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13 avril 2023

Bougie

Vu, cet après-midi, la pièce Nuit du collectif le petit travers de mon ami Nicolas, éclairé à la bougie, dans un noir tendre. Il me fallait bien ceci pour sortir de la rumination atroce, le drame ce matin, corrigé heureusement. La trahison, la suivante, petite pierre de ce rosaire sans fin qu’elle égrène.  

 J’écris, aussi, que je ne connais plus les limites entre le permis et le proscrit, que toutes les valeurs, en même temps que ma vie, ont décru, ont déchu. Monnaie de singe, je m’en vide les poches.

D’où les débordements incessants, d’où ce chaos sans cesse qui n’attire plus vraiment, avouons-le, de pitié, ni même de crainte, c’est l’effroi devant le fou - auquel on s’habitue - de Béjaïa, le fou qui agite ses bras dans la rue, qu’on nomme, en kabyle, chasseur de mouches, à cause de ses gestes qui semblent écarter un essaim tenace. 

Hélas, cet essaim figure sa folie, rien ne l’épouvante surtout pas le fou.

Je suis devenu ce dément ridicule, je le sais, lucide par malheur, aux yeux du monde qui, monde, si par amour s’apitoyait ou s’effrayait, aujourd’hui, surtout se désole. Quelques éclipses d’angoisse se manifestent parfois quand le délire semble au paroxysme, à l’un de ces endroits où tout à nouveau, redevient possible, ce tout, qui par malheur, comprend, aujourd’hui surtout ou exclusivement, le pire. Dans ces moments là, un frisson passe, il passe vite, comme les giboulées ce jour d’avril. Lorsque je suis sorti pour assister à la représentation, les grêlons tombaient je me maudissais de l’oubli de mon parapluie. A peine le temps de la récrimination que le soleil revenait dans un ciel tout bleu. 

 

Je parviens à me percevoir, bien sûr, comme de l’extérieur, sans parvenir, lucidité paralytique, à infléchir mes actions, actions purement verbales, non pour lors mais pour toujours, le fou, contrairement à ce que l’on croit, perd le corps bien avant l’esprit, le faire avant la pensée.


Qui peut dire, aujourd’hui, qu’autrement d’avoir vu son nom sur ces pages, subît le moindre retentissement dans son existence ? Cette vision du dehors m’horrifie, bien entendu, je comprends toutes les réactions - et certaines des miennes devraient être admises - face à qui s’enferme dans ses récits, dans sa logique. De mon dedans, il s’agit de survie, ce cri, ces lignes, cette rage me prouvent à moi-même ma survie, vos passages, ici, vos lectures, me montrent, que j’existe dans ce grand silence écrasant.

La pièce de Nicolas se joue, en partie dans le noir, elle oscille entre le cirque et la danse, de très jeunes écoliers, en maternelle je pense, y assistaient. Lorsque l’un d’eux riait, parce qu’il y a matière à rire, tous, riaient et criaient ; riaient et criaient pour habiter l’espace de leur présence. Je suis ainsi qu’eux, j’aimerais rire mais le spectacle, avouons-le, manque de comique, je colonise autrement, avec ce dont je dispose, cette bile noire, corrosive juste pour mes entrailles. Vous en souffrez l'odeur. Souvenirs de ces enfants de deux ans que ma mère garde à la maison, qui joignent, ensemble, leurs cris, des cris gais, vivants, dès lors que l’un commence. J’hurle seul. De là vient beaucoup de la tristesse et tout le reste de démence. 

 

Ce mien regard extérieur (ce dedans-dehors) posé sur moi terrifie plus que vous n’imaginez, je vois moi moi-même me défaire, je vois, me voyant, aussi vos yeux et vos jugements que moi, aussi, celui du pas de côté, voit et juge aussi, pareil. Mais je n’y peux plus rien. Il y a cette phrase de Nietzsche qui va contre Descartes, quelque chose pense en moi, ce quelque chose, en moi, version avancée ou régressive, agit en moi.


Fou, je le suis aussi, surtout, de ce silence de rumeurs pesantes ou de silence tout court, qui le brise, me ramène de mon exode. Le fou, sachez-le, l’est d’abord de son exil, qui, long cet exil dans le vide, lui donne cet air hirsute, celui que j’affiche maintenant dans la barbe mal peignée des imprécations dispensées. Il effraie ce Diogène des caniveaux, sorti d'on ne sait quel malheur, parlant le borborygme, l'air agressif. Il a faim. 

Je l’ai vu, aussi, avec M., dément, sur son profil facebook, plaignant, geignant, répétant, machine infernale, emballée, incontrôlable, qui de l’intérieur de lui, mécanique fluide, lui apparaissait parfaitement sensée. Je le sais, le savais, il survivait par là, dans cet engrenage, le monde s’en éloignait, le prenait en pitié, voilà un homme perdu semblaient dire les smileys larmes sous ses publications facebook. M. devenait lui fou aussi du silence, M. se vivait aussi trahi et crevait de ce que ses tortionnaires ne se reconnaissaient pas ainsi. M. tente régulièrement de se tuer, j’ai rêvé l’accompagner, déjà, parce qu’à notre point de démence, de refus, de rejet, la mort semble la seule parole audible, le seul contre-propos dont, hélas, nous ne pourrons jamais entendre la réponse, tant désirée pourtant. 

Je sais. C'est bien le pire. Je sais aussi ce dont j'ai besoin pour secours. Ce qui ne m'est pas offert. Qu'importe les prières, qu'importe les anathèmes. Ni le Dieu, ni le Diable, ni rien ne répondent. 


La distance, devenue trop grande, ne peut plus être parcourue par la raison. Elle se trouve trop loin de moi, pantin de métal dur à remuer. Il s’effondre et son poids gigantesque d'avili lui donne l’air d’un mouvement conscient. Il chasse, lui aussi, les mouches. Voyant son effondrement, l'ombre gigantesque qu'elle professe, tous et toutes, lui prêtent une raison sensée, une conscience claire. La conscience, dans la boîte de métal a perdu le contact avec les nerfs. Au mieux, je parviens à orienter la chute. Je l'oriente pour abîmer le point, en passant par le récit, par le discours, sans jamais aller au-delà du réparable que je frôle parfois, peut-être. Je ne sais pas. Seul, seul, seul face à ces poussées intérieures, seul, seul, dans la lutte face aux marées, abandonné, toujours, dans le raffut des vagues, il faudrait, dit-on, encore diriger droit. Qui dévie dans l'orage de sa trajectoire doit être jeté aux galères. Voilà l'hymne de cette marine. 

J’observe avec vous le naufrage, de chaque côté du plateau, pour chaque grappe humaine, qui l’effroi, la peur, la pitié, l’indifférence qui monte. Il y a le suicide, ce voisin ignorant, qui à force d’être crié perd toute vigueur, comme Pierre hurlant au loup. Oubliant rapportant ce propos que le loup pénètre vraiment le village et que Cassandre s’égosille dans le vide. 

 

Monnaie de singe, qui le chasseur de mouches de la ville de Béjaïa dérangeait vraiment, les enfants le craignaient avant de le moquer, adolescents, de s’apitoyer adultes, il n’attenta à la vie de personne, ainsi que moi, parfois, la nuit, il dérangeait un peu le sommeil et quelqu’un, de sa fenêtre, lui hurlait de fermer sa gueule soussem. Puis un jour, il a disparu sans que nous ne le revoyions jamais. Les mouches l’avaient vaincu. Ou bien le monde.

 

Vous excuserez, alors, je l’espère, le triste héritier que je suis, continuant, à troubler au mieux le sommeil, que votre regard mûrisse et s’amuse comme devant ce burlesque malgré soi, je chasse les mouches imaginaires. Le givre ne laisse aucune trace. 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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