Il est très difficile d'écrire sous ce ciel changeant, cette lumière pleine de caprice (une lumière féminine, un regard tremblant de fillette) où rien, jamais -un peu comme le pouls de ta poitrine- n'est définitivement à sa place. Tout remue, et le soleil est un coeur humain, agoni, si pareil au tien qu'on me surprend déjà à lui murmurer les paroles infâmes et toute ma force
J'aime les choses fragiles
Les baisers imperceptibles
Déjà effrités
Comme les pierres sèches
Antiques
Qu'on retrouve dans quelques légendes
Celles là même lues dans tes paumes
Alors s'ouvrait un abîme chantant
Une faille gigantesque où des oiseaux sensibles
(d'ombre, de peur, de rire)
Hurlaient une musique inhumaine
Cela commençait je crois
Par des mots de fête
Et des verres d'alcool
semblables
au geste à l'instant
fait
Des portes s'ouvrent
Toujours les mêmes
Sur l'absence
Le sommeil
L'angoisse
Après tout...
J'aimerais dire
J'aimerais te dire
Mais sitôt écrites, c'est à dire sitôt arrachées au songe
Au terreau humide des images
les choses
paraissent fleurs fanées
Porcelaines débrisées
Monde en miettes
Et je dois en hâte
plonger
dans la terre primordiale
dans le feu étrange où tout renait
jungles de sang
lianes des voix
(les vertèbres de ton dos
pareilles
aux dents du couteau
déchirent le coeur)
J'aime l'idée d'approcher de toi, par le langage, de t'attraper par des mots étroits, maillés finement, brillants, coupants
et fragiles comme
Des dents d'enfant.
Te prendre au piège sensible
Toi
Doux refrain
Filant dans la mémoire
Et tu cherches à te faire oublier
A n'être qu'un air sur les lèvres
Des paroles à moitié sues
pour les jours de panique
humide
pour les jours
de noyade
d'océans
de ravages
et la flamme
la
première flamme
te passe sur le front
te brûle comme une bougie
Tes yeux alors
prennent la couleur
des plantes étranges
tropicales
ont cette couleur
amoureuses
dans l'incendie
Tu me manques de cette drôle de façon
familière de mes matinées
Tu me manques comme ces mains inventées
Tendres, douces
Captives douloureuses de mes rêve
effacée par le réveil assourdissant
Comme si la rosée tendrement
Broyait leurs os
d'encre
Je pense à toi
A ta bouche mutine
et ton regard à la fois,
je ne sais comment tu fais ça
le ciel et l'enfer en même temps
ton regard fier et inquiet
et c'est comme si alors on devinait dans tes yeux
Le monde, le monde infini
des gestes recommencés toujours par les mêmes gens
et les phares des métros
et le bruit de la ville
comme si le monde infini
était pour toi en même temps
mort et naissance
mers et périls
tendre douleur
et
joies furieuses
Je pense à toi
à mes doigts tremblants autour de toi
et je ne parle pas encore
je ne parlerai plus même
de ta peau mortelle
de ton dos de ton ventre
de tes seins
je ne parlerai plus de tes baisers
et du désordre de tes cheveux
et quand j'écris mes doigts tremblants autour de toi
c'est autour
de ton coeur nu
déshabillé
offert
gigantesque et fuyant
comme un soleil désolé
de s'être trompé d'heure
de saison
et s'écarte humilié
par la nuit
la pluie
la neige
c'est de ta mémoire
le grand minuit logé en toi
et les aiguilles éternellement figées
à l'heure des désastres
où je vins peut-être
te rendre visite, et pousser de toute la force de mes hurlements
de ma cruauté de gosse insoumis
les heures immobiles
et nous sommes arrivés au matin
Jusqu'à quand ?
Ne t'excuse pas
Ne t'excuse plus jamais s'il te plaît
Devant personne
Ferme ton oeil soumis
Garde ouvert la moitié fière du regard
Et dévore le monde
De tes cils violents
Comme le vent du nord
L'aquilon les mauvaises nouvelles
oublie moi même
ignore moi
en te moquant
ris aux éclats
de mon souvenir malade
de mes mots
de mon désir d'enfant
étrange
de tous mes gestes ratés
peureux
le mal de mer
à l'approche de tes côtes
Tremble et sois plein de cette force sensuelle
qu'à minuit tu prends à ce je ne sais quoi
invisible à mes gestes (des farces) d'enfant
Avance et durcis tes cuisses, quand tu marches à la rencontre
de ce drôle d'infini libéré par toi quelques minutes par jour
emprisonne le sous tes ongles courts
dans tes bras durs
Ecorche le
Et ris, ris, ris toujours de ce qui ne vaut rien
les promesses des hommes
l'ennui de leurs souffles
tout leur corps parfois si semblables à un immense
Ronflement
Ou
Bâillement
Selon qu'ils ont joui
ou pas.
Je veux te voir pour te dire
Comment bougent mes mains dans une mémoire
Et comme il faut se méfier de la pluie imitée
De la salive des étoiles
Je veux rire
et lire
avec toi
Tout ce qu'il y a de terre stérile dans le monde
et dans un mouvement acharné fabriquer des fleurs de sable
Puisque nous savons aujourd'hui que rien plus jamais ne poussera