Dix femmes.
La sertraline augmente le degré de réalité des rêves jusqu’à des points, parfois, affreux. Lors de ma sieste de cette après-midi je rêvais, d’abord, d’une conversation WhatsApp de groupe où maman formulait à l’encontre des enfants des reproches et moi, de venir, après cette lecture, la voir pour, contre elle, enrager de lorsque que, au collège, mes notes ne la satisfirent pas, elle me punît en m’ignorant pendant plusieurs mois. Puis, dans le rêve, relisant la conversation, je m’apercevais qu’elle exista à l’initiative de Myriam qui, donc, énonçait les reproches.
Elle nous reprochait à mon frère et moi (ainsi qu’une dénommée Sofia ?) de ne l’avoir soutenu, il y a des années, lorsque, vivant à Toulon (où elle s’installa en effet il y a dix ans), elle nous supplia pour de l’argent ce dont, dans le rêve et dans la réalité, je ne possède aucun souvenir, pire, presque, dans le rêve du moins, tant cela signalerait la légèreté avec laquelle, jadis, je pris son malheur. Elle attendait un virement, à l’époque, qui, de ne lui parvenir, l’empêchait de régler son loyer. Dans la conversation du rêve, elle s’indignait d’avoir du - en vain qui plus est - supplier pour une somme à la fois dérisoire et objet d’un remboursement ultérieur. Le drame vient après, dans la conversation elle nous écrit que, à cause de ça, elle dût loger dans la chambre d’un ami, dans le rêve les mots changeaient tantôt « ami » et « meilleur ami », écrits, ces mots, en italiques, puis, à l’encre bleue sur des plaques en verre. Ca ressemble à un mélange des premières oeuvres de Soulages, quand il couvrait d’encre noire le verre des serres et de Marcel Broodthaers qui écrivait, en se filmant, sous la pluie, l’encre coulait et les mots devenaient illisibles - jamais lisibles. Dans le rêve ma soeur nous rapportait, de l’écrire je souffre tant je crus ceci vrai alors, que, douze jours durant, alors, « l’ami » la viola. Et c’était horrible de se réveiller avec cette sensation, de ne pas même avoir besoin de vérifier l’information, déposée en moi, par la réalité du songe, comme un fait établi, la conversation en constituant l’aveu ayant eu lieu avant. L’affreuse sensation ne se dissipe qu’à peine.
Je rêvais, aussi, d’une conversation avec Marie-Anaïs, nous étions dans la chambre de la plus jeune de mes soeurs, assis sur le lit, je portais des bagues, beaucoup de bagues, elle, elle se tenait en retrait, un foulard de coton autour du cou
(dans la nuit de mercredi à jeudi, en courant follement dans les rues de Montmartre avec J., après le dîner, après les cocktails réinventés, je faillis perdre le plus cher de mes foulards en soie, le carré Hermès que Marie-Anaïs, m’offrit il y a plusieurs années, je ressentis l’absence du foulard au milieu de ma course, rue Lepic, et je revins sur mes pas en hâte, demandant à un groupe de gens s’ils avaient trouvé un foulard, l’un des mecs, en scooter, le tenait à la main, roulé en boule, prêt à le garder, après l’avoir récupéré, J. me demanda d’acheter des bières chez le traiteur chinois, elle me tendit un billet de 50e, je pris trois Tsing-Tao, en continuant la descente de la rue Lepic, à la recherche d’un taxi pour nous rendre chez elle, nous rencontrâmes une personne sans domicile, endormie sur un matelas posé au sol, avec toutes ses affaires, J. sortît un billet de cinquante euros et avec la discrétion de l’ivresse voulût le glisser sous son oreiller, lui, vigilant même dans le sommeil, se réveilla en sursaut, dans une position de prêt à lutter, habitué à ces combats, la nuit, le vol constituant, aussi, le deuxième plan de la misère des gens dormant dehors, quand il comprît l’intention réelle, il nous embrassa de loin, déposant sur sa main un baiser qu’il nous souffla, joignît ensemble ses mains en signe de remerciement, j’ignore s’il pût se rendormir ni à quoi il employa la somme, une femme, elle aussi mendiant, nous sourît, nous l’avions croisé une heure auparavant, lui donnant, alors, le peu de monnaie dont nous disposions. Quand J. sortît son billet, quelque chose en moi se contracta, mon premier geste allait vers je ne veux pas qu’elle remarqua sans le dire explicitement, répétant juste ça rendait fou M. quand je faisais ça - agacement plus légitime s’il en est de ce qu’ils formaient un couple - j’aime J. pour ceci, aussi, qu’elle interroge en moi un certain construit social, légitime ou non qu’importe, elle me met face à lui et, elle, surtout, me met face à bien plus grand que la société, elle me permet, par diverses voies, d’affronter cette peur de manquer. Je le dis souvent, J., depuis toujours, m’a appris à ne pas me contenter, à ne pas vouloir petit dans le monde matériel, si, dans l’ordre poétique - ordre et poétique ensemble la blague - et amoureux je me réclamai toujours de l’absolu, dans celui des possessions terrestres - lâcheté et éthique ensemble - je me privais bien plus que je ne renonçais. Ces vers d’Aragon me reviennent en mémoire :
J'ai tout appris de toi
Jusqu'au sens du frisson
Elle déteste ce mot de « jouir », elle m’y mena bien, dans des acceptions plus vastes que celui des simples sens séminaux.
Maïeutique de la magie, et c’est pourquoi c’est elle et pourquoi c’est moi, elle ne déposa pas en moi le germe absent, elle lui offrit le climat nécessaire, combla une plaie depuis toujours ouverte, celle de la peur, cette peur de manquer, à cause, enfant des cris, des pleurs, du découvert, du banquier.
Le 14 juillet, dans la journée, avec Maman, dans le métro de la ligne 12, en allant chez Monsieur Caramel, Maman donna un billet de cinq euros à un mendiant, seule monnaie dont elle disposait alors, il nous remercia, quelque chose qui, en même temps vous gorge d’orgueil et vous fait honte aussitôt, il a dit vous êtes ma chance je crois que, au monde, c’est ce que je veux être, une chance, la mienne, aussi.)
Dans le rêve, je demandais à Marie-Anaïs de ne pas faire quelque chose et elle refusait de s’y engager, quelque chose qui, si elle ne le faisait pas, ne changeait rien à son présent ou à son futur et touchait éventuellement à sa mémoire, je lui demandais de sacrifier ce savoir éventuel puisqu’il s’agissait, alors d’une source de stress. Elle refusait, refusait, refusait, et je m’énervais et je pleurais, et je lui disais chaque fois que tu m’as demandé quelque chose je l’ai fait et ça m’a tellement blessé quand tu es passé par la modération de canalblog au lieu de me demander j’ai toujours fait ce que tu m’as demandé toujours etc etc etc. Dans le rêve, après, M. - sa compagne - devenait la fille aux cheveux bleus, Marie-Anaïs la présentait ainsi alors que M., n’a pas les cheveux bleus, l’étrange, en ceci, est que le titre de la BD, d’où est tiré le film La vie d’Adèle, est le Bleu est une couleur chaude, couleur des cheveux de la femme dont tombe amoureuse l’héroïne. Le bleu s’est-il déposé en moi comme la couleur signifiant symboliquement l’homosexualité ? Marie-Anaïs maintenait, obstinée son refus, ce dont je souffre encore à l’état de veille puisque son non possédait une dimension comminatoire. Pourtant, en réalité, si je me calme - or à cause du rêve je ne suis pas calme du tout - elle, comme moi en réalité, nefera jamais rien sans me le dire et, sauf à ce que ce concerne ses intérêts vitaux, ne me refusera rien de ces choses, au final, dérisoires.
Souvent, de mauvaises pensées habitent mes textes, ces textes dont je commence la rédaction, je ne les poste pas parce que très vite j’en vois le contenu vil, méchant cette sorte de bassesse qui, au prétexte de dire la vérité ou de rapporter des faits, blesse et dont on ne peut ignorer la conséquence purulente. Alors je m’abstiens, je m’abstiens dans un bizarre paradoxe puisque je me promets, aussi - seul remède en ce moment - de tout dire tant que ce tout me concerne avec un très haut degré de vérité ; or, une fois que j’ai pensé et mis au brouillon ces basses-choses elles deviennent vérité et dignes, alors, sans me trahir - puisque la mocheté ne les motive plus - de publication. Je m’en abstiens pourtant. Le même texte non-publié, alors (plus ou moins arrangé selon l’humeur), change de statut. Dans le premier cas je réfrène une pulsion mauvaise, geste éthique qui retient sa mauvaise action ; dans le second cas je m’empêche quelque chose de légitime, me mettre en récit dont la violence ne devient qu’une conséquence involontaire. Dans les deux cas, seulement, je donne à l’autre la prééminence. Toute sa grâce.
J’apprends aujourd’hui que la diffamation non seulement privée mais aussi publique est caractérisée et donnera donc lieu à des poursuites.