Je ne serai jamais comme il faut
aux ongles sans ombres
les gestes sans angles
jamais je ne serai
purgé du sauvage en moi
l’être impur de pensées de fièvre
et d’hiver
le sauvage en moi retenu par les barreaux des cils
la cage du sommeil
le rebelle en moi au parfum d’incendie
de sang de poudre et de meurtre
le rebelle aux pas de ciel
(sans bruit il marche dans la mousse
comme une pluie pure tombant sur le monde
le monde épais, dur
sans bruit encore
évaporé, presque
comme un amour qui s’achève dans
le rêve
comme la soif désaltérée
par l'eau du miroir)
Le sauvage sous les cils
le sauvage luttant contre le froid de la paupière
(la paupière dure comme du marbre précieux)
c'est l'oeil
l'oeil amoureux
l'oeil pareil à une rangée de loups
(et de louveteaux)
Mes doigts approcheront, vous prendront glacés
Vous peindront, reflets de rages
sortilèges malades
parfum au matin de toute la nuit gâchée
par des mains des paumes des grincements de nerfs
Je ne serai pas comme il faut, avec des pas droits et une voix sans
l’hésitation des je t’aime, du vertige, et des falaises coincées dans la gorge
comme d’immenses hurlements au bord de la mer
je serai moi aiguisé comme un soleil moi et mon ciel brûlé moi d'incendie moi jusqu'au bout quand la nuit déliera ses cheveux d'enfant muet
quand tombera sur le monde un cauchemar
quand
tout autour de nous paraitra la forêt brûlée
le monde en miettes les ruines et sans faire exprès un baiser
J’irai parcourir les déserts intenses
le peuple des fièvres
et des images mystérieuses
j’irai par-delà l’hallucination
ô gémir s’il faut et pleurer encore
creuser le désert des chagrins
et des joies
des mordillements de lèvres
(c’est du sang coulé de ces plaies là qu’un jour naquît le soleil)
j’irai jusqu’à buter sur la première ville et à la rencontre de la première foule
hurler la rage la haine envahir de sable de cendre toutes les habitudes
répandre sur le monde usé le feu passé
j'irai où l'on me ressemble
les sens interdits
les sorties de secours
les soleils navrés
l'amour en chantier
j’irai
traverser la plaine épaisse de brume
l’haleine des filles belles comme des
draps froissés
J’irai où le jour brille brûle
Où le jour sera un portrait de femme
la lumière reflétée sur des dents tremblantes
où les lèvres disent peut être et je t’aime dans la même secousse
si le jour n’est pas spasme
un bégaiement
une sorte de rôle oublié
si le jour n’est pas une galerie
effondrée
un monstre lumineux et fier
un éclair troué cent fois par les ongles
alors le jour n’est pas
il faut le monde hors de lui avec un visage de damné
fou peint au plomb si tu veux peint peint des sévices des joies de tout l’infini mis en rage
Viens me voir quand c'est en même temps midi minuit les heures d'éclipse les prunelles brûlées ah l'amour ou l'une de ses métamorphoses mais au matin dis s'il te plaît "enfin la vie"
AH
REGARDEZ
(c'est un montreur de lions qui avance dans une cage un langage sauvage, un barbare au nez peint, une sorte d'Attila imberbe)
REGARDEZ
comme "aimer" est beau aujourd'hui, ensanglanté, massacré
Ah l'amour on l'a échangé contre l'adjectif
le mot doux du plaisir et sa soeur aux jambes nues
l'extase
l'extase et le plaisir
et la nuit et les gémissements des filles
oh la cendre d'aimer
l'écume
le rien d'aimer
VOILA CE QUI RESTE MAIS ON DIRAIT QUE JE FAIS DE LA MORALE CHANGEONS DEJA DE VISAGE DE VOIX DE CORPS CHANGEONS DE SCENE ET LES YEUX CHANGES DES FILLES COMME SI C ETAIT DEJA DEMAIN
Changeons oui voulez vous
de portrait
de salles
de classe
de musées
changeons entrons dans les dédales neufs, les premières fois
dans le reste du monde