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29 septembre 2007

Première page de mon roman

——Bip Bip Bip. Dans les chambres d’hôpital, ce bruit monocorde berce les oreilles fatiguées. Il est là, clair, net, clinique. Clinique, on ne pouvait trouver plus juste, parce que le son est dépouillé de tout coeur, de toute intensité. Vide, tellement vide qu'on l'imagine macérer dans le formol qui attend les futurs dépouilles.

Pourtant, il est le seul frémissement, la seule hésitation de la nuit hors les pas des infirmières pressées de se rasseoir pour lire. L’une d’elle là, essuie le gras de son beignet sur sa blouse rayée rose, et feuillette un magasine. La couverture ressemble à un arc-en-ciel et contraste d'avec la sobriété du lieu, avec les murs blancs allongés à l'infini faisant croire un asile.

Elle tient fermement le bout de papier de sa main droite. Pour alimenter ses potins, tandis que la main gauche dans le plus pur mouvement onaniste alimente son estomac. Le papier jure qu'il livrera ses « révélations ». Il ne s’agit pas d'une incantation divinatoire pour expier le mal des âmes meurtries ou de livrer enfin le moyen prophétique d'anesthésier toute douleur sans piqûre, sans étourdir le corps et lui laisser les stigmates des insomnies sous les paupières.

 

Non la révélation traite de quelques jambes qui se mêlèrent l’espace d’une nuit, s’heurtèrent à craquer le plafond voisin. Deux corps esquintés, pour des esprits pareillement tourmentés. Guère plus, au final, que des chairs à mâcher, qui s’enfilent les unes aux autres comme une bague au doigt d'une mariée trop frivole. Avec le même romantisme feint, la même fougue de rompre. Rompre la monotonie d'un côté, Se rompre le cou de l'autre. Détacher la liberté du piquet auquelle elle est amarrée. Un oeil exercé a d'ailleurs remarqué que les alliances de nos deux corps emboités dissonnent. L'infirmière aussi, ce qui lui arrache un « T. ne va pas le croire ». Pénible syllabisation de son aérocéphalie.

Bip-Bip. Le cardiogramme n’arrête pas. Le son se propage dans l’air. Il ne claque pas. Il se dépose. S’étend, gluant comme les heures passées dans cette chambre trop exiguë à espérer le réveil improbable. A parler des heures à des yeux clos, caresser ses mèches tombantes et laisser glisser quelques gouttes de coca-cola sur les lèvres meurtries. Espérant le frémissement, le choc émotionnel qui affranchiraient de l'absence continue. Du manque informulé parce que ce manque est allongé, avec la béatitude du mort. Dans un ailleurs qu'on ignore. Peut-être l'âme s'échappe t-elle des prisons de chair et scrute les alentours, et hurle qu'elle est là, hurle pour prendre rendez vous avec les vivants. L'âme ignore que le plupart de celles de ses contemporains sont déjà vendues à l'ambition et aux carrières. L'écho est absent. Les vitres ne tremblent même pas à l'idée d'une âme, d'un fantôme, à rebours de toutes les conceptions spectrales prophétisant des explosions de vitre et des retours de flamme. Preuve que les croyances sont toujours erronées.

Le parc qui jouxte l'hôpital en est sa prolongation. Le toit en moins. Il ne faudrait pas faire croire aux convalescents qu'ils sont en vie, qu'ils sont saufs. L'avenir n'appartiendra que trop rarement à ceux sous chimio. On les laisse, alors, avec la douce torpeur d'une fontaine qui pisse 3 goutelettes insultant le flot du Manneken-Pis de Bruxelles. Pour l'illusion de la vie, sûrement. La sensation d'un monde au ralenti dans lequel ils évoluent à leurs rythmes respectifs. Rythmes de brebis se dirigeant droit vers l'abattoir. Le meurtre a un autre nom « infection nocosymale ». Moins glamour que l'euthanasie.

La nuit, quand la météo est un peu plus capricieuse et que les gardiens ne font pas rouler leurs yeux ronds et vide sur le ciel, le vent chantonne et fait tournoyer la poussière, bouscule les branches des arbres trop fragiles. Qui dansent, dansent narguant les téméraires sous dyalise qui bravent l'extinction des feux. De toutes façons, le leur de feu est déjà éteint. La vie aussi. Peut-être. Ou les flammes sont froides.

Un peu plus loin, les réverbères crépitent, leur sève électrique consume la lampe, et quelques amoureux transis, trop ivres pour rentrer à pied et les poches trop étroites pour héler un taxi s’accrochent et s’enchaînent. Se font prisonniers consentant à la lueur des étoiles essouflées. Les bouches s’emmêlent comme les balbutiements de l'enfant qui goûte ses premiers mots, les mains furètent, touchent, aiment. Le son qui monte de la gorge, ne dérangera pas. Il y a de la vie, ici. Derrière les grilles de l'hôpital, qui se rythme aux pénibles « Bip Bip » de la nuit installée. La sagesse populaire a du bon. « Le calme précède la tempête ». La fureur du devenir s'élève de l'être abattu. La flamme se substitue à la bile noire, et...

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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