hebdomadaire et mensuelle, en français et en anglais, se trouve dans les fentes latérales de son siège.

Sarah D., se souvient de son premier vol en business, Mehdi C. et elle, alors collègues, voyageaient ensemble pour la première fois. Lui, tout comme elle, Sarah D., découvrait la business class, leur découverte différait. Lui, Mehdi C., semblait instinctivement déchiffrer les signes, effectuer les vérifications, commander (champagne à volonté, d’un claquement de doigt qu’il dirige vers Sarah D., comme s’il réalisait ici enfin l’un des dix fantasmes les plus importants de sa vie, qu’il évacuait enfin une frustration vieille de dix générations, ces choses anodines parfois auxquelles nous semblons tous préparés, une rencontre entre un désir et sa réalisation).

Sarah D. reprend, machinalement, les gestes instruits et observés, Sarah D., ne mettra aucun orgueil à se montrer, en la matière, originale. Pragmatique, Sarah D., souhaite, surtout et seulement parvenir à destination, avec une fatigue limitée et aucune réflexion parasite. Sarah D. pense à son enfance, dans les hauteurs, Sarah D., le siège en position entre-deux, serre dans sa main la couverture anthracite, la couverture anthracite ressemble à une aurore boréale. Sarah D. spectatrice d’aurores boréales se refusa, obsession de sa performance, à la photographier. Les générateurs d’images ne parviennent pas encore à restituer les phénomènes climatiques ou météorologiques exceptionnels. Sarah D. entend les vagues instructions des hôtesses de l’air dont elle mesure, ici, l’étrange dénomination, elles, hôtesses de l’air, hébergeant, accueillant l’air ou, par le double-sens du mot, elles aussi, ses invitées d’honneur et tous les passagers, chef de bord, bagages et animaux domestiques leurs +1.

 

Sarah D. ouvre son ordinateur, la business class offre une connexion satellite stable et lente. Dédiée au travail plus qu’à la diffusion en flux de vidéos. Les compagnies aériennes mettent à disposition un large catalogues de films et de séries. Sarah D., parcourt les notes en prévision de son rendez-vous qui revêt une importance particulière, décisive et, pour elle-même, Sarah D., peu sujette aux inquiétudes et aux frayeurs, qui Sarah D., ne parvient à garder son calme habituel, total. Elle se demande, Sarah D., en faisant fondre sous la langue un xanax puis en effaçant le goût en buvant une coupe de champagne, à quoi tient cette soudaine appréhension, qu’est ce qui dans la composition humaine, engendre ce processus chimique et mental, elle a beau lire l’état de l’Art sur le sujet, le mécanisme biologique à l’oeuvre, elle en saisit mal l’intérêt, ce résidu d’un ancien temps, cette paralysie plus inutile et dangereuse, cette excroissance, cet appendice tout ceci surnuméraire.
Les angoisses nouées, dures, la déflagration d’hormones, le risque de péritonite mental, une zone du cerveau gonflée à l’extrême de dépôts malsains et ces dépôts contiennent d’inutiles pensées. Sarah D., sent son rythme cardiaque s’accélérer devant cette analyse et les pensées se multiplient, néfastes et obstacles au calme requis pour perpétuer soi-même-l’espèce.

Sarah D., ne consomme pas dans l’avion le xanax et le champagne pour calmer les angoisses, habituellement, elle aime, Sarah D., la sensation d’apesanteur que lui provoque, à dix mille pieds d’altitude et mille kilomètres heure, ce mélange. Sarah D., comme Mehdi C. qui l’initiait à la pratique, sent ce qui distingue le vol en avion de tous les autres modes de transport par ce rituel. Son pain et son vin qu’elle réserve aux courses aériennes, c’est ce privilège, cette attente excitée, jamais déçue, qui motive la sévérité du dogme. Ca et d’en parler, chaque fois, un court message ou un appel téléphonique haché, avec Mehdi C., s’assurer que chacun ne traduise pas le pacte enfantin, un échange de coupe de saké ou une fraternité de sangoisse.

Sarah D., devra, plus Madame que jamais, c’est à dire, probablement, d’énormément de virilité, de gestes tendus, précis et coupants, se présenter à ses censeurs et ses zoïles. Le siège, souhaiterait la nommer au conseil d’administration et, processus formel, la décision, Sarah D. le sait, est déjà prise, favorable, sauf à ce qu’au cours de l’entretien, pure mise en scène, Sarah D. venait à violer les règles élémentaires du rite (et exceptés des propos communistes fervents, Sarah D. ni personne ne voit ce qui empêcherait l’adoubement).

La lutte avec ses rivaux, dont elle ne connût que vaguement l’identité, ne fut pas terrible, pour ainsi dire elle ne s’en mêla pas.
Rare femme européenne à occuper un poste d’executive, la peau mate et, s’il le fallait un jour, au détour d’un portrait de quelque magazine en manque de pages pour son bouclage, la trisaïeule marocaine.

La question, à quoi elle méditait pendant ce long vol et la somnolence propice aux décisions, tenait à ce qu’elle ignorait si, désormais, elle devrait quitter Paris, les habitudes prises, les vols depuis les aéroports parisiens, Orly ou Roissy, l’ordre patiemment construit de son appartement, avec les inventions qui y figurent, cette existence dédoublée de qui lui ressemble et qu’elle devrait, Sarah D., recommencer à zéro dans une autre ville, elle ressent qu’ailleurs, Sarah D., ne pourra maintenir sans contradiction logique et insupportable, cette illusion, son terreau de photos inventées, tire sa sève et son sens de son environnement, transplanter ailleurs ce monde, le corromprait, elle en verrait, Sarah D., les branches pourrir et, plutôt que de continuer à en étendre la croissance, consacrerait l’essentiel de son temps, à un soin vite devenu inutile. Et l’arbre deviendra amer, et ses fruits acides et tout ce qui compte, cette oeuvre au statut incertain, celle qui justifie tout, c’est à dire ce job, ces relations, mourrait et elle, Sarah D., ne s’imagine pas continuer sans cette Sarah D. autre, jumelle de paradis lointains. Voilà, sûrement l’angoisse qui lui serre le gosier, comme si elle ne devait plus jamais créer, elle ne s’inquiète pas — se rassure aussitôt — de l’entretien à venir, du chemin balisé et convenu. L’originalité, la poésie n’entre pas dans les CA des groupes côtés et ceux, start-upeurs, qui en miment l’arrivée, la relègue, la poésie, aux arrières-salles, aux ateliers poteries, aux samedi team-building, ne s’en servent que comme prétextes et arguments lorsque l’on déplore leur manque d’âme. Sarah D., a toujours évité les start-up, il lui est arrivé de travailler avec l’une d’elle, client qui se voulait grand compte, et ne s’exprimer qu’en une langue appauvrie, une langue à la barbe de trois jours ou qui sentait les produits naturels. Sarah D., n’en fit pas grand cas, elle les reçut brièvement, appuya sur la touche du téléphone de son bureau pour que son secrétaire, tel qu’il est toujours convenu entre eux — y compris lors de rendez-vous avec des personnages plus business-friendy —lui signale une urgence en entrant dans le bureau, après avoir toqué mais sans attendre de réponse, affectant une fausse confusion, bredouillant des excuses, insistant sur l’urgence. David A. ou un autre David A. relayait alors Sarah D. et raccompagnait le gêneur

Le CA d’intronisation se déroula comme un rêve ouateux, Sarah D. voyait l’aurore boréale en même temps que tout l’ensemble mécanique se mettait en place, la rémunération concernant son nouveau poste en jetons de présence, l’intimida plus qu’elle n’aurait cru, le décrochage de la France par rapport aux Etats-Unis, comme lui disait, en la prévenant Mehdi C., dans le lounge, lui, en passant la langue sur les lèvres qu’il avait trop sèches, geste et tic dont il s’excusait — lui qui s’excuse si peu — de savoir à ce geste une obscénité très peu metoo soluble. Sarah D., n’aime pas l’effet que l’argent peut produire sur elle, il en va ainsi lorsqu’une partie de son existence se résigne à en gagner beaucoup. Elle peut se féliciter elle-même de voir sa compétence, qu’elle constate relativement aux autres, ainsi gratifiée, elle déteste dans le même temps, cette position de rouage d’une vaste entreprise où, en réalité, dix ou quinze autres, auraient pu tout aussi bien ou presque, effectuer les mêmes tâches. Un mélange de hasard, de chance, de circonstances la font basculer dans les rémunérations annuelle à sept chiffres.

Le bloqueur de publicité de l’iPhone ne fonctionne pas sur les applications. Sarah D., ne prend pas encore le réflexe de passer par le navigateur Brave qui bloque toutes les publicités. Elle se refuse, Sarah D., à payer l’abonnement premium de YouTube puisqu’elle n’utilise l’application qu’épisodiquement, lorsqu’elle reçoit un lien de l’un de ses contacts. La publicité, ici, lui montre des « influenceurs » parlant de leurs « revenus » peut-être parce que le téléphone l’entendit, elle appeler Mehdi C., en lui disant « sept chiffres » qui ne réclame, cette expression, aucune autre précision. Il s’agit d’une catégorie de revenus, d’une position sur une échelle, un seuil de reconnaissance sociale. Sarah D. regarde, hypnotisée, ne connaissant rien à ce monde d’illusionnistes, un homme face caméra, se vanter de son succès financier, de ses revenus à « sept chiffres » et de ce que ses auditeurs, eux-aussi, peuvent obtenir en suivant ses conseils « gratuits ». Tel qu’il insiste. Sarah D., dans sa chambre d’hôtel, cherche le contenu de cet « influenceur » et tombe sur une série de vidéos où il mêle, l’influenceur promesses de gains financiers et séduction de femmes (c’est à dire, en l’occurrence maltraitance puisqu’il faut rappeler aux femmes leur place, ce qui pourrait donner à Sarah D. le sourire, elle qui vient d’être reconnue autrement plus sérieusement). Sarah D., se demande la nature des business que ces gens, dont celui qu’elle regarde ne semble qu’une déclinaison populaire, comptant 100 000 abonnés (vrais ou pas), proposent et dont ils prétendent vivre. Sarah D. regarde avec fascination leur mise en scène, la vie de luxe qu’ils affichent et qui ressemble, de ne se trouver jamais dans les mêmes endroits, à ces manifestations filmées en plan serré pour donner l’illusion du nombre, quand la foule ne se compose que d’une tête de cortège qui en est aussi le milieu et le fond. Ces influenceurs, Sarah D. se laisse emmener par l’algorithme, elle ignore, Sarah D., les vidéos d’américains pour l’instant, quelque chose lui dit que celles-là, les vidéos anglophones sont le modèle et que, en tant que modèles, mentent, certainement moins, du fait du reach notablement plus élevé, ne vivent une vie de luxe que par éclipses, le temps d’une vidéo, ceci, Sarah D., le ressent vivement. Sarah D. voit le faux, l’imité et Sarah D. aimerait savoir quels revenus réels ces influenceurs tirent de leurs pratiques. Sarah D. entend encore « sept chiffres » une promesse et une affirmation de ces influenceurs. Sarah D. sourit, elle ne dormira pas cette nuit, Sarah D., continuera à enquêter, en vain, ces gens ne figurent nulle part ou presque, enregistrent des auto-entreprises au CA limité à 60 k par an, Sarah D., voyage dans ces drôles de méandres, elle pense, Sarah D., à ses labyrinthes mentaux, d’enfant, Sarah D. se demande comment se repérer sans carte dans ces jungles, ces liens qui vous redirigent vers Instagram, Telegram, ces renvois vers des sites internet où une offre spéciale à durée limitée vous est proposée. Sarah D., aimerait explorer avec eux, les possibilités de ce monde faussé, ce jeu où comme à tout jeu (d’un hasard dissimulé) seul gagne qui l’organise. Sept chiffres, tiens…

 

6 mai 2024

Roman en 7 jours : Jour 1 et Jour 2

J'ai décidé d'écrire un roman en sept jours, avec un minimum de 1500 mots par jour. Je souhaitais poster un chapitre par jour. Les débuts étant toujours laborieux le premier chapitre comprend 3625 mots faits en deux jours. 

 

Roman entier

Chapitre 1 - Son Départ.

Sarah D. sort promptement de son taxi, elle laisse un billet de 50 euros au chauffeur de taxi qui couvre plus que largement le prix de la course, le chauffeur ouvre le coffre de sa voiture, le chauffeur sort du coffre la valise taille cabine de Sarah D., le chauffeur de taxi remet sa valise à Sarah D. prenant soin avant de remettre à Sarah D., la valise de Sarah D. de déplier la poignée rétractable de la valise de Sarah D., pour que Sarah D. puisse, en perdant le moins de temps possible, franchir les portes automatiques de l’aéroport. Le chauffeur de taxi garde une impression de Sarah D., en lui, après son départ quelque chose de Sarah D. demeure, qu’il n’associe pas au mépris de certains dirigeants, parlant fort au téléphone, dont il soupçonne toujours, le chauffeur de taxi, qu’ils simulent à moitié la gravité de ces appels, le chauffeur de taxi sourit, en rapprochant leur attitude de celle de Sarah D., et se dit, que, vraiment, il doit lui, le chauffeur de taxi, être d’une très grande importance pour que ces capitaines d’industries, s’abaissent à vouloir l’impressionner, le chauffeur de taxi dit capitaines d’industrie à voix haute et sourit. Le chauffeur de taxi fume une cigarette avant de rejoindre la longue file des taxis qui attendent les voyageurs.

Sarah D., surjoue toujours l’empressement, ça a commencé petite, sept ans Sarah D., avec sa meilleure amie Mathilda R., en voyant déambuler maman, celle que nomme ainsi Mathilda R., au cours d’un dîner, dans son tailleur serré noir, son chemisier blanc ouvert, les talons noirs, vernis, à bout rond. Une assurance de grande personne comme Sarah D., petite fille, ignorait que pût être une femme. Maman croisait et décroisait les jambes Maman fumait de longues cigarettes qui sentait le propre et les bonbons pour adultes. Maman ne prenait jamais le temps pour les hommes, levait la main, souvent, présentant sa paume pour faire cesser un brouhaha lorsqu’elle se baissait vers les deux petites filles pour leur demander d’être sages en échange de quoi Maman leur offrirait des friandises ou un livre. Sarah D. n’ose jamais choisir le livre. Maman glisse souvent un livre dans le sac de voyage de Sarah D., avant qu’elle ne rentre chez elle. Le jeu a continué des années.

Le Madame que les hommes de passage adressait à Maman, firent immédiatement envie à Sarah D., ça lui tordit le ventre de désir, elle y entendait une déférence supérieure à celle de tous les Monsieurs, de tous les s’il vous plaît et de tous ces Mademoiselle, qui flattait sa propre maman, et conférait à Sarah D. le sentiment confus de la honte. Sa vie d’adulte, elle se demandait tout le long de sa projection vers celui-ci, quel serait son titre et son orgueil, Madame ou Mademoiselle, si elle roucoulerait comme sa maman en s’entendant rajeunie, c’est à dire déclassée, puisque dépendante et jugée, ou si elle accueillerait sans émotion le titre de Madame, neutre absolu et, par là, d’insubordination totale.

Sarah D., porte ses lunettes de soleil qui ont la forme d’un regard allongé, dans le hall de l’aéroport, elle cherche le guichet où s’enregistrer parce que un problème informatique empêche l’enregistrement en ligne, la génération du QR code fail à chaque tentative. L’application AirFrance présente un charabia de signes illisibles. Un appel au service client de la compagnie ne lui permet que de recevoir des excuses et une poignée de Miles pour compenser le désagrément. Sarah D., si elle semble toujours occupée, ne paraît jamais débordée. Aucune urgence ne la menace d’impair ou d’erreur. Elle est seulement très occupée.

Sarah D. soupire, les interactions humaines inutiles et imprévues la dérangent parce qu’elles interrompent le mouvement chaloupé de sa pensée. Elle voyait, la veille, l’assemblage de tous ses gestes et tous les espaces à elle, au milieu des impératifs, elle défend chèrement ces ilots et déteste en céder le moindre. Aujourd’hui, pas le choix.

Sarah D., cherche des yeux le guichet Air France, qu’elle ne trouve pas. Le traîneau de la valise à la main, les talons entrechoqués contre le sol lisse, deux pioches, coups saccadés dans l’attente. Sarah D., lève la tête et voit sur les larges écrans « AIR FRANCE GUICHET 15 ».

Sarah D. aime penser à autre chose que ce qu’un regard extérieur supposerait, il y a entre l’air grave de Sarah D., celui qu’elle affiche et que semble traduire la promptitude de ses gestes lorsqu’elle claque la porte d’un taxi, déjà tendue vers un après, et son intériorité de grandes étendues, des paysages bouleversés d’aventures sous-marines, la croûte épaisse d’un mystère à peine, dans chaque rêverie, entamée.

Le guichetier, habit repassé, sourire compassé, lui donne du Mademoiselle, quand, se présentant à lui elle cherche à faire enregistrer, le plus rapidement possible, Sarah D.

Sarah D., sent depuis l’enfance, depuis ces jeux de jeunesse où elle mimait la Madame, ce que Mademoiselle contenait de mise à sac, le quartier d’une petite orange verte couverte de marques de doigts.

Dans Mademoiselle, elle ressent, ou, plutôt, pressent ce qu’on a y dégorgé de substance, pressent cette accumulation de signes négatifs et d’adverbes privatifs, ne pas, pas, point, plus. De ce que Mademoiselle, de ce que dans Mademoiselle ne demeure qu’un être humain en attente qui gagnera, aujourd’hui, ou par l’époux ou par l’âge, son crédit, sa valeur. Sarah D. n’a pas le temps des Mademoiselle.


Sarah D., se souvient, devant l’affabilité du guichetier, de cette place subalterne, ce croquis dessiné en pointillés tout le long de son enfance. Le va-et-vient fatigué des femmes de la cuisine à la table du salon lors des dîners que sa famille bourgeoise, ou qui se croyait telle, nommait réception, les bras chargés, le jet d’eau dans l’évier de la cuisine pour faire tremper les casseroles et les poêles et détacher le fond brûlé des plats, cette attente déjà-encore, réservée aux femmes, ce découpage de leurs tâches qui immobilise longtemps leurs pensées, leur travail s’entrecoupe, interrompt leur vie. Entre les deux attendre, participer, temporairement, sur le qui-vive, à la vie sociale, excusez-moi deux minutes à quoi l’homme répond par tu pourras le faire plus tard ou, si plus généreux, c’est à dire surtout plus menteur, écart toujours entre les promesses de don et les dons réels, je le ferai plus tard.

Sarah D., se souvient, tandis que le steward lui demande si la valise de Mademoiselle ira en soute, l’apathie ensuquée des hommes, ces chaises qu’elle regardait les yeux brillants, dont elle ne saurait dire aujourd’hui ce que contenait cet éclat d’envie, de haine, ces chaises toutes des trônes qui commandaient aux femmes, sans un mot. Leur pouvoir, aux hommes, toujours actualisé dans ce va-et-vient des femmes, jusqu’à ce qu’un jour, on lui dise, à elle aussi, tu ne voudrais pas aider en cuisine ?

Sarah D., sans un sourire, balance la tête de droite à gauche, ce ne sera pas nécessaire. La voix ferme et enveloppante, une voix grave et cassée qui aspire l’oxygène autour d’elle et suffoque toujours interlocuteur et audience. Une voix de femme, tout à fait femme, une gravité de femme. Jamais je n’imiterai les hommes. Adolescente, elle se souvient, la voix tremblante et mal assurée, les premiers Mademoiselle, délivré par un sourire ambigu, la charge soudaine qu’elle sent sur (s)ces épaules de Mademoiselle, partie d’un être humain, pourtant, diminué et s’étonne presque, à rebours, de voir que le Monsieur, pour plus large et plus fort, pèse moins lourd, écrase moins que ce Mademoiselle à la légèreté prétendue, que le poids même de Monsieur semble une soustraction des Madame et des Mademoiselle dont elle, Sarah D., porte séparément ou cumulativement le poids.

Sarah D., pense à Maman, qu’elle n’osa jamais appeler comme ça autrement que dans le monde chambardé de son labyrinthe mental dont elle dessinait, avec les mots, presque comme des calligrammes, les murs et le sens. Sarah D., n’ignorait pas la blessure profonde qu’elle infligerait à sa propre mère de désigner une autre qu’elle de ce Maman, égoïstement gardée, seule possession en titre. Elle les distinguait intérieurement, dans ses dessins et ses poèmes, la Maman avec ou sans majuscules. L’une déclinée Madame et l’autre Mademoiselle. 

Sarah D. surjoue le manque de temps ainsi tout celui qu’elle accorde se transforme en faveur et personne jamais ne se montre assez sot pour exiger de faveurs trop nombreuses, s’y risquer c’est s’exposer à la perte de ce privilège.
A Sarah D. on ne dispute qu’avec parcimonie.

Elle classe, son regard mesure, organise, elle semble, aux yeux extérieurs toujours en train de décompter, et, s’ils croisent son regard, s’imaginent eux-même l’objet de l’évaluation. David A., redoute ces moments, jamais si hasardeux, où leurs regards se croisent, au bureau. Malgré lui, il l’observe, ni de biais, ni de face, attiré par le même réflexe qui nous fait tous regarder les panneaux publicitaires animés des gares. Chaque fois qu’il croise son regard, il se sent le devoir de le détourner, ce qui rend coupable cet accident trop fréquent, et de se remettre activement à sa tâche, n’importe laquelle. David A., scrute alors son ordinateur, l’air soucieux, à la recherche dramatique, d’une erreur dans le tableau Excel, le rouge du rétro-planning ou un mail resté sans réponse. Voilà le regard, la nature du regard Sarah D. qu’importe où qu’il se trouve, face à ses collègues subalternes ou ses supérieurs. Certains regards semblent prêt à tout, celui de Sarah D., quant à lui, coupe tout.

Ceux-là ignorent que Sarah D., le soir venu, loin de compiler les erreurs et les failles de chacun ou, pire de travailler à sa propre perfection, écrit, elle se dédouble dans l’écriture, produit, par ce moyen là, un ailleurs, continuant le labyrinthe enfantin, suspendu à peine par les études, les amours ou les déceptions, les joies. Que, jamais vraiment, elle n’interrompît son oeuvre de création. Les pauses appartenaient à l’apprentissage de l’écriture. Enfant, apprenant à écrire, les instituteurs demandent aux enfants de savoir lever le stylo, avant de reprendre, plus loin, la phrase morcelée.

Sarah D., s’inscrit dans une tradition littéraire, son désir d’indépendance ne la mène pas à ce ridicule de certains qui se voudraient nés de nulle part, par leur génie propre engendré. Sarah D. n’éprouve aucun plaisir à l’orphelinat littéraire. Sarah D. se trouve un parent redoutable, Pessoa qui, bien plus qu’un alias, c’est à dire un être secret et dissimulé, revendique des doubles. Des doubles assumés comme tels, aventuriers du verbe et de la performance.

Sarah D. garde toujours dans le sac à main de Sarah D., un exemplaire empaquetté du journal de l’intranquillité pour l’oublier sur une table de café, insérant, entre les rubans dorées qui ficellent le papier, un encart  « pour qui le trouvera ».
Sarah D. souhaitait ajouter une ligne à cet encart, l’inscription d’un site web trouvailles.net pour que, qui voudrait, en recense, les impressions, celle du livre ou de l’expérience même d’avoir trouvé ce livre. Le nom de domaine, déjà occupé, la dissuada, en se rendant sur le site on lisait :

 
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Sans superstition, ne prenant pas cette annonce ou cette impossibilité comme un avertissement, Sarah D., repensa sa démarche et conçut que la gratuité totale du geste ne pouvait se doubler d’une quelconque, facultative ou non, contrepartie.

Sarah D., se trouve toujours exacte, c’est à dire parfaite, parce qu’elle habite intégralement l’espace dévolu, sans en négocier un centimètre. Univers en perpétuel extension. Son empressement ne se colore d’aucune nervosité, elle gagne par la rapide exécution des tâches, des gestes, la briévèté de ses sentences, en prestance. Personne ne souhaite lutter, l’importance de Sarah D. précède son essence.

Sarah D. s’organise toujours avec un visage affairé, pressé, tendu vers un ailleurs qui, pour tous ceux qui l’observent, c’est à dire, à plus ou moins courte échéance, l’admirent, leur paraît une hauteur, le sommet d’une côte que, rougissant — mais fier de la côtoyer — ils savent ne jamais pouvoir franchir.

Sarah D., patiente désormais dans le lounge d’Air France, elle y croise Mehdi C., qu’elle aime beaucoup, parce que, très drôle, déjà ivre du champagne ici servi à volonté, Mehdi C. furetant toujours, critique en riant toujours les donneurs d’ordre et, en leur présence aussi, joue avec leurs susceptibilités. Mehdi C., se qualifie lui-même en riant, de langue de pute. Il ne viendrait à personne l’idée de l’en blâmer ou de lui en tenir rigueur, non pas, comme nous pourrions croire, pour se protéger de ses flèches, simplement, parce que le rire et la joie dont il recouvre l’injure, lui retire toute pestilence.
Sarah D., aime ces gens que rien ne peut atteindre, qui ne s’abandonneront jamais à aucune autorité qu’ils ne reconnaîtraient pas comme légitime et aucun emploi, donc aucun patron, N+1, N+10, boss ou führer, ne pourra jamais revendiquer de la légitimité.

Mehdi C. travaille comme tax advisor, pour la succursale B. de S. Group divisé en maintes petites entités dispersées entre l’Irlande, les Pays-Bas et le Delaware, pour d’évidentes raisons fiscales, exprimant par l’exemple à ses clients son expertise fiscalité.

Mehdi C., s’est laissé embarquer là-dedans tout en laissant entendre que le jour de la révolution il échangera sans peine la circulaire Bâle II pour la guillotine. Sarah D., ne le rejoindra pas sur les barricades, elle se préoccupe peu du sort du monde, il va comme il va. Dans celui-ci, Sarah D. croit, surtout, qu’il faut apprendre à se défendre, pour le reste, pour les plus grandes choses, elle avisera. Elle ne tire aucune fierté de son indifférence des choses du monde, elle n’ignore pas sa chance sans toutefois s’en sentir redevable.

L’érudition de Sarah D. contraste avec le contenu minimaliste de sa bibliothèque vide. Le regard connaisseur repérerait aux murs un Sol LeWitt, un (faux) Ad Reinhardt et un (vrai) Frank Stella, offert par Orgasme B., comme elle le nomme dans son répertoire, nom suggéré par Orgasme B. lui-même après s’être brossé les dents, qui leur fit partager un rire que seule la distance qui les sépare empêche de perpétuer à l’infini. Sarah D., lui demande, quand même pourquoi « B. » puisque le nom de famille d’Orgasme B. ne commence pas du tout par B., que ça fait penser à une marque de dentifrice. Parce que, Orgasme B. lui répondit, le A., je te le laisse à toi. Sarah D. accueillit avec un embarras manifeste cette explication sentencieuse dont Orgasme B. n’eût pas honte et insista pour être ainsi enregistré, et demanda, sans sérieux — mais tout de même un peu — la preuve. Sarah D., quant à elle, figure dans le répertoire d’Orgasme B. à Sarah D. Ce qui lui convient parfaitement.

Sarah D. ne se vante pas des oeuvres qu’elle collectionne ni de ses meubles design, Sarah D., les possède pour elle et si quelqu’un, amateur, s’enthousiasme, elle partagera avec lui son élan, le laissera, surtout, s’en émouvoir, Sarah D., elle, vit avec, ces oeuvres décorent et habitent son intérieur, elle ne se sent pas le besoin d’en discuter ce qui finira toujours par une justification qui, frôle, avec quelques interlocuteurs susceptibles, la prétention.

Le jeu plus réel à quoi joue Sarah D., ce qui constitue son oeuvre, son travail secret sur l’irréalité, se trouve lui, dans cette bibliothèque vide de livres mais non de littérature, si l’on peut dire. A chaque rayon de la la bibliothèque de Sarah D., des photographies. Toutes ces photographies encadrées avec soin, toutes représentant, des individus, seuls, en groupe, accompagnés ou non de Sarah D. Les visages se distinguent nettement sur chacune de ces photos et les amis et amants, les collègues et la famille, s’étonnent de n’en connaître aucun et (surtout les membres de la famille) de ne jamais y figurer. Ces photographies provoqueraient le malaise de tout observateur attentif parce que ces photographies ne représentent aucun être réel et que ça se sent.

Personne, trop intimidé par Sarah D elle-même ou le soin enluminé qui encadre les photos, n’est alors un observateur attentif (les gens approchent avec moins de recul les oeuvres de son appartement). Seuls, éventuellement, ceux, très ivres, s’y aventurent et se convainquent, le lendemain, que l’impression bizarre ressentie devant ces visages, tenait à leur ébriété et non aux personnages.

Ces photographies, donc, ne représentent personne. Aucun être réel, né quelque part, d’un ovule fécondé, ne correspond à ces visages humains. Parfois, pour se distraire, Sarah D., s’inscrit parmi eux dans le cadre, se rangeant, à ses propres yeux, dans cet espace liminal de l’existant, générée elle aussi par le site nobodyisreal.notreal.

De quel statut s’investit-elle, associée, à tous ceux-là ? Les montages photographiques nous faisant figurer dans des lieux connus ou à proximité de célébrités, les trucages, existent depuis le début de la photographie. Il s’agissait alors de faire mentir, de replier le monde de telle façon que l’on rapprocherait deux points distants.

La Sarah D. de ces photographies n’existe pas comme ça, les scènes qui la représentent avec ces autres figures, pixels organisés en ce qui semble à nos regards un visage, ne sont qu’une génération informatique pure.

Si toutes les photographies résultent de mise en scène et figent, elles aussi, un être simplifié, qui ne correspond pas et n’a peut-être jamais correspondu, à un soi matériel, nous demeurons voisin de pallier de cette image. La Sarah D. ce ces photographies existe à peine, ceux qui l’entourent n’existent, quant à eux, absolument pas, ils sont des personnages de roman. Chacun, dit-on par rumeur, se connait quelque part dans le monde un double ou un triple, un sosie ou pour les plus croyants, un monstrueux doppleganger, existe-t-il dans le monde concret, un visage semblable à ces visages-là, ou ceux-là, générés par le mélange réaliste de tous les visages, ne ressemblent-ils pas un peu à tout le monde ? Et comment réagir si demain, une de ces images, nous ressemble comme un jumeau, quel frisson parcourra l’être jumelé par une puissance de calcul devenue, pour lui au moins, divine.

 

Sarah D. injecta une quantité gigantesque d’images d’elle-même dans ces logiciels d’IA capables, à partir de ce stock, de recréer, resituer, des individus réels, de les transmuter, eux aussi, en choses, en êtres fictifs, cassant plus encore le lien, fragile déjà, unissant, l’être et son image. L’arrachant, sans presqu’aucune intervention humaine, à sa responsabilité.
Une main plonge au fond de vous, en retire l’image. Vous cessez de vous appartenir.

Sarah D., mène le réel au faux, pousse ce geste de poésie au-delà du discours, au-delà du récit, sa biographie illusoire, ne se compose pas des jets hasardeux et contradictoires des récits. Elle peut laisser parler les images.

Sarah D., documente, avec parcimonie, ses activités, à ses participations réelles aux évènements, elle ajoute ces photos cernées d’inconnus, récurrents, parfois. Leur familiarité elle la tire de la répétition, elle ajoute, sur des aires géographiques déterminées par avance, des monuments qui font, qui ont l’air de. Sarah D. ne publie ces photographies sur les réseaux sociaux que sous forme de story, leur évanescence est la condition de leur réalité. Ces images ne doivent pas être scrutées.

Sarah D., joue dans un monde fluide, Sarah D., traverse à chaque passage dans le monde, une multitude de frontières et chaque espace, minuscule fut-il, à l’intérieur de ces frontières découpe un pays, avec son peuple, rétréci à l’extrême, un groupe de proches - faux -, parfois un arrière fond d’anonymes indistincts, de non-lieux ressemblant à des lieux réels, les générateurs d’images ne reproduisent pas à l’identique les monuments ou les paysages y compris ceux les plus célèbres, Sarah D. vit en un étrange pays, en ce clone d’elle-même, plus bien plus loin que ceux, poètes ou non, qui investissaient second life ou ces autres, bientôt, qui, dans le méta-vers s’il doit voir le jour, habiteront, puisque ceux-là, ne joueront avec aucune frontière mensongère, ne conduiront pas au doute, à l’inhabituel ou à l’abrupt, le geste inaugural diffère et cette différence crée des mondes sans rapport.

Sarah D. vit une double-vie rare, au-delà de celle que l’on prête parfois aux êtres mystérieux, louches et interlopes, elle ne se situe dans aucune marge légale. Son jardin secret, existe sans exister. La vie qui s’y compose ne fait l’objet d’aucune expérience, d’aucun savoir, à l’inverse de celle des jeux de rôle en ligne qui possèdent leur durée propre, leur environnement propre, ou les interactions des avatars comportent de véritables sujets, déduits et issus du joueur. Dans le cas de Sarah D., ces photographies ne prennent sens que si elle en propose un récit, qu’elle les fait passer non pour le tout (qu’elles sont pourtant) mais l’instant figé de longs moments, voyages, visites, amours. Sarah D., aussi, si elle devait inviter un curieux à passer avec elle en revue la vie de Sarah D., sans rien murmurer, sans répondre même aux questions de l’intrigué, celui-ci se composerait une vie de Sarah D., qui ne coïncidera que peu avec toute expérience vécue par elle. Le degré de réalité, d’investissement d’elle repose sur le prompt, c’est à dire la suggestion murmurée à la machine qui, de tout ça, de sa propre expérience, avec son passé, c’est à dire sa connaissance de Sarah D., mais aussi son expérience de machine qui combine les expériences de tous les êtres humains qui ont sollicité avant son expérience.
 

Sarah D., s’envole bientôt pour New-York, les images de son voyage d’affaires, les images, elle pense, ludiques, elle les a déjà fabriquées, qui entrerait chez elle par effraction, à l’heure de son embarquement, croirait au passé ce séjour à New-York, y verrait les souvenirs enchantés de cette femme à la peau parfaite. C’est le jeu de Sarah D., aussi, toutes ces photos irréelles de voyages pourtant bien réels et qui, pour ajouter, sa propre effraction, les fabrique avant l’expérience. Tout a eu lieu avant d’avoir lieu. Le souvenir, ce dont il sera ensuite principalement fait récit, existe avant sa possibilité.

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