Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
boudi's blog
boudi's blog
Archives
Newsletter
1 abonnés
17 août 2023

L'oiseau lyre

Dans l’appartement de J. les objets perdent leur univocité parce que le métier — maîtresse — qu’elle exerce dédouble certains d’entre eux — le métier même, maîtresse, se distancie du sens usuel, celui d’institutrice —. Tout peut devenir autre chose ; je pense à ceci en quittant les toilettes, la lunette y manque, cassée jadis, à côté de la cuvette, on trouve des outils destinés, de prime abord, à la réparation ; je dis de prime abord, parce que, ces outils comprennent, entre autres, des pinces, et, dans cet appartement, les pinces servent aussi — et surtout — d’autres usages ; des pinces, lorsque j’en parle à J., les plus vendues du marché, à accrocher aux tétons, peu douloureuses, plus objets de fétichisme que de masochisme ; d’autres pinces dites crocodiles, douloureuses, celles-là, dont le nom familier me laisse entendre qu’elles possèdent, ordinairement, un autre usage.

 

Wikipédia : Une pince crocodile est un organe de connexion électrique rapide et provisoire. Elle tient son nom de sa ressemblance aux mâchoires d'un crocodile.

 

 

Tout à fait professionnelle, aujourd’hui, excellant, même, ainsi que sa réputation, halo favorable l’entourant, elle dispose d’instruments exclusivement dédiés à sa pratique de Domina, fouets, cravaches, martinets, godes variés. Ces objets, eux, destinés, très officiellement — lorsqu’on les trouve au domicile d’une personne — à la sexualité s’adjoignent, serviables acolytes, des produits auxquels, d’instinct, nous ne penserions pas, les lingettes désinfectantes, par exemple qui, dès lors que nous en prenons connaissance, nous paraissent, en effet, comme la stérilisation des instruments du chirurgien, une nécessaire exigence.  

 

 

le dernier des martinets, excessivement douloureux, ne servira, à terme, que d’objet purement décoratif, d’apparat, éventuellement, comme ces épées serties de diamants et d’or témoignaient, jadis, de la force du conquérant sans, pour autant, ne s’employer plus jamais au rôle antérieurement dévolu à l’épée. Ou, j’y pense écrivant, déjà, dès le départ, même employée à l’épreuve de la force physique, l’épée portait en elle sa force de symbole, excédait sa seule valeur d’usage, sa valeur, seulement, reposait aussi et encore, dans son utilité martiale, fil de l’épée, maniabilité de l’arme et même valeur du forgeron, il se distingue, le forgeron, lui, pour qui il forge, qui reconnaît, son maniement de l’eau, de la pierre et du feu.
 

Seule avec J., j’aime les séries ; en ce moment nous regardons ensemble Stranger Things, où, étrange hasard ? Le monde, aussi, se tient, réversible le upside-down, comme cet appartement où, noircis — tous les instruments de sa pratique semblent extraits d’une mine de charbon pur — les diamants aussi —, les objets portent la marque du revers de, ce mot que j’oublie souvent, l’interlope. Revers, ici, des désirs, du non-exprimable, du recours, systématique à la professionnelle, parce que, en ceci, plus que dans le rapport avec la prostituée, ce qu’on entend d’habitude par prostituée, une expertise rare, introuvable s’attend (il y a eu ce vieil homme, cette momie tu disais, qui, après la séance — tu dis séance j’aime beaucoup comme en psychanalyse ou en cours de sport — te reprocha ton manque de sévérité contraire, et c’est un mensonge, à ta réputation. Disant ceci je me montre presque injuste envers les aptitudes des escorts qui, sur leurs annonces, affichent leurs pratiques comme autant de compétences à un CV  oridinaire ou à la maîtrise de la suite Office se substitue celle de la Gorge Profonde. Si je peux, moi, ne pas les trouver, hors du commun, c’est que, comme beaucoup de personnes des grandes villes, elles appartiennent à mon répertoire de gestes amoureux et sensuels, deepthroat, anal et cum in mouth perdent en extraordinarité face à uro, gode-ceinture, massage prostatique. 

 

 

Est-ce qu’alors l’épée sertie de rubis, celle la plus fragile, la plus inutile à la victoire, ne témoigne pas de la toute puissance de qui elle ceint ? ou, annonce-t-elle, cette inutile et bruyante beauté, la décadence à venir, le gâchis. La conversion, pour forger cette épée inutilisable en terre virile, de toute la fortune accumulée des victoires

 

n’est-ce pas aussi alors une façon d’intimider son peuple et celui des autres, alors si à ceci ressemble son palais et son arme, quelle force doit-il avoir, mais cette rhétorique des éclats d’or ne s’énoncent qu’aux philosophes et aux délicats, les armées, ceux-là, les réforment, jurent par le meurtre et tuent du plat de l’épée ou de la baïonnette si la lame trop émoussée ou le fusil déchargé, manquent à leur but. 


Brutalité des conquêtes inutilement convertie en art. 

 

Lorsque j’évoque le métier de J. à mes amies, certaines, aveuglées par l’argent — n’entendant que le tintement de l’argent —

 

200 euros de l’heure, on dit, offrande dans cette langue, sur le site sixannonces, destiné exclusivement aux escorts, on parle de roses, si les premières, cette fois, ne prennent pas à rebours le monde, les autres, clairement, euphémisent, tout y est atténuation comme s’il fallait, par un langage mimant le romantisme, atténuer la violence ou la honte, les clients ne notent pas des pratiques sexuelles, ils évaluent des massages, l’une des 4 catégories à évaluer par les clients. 

 

Les autres imaginent, parce que ceci demeurant dans de l’abstrait discursif, dans un monde doré — dorée sont les douches —, qu’il ne s’agit « que de ». Ce « que de » les veut imaginer les voir se lécher les pieds, donner des ordres, en bref exclure le sexuel de la pratique, croyant que, si la domina n’est pas pénétrée alors il n’y a pas de sexe, la réalité comprend, uro, face sitting, gode ceinture, massage prostatique, nudité du client. Certaines des amies de J. qui s’essayèrent à ceci, attirée par l’argent et la sensation classiste que l’absence de pénétration (d’elle pénétrée) les distinguait du reste des travailleuses du sexe, finirent par pratiquer une prostitution telle que plus ordinairement entendue, la difficulté tient, à la fois, à poser les justes limites aux clients et, ceci toutes le sous-estiment, l’immense difficulté à commander, pendant une heure, parfois deux, un homme, deviner ses désirs, alors, comme on disait avant, dans la littérature romantique - qui l’est si peu dans le sens commun - elles s’abandonnent. En effet, alors, elles abandonnent quelque chose.

Beaucoup, par ailleurs, je pense à N., ne se figurent pas possible une telle rémunération sans baiser - entendant baiser comme un rapport pénétrant-pénétrée -

erreur et préjugé. 

Erreur parce qu’elle suppose que tout le monde pourrait le faire or, ici, le coût se mesure à la rareté de l’offre et à une de ses conséquences - qui en est aussi une cause - la honte. Honte que J. dépasse en parlant abondamment de son métier, la honte ne vient jamais que de, surtout, ce que l’on cache —honte ne devient honte que lorsqu’elle peut se muer en reproches et en condamnations.

Le préjugé, lui, vient d’une sorte de sacralisation du sexe hétérosexuel —viriliste en ceci—sa valeur supérieure, excédant toute autre pratique et ne pouvant penser un homme prêt à s’acquitter de telles sommes que s’il peut la baiser, comme, si alors, pénétrer devenait surtout pratique d’un pouvoir, que le plaisir tarifé ne pouvait jamais résider ailleurs que dans cette possession. Disant ceci il nous renseigne, lui, sur la motivation de son désir. 


J’ignore si Lacan qui facturait plusieurs milliers de francs ses séances de psychanalyse suçait et léchait les sexes de ses clients. Je lui demanderai si je devais jamais retourner en enfer. 

 

Publicité
17 août 2023

L'innée

La vie s’apprêtait à devenir l’enfer et, même, déjà, aventurée bien loin dans l’enfer, si l’enfer se compose, disons, de cercles multiples, je demeurais, en mouvement encore, à la frontière de l’avant-dernier et du dernier. Puis, ton surgissement, toi la jamais vraiment évaporée, la moins disparue de tous les gestes perdus alors, plus, bien davantage que effacée tu, autrement, résidais, pas cachée, refoulée, plutôt, comme ce mot, qu’aujourd’hui, la psychanalyse renvoie à toutes les figures.
L’enfer, si certain de sa victoire sur moi-même, et comme il passa proche l’enfer, l’enfer définitif de dix tonnes d’acier. Puis, je ne sais quel fil, entre nous, se démêla et, avant de se démêler même, nous apparût, comme, tu vois, ces liens invisibles parce que, pour se deviner, réclame une quantité de lumière - et qu’importe alors que lumière provienne du feu des géhennes - alors, devant l’écheveau, quelque chose en moi, quelque chose en toi, redoutait, redoutait mais le noeud ne valait rien, embrouillamis de magicien, il suffisait de tirer pour nous re-lier.
L’enfer allait commencer et là, me voilà écrivant, dans le jardin de ton père, on dit, autour de nous mais qui a un jardin dans le Vè à Paris, lui parce que toi. Dans le transat je relis l’Amant de Duras, je lis Hamlet-Machine de Heiner Müller, l’Oubli, ce recueil de nouvelles de Foster Wallace, je ne le lis qu’à l’intérieur, sur les canapés inconfortables ou le fauteuil d’osier, très cher comme tout ce qui réside ici. Avant de partir, ton père te laisse deux instructions, traiter Monika, leur chatte, comme la déesse Isis - j’ai parcouru Paris pour lui trouver la pâté Royal Canin qui ne se trouve que dans une quantité restreinte de boutiques agréées - et de ne pas consommer les vins entreposés dans le frigo toi et tes amis n’auraient pas les moyens de les racheter. Connaissant ta propension à l’exagération je l’imaginais, aussi, appartenir à ton père, me figurant que les vins, allez quoi, entre deux cents et cinq cents euros, si un caprice nous disait…je sors le Ptrus, déjà, je vois Petrus, d’instinct je sens, sur vivino je le scanne, note incroyable et prix, 6000 euros. Ah. 

Au-delà du jardin je ne sais - et toi non plus - quoi penser de l’appartement et des objets qui s’y trouvent - y trônent - toutes les lampes ou presque proviennent de designers connus, les meubles, aussi, même si certains, et nous ne savons les différencier, prétendent venir de chez Habitat. L’étonnant ici, réside ailleurs, les objets du quotidien, les objets utiles, tous, sont vieux, inconfortables, mal-aisés. Le frigo-congélateur a trente ans, le lave-vaisselle aussi, la machine à café, une machine filtre Moulinex, le lave-linge, récent, un proline, le plus bas de gamme du bas de gamme, marque distributeur de Darty, je crois, à ouverture par le dessus, comble de l’inélégance. La cuisine mal fichue, la gazinière, vieille aussi, d’où le gaz enflammé sort bleu et disproportionné.
Ici, me voilà, heureux, avec dans la tasse « Miami » mon troisième café filtre, la bouche pâteuse parce que le Zoloft produit, je le lisais cette nuit en te demandant l’odeur de mon haleine un peu mauvaise, les fait défaillir. 

L’enfer allait commencer, puis tu me menas en Italie, je ne dirai pas c’est le paradis, je n’aime pas ces idées outrancières et improbables, dans plus précieux, oui, parce que plus fragile encore, dans la vie où je demeure.

9 août 2023

brouillon

Entre tes mains, souvent ça se voit, tu menais toutes les vies, pas, comme voudrait l’expression par le bout du nez, tu les menais, les tiennes, après la nuit passée je passe en revue, ces existences multiples, toutes tes tenues, ton corps, chaque année, changé comme s’il s’adaptait à de nouvelles réalités intérieures, il ne signifie pas le temps qui passe ou quelque imbécilité de cet ordre, il traduit le mouvement intime ce qui se passe non ce qui passe. 

Hier, je te disais, qu’à ton contact, mon intelligence devenait, si je reprends son expression, exponentielle, qu’aussi, très étonnamment, mon langage, si peu ordinaire, se colore d’expressions et de dictons, parce qu’il t’arrive, sans que ce soit la langue des autres, d’employer toi aussi ces formes avec, toujours, ce léger décalage, ces suffixes en -ax qui viennent, si j’ai bien compris, d’Yves Adrien, ton idole de jeunesse qui t’envoya, récemment, une lettre tapée à la machine, l’homme ne possède ni téléphone ni computer. c’est la caillante, c’est un suicide, c’est une tannée, elles t’appartiennent en propre ces expressions, entrent dans le langage des autres, nous les reconnaissons, bientôt, une fois prononcée comme ces espèces figées, héritées d’argots à moitié, pourtant, ces expressions ce sont les tiennes, cristallisées, oui, par toi. Ces expressions, je le découvre écrivant, portent un charme exotique, ce décalage, cette fois, plus géographique - le Sud où tu passais tes premières années et dont l’alcool, comme dans une chambre noire les photographies, en révèle le souvenir par l’accent revenu - que temporel.
Tu me transmets certaines de ces façons, parfois, je m’en indigne parce que me voilà, moi, en partie dépossédé de ma langue, de ma propre vision…adhérer à la tienne, peut-être aussi, c’est enchanter le monde.
Tu me transmets, surtout, une façon, moi aussi, alors, il m’arrive de récupérer ce tour de pensées, cet emploi d’expressions qui me précèdent toutes formées avant moi, sans aucune composition réelle et, chose étonnante, mes expressions diffèrent des tiennes, et, au lieu, elles, d’appartenir à notre présent ou à ta géographie, elles viennent d’il y a longtemps, pas de la littérature mais comme d’un parler populaire disparu, la charrue avant les boeufs, qu’aucune personne de notre milieu n’emploierait, ni ironiquement ni tout court. 

boudi's blog
  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 49 397
Publicité