Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
boudi's blog
boudi's blog
Archives
Newsletter
1 abonnés
4 mars 2011

J'ai monté la nausée jusqu'à la dignité du sentiment.

 

"Tu n'as pas le droit." C'est une première phrase. "Tu n'as pas le droit." L'hôtel est bondé de monde, les femmes marchent sur les bouts de robes qui traînent comme une queue inachevée des autres femmes, les hommes cognent leurs gencives sèches sur la coupe de champagne de leur voisin, ils échangent, elles dramatisent. C'est un préau réservé pour les gens riches. Les lumières ouvrent l'élégance sur leurs visages graves. Comme des cuisses qui ouvrent le point sensible. Madame est belle, un haut noir s'accroche à sa nudité, ses cheveux souples frottent son dos, un maquillage violet alourdit ses paupières, violet comme un ciel d'hiver qui n'en peut plus, et sanctionne les yeux d'été. Son corps long et douloureux recouvre ses pensées timides. Tu n'as pas le droit. Fermez les rideaux. Oui, comme ça. Un homme arrive vers une bouche, il tend une allumette en feu, une cigarette se décompose, un sourire tombe en cendres dans un décolleté déjà conquis. La facilité me fait signe de la fenêtre. Je lui souris. Oui, il ne pleut plus depuis des années. Hier j'attendais dans les couloirs, j'ai dit, tout dit. "Tu n'as pas le droit." On m'a répondu "tu n'as pas le droit". Alors, conseiller de donner, des mots, comme ça, qui ne veulent rien dire pour les autres. Déplaire, parce que tu es l'absent, l'arrogant, celui qui va vite, alors déplaire, être insupportable pour fixer le miroir en se déshabillant. "Je te déplais. Tu n'as pas le droit." On en est à la deuxième phrase. Te déplaire. La première page d'un roman qui commence par "Le premier mot, c'est quoi déjà ?". On en est là. Dans les couloirs, il est arrivé, il a soulevé la foule, il a dit "urgence". Et puis après, dans le bureau, un autre a dit "tout commence là". Urgence, je ne le veux pas pour troisième mot. Sous le préau, ils miment mes muscles. Quand je danse, on danse. Quand je tape des mains, on tape des mains. C'est comme si j'étais sans âge et que je me précipitais. Précipice. Urgence j'accouche de moi-même et c'est une solidarité vulgaire. C'est horrible, c'est horrible, c'est horrible, viens, viens, pour s'endormir je vais te raconter une histoire, mille fois. Mille fois je te la raconterai cette histoire, mes lèvres vont devenir blanches, il n'y aura plus de sang, elles vont devenir limpides, claires, et molles, elles couleront comme de la gelée, elles vont pourrir dans la narration. Et la nuit, la nuit, ça sera à cause de. L'autre mot, la nuit, qui fait gercer mes lèvres, mon quatrième mot. J'accouche de moi-même, et à travers la fenêtre, la lune tombe sans bruit, ma place se fend. La place que j'avais, dans les cimetières à treize ans entre les tombes à jouer à cache-cache avec ma tristesse, la place que j'avais, sous le lampadaire de Paris, dans l'intimité des gestes. La place que j'avais sur les genoux de mon père le 23 Juin, non non je ne peux pas quitter les bras. La place que je devrais avoir dans ta bouche. Je voudrais voir comme tout revient, comme tout est un cartilage froissé. Je voudrais voir, mes muscles concentrés qui vont broyer ta langue où je suis déjà passé. Je voudrais, augmenter le son des bruits gluants. J'ai l'âge que me donne l'écriture, je l'ai déjà prouvé. Je te parle d'une robe qui danse seule. Tu n'as pas le droit de partir. J'ai le bout des doigts abîmés par les couloirs qui se referment sur moi. Qui se referment sur Londres. Alors il fallait que je frappe à la porte, que je passe le premier, qu'il y ait urgence, il n'y avait que mon corps, qui n'était pas un corps. Qui était ce quelque chose fragile et qui se soumettait à la pierre. Ce quelque chose à demi ouvert, sans armes, et qui s'étalait sur le mur. Je peux entrer. S'il te plaît. Je dépasse le monde, je ne respecte pas la foule polie, je bloque le passage, je bloque ta porte, j'arrache la patience de l'abbé. Moi, avant. Moi, ils ne savent pas. "Tu n'as pas le droit. Retourne là où tu étais. Tu dois attendre ton tour, tu me déplais, il n'y a pas d'urgence, même si tu dois attendre jusqu'à la nuit." Voilà, c'est là que la première phrase s'écrit. Tu es belle. Marion est morte. Sali son petit haut blanc, de rouge vilain. Sali. Sali. Et le préau gronde de crise. Mn, je l'ai vu. Laissez moi vous raconter, avant tout le monde. Laissez-moi vous raconter, la soirée aux couleurs d'or, ils ont tout caché dans les bouquets. Dieu, les pavés dans ta gorge, ils ont tout caché, Tu es belle, tes yeux bleus je ne peux plus, c'est un visage privé d'oxygène. Laissez-moi vous dire, avant que les murs ne veuillent écraser le secret. Tu n'as pas le droit. Avant que l'on ne vous dise "cette vie là, c'est pas du vrai". La vraie vie s'endort avant minuit, sauf quand elle boit. Qu'on me dise "il faut grandir, tu es un enfant". Je suis vivant. C'est un état rare. Je suis le dernier, des vivants.

 

Publicité
Commentaires
boudi's blog
  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 49 423
Publicité