"Ce sont les gens qui dérangent qui avançent".Et moi, je soupire.Quand
j'avais dix ans, plus rien ne me dérangeait.J'étais même plutôt du
genre à tout accepter.Aurélien me bousulait.Mes parents gesticulaient.
Ma soeur me mordait.Mon frére s'amusait.Les professeurs criaient.Les
éléves jouaient.Et moi, rien ne me dérangeait.J'étais facile.Et léger.A
dix ans, j'avais le gôut de la pomme fraîche que l'on vient de faire
passer sous l'eau pour pouvoir croquer dedans.A dix ans, je ne savais
pas ce qu'était la colére.Je faisais attention à ne brusquer
personne.Le chien de l'époque qui haleaité aprés m'avoir couru aprés
dans le jardin.Son odeur de cheveux mouillés.Rien ne me dérangeait.A
dix ans, j'ai écrit : "Quand j'oublie que demain je me léverai une
nouvelle fois, je panique : j'ai peur de provoquer ma propre mort".Dans
un petit cahier à spirale.A dix ans, je voulais apprendre ce qu'était
la colére.Ce qu'était ce renard qui éternue dans le bassin.A dix ans,
je ne dérangeais personne.On disait de moi, que j'étais calme, et plus
mâture que la plupart des autres enfants de mon âge.Mais l'on a
toujours construit autour de moi, une sorte d'image lisse et douce.L'on
m'a toujours inventé un personnage aux allures de jeunes garçons sages,
au début.L'on a toujours construit autour de moi, une éspéce de "mythe"
qui me faisait passer pour quelqu'un d'autre, en mieux ou pire.J'ai
toujours attiré la lumière ou l'ombre.J'ai toujours attiré les
compliments inutiles et mesquins.J'ai la peau lisse.Et la taille
fine.On ne se doute pas un seul instant, "du reste".Quand je regarde
les photos, j'étais plutôt mignon. Peut-être que c'est pour ça,
l'inconnu.J'avais les cheveux un peu bouclés, la peau plus mâte, et le
sourire malicieux.Et quand je me mets à relire toutes ces pages de ce
cahier, je me trouve d'une beauté différente, plus malsaine, la peau
transparente, et le sourire qui coule sur le menton.Quand je relis,
cette petite écriture, je me dis que finalement, c'était moi qui me
dérangeait.Je ne dérangeais personne.J'étais mon propre dérangement. Ce
que personne ne connait, celui qui se cache, et cache le moment, et
l'acte.J'aimais provoquer en moi, ce que les autres ne savaient pas
faire.J'aimais me déranger."Quand il commence à y avoir de la poussiére
dans ma chambre mon journal, je refuse de balayer : c'est un peu de
moi".