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24 février 2011

Solécismes soliloques.

Quand je parle, je retiens l’offense, je retiens les mots emprisonnés, je retiens leurs peaux de poisons prêtes à éclater comme l’alcool des cépages. Je voudrais les faire sortir de mes veines gonflées et distendues par ton reflet de plumes. Ma parole répandant sa caresse d’appétit, son museau de tamanoir, sa moustache de fauve. Les lions dans moi ont des griffes de miel. Je retiens des crimes dans ma gorge, je ne les fais pas sortir, mes mains sont en opposition, ont roulé comme une pierre sur la source nouvelle. Il y a un aveu dans ma politesse, dans mes « bonjour » je confesse, je suis sous la chapelle, ma morale a le mal de mer, et j’entends ruminer les quelques pardons des Bibliques « Porte nerf qui êtes aux muscles ». Je pense à toi, je me dis, un être c’est si fragile, si j’y enfonce la bouche est-ce que tu te démontes, tu te troublerais comme la brume que bouscule sans excuses le temps. Ton prénom je l’aime autant que tes yeux. Je retiens les mots, suffoqués dans moi, et leurs os lumineux bout à bout s’écrèment, c’est un langage de galaxie affranchie, libérée de la gravité. Je suis le désordre. Le langage immoral, le langage des prostituées, des vendus, des loués, rouées, sous-loués, le langage et ses bas-résilles plein de scandale, les mots de foutre sec, de sang caillé, les mots, les mots du délit, ce crime timide, sans audace. J’ai couché une gosse dans une draperie pour l’écrire. Elle ne voyait pas, je moulais son corps sur le papier, je lui disais mets toi là, range toi dans la forme exacte de ta musique, et j’imprimais les mille tragédies de sa détresse sur le papier carbone de ma mémoire. J’ai vingt-deux ans beaux de crimes, mon existence vous assaille, vous nie, je suis dans un couple l’oxymore, je suis « l’obscure clarté, l’émotion austère ; le prêtre amoureux ». Vingt-deux ans passés à défier les lois, la grammaire, la syntaxe, ta gueule la norme la ponctuation JE SUIS UN SOLECISME ma gueule d’iniquité mon visage de crime, vingt ans à bafouiller la laideur pour devenir mon visage cruel, je vous regarde, baissez les voiles. Vingt-deux ans, j’ai renoncé au futur, j’ai vendu le destin, je veux une postérité, j’irai aux pompes funèbres la conquérir, j’irai la traquer dans le barillet du pistolet, j’irai la chercher la postérité dans le meurtre, j’irai faire danser la foule de peur au milieu d’une avenue pleine de gens, j’irai dans une boutique et je ferai baisser la voix à l’arrogance, j’irai dans un bureau et je tirerai jusqu’au silence. J’ai cédé le présent fragile et précaire, je veux une postérité pleine de rencontres. La postérité est un postiche que l’on met sur l’échec du présent. C’est un médicament dans la bouche du condamné à mort. Je ne me soigne pas, pour quoi faire, je sens la postérité qui vient à ma rencontre, et son écorce noire, amère coule sa sève dans mes narines. L’air est froid. La calvitie du présent ; le postiche du destin. Quand je parle, je voudrais agonir une pitié, j’ai empli un puits d’orphelin d’histoires de bonheur, je leur vends des images de joies, de minuscules vignettes qui fondent sous la langue. Je trafique les heureux, ma drogue est coupable. La foule en moi gesticule, les regards dansent dans les orbites denses, les débris de la mer y remuent les souvenirs de périples et des alcôves de marin se soûlent de la crête du vent. J’ai vu la mer mettre son pantalon de coutil aux cuisses galbées de noyés. Je l’ai vue habiller les morts. Le drap en soie de la mer couvre l’œdème humain ; l’abat-jour décroit les astres. J’ai vu des cris se suspendre en bulles crânes, la mer poser ses ongles rongés du cumin sur les désordres des hordes d’écume. Je suis plein d’images mouillées, mon existence au bord des crêtes de fumées, je suis plein d’incendies que vous ne pouvez éteindre qui me brûlent dedans et que vous ne voyez pas. Des feux tellement grands qu’ils ont des haines. Les filles ont les baisers humides qui n’attendrissent pas la brûlure. Qui se répand, c’est tellement grand un feu que ça ne s’arrête pas de faillir, c’est tellement intense la douleur dans soi, qu’on dirait l’enfer qui lustre ses captifs. Tandis qu’Hélène me dit « j’aimerais ta vie » J’hurle de mal. Je lui réponds « parce que tu n’en sais rien, de l’insomnie qui défigure, de la cerne qui devient le visage, de la cerne violette comme une algue malsaine qui recouvre toute la grève de soi-même, tu n’en sais rien de l’ombre sauvage et de la croissance obstinée des lierres aigus. Mon sommeil est un marécage nourri de plants malades, perpétuel bourdonnement de la fatigue, mes moustiques vrombissent en taches sombres, et son corps prisonnier d’un étau, un manoir abandonné un soir de révolution, les tableaux arrachés en hâte et qui laissent un souffle de poussière sur les murs, mon sommeil est une aristocratie brisée, fanée, les armes héraldiques en morceaux. Tu voudrais, tu es sûre, devenir toi aussi le visage de la fatigue, devenir toi aussi l’espoir accablé, et troquer toutes tes nuits pour l’à peine de plaisir que nous jurent les senteurs des filles, leurs sexes béants, ouverts en bras ? Je puise le sommeil dans le plaisir, je réclame à leurs extases ma port de torpeur. Je cherche un lit, un tombeau, je cherche le sommeil, je cherche un monde de couleurs sobres. Sais-tu ce que c’est de vivre toujours au bord du risque, de ne se sentir vivant, éveillé, qu’à la frontière des falaises, qu’à sentir l’haleine fétide qu’exhale une peau méchante, des yeux bleus. Tu sais pourquoi j’aime les yeux bleus ? Parce que je les vois différents de leur matière véritable. Les yeux bleus je les vois…bouleversés, comme la porte entrouverte des chambres noirs où s’insinue le jour, ils irradient une pièce. Je m’en détourne avec retard, eux de développer cette houle de symboles, à enrayer l’ombre qui m’habite partout. Mon indifférence pour les yeux verts, noirs, marrons, tient de là. Ce que je vois n’existe pas, mes sens me trompent, un œil bleu disperse autour de lui des frémissements visibles, des marques de lumière, des pigments mouvants comme des anguilles. Les yeux bleus, je les vois et c’est un monde de merveille qui en jaillit, un monde qui n’appartient qu’à moi, de mes sens tronqués, drogués, de mes sens aux raisons abolies. Quand je regarde une fille aux yeux bleus, je les vois répandre une pâleur d’aube, je les vois avec des senteurs d’aurore qui s’élèvent et l’auréolent, sa figure est de marbre gracieux, sa figure devient le songe flexible, la marée humaine au goût de figues et de désert. Tu voudrais ça, voir la folie des yeux bleus, voir l’œil louche que personne ne voit, le regard troublant qui t’assassine ? Les refus que tu y entends, toujours, avant de proposer ton baiser ? Quand on me regarde, que j’ai de la tendresse pour les yeux bleus, je m’écroule à l’intérieur. Je ne laisse rien paraître, mais de m’effleurer suffirait à me mettre en désastre. Parfois je me rends insupportable, pour me garder du trop grand danger, de me mettre à pleurer sur l’orbe de lumière qui respire par ces deux soupiraux. Tu voudrais ça, un monde d’yeux bleus menaçants, à la mélodie mortelle des sirènes ? Les yeux bleus ont des crocs adorables, partout ce sont des gouffres, et partout je m’y jette. Il en existe des différents, des que j’aime pour le charme qu’ils ajoutent au visage, qui font des minéraux précieux au milieu d’une figure belle comme un vase chinois, comme une antiquité. Un amour. Mais ça tu n’en sais rien, deux yeux particuliers qui m’ont piégé. Je me débats, je me débats dans deux pupilles d’orage ».         Le feu, le feu dans moi tout est couleur de cendres, les yeux des belles, la charpente, les maisons, tout est couleur de feu. J’ai treize ans et je m’exerce contre le corps de Marguerite à découvrir le plaisir, j’y laisse mon être, la morale, et j’y découvre la haine. J’ai puisé à la vase noire, à la flaque noire, toute la haine du monde, je l’abrite dans moi, je la dissimule comme mes intentions. Je sais la peur, je peux vous raconter, elle a un prénom : Marguerite des yeux méchants, qui empoisonnent comme la rouille, qu’on dirait le premier mordillement du jour, l’acier refroidi par la nuit qui fait « psshht » en se gravant dans l’atmosphère, les baisers ont le goût du fer. Quand elle dit « Najib » je ne me retourne pas. J’ai treize ans et déjà le pas fatigué. Elle me rattrape, et le bruit des talons dans ce couloir si long, que je ne parviens jamais au bout. Elle me rattrape toujours, et ses talons matraquent le sol, je le dis « le pauvre ». Elle me rattrape, et je n’y échappe pas. Elle dit mon prénom « Najib » et ce n’est pas moi. C’est elle qui me prive de mon identité, j’ai déposé mon corps comme un sacrifice et d’avoir gardé l’essence, je continue d’exister, je suis toujours là. J’ai treize ans bonjour et ma voix fragile parle du pays des innocences bafouées, je vous dis, marguerite a posé ses mains de verre mutilé sur moi, elle m’a jeté dedans pour me boire « tu es délicieux Najib ». J’ai treize ans, et je ne dors pas de peur de la voir surgir, quand la poignée descend, quand les branches des arbres font sur les carreaux la musique de tambour de talons, quand la nuit a escaladé ma fenêtre, j’ai treize ans et je remonte à mes tremblements glacés ma couverture comme une main de père, comme un policier. J’ai treize ans, et les frissons qui bruissent dans ma chambre, la forme de ma chaise où je déplie mes habits, mon corps tout marqué des brûlures de cigarette des amours déjà passés. J’ai peur de toi, la nuit, et j’attends que les heures glissent dans le cours gonflé de ma terreur, qu’elles passent et qu’elles creusent dans le ciel des puits de lumière. J’attends le jour pour te survivre. J’ai gardé sous mon oreiller une lettre, une lettre qui si je te l’envoie fera un bruit de détonation, on entendra gémir le silence, on entendra ton corps s’écrouler comme un milicien sous les balles de la résistance. J’ai écrit une lettre avec de la poudre et des balles. J’attends ton rouge à lèvre pour y mettre le feu. Pourquoi je dis « Jonathan » aux autres, pourquoi j’ai perdu mon prénom. « Najib » plein de cris. Jonathan, c’est poli, Jonathan c’est comme il faut, Jonathan, c’est un peu drôle, ça se chante, Jonathan est un autre. Je n’ai pas d’identité, je n’ai pas de corps même. Pourquoi un prénom il n’y a rien à appeler. Je sais, des yeux de tramway qui skient sur les rails, je sais des images lointaines, graves, j’ai vu des eaux de tourbillon. La détresse je l’ai dans le cœur, elle sombre en couleurs mortes. Les choses que j’ai à dire je ne les ai jamais entendues, elles sont venues comme mon corps que personne n’a vu, comme mon prénom que personne ne prononce plus, je vais vous dire, moi, ce qui se cache sous la gaze funèbre, je vais vous déchirer tous les voiles, toutes vos religions, j’en ferai des rideaux à théâtre. Bientôt ce sera la première. Vous ignorez encore ce que le jour dissimule, ce pourquoi il est plein d’éclairs, de lueurs, plein de choses chromatiques, toutes ces choses qu’il éclaire, il vous les truque, vous trompe, vous ne savez pas, les monstres, vous ne savez pas les bêtes qui grouillent, vous ne savez pas encore les choses immondes, les flaques vertes où poussent des rosiers malades aux épines de détresse, sous l’écorce du jour, dans la craquelure prudenet de la nuit, de cette couture d’aube, sentez bien cette odeur de pétrole, sentez bien ce chant qui se répand, et retentit dans vous comme le vin chaud claque vos veines. Tout ce mépris, et j’ai quinze ans bientôt, encore, qui regardent le miroir, et vomissent Rimbaud, j’accouche des poèmes, le souvenir se tord dans moi comme un insecte que l’on torture. Mon ventre est une grotte vierge. Ma voix est le murmure du vent. Qui peut dire qu’il me connait sinon le silence et la nuit. Je suis un désespéré heureux. Gardez vos rires de charbon, j'ai des dents de diamant.
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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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