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23 mars 2021

Chapitre Roman - Nathalie Quintane - Un livre en trop.

Je poste, régulièrement, des chapitres de mon roman en cours d'écriture. Celui-ci s'appelle Le livre en trop ou la littérature surnuméraire. 
La bande d'amis qui se retrouve ici n'a pas besoin de contextualisation me semble-t-il. 



Ecriture dirigée - Page 2 Un-oeil-de-quintane-1



Oeil - Vue de Profil -
 Nathalie Quintane – 2017 – 
l’art et l’argent – promotion publicitaire et médiatique – 
Mediapart – un an avant les événements




L’autrice en goguettes :


Ecriture dirigée - Page 2 Capture-decc81cran-2021-03-23-acc80-01.33.55-1


Albane nous parle, avec une moue de dégoût, de Quintane, elle a lu Un oeil en moins un mauvais livre, plein de pathétisme, poème à la gloire des pauvres, dédié aux damnés de la Terre.
Le livre met en scène une demie-bourgeoise. Elle peint, dans les bas-fonds de l’Auvergne ou je ne sais quelle localité rurale, des pancartes, en gilet jaune, pour dire à Macron que ça suffit.



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L'Artiste en goguettes



C’est autobiographiqueQuintane raconte son parcours effectif, réel, parmi les vilains, les sans terres et les sans dents. durant le mouvement des gilets jaunes qui débuta à l’automne 2018. De Quintane le moment d’intrusion (d’incruste? d’entrisme?) demeure flou, je la soupçonne, à tort peut-être, d’avoir d’abord regardé la jacquerie avec un peu de morgue, genre le rassemblement des fascistes, les nouveaux bonnets rouges, les buveurs de diesel et de picon bière. Avant de se dire, les larmes aux yeux (évidemment) c’est le peuple. ou voilà le Peuple.



Ecriture dirigée - Page 2 Les-dents-de-quintane-1
Dents Parfaites – Nathalie Quintane – 2017 – l’art et l’argent




Dans le livre, Quintane rapporte les paroles des pauvres avec une fascination béate, tout ce qui sort de la bouche des pauvres, semble l’émerveiller. Elle paraît s’étonner même que ces hurluberlus soient doués de parole. Face à l’enfant précoce, articulant (3 ans 1/4) sa première subordonnée conjonctive, j’ai connu moi aussi cet émerveillement.
Elle attife son style de zozotements, craignant sûrement de parler trop compliqué, d’avoir l’air d’une bourgeoise, d’une pas-comme-eux. Elle doit soigner la présentation d’elle-même mieux, plus encore, qu’au bal des débutantes, la toute jeune fille commençante. Elle écrit dans un style idiot, simple elle doit se dire, vrai comme la langue du peuple. Albane n’y voit que mépris et je partage son avis.


Albane et moi nous prenons de passion pour défoncer Quintane. J’ai la passion de l’agon de la lutte excessive. Albane me suit dans cet inévitable vertige. Sélim, nous accompagne, en sortant de son sac une magnifique bouteille de whisky, Nikka Coffee grain dont il détaille avec la science d’un rédacteur technique, la biographie.


Elle a raison, Quintane. Il faut bien agir non ? à la fin…On fait comment ? dit Estelle, interrompant l’ivresse, le délire commun, le massacre en commun.


Je lui réponds, sèchement, pour reprendre rapidement le cours des libations…on ouvre pas sa gueule, on écrit pas un livre.


Estelle : il faut bien faire quelque chose…
Albane : Ouais, savoir de quoi on parle.
Sélim : Vous êtes très chiants…Tiens Estelle, dit-il en tendant un verre de whisky, ils ont utilisé un alambic à café tu vois pour ext…

Moi : Oh le banquier anarchiste ça va…
Sélim : Qui paie ton loyer ?
Moi : La maladie.
Estelle : Quel rapport ?
Sélim : Avec les impôts de…?
Moi : Certainement pas les tiens, le domicilié fiscal du Maryland ou je sais pas où
Sélim, désigne le whisky : 40% d’alcool, 40% de TVA, tu sais ! C’est de l’impôt ça la TVA. Payé, visa diamond, sur l’ongle.
Moi : Adorable, Sélim, offrant le fruit fermenté de son dur labeur aux misérables, t’as essayé d’en proposer aux pauvres de Quintane ?

Albane, soupire, nous regarde, Estelle et elles se sont tues, attendant qu’on finisse Sélim et moi. Estelle finit par dire : c’est bon ? vous avez fini ? Albane ajoute, dans un soupir, : typique des mecs

Pointe d’agacement, dans l’air

Sélim : Ah, les féministes…

Estelle : Oui, hein on peut plus rien dire.
Sélim : Oh, casse-couilles…
Moi : Bref

Albane : Voilà bref.


Albane reprend la parole. Elle analyse toujours très finement les mouvements politiques et les positions sociales des acteurs. Elle comprend très bien les jeux de pouvoir et leurs implicites perversions ; la lutte, in fine, pour le pouvoir, toujours, sert – servira – une ambition personnelle. Toujours (la lutte) vise à s’établir, soi-même, au sommet de la nouvelle hégémonie. Elle ricane, en la présence de Lucile quand celle-ci se lance à cris perdus dans des diatribes anti-mascus. Albane voit bien, mieux que moi, bien mieux que moi, que pour Lucile le féminisme, comme le reste, ne constitue qu’un instrument d’autorité, un nouveau diplôme à faire valoir dans un nouveau champ en germe, à produire dans une nouvelle légitimité produisant de nouvelles hiérarchies (Et Lucile compte bien occuper une fonction de cadre). Une horreur plus juste remplacera une horreur…c’est tout.

Albane : Qu’elle (elle parle de Quintane) écrive un livre théorique ou stratégique genre : voilà comment faire la guerre, voilà la psyché des dominants, voilà comment on mène une guérilla, les tactiques, l’artisanat de la bombe, les têtes de ponts à établir, Bang…A la limite…Qu’elle entre à l’usine (Quintane ne pointerait pas à l'usine elle s’inscrirait) pourquoi pas, les coudes vraiment salopés par les gestes répétitifs…La pauvreté c'est une répétition. C’est trop facile là, le petit atelier de la révolte, dans le petit local mignon, elle doit appeler ça « la masure » un truc comme ça…Ca doit lui sembler poétique. On risque pas la tendinite en écrivant « Mort Au Capitalisme » sur une pancarte.


Moi : Ouais, elle doit se dire un jour la beauté sauvera le monde

Sélim : en prenant un air très concentré genre clitoris vaincra
Estelle : t’es chiant…
Albane : Vous êtes tous des artistes !! Elle doit leur dire ça, en tapant dans ses mains.
Sélim : Ouais une pancarte avec « Nous sommes toustes des artistes » puis sur le point sur le i c’est un pavé…non un clito plutôt.



Plus

bas nous verrons

les mains très intactes

de Nathalie Quintane

Des mains qui.



Moi : j’imagine les SMS qu’elle envoie à ses amis des grandes villes genre « ils sont fa-bu-leux ». Ce truc méprisant, le petit air de supériorité à l’endroit de ses amis au chaud loin du brasier ardent des luttes. Le truc type moi je suis dans le vrai monde, dans le mouvement, où ça bouge. Les gens qui rentrent de manifs sont comme ça aussi avec l’air du j’y étais les larmes aux yeux en se voyant à la télévision…T’as l’impression qu’ils sont entre les blacks blocks et les brigades rouges, incertains encore de la couleur à se donner. D’ailleurs sur le truc ils sont fabuleux y avait une infirmière stagiaire à l’hopital psy elle nous parlait tout le temps comme à des débiles. Tu sais là en allongeant les syllabes, comme si elle sait pas très bien…oui savait, pardon, comme si elle savait pas si on est lents à percuter, malentendant, fragiles ou complètement demeurés. Dans le doute elle faisait Co Ment Ca Va JOO Na Than ? Moi TR èè S bien Merci On va dé jeuu ner ? Oh Je su iiis Con-ten- – – t-e.

Sélim fait une moue, un air, c’est long quand tu parles. Il prend le verre de whisky, le mien, je crois qu’il va me servir, il sert, il le boit rapidement. La flemme de lui dire c’est mon verre. Le souvenir de la pandémie n’a pas laissé trop de traces, heureusement.



Devant son attitude désinvolte de mec pas énervé, juste un peu soûlé qui le laisse voir sans trop en faire…Là, il croise les jambes et me renvoie à moi, ma défaillance… cette lourdeur du mot de trop, de la peur de trop.
J’ai trop parlé
(je me dis en moi-même)


Sélim, décroise les jambes et reprend la parole, il la reprend avec facilité, il efface la lourdeur de mon trop long monologue.
Rien ne semble s’être passé. Il parle :



  • vous savez quoi ? Le seul truc qui l’aurait rendue légitime cette s… (il ne dit pas le mot, le regard d’Albane a comme scié l’injure) c’est de vraiment perdre un oeil.


On est entre nous, personne ne s’indigne, en fait on est plutôt d’accord. Notre silence dit, oui, c’est sûr. Là elle aurait eu le droit de parler. D’écrire « un oeil en moins »


Sélim : parce que son atelier pancarte on dirait de l’art thérapie pour mongoliens.



Lui aussi, le trop…le trop…mais comme…du côté positif, favorable du trop. L’aspect baroque, vers le ciel tandis que moi…des profondeurs. Il dit l’art thérapie pour les mongoliens en recroisant ses jambes. Avec l’air ça n’a absolument aucune importance, allez vous faire foutre.
Sélim adoucit tout ce qu’il approche, ses injures mêmes nous les percevons comme une consolation lumineuse et drôle. L’inverse, l’inverse exact de moi…il n’est pas un trou dans le réel, pas une déchirure. Il désinvente la douleur et la violence. Je ne reviendrai pas sur ses cruautés, nombreuses, qui semblent ne l’entacher en rien. Il est pur du mal qu’il commet, irresponsable, les jambes croisées puis décroisées, comme si de rien n’était, sans dissimulations. Un air d’évidence ; en même temps ; un air d’innocence.


Je le regarde, il est très beau, comme ça, les jambes croisées, la gauche sur la droite, un peu penché en avant, déjà passé à autre chose. Ce mot plutôt infâme, mongolien, ne l’enlaidit pas. Il glisse, hors de lui, comme si une autre entité, d’une ressemblance légère (de moins en moins certaine, plus du tout ressemblante à la fin de la phrase) avec lui, l’avait prononcé.
Pouvoir d’une grâce permanente, intouchée à jamais, une eau neuve, sainte, tous les instants, coule le long de sa nuque, le purifie. Il sent, il sent le clair, le lumineux ; l’encens et le vertigineux. Personne, jamais, ne lui en veut. Même les filles qu’il quitte un peu brutalement, en disant tu m’as déçu. Pour rien. Son absence, toujours, devient une sorte de nostalgie. Il n’a rien de tragique, tout l’inverse même, une figure qui donne envie de croire…une croyance intransitive, sans objet déterminé. Croire.


Ecriture dirigée - Page 2 Les-mains-de-quintane-1




Doigts – Nathalie Quintane – L’art et l’argent –

— AN 1 Avant Gilets Jaunes

Chez Quintane, chez des tas de cette sale espèce répugnante d’une certaine gauche (type toilettes sèches, anti-capitalisme – même écologique faut pas déconner – vacances non polluantes, contrôle strict de l’empreinte carbone comme une anorexique sur la balance) s’exprime un truc malsain. Une sorte de fascination pour le corps des pauvres, une fétichisation de ce qui cloche, se tord, dire que ça, cette forme, la scoliose exactement, penche du côté de la révolution…et les dents pourries, le drapeau noir de l’anarchie.

Quintane ne dit pas ce qu’elle pense des complotistes de gauche ou de droite, Quintane ne parle de peuple que fantasmé et idéal celui du pays réel très cher à l’extrême droite, le peuple celui de l’oeil en moins, se confond avec le peuple d’Eric Zemmour et de Radio Courtoise.

Le peuple se trompe de colère, elle devait dire en 2002 quand JM Le Pen parvint au second tour, aujourd’hui elle doit parler de la trahison des élites (le peuple ne se trompe plus) la prochaine fois un truc genre la politique hors les murs. L’élévation dans un coin de néant, vers Laon dans l’Ain, d’une maison-masure-communautaire-everything-friendly retapée (évidemment). En présentant le projet en vue d’obtenir une subvention, ou mieux, en passant par une souscription populaire et citoyenne, elle dira la politique hors les murs ou seulement les murs des pancartes rires. Elle fera mur de tout ce qui fait peuple. Elle présentera le projet entre deux résidences.



C’est l’oeil de qui, en moins ?

L’oeil du peuple ?


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Il y a cette fille, Florina, son visage défiguré, un long compte-rendu hospitalier qui décrit, avec précision – donc horreur – la violence du projectile en caoutchouc, les dommages causés au plancher de l’oeil, le muscle palpébral rendu impuissant par la déflagration du LBD. Florina, prosternée devant la croix gammée, Florina candidate sur la liste de Renaud Camus, l’irr-emplaciste. Renaud Camus l’éconduit de sa liste, il y a des limites au on peut tout dire. Sûrement, a-t-il exprimé ceci avec sa toute feinte raideur. Renaud Camus, en toutes circonstances se tient droit, trop droit, droit comme un bossu.


L’oeil en moins. L’oeil en moins, celui – pas perdu – de Fly Rider et ses thèses complotistes.
L’oeil en moins, celui de Jerome Rodrigues, sa barbe, sa gouaille, son audace.
L’oeil en moins, le poing lesté de Christophe Dettinger,
Les menottes serrées autour des deux poignets de Christophe Dettinger.


Nathalie Quintane, comme Juan Branco, fait commerce et trafic de pancartes et de révoltes. Depuis 2018 Quintane est passée à autre chose, se consacre à une autre tâche littéraire du moins. Elle doit continuer à s’impliquer dans le mouvement, quelque part (à Laon?) une cellule dormante de panneaux révolutionnaires Elle a commis un hamster à l’école. ; à propos des profs…elle a été prof.


Elle reviendra par là
hamster ou souris
comptines ou regards
de l’un à l’autre.
elle repassera par là
une quintane verte
je la montre à la police
lalala


Tout pour elle
la possibilité d’une livre.




Marielle Macé a écrit ce bouquin, Nos Cabanes. Ni son nom ni son livre ne passeront à la postérité. L’écrivant, déjà, je la constitue archive et ruine. J’ai exprimé le désir pyromane d’incendier sa ville imaginaire et, sûrement, refuserait-elle le nom de ville. Marielle Macé ne peut convoquer que le lieu exotique (englouti ou lointain), c’est à dire intact de la barbarie capitaliste occidentale. Son lieu (un nom genre le tiers-lieu) sera inspiré deL’architecture rocambolesque du Machu Picchu, des jardins suspendus de Babylone, la symbiose nature-culture de la vie vraie.
Je les imagine mourir de froid sans le 
chauffage central.



Albane conclut, dit, ces gens ont des gueules de campagne publicitaire, Branco surtout, il ressemble à un affichage dans le métro, il est voûté pareil que les panneaux. Quintane, je lui imagine un tatouage dans le bas du dos genre :

« réalisée par l’agence de pub La Masure rue du Faubourg Saint-Antoine.
Sélim : Vous avez lu le livre vous ?
Moi : Non
Estelle : Non
Albane : évidemment.

Albane, souvent, lit pour nous.
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14 mars 2021

Oasis 21 - HSBC

Décrire dans un style vif un bâtiment




Les blocs de béton, tout est bloc de béton, portail, fermeture, bip, moteurs, tintement du tramway, rugissement électrique, les tramways sont des chatons, des modèles réduits du cri véritable des pétroleuses pétardantes, des locotomitives en zinc gris où le soleil brille et les passagères grillent. 
Continuité, permanence du gris, gris le sol, gris l’horizon, gris jusqu’au ciel comme si le béton gris remontait, à l’extrémité du monde pour tout cerner de gris, de gris morne, de béton, d’une apparence usagée, le déjà-vu immobilier, le trop vu même. L’escalier béton armé, escalier humide, la mousse a poussé longtemps sous l’indifférence générale et chaque marche connait ce tapis végétal. Puis, il y a ce type, les cheveux bouclés, l’assurance mi-feinte, mi-réelle, en construction, en débat, l’assurance comme le béton, en transit, sur le point d’être finalisée, peinte, il manque un peu de couleur, de tout à fait vu, de bien vu. Il passe son badge, une fois, deux fois, une caméra regarde, une caméra bienveillante, elle dit, par zoom et dézoom bienvenue chez toi, bravo, entre-ici, béton vivant tu bétonneras souvent. Bip magique, le bip transforme, transmue, change, sous le contact du bip la porte neuve, transparente, ouvre sur un monde lumineux de baies vitrées de soleil-parjure, Oasis 21, parquet neuf, lumières douces, oranges, lumières tendres fruits murs, lumière liquide, antioxydante, tac, tac, tac, transparence, le doigt désigne, l’open space, les bureaux en tek, les toilettes zéro déchet, Oasis 21 comme sur un fond vert se joue cette pièce, derrière le fond vert, dans le monde autour du fond vert Oasis 21, dehors, par la fenêtre d’Oasis 21 le béton, les herbes folles et mortes de la ville abandonnée à une nature peu ambitieuse, racaille, la nature des terrains vagues, racaille, poussant, chiendent et orties. Par la fenêtre, les grandes baies vitrées exposées plein Nord face au sans-soleil, le tramway au mugissement de chat précoce. Le garçon cheveux bouclés parle à une fille sweat-shirt qui dit feedback qui dit des mots à chemise et tailleur, qui porte un sweat-shirt, sous son sweat-shirt un foulard caché, un chemisier, dessous de la dentelle, dessous encore de la matraque ou les marques des suçons, les soumissions, la griffure, rah, une chatte, un chat. Le garçon cheveux bouclés derrière la chemise rien, transparent, le garçon béton, le garçon baie-vitrée, le garçon Oasis 21 on voit à travers le garçons les végétations, les cordes vocales, les choses pas arrachées, le ronflement du coeur, le cri petit du chaton prématuré. Le parquet ne grince pas, lisse, la lumière se réfléchit, fait comme mille petits lacs où désaltérer l’ombre. 
2.

Attente, le quai, le premier quai, le tramway muet, deux stations, le quai, corps défile en bas, corps défile en haut, circulation, circulation, le corps descend, remonte, bip, tac-tac-tac, alarme, le quai, une station, tac-tac-tac, bip. 

Bip, c’est le bip ou l’alarme le bruit tout est bruit, bip, tac-tac-tac, bip, l’objet en métal dans le revers de la veste, l’objet qui monte dans l’ascenseur au cinquième étage. Au cinquième étage 1000 m2 de claviers de corps d’écran de tac-tac-tac de cris, de sonneries de téléphones fixes, des millions de bonjour sur une année, le plafond très haut, le bâtiment en peau de serpent, le bâtiment couleur de meurtre, le fond rouge HSBC, la cravate rouge HSBC, type meurtre, la moquette rouge, 1000m2 de flaques de meurtre, tac-tac-tac. Badge, bip, rouge sur rouge. Le noeud papillon rouge, la couleur du meurtre, le meurtre, le tapis roulant du meurtre, l’aspirateur l’homme noir la musique dans les oreilles passe l’aspirateur vrooouuumm. Musée du bruit

 

8 mars 2021

Tokyo - Toilettes Transparentes

Consigne : Décrire un homme qui (a) va aux toilettes, (b) vomit, (c) tue un enfant

 

 

Les toilettes publiques et transparentes ouvertes à Tokyo visent à prévenir le viol. Des hommes se cachaient pour violer. Voilà leur plan contrarié. Le crime n’est pas suspendu pour autant au Japon. Martin Hideguchi, se dit, que la mort illégale encore peut sévir et se voir infligée, le viol pareillement, les toilettes ne constituant qu'un lieu marginal du viol. Martin Hideguchi s'indiffère de la symbolique du monde et de ce que les toilettes transparentes deviennent un symbole d'une société plus protectrice des femmes. 

Martin Hideguchi a souffert de l’extrême opacité du monde, le silence brutal, infligé à chacune de ses prises de parole jusqu’à lui devenir d’une transparence de chiottes. Comme il dit. Martin Hideguchi tremble et sa rage fertile, semblable aux crues génératives du Nil, élève des rosiers monstrueux. 

 

Il se mord la langue très fort, il sent le palpitement de toute sa dégénerescence, le désordre lymphatique, le pantalon plus jamais tendu, les matins à l’érection molle. Il sent dans son corps cette ombre de mort qu’il porte et qu’on lui martèle. Il voit les chiottes transparentes de Tokyo, là, cinq-cents, quatre-cents mètres etc. Il s’approche, trois-cents, deux-cents, transparence.

 

Ses intestins à moitié corrompus malgré le régime draconien de son frustré de père, tel père tel fils dit-il sans rire. Fils de pute, il murmure, en touchant la porte des toilettes qui s’obscurcissent sitôt qu’il y entre. Le silence opaque et ses intestins, la merde répandue, la haine, aussi, la haine jamais partie, la haine liquide, malade. La haine, toujours là, la haine,  son corps qui souhaite abandonner sa fonction de corps, qui se répand là, qui répand sa journée, sa douleur et plutôt que de l’en séparer par cet épandage, la multiplie. La brûlure se fait plus nette, son corps se rend capable de fractures au-delà du monde osseux et caverneux il se fracture, invisible à la radio, autre chose que le fémur et l’occiput et les noms savants des squelettes accrochés, au fond de la classe, 4eC pour souffrance.

 

Lorsqu’il quitte les toilettes, il titube de la haine encore là, du monde qui l’écrase, de ces chiennes de femmes qui jamais ne le sucent, sauf s’il paye, et même s’il paye…il ne peut pas payer pour passer du flasque au rigide, la pression sanguine et ses possibilités génératives. Son corps même refuse sa multiplication, sa division, sa profusion, seule la douleur et la haine connaissent ces stades biologiques de mitose et de cancer.

Il est un cas, un symptôme, il cumule en lui tout ce que le monde se peut de maladies, de virus, de formes mortelles. Il n’est plus que ceci une forme mortelle qui refuse de mourir seule. Alors, il saisit sa haine, la tord, la forge, il lui donne la forme et la force d’une chose fatale, il se lèche les babines de cette mort qui enfle, matérielle, le sang, là, déposé sur le crime, le mot crime devenu criminel même. Il éclate de rire, il est rentré chez lui, avec sa haine à tuer. Pourtant, quelque chose, quelque chose d’enfance survient et crie au secours en lui, crie, non, non et du fond des âges, ce non des maladies, de sa préhistoire humaine, le non du lieu intact du Je pur, d’avant la souffrance, l’écrasement, les érections impossibles,  avant son devenir multiple de coups et d’humiliations. Quelque chose, rond, parfait, enfantin, ce point là, rond, bouche du premier mot, non. Il vomit, il vomit devant ces images, devant son désir, devant son arme, son crime à venir, il vomit devant cet inéluctable, ce lui-même qui va tuer, au hasard, tuer dans la rue les premières innocences venues, il faut que le crime et le meurtre soient les plus atroces, touchent à ces points abjects et sans pardon. Il vomit, il vomit de toutes ses formes et ses fractures, son fémur, son occiput tout trouve bouche et purge, vomir, vomir. Il vomit de partout comme une blessure de bile ouverte en lui d’où coule la haine fanée…Pourtant, il va tuer, il va tuer et l’innocence en lui continue d’hurler au secours, au secours, hurler au-secours face au crime, à l’arme née de la haine…Il se saisit de son crime, ce lourd poignard ou ce pistolet acquis au marché noir, chez les clandestins philippins dont on ne sait s’ils les trafiquent pour se protéger ou pour banditer…Le pistolet est léger et la lame lourde. Il compte les balles, il n’a jamais tiré. Par la fenêtre il entend des cris d’enfant, il vise. Il a tiré. Il est mort. 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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