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17 février 2012

Mon cinéma ? Quelle tragédie !

 

Les histoires que je veux vous raconter ne se déroulent dans aucun lieux, ne se fixent sur aucune pellicule, n'attendent aucune date. Il y a un cinéma de trois dimensions dont on applaudit le parjure.

 

Mon cri s'il devait être du cinéma serait un cinéma sans dimensions. Un cinéma de songe. Non pas la reproduction insuffisante d'un réel essoufflé, non pas la répétition bégayante, la paraphrase infinie de ce qu'avec nos yeux véritables de chair et de sang nous avons déjà ignoré. Un cinéma de la transgression, un cinéma inabouti, brouillon, l’œil en colère, le cheveu désordre, la frange mal coupée rabattue sur la bouche comme une molécule de fièvre. Un cinéma du cri rendu à sa matière d'engrenages douloureux, de rouages organiques, de force. Un cinéma de la toute puissance qu'on fait avec ses dents pétries par le froid, ses doigts broyés par la faim sous le pilon de la plainte. Je veux apporter dans vos vies des mains denses de mensonges, de vagues creuses, de lichens, de marées obscures sans besoin de lunettes bicolores pour faire au monde paraître de l'épaisseur. Sur les sièges il y aura des acteurs et ils se détourneront de vous comme toujours vous avez fait avec vos vies à les laisser passer comme une barque mal attachée, comme un pouvoir incertain, comme la jeunesse en bas de sa folie, la cheville foulée. Trop vieille pour courir avec ces muscles-là.

 

Et je voudrais y mettre des individus immobiles, colériques, froids, sentencieux qui ne diront qu'hors de l'écran ce que vous expirez dans vos nuits, vos angoisses, vos désirs, le cuir de vos folies, et ils s'exprimeront quand ils fuiront du cadre cette métaphore pénible de vos limites. J'appellerai la bordure du champ : la morale et c'est hors de cette morale visible que tous s'exprimeront. Sur cette fausse poutre formée par les extrémités de la projection, des danseurs s'inviteront de partout, de toutes les origines, des furies de la mer, des acrobates du péril, des tigres de passage, des funambules borgnes, tous les continents de la folie, trembleront, les bras chargés de magnolias, debouts sur ce trait de fiction. Maintenus en équilibre par le parfum de leurs fleurs, par le poids du malheur, cette autre gravité, muette dans l'équation de Newton. Ils tiendront par tout ce qui vous maintient vous debout quand vous sortez dans vos commerces, quand vous allez rire pour de faux, sortir, boire, mentir, mais ne rien comprendre.

 

Il y avait un cinéma muet ? J'en ferai un cinéma sourd ! Les oreilles bouchées de poèmes, de rimes mal faites, de quatrains inégaux. Les pas de la déroute, ça bat comme ça un coeur, comme une défaite.

Ce bruit parasite qui encombre la bande qu'est ce que c'est ? C'est un pouls vivant, un poème qu'on froisse.

 

Voilà. Qui s'avance, qui se recule, et toujours on en verra le dos de ces spectateurs, de ces fuyards. Ils n'ont rien à dire ; tout à trahir. La démarche ne trompe pas.

 

  • Quelle heure est-il ?

  • Nulle part moins le cœur !

Le rêve est partout en cage, sous les paupières closes du dormeur. Qui a asservi le songe à la bouche du sommeil, aux pays étroits des sénescents, à la prison des ronfleurs ? Je veux dire : Un poème de raideurs, d'étonnements, de crampes, de prurit. Un poème de lenteur, qui ne déploie sa force que dans l'image, qui ne libère sa colère que dans le désastre. Il faut beaucoup de catastrophes pour faire une voix. UN VISAGE C EST UNE MEULE.

 

Demain je changerai de corps, de jour, de saison. Demain, tout aura une autre couleur que celle de la raison. Celle d'un toit ouvert, d'un enfant oublié au fond d'une poitrine, d'un amour jamais débuté. La mer nous a rendu ce matin un corps, et ce corps nous ne nous souvenions pas l'avoir perdu.
Une ville. Il faudrait une ville monogame qui ne s'accouple pas deux fois par jour avec l'aube, avec le crépuscule et porte partout des enfants difformes des angoisses, des vapeurs. Une immense manufacture de paupières. Sur la côte le froid dans les miroirs imite les naufrageurs.

 

Je voudrais une salle mal coiffée, où on viendrait en pyjama comme pour se dire là disponible au rêve, attentif aux songes, à l'émoi, à cet abandon qu'on ne se permet tout entier qu'inconscient, exilé des autres existences, lavé des autres vies. Il en faudra des matins ratés, des nuits brûlées par un soleil distrait, des larmes de sueur et d'amour pour bâtir une journée. Tous ces morts à moi. Vivre ? Jouir debout, sur un charnier.

 

Je voudrais exposer partout mon refus comme une toile, comme une sculpture, un cœur arraché, moulé dans les mains de mon amour. Je me suis formé tout entier pour des yeux bleus, clairs, mais toujours clos comme un poing.

 

Bien sûr. J'appellerai ce film « printemps ». Les bubons du pestiféré, la crasse du mendiant seront bourgeons, rosées, parfum. Des oiseaux morts partout. Des cheveux longs comme des forêts incendiées qu'on approchera avec des hurlements de loup. Il y a dans le ciel plein de mésanges qui ne sont jamais revenues de dedans moi. Le ciel ne comprenait pas la plainte.

 

Voilà que tout commence. Faites du bruit dans la salle, allumez toutes les voix, renversez les boissons, mâchez vos vices, venez ici avec vos lampes torches, vos lasers, votre teint éclatant, la poudre de vos mensonges, vos visages réparés de baisers. Ca commence, on le sait parce qu'on ne reconnait personne.

 

« Mais Emma, c'est d'une virginité plus grave dont je veux vous entretenir. Cette virginité secrète par delà le remords, la pudeur et la religion. Cette virginité du cri, cet hymen de la glotte, cette innocence du verbe d'aimer. Mais Emma, crachez vos nourritures inconsistantes, vos viandes froides, ces lèvres soûlées de liqueurs fades. Abandonnez vous à un mot, à un seul mot maigre, de cartilage. Vous verrez : un coeur ça s'ouvre comme une loge. Ca se débat comme un amoureux sevré d'amour. »

 

Et Emma tourne la tête, montre son dos, pour dire "je ne sais pas" ou bien "je désobéïs". Elle tourne le dos comme on hausse normalement les sourcils, mais Emma n'a pas de visage, elle n'a qu'un dos, alors elle le tourne à l'infin. Peut-être elle dit "ou bien comme tu en as envie toi, fais ton film, tes idées, ta poésie parlons-en, qu'est ce qu'elle y fera au monde." Peut être qu'elle n'a pas compris qu'elle était dans une pièce, qu'elle avait un texte, peut être qu'elle croit que c'est sa vie, et qu'elle va pouvoir désobéïr. Mais vous verrez après comme elle n'a jamais désobéï Emma, elle est née en Suisse, on ne peut pas désobéïr quand on est né là-bas.

 

« Mais Emma la poésie, la poésie, se moque de tout. Voyez c'est un pouvoir. Un pouvoir précieux. Un pouvoir de ne rien changer. »

 

"C'est trop, trop pour une première fois, trop de vouloir toutes mes saisons, toute mon année, tous mes gémissements, et qu'est ce que tu sais toi de quand la voix devient du sang, qu'on met sa révolte dans des gestes, et ses gestes dans des machines infernales, comment on a les ongles sales jusqu'au cou parfois dans un cri, et qu'on y ajoute des suffixes, des terminaisons horribles. Comment ça commence crime, par où ça se débute, on ne sait jamais vraiment, ce qu'il lui faut, c'est comme un enfant fou, on ne comprend pas ce qu'il veut, comme une révolution on ne comprend pas le visage qu'il faut lui faire. Par là ? Ca manque de flèches, de repères, c'est tellement immense, et toujours avant d'aimer, de vivre, on était dans cette cage la nuit, sur cette page, sous les barreaux des cils rassurants. Puis on apprend. On sait, c'est là, voilà la porte battante : une lèvre qui va dire le crime qu'on voulait. et je ne dis pas crimes légaux, je ne dis pas crimes comme on en fait des articles imbéciles, des photographies épaisses, des caractères minuscules, des épaules rondes. Des mots gâchés pour une loi, je dis crime pour dire tout ce qui est permis et qui ne changera rien à la misère de l'homme, qui ne l'arrachera pas à la servitude de sa faim, de sa soif et de sa morale. Tu me demandes dans un jour, d'oublier, moi, le mot de "nuit", la nuit qui m'est montée à la taille, qui m'a changé de visage après les pleurs, tu me dis d'oublier les eaux que j'ai bues parce que j'ai cru, et que maintenant je ne crois plus rien. Le monde n'est pas venu, jamais, j'ai attendu, je suis devenu vieille mille fois pour mes principes, je me suis vu dans ces miroirs d'entre tous les plus fragiles : les larmes. Il faudrait pour aimer que ma bouche recommence la même peine, la même prose, le même vers tissé de maladies, de ciels plein de poux. J'ai hurlé une fois à ce procès inique qu'on dit la vie partout et combien c'est merveilleux quand on a des cheveux blonds, quand on a les yeux pâles comme deux bougies fatiguées. Mais moi je veux faire la morte maintenant. Je veux des yeux comme deux vitres sales. Peut-être y savoir des enfants passer, mettre leurs doigts dans mon haleine, y dessiner l'injure. Mais demain, demain (…)"

 

 

En attendant ce demain triste. Je ramasse dans la nuit des cailloux imparfaits, précieux comme des fleurs rares. Je les ai ramassés moi.

 

Je voudrais inventer la nuit, avec une taille enfin comme il faut, la découper des ciseaux stricts du tailleur. La nuit toujours inégale, jamais comme on voudrait, qui vous fait trébucher l'insomniaque dans le matin peureux. La nuit trop courte quand elle a sa jupe de putain. Trop imparfaite. Trop infaillible. A quoi bon ? Il faudrait ; il faut changer  l'ombre, il faut se changer dans l'ombre, c'est la coulisse de la vie. La Géométrie de l'envers, des dessous, de la flanelle et des jarretelles.

 

Emma. Obéir vous avez toujours su faire, assise, debout, c'était toujours obéir, croire, aller au pas. Tout a toujours été caserne pour toi, l'amour même. Et tous les matins c'est au son du tambour que tu te levais, au son de la diane que tu combattais, aux ordres, aux ordres que tu dormais, pleurais, vivais, mourais. Morte, c'était encore au commandement, et il aurait suffi d'un ordre que tu quittes ta tombe de parfums, de pleurs, d'un ordre que tu défasses tes cheveux de lianes, que tu frottes les silex de tes ongles, les traces de matin dans tes nuits. Tu étais à un son de t'enflammer. De mettre le feu partout dans une agitation démente. Mais ta folie n'a jamais bougé, elle est restée bien sage comme une sauvage dressée par la peur.

 

Tu n'as eu de singulier que ton désespoir, de propre que cet habit partout délassé, qui gît depuis tous les âges abandonné aux portes des Eglises, qu'on délaisse, qu'on froisse, qu'on découpe et qu'on use. Ah. Le désespoir c'est utile comme un chiffon, comme un bout d'étoffe dont on raccommode sa vie, comme une médaille, comme une gloire, comme une excuse muette. Ah le désespoir, ça n'a servi de patron à aucun visage, on y a rien taillé, on l'a pillé, foulé. Allez. Amen. Ton désespoir c'est ton absolution, ton désespoir c'est un habit vide pour des fantômes, des dires mesquins, des amours de ruelle. Et dix mille maigres tiendraient dedans.

 

Et ma vie que je filme maintenant sur ces bobines de papier c'est notre vie à tous. Un film mal monté. Rien ne change. L'ordre des images, la qualité du son, à peine. Mais tout est toujours pareil à l'autre extrémité, quand le silence monte, assassin de la ville basse. Je n'aurai rien dit qui n'aura déjà été dit, j'aurai porté la répétition dans mes pas. Dans ma bouche rien d'original que ce que vous avez tous dit une fois. La vie. La vie. La vie. Pourquoi y venir ?

 

Et pourtant ça continue d'affluer. La salle est pleine !

 

Parfois, quand je suis seul avec le monde, il me force à regarder. Alors je vois tout. Je sens tout. Le lacet réussi de l'enfant, la bille perdue dans la rue, le ballon crevé, les cartes abîmées. Je vois tout.

 

Je me tourne par habitude, dans mon lit, je jette ma voix, mon geste la guide, et personne que mon ombre à moi. Ça n'a toujours été que ça, mon ombre à moi, qu'elle s'appelle Loriane, Lucie, Camille. Qu'importe.

 

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Commentaires
L
Vertigineux...
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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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