Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
boudi's blog
boudi's blog
Archives
Newsletter
1 abonnés
13 juin 2021

A toi la maudite.

 

M., à 19 ans, remportait le prix de Flore pour son premier roman. Quelques milliers d’euros, là-bas, où une bouteille, à chaque visite devait l’attendre. Or, M. ne peut se rendre à sa guise au café de Flore parce que sa mère lui ôta, comme souvent les mauvaises mères à l’amour fétide, une partie de ses forces. Cet amour, sordide, cet amour que cette mère, comme d’autres, croyant bien faire, souhaitant décider pour leurs enfants - conçus comme simples dépendances d’elles-même - cet amour arracha à M. la moitié de sa vie. Dépendances, j’écris et, plutôt, même, oui, remise et débarras où cette femme entreposait (et continue) ses névroses, ses jalousies, ses frustrations.

Dix-neuf ans, un monde à venir qui ne vint pas. Les cerbères se tiennent sur bien des seuils et cette bête là, devant l’avenir de son fils, montait une garde farouche, l’empêcha d’y descendre - ou d’y monter.
Elle engeôla (oui ou, vraiment, cage-ola - ses actes d’amour, de tendresse toujours, en vérité, dissimulent ou affichent le meurtre, le crime, la souillure) ce fils tout en, émue d’elle-même, se flattant d’être une excellente mère.

Elle suicida la moitié de la vie de son fils et l’autre, celle qui reste - immense - tient semble-t-il de justesse. Je crains souvent, comme d’autres, que le funeste projet de cette femme n'aboutisse. 

Les pères de l’Eglise, d’Augustin à Tertulien, tenaient la reproduction (et donc les femmes) pour répugnantes à cause de ce que l’engendrement charnel contenait la mort et, donc, dédoublait la chute originelle. C’est d’avoir chuté que nous mourons ; et de mourir que nous chutons à nouveau. 
Il fallut dix siècles de théologie pour retourner ce dégoût et valoriser, cette fois, la procréation. Seulement, je me dis à l’instant, cette méfiance, peut être, intuition des sages presqu’antiques, ne visait-elle pas seulement les mères-monstres ? 

M. ne manque pas de délicatesse ni, par ailleurs d’excès. 

M. et moi divergeons sur le lien même qui l’unit à sa mère. Je crois, moi, qu’elle voulait donner à sa vie (celle de M.) la forme qu’elle envisageait, elle. Surtout, il fallait qu’il obéisse, et quelle pire école que l’internement psychiatrique, la contention, les paralysies chimiques. Tout, dans le parcours médical qu’elle lui infligea raconte cette volonté de dressage, d’asservissement, de soumission. Pourtant, il ne se soumit pas. Il plaignit, se révolta. En vain. La main visqueuse de la mère assistée du bras non moins gluant de la psychiatrie s’étend(ent) à l’infini. Aucune cachette ne dure ni n’est sûre. 

Femme duplice ? Elle admet que son fils soit un grand écrivain - et se glorifie elle-même d’avoir engendré cet écrivain. Seulement, manifestement, cela ne suffit pas. Ou, peut-être, ne comprenons-nous rien, nous autres, trop simples, trop d’une pièce. Amour inouï celui de cette femme bourreau-bourrelant. Goût romantique, très dix-neuvième, très déplacé, visant à instituer son enfant aux hauteurs mythiques et le sens du mythe, selon son goût faisandé (à elle), ne se peut atteindre que l'être-écrivain crevé de mille flèches ou, en la circonstance, le cerveau grevé de neuroleptiques ; il faut être martyr, se dit-elle, et, Judas solaire, elle accepte le rôle, la grâce duplice, du bourreau-déifiant. Soit.

Judas, lui, se pendit.

M. à la sortie de son premier livre décida de se consacrer à l’oeuvre dont il se sentait, si on peut dire, le responsable. Sa mère le refusa sèchement. Le rendit fou (la folie résulte de l'assignation, non de mesures objectives), l’interna, le damna publiquement (un procès). Sa mère condamna cette vie sans recours - sinon chimique - possible. Sa mère, que nous appelons ensemble sa « » tant elle se rend, chaque jour, un peu plus indigne de ce mot.
M., lorsque la vie, comme chez chacun, le déborde ne peut trouver nul secours chez V. sa « », là-bas, à Orléans où elle vit - comme dans un échec. Si M. se plaint, il ne reçoit que deux sortes de réponses : je te l’avais bien dit (c’est à dire : tu aurais du te soumettre) ou j’appelle la police (c’est à dire : j’appelle l’HP c’est à dire : tu devras te soumettre et mourir)


Il y a quelques jours, sous des poussées d’angoisse et de peur, Ma. faillit mourir. Il m’écrivit « j’ouvre le gaz » sans que je ne sache s’il ne s’agissait que de la parole excessive de l’écrivain ou, de celle, mesurée, lucide, du désespéré. Il s’agissait de la seconde. Sans nouvelles pendant quatre jours je parvins, à force de recherches, à trouver le numéro de sa « » avec laquelle je pris attache et son attitude me stupéfia. V., tout au long de la conversation, moi qui ne voulais savoir qu’une chose « Comment va M. », me répétait quelle extraordinaire « » elle avait été et tout ce qu'elle sacrifia et  son amour immense et incomporable etc. J’attendais qu’elle me dise « M. va bien » non pas (pendant 20 minutes !) l’entendre m’expliquer, ce dont je me contrefoutais, sa perfection (à elle) morale. Il était à croire, l’entendant, qu’elle (ac)cumulait en son coeur, en son âme, en ses mains, toute la bonté de toutes les saintes, réceptacle ultime du bon, du beau.

A-t-on jamais vu sainte ou martyre mener quiconque à l’échafaud ?

Quel amour, oui, condamne ?
Poursuit en justice
Un fils
Interne-tue 
Un fils ?

Sa sainteté immense brise la vie de son fils, cette « » lui refusa si fort, si violemment ce qu’il souhaitait être qu’elle le réduisit à la glace, à la cendre, à la fin. Avant ce message, cette ouverture du gaz, M. tenta de fuir sa « » pendant des années, craignant sa  « » il évapora les 90 000 euros des gains de son premier roman. Cette dépense, matérielle, typologiquement signifie le reste, annonce l’advenir, cet épuisement des forces, physiques, littéraires. De chambres d’hôtel en chambres d’hôtel, de pays en pays, il échappa à la traque avant, épuisé, vidé, de revenir chercher un toit auprès de sa « », ignorant alors ce que serait ce toit : celui de l’hôpital psychiatrique - lieu de néantisation. Encore.
« » aurait voulu forcer en lui un destin auquel il se soustrayait de toutes ses forces s’en sachant, l’ayant prouvé, doué, lourd, d’un autre.
Par un pouvoir exorbitant elle l’assassina administrativement. S’il ne se destinait à ce qu’elle décidait, il devrait payer cher.
Elle insinua, en lui, le poison et se flatte, chaque jour, elle, de n’être que remèdes, les larmes de sainte, coulant effusion brutale, pour panser l’âme d’un fils bouleversé. Et tous les actes d’amour revendiqués de cette « » blessent. Tueront.
Les paroles de M. me fendent le coeur. 

La « » de M. au lieu de lui apporter tout secours, matériel, affectif, moral, au lieu de ces étayages nécessaires, ne fit peser sur lui que la méfiance, le reproche, le soupçon, toute pleine de récriminations contre ses choix de vie. L’Art, souvent, oui, fait de l’homme ou la femme qui s’y adonne, un être tragique. Seulement, cette tragédie, provient de la nature de l’Art. Pas de la corruption des parents. Pour M. il en alla autrement. La littérature lui était douce et les parents atroces. 

Lui interdisant cette route c’est sa vie toute entière, sa vie à lui, qui ne tînt qu’à un fil ces derniers jours, dont elle le dépossédait. Comment, par incompréhension et, si j’ose dire, par incompétence maternelle, de tels drames peuvent surgir et pourquoi, même, ces drames, ces tragédies de  funeste envergure ne cessent de surgir, atroces ?
J’aimerais que ces choses se sachent, plus largement. Une semaine durant, à cause de l’amour malsain, défaillant, de sa « » je croyais perdre mon ami. 

M., pour toujours, portera la marque de cette cruauté de celle qui dit, sûre d’elle-même et de son bon droit, « je suis une excellente mère, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour lui ». Quand, essentiellement, elle employa ses forces à la destruction de celles de M. 

Sa « » jamais ne comprît ce que l’art signifiait et, parce qu’elle ne le comprenait pas, voulut l’assassiner dans le coeur de son fils or, ignorant tout de l’Art, ne s’apercevait pas que toucher à la création c’était toucher à la substance même de son enfant. Au téléphone je disais à V., la « » de laisser son fils en paix, de l’accepter tout entier, qu’importe le coût de ses choix. L’amour d’une mère, d’une vraie mère, l’amour de ma mère, moi, me porte, me protège et défend, mordicus, chaque aspect de moi-même, et c'est ainsi, je crois, que l'on apprend, soi-même, à aimer.
Alors, le désespoir, jamais moi, ne peut m’être mortel, il existe pour moi un sanctuaire qui n’est pas la froide province et les portes épaisses des hôpitaux psychiatriques. Si j’ai un asile, il s’appelle Maman qui jamais ne se muera en « »-PSYCHATRIE. 

 M. a écrit un magnifique livre, l’Architecture, publié chez Fayard. Il faut, malgré la difficulté abrasive de ses lignes, le lire. 

 

Les derniers échanges, avec M., me fendent le coeur.

Courage, très cher ami. 

 

Capture d’écran 2021-06-13 à 01

Publicité
boudi's blog
  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 49 397
Publicité