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24 avril 2024

Paris, dernière marge

J’essaie d’écrire, toujours et encore, cette même chose, une rengaine, le vouloir, de l’écriture.
Tout à l’heure, dans le lit, repensant à Terminus Radieux, qui, lui-même, me faisait penser à La Jeune Vera, que Kristina m’offrît cet été, je tentais de rédiger un court texte, une nouvelle ou une simple convulsion, d’un train, se déplaçant, à l’intérieur et aux alentours d’une catastrophe. Il commençait comme ça : 

 

la vie qui sera folle, commencera le jour de ton avènement, le train roulera à son allure de miracle, avant de dériver et dévier, précédant, de justesse, forcément, comme tout périple se veut une limite

 

dans l’ordre des choses incompréhensibles, des mots succédant à d’autres mots, par le simple effet du hasard, un truchement qui, du seul fait d’appartenir, encore, au régime du langage, se pouvait donner la peine et la prétention de se dire écrit. 

 

alors, je continue : 

 

autour de nous, les bombes, en saccade pleuvaient, Samir, blessé depuis toujours, blessé avant les combats, blessé pendant, pensant, par là se prémunir des réelles blessures mortelles, délirait dans notre wagon, il chuchotait, je devais moi m’approcher de lui parce qu’il souhaitait me parler, me confier cette vérité, le brouhaha des bombes, cette terre retournée, partout, comme si les avions à réaction, lâchant leur leste funeste, préparaient, compatissants, le coucher pour toujours de tous ceux, ici-bas luttant. Il comprenait, maintenant qu’il s’approchait de la mort, c’est à dire de la terre, le langage sifflant des bombes perçant le ciel, il comprenait que les bombes, comme les pierres et comme nous, aussi, prient et jurent. Que, si nous l’écoutions, ah la maudite blessure, nous pourrions échapper ce à quoi il n’échappa pas. Des regrets ? Aucun. S’il ne nous souhaite son sort, il s’en réjouit, parce que, dit-il, la fin il l’attend depuis toujours, s’il peut s’exprimer ainsi, parce que, cette fin, ce que nous appelons agonie, qu’il appelle Christ en treillis, ascension, lui donne accès au monde invisible, lui offre le luxe de déchiffrer tout ce qui se dissimule, tout ce qui, aussi, et autant, semblait maussade, muet, humilié. Il nous parle le langage des bombes et de la mitraille qui ne sont pas des langages de mort, qui sont, eux aussi, comme maintes paroles, des barrissements, de monstres gigantesques, toujours en voie d’extinction et s’éteignant sans cesse, remplacé par leurs modèles miniatures, le tigre aux dents de sabre, devenant le tigre du Bengale, plus petit et plus puissant, moins intimidant, ainsi que nos bombes, et tellement plus dévastateur.
Le savoir de Samir suppure, il demande au médecin de cesser lorsque le jeune médecin, c’est son premier mort, il dit encore « blessé » quand nous savons, d’expérience, reconnaître par anticipation le parti, applique, comme un élève benêt récite sa leçon devant une classe vide.
Je soigne le blessé il dit en s’obstinant et nous ne répondons rien, son premier fantôme, il s’en souviendra, il reconnaîtra, à l’avenir, le teint pâle, les lèvres prophétiques, cette manière de profondeur que peuvent trouver même les plus imbéciles au seuil de leur effacement. Un coup de gomme abolit l’être humain.


je fatigue, écrivant, le train lent, se traîne, il ne parvient nulle part, n’avance pas, sa locomotive bruyante dans mon esprit, me montre qu’il continue de parcourir, comme un bégaiement, un crissement ce long chemin où les rails comme des croix s’étendent. De la fumée noire se mélange à la vapeur de ces mots, de ce texte, de ce train-mouvement, ses passagers, carbonisés, échappant, spectres obscurs, des cheminées de ce train de préhistoire.

Sur le traitement de texte n’existe aucune ligne visible, pourtant, j’écris droit, sans jamais dépasser, sans cette écriture accordéon où les mots glissent, comme sur une partition, un peu en dessous de la ligne ou un peu au-dessus. J’écris droit, sur ces rails invisibles.

Il existe un raccourci clavier et, plus simplement, une fonction, permettant d’afficher les caractères masqués. Il m’arrive, par inadvertance, de l’activer en appuyant simultanément sur plusieurs touches et ne retrouvant, sauf par consultation de google, la manipulation exacte. Le ctrl+Z ne permet, je l’apprends souvent avec énervement, de revenir sur le geste involontaire. Il faut, chaque fois, chercher sur google ou tâtonner dans le menu déroulant et trouver la bonne catégorie. Ces caractères masqués qui sont les lignes ou les carreaux, les marges de la feuille de papier, le trait rouge, vertical, des feuilles, les pliures des copies-doubles.
 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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