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21 juin 2011

Peindre le silence

 

Ecrire, mais c'est avoir, au lieu du sang, une voix rocailleuse et froide qui vous murmure toujours si bas, si bas qu'on croirait une chanson secrète, comme une prière venu de dessous les ruisseaux, comme un poème que les morts invitent avec leurs mains de transparents.
Ecrire, mais depuis la naissance, ça se multiplie dans les cheveux, ça prend racine au milieu des ligaments dorés, dans la ligature de l'os ancien, le déchirement de l'audace, ça pousse sous un soleil maladroit que la lumière décline en milliers de taches et de soupirs entre les volets mi-clos d'une bouche muettes. Les histoires c'est terminé, les amoureuses de vingt à trente ans, je les ai clouées dans mes paumes, et on les appelle les stigmates. Camille, Lucie, Loriane, Emma même. Blessures de rien, vous avez les cheveux des collines du Nord, ils tombent sur vos hanches par bouffées, et dessinent à vos gorges des dimanches de sommeil, l'été s'y repose, et les lucarnes de minuit sont noyées sous la crème de midi.

 

Il y avait Margot qui faisait mon mardi, et Lucie mon lundi, il y avait des prénoms d'almanach pour nourrir l'immense orgueil de mes vingt ans, de posséder des femmes si belles que mon rire les fanerait. Julie faisait Jeudi contre mes dents avant de déplier son mètre soixante-dix-sept sous les regards inquiets d'un photographe de mode, avant de coincer ses jambes sous l'objectif d'une ambition. J'entends encore sa démarche orchestrée par le déclic, le diaphragme congestionné, les réflexes éduqués, j'entends son pas soulever des filaments d'ombre, et le déclencheur de la nuit quand les cheveux descendaient jusque dans ma bouche.

 

Je suis une racine mauvaise qui se mâche sous les lampadaires avec un peu de jus d'étoile pour désaltérer les pulsions nerveuses des jolies, j'ai dans les cuisses plus de fureur qu'une troupe de traînées, et plus encore de vertiges sous ma cerne que les verres de vins des putains de l'Est. Si les filles aux yeux trop beaux, m'écrivent des choses de malheur, et que leurs mains paraissent sous mon costume graver des muscles, c'est que la nuit, je prends une position de constellation, que je me mets à ne plus résister à la foule des déchirements, à la puissance ravageuse d'une mer grondant de cent mille marins amoureux de son insouciance. Quand Marianne venait, sous le drap de mon corps, la première nuit, elle ne savait que mon corps de jour, ne savait que mes yeux de midi, ne connaissait que ma voix d'usage, mon teint encyclopédique, et quand la nuit pour nous garder du vent glissant, nous encombrait de son imperméable d'ombres, tous les silences du monde, toutes les craintes, et toutes les hontes du dehors, refluaient dans moi, et tous les sens de Marianne virent, étourdis, la toute puissance d'une folie aux yeux graves, à la voix de sirop d'aube. Marianne me sut dans la lumière trouble de mes cils durs comme des serres, sut les taches de boue qui couvraient ma voix de symboles menaçants, et tout mon être gonflé du sang des astres. La veine qui bout à ma tempe, et que je garde secrète sous mes boucles d'infortune. Qui peut voir, avant que la nuit n'ait bercé tous les fragiles, ce que ma poitrine contient de monstres, ces milliers de petites bêtes qui font des bruits de portes quand ils échappent à la surveillance du matin. Qui peut savoir, que sous la croûte de ma raison, se déploie un monde de l'intime, du scrupule, du vice, un monde où j'ai commis toutes les violences, où j'ai vu toutes les guerres, un monticule interne qui donne vue sur le scandale, les habits troués, et les corps déchirés.


J'ai mangé les verres d'alcool pour y trouver du bleu, j'ai cherché dans les terres monotones, un cri de révolte, j'ai creusé les toits avec mes ongles, la terre avec mes dents pour y arracher ses souvenirs qu'on dit des morts. J'ai voulu voir les étoiles trembler de froid en me couvrant du ciel. J'ai rangé à l'intérieur de mon ventre les vagues épuisées par la mer, qui déposent sur la grève leurs bouches noyées d'écume. Leurs crêtes flamboient mieux dans ma voix, quand sur le tard de la Vendée dans le toussotement de la lune qui toque au verre de ma venue, j'invite Aragon, à nous montrer les douze toises qui lui firent l'alexandrin un remède et un poison, quand dans le lit petit, je ferme les yeux, et que le ressac du jour crée une averse d'images iodées. Dans la Vendée, j'ai vu tes yeux Lucie, j'ai vu tes yeux quand je fermais les miens et que la nuit, tu sais, me dépossédait de l'imagination pour faire de ma paupière un cinéma muet.


J'ai su ta voix Camille, quand les gens dansaient, et j'interrompais mes gestes pour savoir la tendre folie que tu émanes, depuis Paris, je me disais le vent colporte la chanson de ton pas, jusque sous le toit mal famé d'une grange, entre le Würder de Tellemann et le vin de messe. J'ai entendu ta grâce de coquelicot chanter avec la pluie, et j'ai souri à ta venue quand le monde se réfugiait sous le porche, en voyant le ruisseau clapotait de ta présence intimidante.


Et Anja mon stigmate ruisselant, ma belle aux yeux gais, quand sous mes dents craquait le caramel des sucreries, je pensais à tes os qui sous l'assaut répété de mon désespoir, murmuraient comme des quatrains Oh l'ivresse de ma mémoire, oh l'alcool d'eau fraîche de tes parfums, Anja, Anja et le soufre de tes yeux noirs qui m'entourait le corps, quand les robes bleues, roses, jaunes, ou noires dérangeaient ma mélancolie... Ce chant d'enfant à la voix pareille à mes songes, tu as dans le regret hérité une crinière d'ombre, et je me disais dans la Vendée aux murs de pierre, aux chemins butés de passé, outragé par le présent, je me disais, ton regard me manque quand je pose le mien sur les corps sans organe qui font ma géographie précaire, mes repères involontaires, ces corps de garçon, et ces yeux de fille, et dans la foule des bruits étranges, comme un ventre malade. Oh, A. tes yeux sont une nuit que les horloges sucent et recrachent en minutes. Ta main est un cri de ma paresse, et la décoction de ma peur, ton odeur. Aux heurts se boiront le vert, le bleu, et de ta nudité j'en ferai des rires. Si tu permets, qu'avec entrain, nous passions sur la Seine nos doigts, pour voir le courant d'une vie noyer les innocences. Glisser dans les cheveux de vase et les cailloux de grès, d'un sourcil de nuage. Oublier qu'une Marguerite passa sur ma vie, une nuit d'enfance.

 

J'ai fait des voyages, j'ai mélangé mes pas, j'ai oublié mon corps, je ne sais plus dans quel lit je l'ai laissé. Alors. Alors. Alors. Un temps. Vous m'excuserez vous toutes, avec vos yeux beaux, et vos mains d'amoureuses délaissées, je vais faire acte de courage, et j'irai dormir sur sous la tôle des terrains vagues, avec la grippe des mauvaises herbes, j'écrirai depuis mon téléphone que je brancherai dans des cafés. Je boirai ma jeunesse avec l'appétit des misérables. Camille, tu ne le sauras qu'ici, j'oublie le confort de tes bras, j'oublie la fatigue de ta nuit, et j'apprends le ciel noir. J'apprends l'audace, j'exprime le peu de mort qui se secoue dans moi, c'est à peine un fond de verre, à peine assez de poison pour faire aux chênes un automne.

 

Et toi, qui revient ici parfois, je t'aime, mais je t'aime très mal, presque avec indifférence. Comme font ceux-là qui oublient que les muses ont leur indépendance et les yeux bleus des corps. Comme font les poètes qui creusent la vie avec des danses immobiles, quand les autres la font avec des pas militaires.

 

Je marche dans des rues où la vie penche

La nuit bat des paupières sur les bancs

La faim et la soif y secouent leurs cheveux blancs

Les chênes frémissent ma voix tombe sur les hanches.

 

Je marche dans le noir, et j'ai du jour plein les poches
Une cigarette brûle, c'est l'étoile de ma bouche
Le ciel de mes cheveux.

J'ai de la nuit à m'en faire une échoppe
Et un corps de marchandises.

 

On court le jour, on brûle la nuit
Et les belles images n'en finissent pas
De boire à la sève des hommes.

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B
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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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