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26 mai 2020

Quand il revint dans sa vieille maison pour la reconstruire, mon grand-père voulu lui aussi planter un frêne dans son jardin à l

Consigne : la première phrase et la dernière constituent le point de départ et d'arrivée du texte. 




Quand il revint dans sa vieille maison pour la reconstruire, mon grand-père voulu lui aussi planter un frêne dans son jardin à la place de celui qui avait été tué par qui les obus. 





Il disait « le frêne » par métonymie, de cet esprit d’économie des gens d’antan. Des gens D’avant. Le frêne…C’était toute une petite forêt de frênes assassinée.


Il avait demandé la paix. Il nous recontacterait quand il sera temps. Il a attendu dix ans.
Dans la famille nous plantions des frênes. On disait « dans la famille, on a toujours planté le frêne ». Sans raison explicite. Nous plantions le frêne. Héritage solennel.
Mon grand-père se pliait, me semble-t-il, à ce devoir généalogique. Il rentrait pour s’y astreindre. Les traditions sont le sang des vieillards et les préservent mieux que toutes les médecines.
Il perpétuait à sa façon la lignée. Autrement. Lignée végétale, croissant parallèle, à celle des hommes et des femmes. 
Plus importante peut-être à ses yeux.
C’est pour ça qu’il disait « tué » pour le frêne, il disait tué et pas « détruit » ou « arraché ». Tué, ça voulait dire qu’il était en vie, à égalité avec un être humain. Eux, les êtres humains, pareils se font faucher par les obus. Puis remplace dans l’enflement d’un ventre de femme.
 
Il portait, comme ses aïeux, cet arbre à naître. Il donnait la vie, la vie arrachée par les obus. 



Un jour ce sera mon tour peut-être. Je disais. Ce sera mon tour peut-être en riant. 
Chez nous, de générations en génération nous ne nous transmettons pas un peu d’or d’où l’on tire des chevalières. Nous portons une autre durée.


Mon grand père avait sur toutes les choses des conceptions…originales. Lorsque le frêne fut planté et la maison reconstruite il nous invita. Dans cette famille d’être brutaux, égoïstes et terreux, seul mon père répondit. Maman, qui était une dame de la ville comme disait mes oncles avec mépris, exprima sa réticence. Elle craignait mon grand-père. Je ne m’étais pas rendu compte, à l’époque, de son teint pâle et malade à l’annonce du voyage. Elle craignait mon grand-père homme chênu, taiseux. Je croyais. Je disais. Elle le craint. Je ne savais rien. Nous ne savions pas. Je crois que souvent, c’est ceci, nous ne savons. Nous ne savions pas ce qu’il contenait en lui de douleur caillée, immobile et drue. 
Quand le frêne fut tué. Les voisins ont raconté. On dit. Ils disent qu’il y eut un cri de bête dans le village, un cri d’outre-noir. Ils ont dit « un cri de bête ».
A l’enterrement de ma grand-mère il n’a rien laissé paraître. Il recevait les condoléances avec l’air qui sied à la circonstance. Sans mots, ce lui était facile, avec dignité et réserve. Il avait mené sa vie ainsi. 
Souffrait-il à chacune de ces paroles compatissantes, sincères ou non ? Poussait-il à l’intérieur de lui ce cri d’outre-noir, cette bête sauvage assassinée ; ressuscitée toujours pour hurle plus encore et il savait retenir le cri à l’intérieur. Le cri ricochant dans la cage thoracique et qui ne devenait même pas. Ne mourait même pas soupirs. Cris, outre-noir dompté. Contenait-il cet outre-noir ? Aujourd’hui J’en suis certain.

A peine arrivée maman voulut repartir. Elle ne faisait pas des manières, il n’était pas question pour elle de ne pas vouloir tacher son tailleur ou abîmer ses sandales dans la boue. Maman n’affectait aucun grand air ne se donnait le genre d’aucune grande-dame. C’était une femme délicate et sensible. Si elle fuyait tant la compagnie de mon grand-père c’est, elle me l’avoua des années après sa mort, parce que sa douleur à lui retentissait si fort en elle qu’elle croyait parfois en perdre connaissance. Elle m’avoua avoir connu quelques amnésies. Des moments de blancs comme sous l’effet d’un choc à la tête.

J’ignorais tout de la complicité muette qui les unissait. Et je compris, bien tard, bien tard, les silences complices et douloureux qu’ils savaient s’échanger. Paroles, souterraines comme des racines.
Et moi…moi qui fut toujours le plus bavard, l’histrion tonitruant croyant tour régler par un bon mot, une injure, un libelle ou n’importe quel artifice tant que ça claquait de la langue. Moi, comment pouvais-je comprendre ?


Elle voulut repartir parce qu’elle avait vu la maison. Il avait dit reconstruire et une ruine nous faisait face. Une ruine fabriquée par la main humaine et non le passage du temps ou d’un autre Attila. L’obus s’était abattu loin de la maison. Les voisins ont dit. C’est une chance elle a pas été soufflée. Juste les frênes. Vraiment un coup de pot. Pfioou. Même les vitres ont résisté…Une veine de cocu.
Alors mon grand-père a taillé la maison, défoncé les murs pour donner à cette maison l’air de fin des temps. Pendant dix ans. Il a construit la ruine. Et le frêne était planté. Plus vivant que jamais. Gazouillant, presque, sous le soleil magique qui ne brille qu’en Auvergne. On le dit, là-bas, sort du fin fond des volcans locaux.
Face à ceci, maman ne put pas. Elle ne dit pas. Je ne peux pas. Seulement la pâleur dans son regard. Sa main qui tire le loquet de la portière verrouillée. Qui répète le geste inutile pour se dire. Cette fois ça va marcher. Ca va s’ouvrir. Merde. La main palissait. Le sang manquait.
Sûrement, avait-elle compris, oui elle avait compris c’est sûr, compris de tout ce sang refluant, compris ce qu’il nous disait ici. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas. Ce qu’il transmettait, ce qu’il racontait. Elle ne pouvait pas. Moi je souriais. Maman…toujours trop. C’est joli..
Cette ruine c’était le cri toujours retenu, toute sa vie d’indocile projetée, taillée dans la pierre et la chaux. Et le frêne tremblait ; témoignage vivant de la seule vie à vivre. Il clamait ce frêne à la tête de tous que c’était ça la vie. Quelque chose se planta en moi ce jour là. Informe, fragile. En ce temps-là j’étais un jeune homme dissipé et mon savoir des choses végétales se limitait à la Chartreuse. Mon père jamais ne reçut ceci. Il planta un frêne. Il faisait son devoir. Mais ça le faisait chier. Il n’avait pas planté lui-même. Il avait payé un type. Qu’on me fasse pas chier avec ça. Il avait dit. C’est maman. Maman qui vraiment planta le frêne. Non de ses mains à elle. C’était une affaire d’hommes. Mais cassant la gangue de ce grain de frêne. J’héritais d’un arbre. Je descendais de cet homme chêne. Mon père jamais ne sut être. Il manquait de ce poids, d’une histoire. Homme de son temps. Et moi je devais méditer ce frêne à germer.




Pour me dire je suis, pour me libérer de ce doute : « je pense donc je suis ». Je sais que je pense. Mais suis-je ? »
Je suis.

 

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21 mai 2020

Saez - Groslay


On était à Groslay avec Marion. C’était le jour des victoires de la musique 2008 je crois et ça faisait bien un an que je lui cassais les couilles avec Saez. Alors on s’est posés dans le salon de son père. Je pense que je tenais pas trop en place. Elle de son côté elle me faisait chier avec les Strokes. Bon pas de risques de les voir aux victoires. 
Qu’est ce que j’ai entendu le nom de Julian Casablancas putain. Elle trouvait que je ressemblais à Albert Hammond Jr leur guitariste ou bassiste ou les deux ça a du vachement encourager son amour. Fair enough on va dire. 
J’étais excité à mort. Voir Saez à la télé, l’entendre autrement que chanter pff…c’était aussi fréquent qu’une bonne chanson de Kyo. Je me souviens en 1ère ma pote Louise m’avait passé le DVD qui accompagnait l’album Debbie. Sûrement c’était de la merde mais j’étais à fond. L’achat du lecteur DVD par mes parents remontait à quelques semaines. Parfait.
Je voyais rarement Saez, j’allais pas à ses concerts. D’ailleurs avec Marion j’ai fait genre mon premier concert d’un type connu. Lou Reed à la salle Pleyel, c’était naze as fuck. Sa mère lui avait offert les places pour son anniv’, le prix ça m’avait choqué 100 balles par personne. Pff
Pour Saez en live en vrai j’avais accès un peu à des bribes. Y avait un site-forum assez dingue. 
saezlive.net qui faisait un travail inimaginable. Les membres enregistraient les audios des lives et desfois même la vidéo. Tous les artistes chantent sur scène des sons exclusifs, qui seront jamais enregistrés. Saezlive les figeait. J’en ai encore plein sur mon ordi. Saez était au courant. Il dédicaçait parfois. Un jour il a dit « quand vous mettrez sur Internet je veux pas voir de fautes d’orthographe » la chanson c’était new-york varsovie, je me demande comment on pouvait faire une faute. Il disait ça avec sa voix de fonce-dé. D’ailleurs ces titres ils les chantaient dans une tournée acoustique. Exclusivement dans des théâtres. L’idée est franchement cool. Beaucoup de salles. Rétablir l’ambiance piano bar. 
Saez, à la télé pour moi c’était le pied. Le boug il fuyait même la presse spécialisée. Bon, quand il passe à la télé faut pas l’imaginer faire autre chose que son cinéma. En 2000 à vingt piges aux victoires de la musique déjà il était venu é-cla-té chanter un truc genre dido ft eminem avec un gros bonnet à la eminem sur la tête. Après il a chanté « trop de merde à la télévision » en montrant le plateau. Ok on va dire c’est un peu ridicule et tout. Mais en vrai non. Ca veut dire le mec il a 20 ans. il vient quand même ok. Il fait un vrai doigt. Il dit fuck. il dit je vous emmerde. C’est grave punk. 
Ca a des conséquences. Pour être un peu dans le milieu des arts et tout je peux dire. Quand t’as 20 ans tu fais pas ça. En principe on attend de toi un minimum de collaboration. Ta révolte elle doit être contenue dans les normes genre on va dire diégétiques ça veut dire à l’intérieur de ta performance, tu chantes des trucs rebelles si tu veux mais clin d’oeil clin d’oeil c’est dans ta chanson.
Tu peux pas faire éclater le cadre. Le faire vibrer aux bordures. Parce que tu casses le spectacle. Enfin tu rappelles que c’est un peu questionnable, un show. C'est un peu désigner tout le monde comme des hypocrites. C'est comme le faire dans une soirée où tout le monde sait qui est un salaud mais à cause des étranges imbrications de loyauté et de pouvoir personne ne le dit. Alors on s'élève hors de la foule et on tremble du doigt et on le dit. Ca ne change rien, on est le seul excommunié de l'affaire. Mais tout le monde a senti sa propre hypocrisie.
C’est pas de ça que se font les révolutions, hein, mais putain c’est jubilatoire. 
J’avais été cherché des paninis pour le dîner. Dans la boutique étroite de cette banlieue étroite. Je me souviens, des jeunes hommes tenaient l’affaire. Ca m’émouvait un peu. Comment on se retrouve à 20, 25 piges à la tête d’une sandwicherie à Groslay. Je leur imaginais une vie, des ambitions. Pas pour les moquer, hein. Je crois que je me disais, tiens, sûrement pôle emploi leur a proposé une formation ou bien ils se sont dits « venez on fait un truc ensemble les mecs ». J’imaginais même un peu leurs vacances à la mer. Tentant de draguer les meufs sur la plage. Dans ce genre de bandes y a toujours un beau gosse. je sais plus si c’était le cas.

Pour donner une idée, Groslay c’est une de ces banlieues du 95 moche et tranquille, vite fait pavillonnaire. Genre le rêve de la classe moyenne des années 80 qui, comme tous les rêves, se montrent d’une irrésistible laideur une fois concrétisés. J’adorais les paninis, ça me paraît dingue, parce que c’est absolument immonde. Il y avait une sorte d’appétit général de panini et une soif d’oasis tropical à l’époque. 
Un jour dans la voiture de son daron, une sorte d’immense 4x4 on écoutait sur mon iPod de l’époque. Le 80 GO là qui se fait plus. Le cavalier sans tête. Elle avait la tête sur mon épaule. C’était joli.
Des années après la rupture on avait causé vite fait. Elle trashait Saez et je lui ai dit mais t’aimais pourtant. Elle m’avait dit un truc « c’est pas saez que j’aimais c’était toi connard ».
Le rapport de Saez aux médias continue aujourd’hui d’être assez tourmenté. De la même manière il conspue Internet et les réseaux sociaux. Avec des paroles de vieux. Des boomers diraient les plus edgy d’entre nous.

Enfin, c’est un peu un paradoxe parce que assez tôt, vers 2015 un truc comme ça il a lancé son site. Une aventure on dirait en start-up nation. Ca s’appelle culturecontreculture. 
Tu y souscris un abonnement mensuel de 5 ou 6 euros. Comme pour les chaînes twitch et t’as accès à un contenu exclusif. Beaucoup de ressources dédiées à son travail, enfin, je suis pas abonné mais je sais qu’il y fait paraître ses chansons, des vidéos, ses concerts que ça donne des réductions pour ses shows. D’ailleurs ses concerts aujourd’hui continue d’être pleins. Je crois qu’on doit toujours célébrer la longévité d’un artiste. Surtout lorsqu’elle se perpétue à la marge. 
Saez, devait faire un quatrième album avec Universal il a dit à Pascal Nègre : je veux bien le faire, par contre ce sera des mises en musique de poèmes d’Artaud. Il a dit aussi tu peux tout aussi bien me libérer. Pascal Nègre a du se dire bon débarras mec. En disant « oh non…mais si c’est ce que tu veux ».

Devant, la télé j’attendais avec impatience son passage. Lola qui avait 13 ans ou 14 ans qui adorait les groupes pops genre je sais pas…l’équivalent de one direction quoi. Quand elle l’a vu sa première réaction c’était « ah mais il est trop beau ».
Ca entrait clairement en ligne de compte pour apprécier ou non le chanteur. Même en critère numéro 1. Condition principale. La musique entrait en seconde position. Il ne fallait pas qu’elle soit bonne mais qu’elle lui soit suffisamment audible pour ne pas annuler le plaisir des yeux. 
Ce jour là Saez a fait un bis amélioré de ses premières victoires. Il se pointe. Sans un bruit. Avec un petit carnet à la main. Il s’assied sur un tabouret. Branche sa guitare sur l’ampli et ouvre un carnet. Il lit ce qu’il y a écrit. Sans musique. C’est carrément pas brillant, c’est de la petite poésie révolutionnaire pour ados genre « celui qui a une action a du sang sur les mains ». Sauf que le texte prend son ampleur dans le cadre où il le déclame. Parce que ce n’est pas permis, pas attendu. Son texte s’enrichit du décalage et de la surprise produits.
L’enjeu ne se situe pas dans le contenu du texte mais dans la manière de rendre réelle, finalement, cette phrase. 
Ensuite, il occupe la scène dix minutes. C’est pareil, les prestations sont calibrées, suivies d’une interview. Là, c’est encore comme un happening. Un détournement de l’espace qui lui est laissé. Bon, politiquement on va pas se mentir l’effet est proche de zéro. Mais moi j’étais ébahi. Et artistiquement ça reste un truc dingue.
Aujourd’hui j’aime plus trop Saez. Enfin, je l’écoute plus quoi.
J’ai de l’estime pour lui et pour sa carrière. Puis il m’a fait aimer la poésie pour la première fois avec sa reprise chelou de Delphine et Hippolyte. Genre, on peut dire il habite le texte, c’est assez incroyable. 
Puis il fait un autre truc. Il a réarrangé les strophes pour donner un autre sens au poème. Bon, je sais pas ce que je pense aujourd’hui du nouveau sens. D’un amour lesbien il a fait un poème sur la virginité ; c’est pas ouf…
Sur scène il est arrivé en traînant des pieds. Dans une chemise de clochard. L’air défoncé. Lola a quand même dit « il est trop beau » j’ai vu quelque chose se suspendre en elle.
Après, il fait partie de ces chanteurs toujours défoncé sur scène à cause du stress. 
Souvent je cherchais des vidéos de Saez sur Internet. Des interviews de Saez et tout. J’étais fan ok ça fait aucun doute.

Mais quand même. C’est pas rien de pouvoir résister au succès. Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l'ai trouvée amère. − Et je l'ai injuriée. 
On peut dire ce qu’on veut la plupart d’entre nous en aurait été incapable à cause de sentiments mêlés de gêne et le vertige sûrement de s’assurer de nouveaux succès. 
On lui a dit
rebelle en carton
on lui a dit
t’es signé chez Universal.
Noir Désir avait fait un truc pareil en lisant une lettre au président d’Universal et tout. Ca a fait date. C’était pas rien, hein. Mais quelque part c’est nul. Déjà c’était un peu intello puis ils avaient déjà leur succès. Quand je dis c’était intello c’est que…ils font de la musique quoi. Dans le happening je préfère la forme brutale, inexplicitée, le manque de respect, l’absence totale de soumission à la forme attendue. Lire une lettre ouverte. Bon, ça se fait globalement. Ca a quelque chose de transgressif, c’est sûr, mais en même temps de comme attendu.
Je me souviens
Quand Teddy rejetait Damien Saez ça m’avait soûlé. C’était un jour sur la chatbox. C’est pas qu’il avait tort. Même il avait raison. Saez est justiciable de toutes les critiques qu’il avait énoncé ; réduction de la femme au rôle de muse. femme devenant Fonction, du poète et méchante et vile lorsqu’elle abandonne le poète - mais demeure muse encore et toujours ainsi pure fonction ; excroissance toujours heureuse ou tumeur. Mais dépendante.
Le problème que j’avais c’est d’abord une sorte de méfiance générale lorsqu’on se détache de nos amours d’antan avec virulence. Je n’aime pas les traits de plume secs.. Dans la banque on disait « caviarder » ça m’avait beaucoup choqué, mes collègues réécrivaient à l’avantage de la banque des courriers déjà envoyés. Ca s’appelle un faux. Tout le monde trouvait ça normal. Je me méfie parce que je trouve que c’est un peu facile, une sorte de morale à peu de frais, on devient d’autant meilleur qu’on a chassé loin de soi celui qui pourtant nous forma. Il en va autrement lorsque celui-ci c’est Mussolini mais ça va tellement de soi qu’on ne parle pas vraiment de ça. Enfin…je fais la même chose avec Camus, mais c’est parce que c’est vraiment nul à chier.
En vrai c’était pas très juste d’avoir ce soupçon ; Mais ça a chatouillé comme très loin en moi un amour, une passion. Ca m’a fait repenser à tout ça.

Je projetais mon expérience de Saez sur la sienne. Moi je ne pourrais jamais le renier tout à fait. Il a été une partie très importante de ma vie. Plus de dix ans. Ca a frappé ce point de ma biographie quand il a dit ça. 
C’était pas grand chose mais ça m’a soûlé quand même. Je continue de penser qu’il faut entretenir une grande méfiance envers ceux qui rejettent, pour des raisons morales, leurs adorations d’avant. Pour Teddy c’était pas le cas. Saez, je crois, qu’il était de passage pour lui. Passage intense, ce type ne laisse pas indemne ; mais passages brefs et sans durées. Pas de quoi constituer une histoire ; s’étendant à différents moments de sa constitution d’adulte.
Sur les forums consacrés à Saez j’ai rencontré des potes des amoureuses, j’y passais des tas de soirées. Bien avant JE ou EEH. D’ailleurs c’est un truc marrant, si j’écris ce texte aujourd’hui sur JE c’est encore par l’intermédiaire de Saez. Quand l’affiche de son album j’accuse (une femme dans un caddie. pas ouf c’est clair) a été censurée dans le métro je cherchais dans l’actualité des commentaires sur l’affaire. Et un type avait ouvert un sujet à ce propos sur EEH. 
Je m’étais inscrit pour bolosser les poètes d’alors parce que c’était quand même bien nul. Au final, j’y suis resté, j’y ai rencontré pffff plein de gens qui sont devenus amis ou ennemis et l’amour, aussi.
Saez pour les gens de ma génération c’est aussi un défricheur ; quelqu’un qu’on a vu grandir avec nous. Puis vieillir. Vers 15 ans je l’ai découvert, des potes de collège m’ont dit « tiens, écoute ça déboite ». J’ai été estomaqué. Après on mettait en statut MSN les paroles de ses chansons. Ca apaisait notre coeur révolutionnaire. Ce qui me fait rire c’est que Tommy travaille pour Uber aujourd’hui et il est pas chauffeur.
Saez a par exemple a un peu évité les thèmes politiques dans ses 3e et 4e albums. Et ça me soûlait son approche politique parce que bon ça vole pas hyper haut hein quand les artistes font de la politique…même les poète-sses. Un type assez brillant, intelligent et bon poète, Pierre Vinclair s’y était essayé un jour. Bon globalement c’était à chier limite gênant. Ca fait genre « nos océans sont pollués par vos profits ; le capitalisme rejette un gaz mortel ». 
Alors Saez, il a sorti un triple album, le format c’est assez fou d’ailleurs. Il parle juste d’amour, ou de la jeunesse joliment. Comme dans jeune et con, chanson assez pertinente sur laquelle il vit encore vu combien elle est diffusée à la radio. Cet album je l’aime beaucoup, quand je retombe dessus, je me dis waw. C’est cet album qui lui a valu la nomination aux victoires de la musique dont je parlais. 
Parfois je croise le frère de Saez au PCC ou plus généralement à Pigalle qui me raconte que son frère est complètement déchiré et parano. Ca ne me rend pas triste. Ce n’est pas une personne pour moi. Saez. C’est un souvenir. Maintenant.

18 mai 2020

Carton bouilli.

Je dis
Elle dit, j’ai un corps en carton. Elle dit c’est peut être pas adapté, carton, c’est plutôt dur, rigide chez moi. j’ai encore mal, il y a un point, au dessus de la fesse gauche, un point un peu chaud et sensible. Je ne sais pas si je dois masser ou attendre que ça pense.

Ca me fait penser quand elle dit ça. Je me dis. Ca me fait penser à loin en arrière. Le mot carton. Toujours. Ce souvenir il pleut. Il pleut très fort. C’est sur le port de Marseille ou plus haut, bien plus haut. Le Havre peut-être ou Saint-Nazaire. Il pleut.
Le carton, ça fait penser aux valises des immigrés. La pluie qui tape, tape rebondit contre la poignée de la valise, le corps de la valise. Que des hommes c’était. Ils rabattent sur eux un manteau élimé. Que des hommes portant les valises en carton bouilli. Ils venaient. Pas pour rire. Ils venaient, des années pff. Des vraies longues années. Ils venaient, découvrir la pluie et les francs de France. Ils venaient avec des valises en carton trempé. Des valises on disait carton bouilli ça ressemblait à du cuir, c’est tout, mais du cuir pourri, du cuir d’un tanneur qui t’arnaque. Il lèche ses doigts, il dit y’a le compte, tiens mon frère. Il a une caisse enregistreuse, une petite clé pour verrouiller la caisse. Ca ressemble aux clés de nos boites à lettre.
La valise en cuir pour de faux. Ils avaient l’habitude des choses qui ressemblent. On leur disait même desfois, jusqu’en 1962, vous ressemblez à ds français. Des français arnaqués, le tanneur s’appelait Jean Morin ou Georges Catroux.
Sous la pluie féroce. Ils traînaient ces grosses valises. Des grosses valises lourdes et larges qu’il fallait protéger de toutes ses mains.
La pluie, elle s’arrête pas avant d’avoir troué la valise en carton. La pluie qui tombe, tombe, tombe, ne s’arrête pas. Ils lèvent les yeux au ciel. Il y en a un, c’est mon grand-père, il dit « y a rahbi ».
La pluie tombe.
Tombe. Elle tombe encore aujourd'hui. Y a rahbi, ils disent. Le carton bouilli cède, l’angle, en bas à droite gorgé d’eau se déchire. La pluie tombe. Le sol mouillé. Un monde se répand sur la terre molle qu’ils hantent. 
Je dis, hantaient, ils passaient là comme des fantômes malvenus. Jeunes hommes précaires, portant la moustache, priant et fumant des gauloises. 
Leur vie se couvre de boue.
Leur monde se répandait près du foyer sonacotra. Les petites chambres, le poste de télévision parfois, le coiffeur au 5ème étage, toujours la même coupe. 
La vie répandue, à cause de la pluie. A cause de la pluie
on voyait cette vie là étendue, ce fantôme de vie. 
Le froc en toile, les photos des enfants, abîmées peut être ou soigneusement couvertes, un fin film plastique ou un peu de verre tout neuf, la cravate même au cas où, la chemise pour tous la même, une blanche avec de petits carreaux gris.
Il faut prendre garde à la pluie.
Le mot carton toujours m’évoque ces valises là.

 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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