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27 avril 2023

le plaisir

Hier, nous dînions chez le père de J., rue de L. dans le 5ème. Nous devions parler de la galerie en même temps que de fêter son anniversaire. La fête a pris rapidement le pas sur le reste. Je ne connaissais pas cet appartement
Pour son anniversaire J. a reçu une oeuvre, elle reçoit régulièrement des oeuvres d’art et possède, à 34 ans, une collection variée d’oeuvres contemporaines, elle les dispose avec goût où qu’elle vive, dans son grand appartement, aujourd’hui, du XVIème autant que dans son petit studio, avant, à Montmartre, de la chantante rue Gabrielle, où l’on entrait par la fenêtre. Elle disperse beaucoup de noms, avec facilité, de ces artistes, ne s’aperçoit pas toujours, disons, des privilèges attachés à son être. Parce que, G., son père, devenu galleriste sur le tard, né dans une famille de gitans, manquait d’argent jusqu’aux douze ans de J., mais, rapidement, il s’inscrivît dans le monde intellectuel et parisien, il fréquenta et s’installa plusieurs années Marcela Iacub, le couple recevait Didi Hubermann à dîner, puis, G. rencontra Sonia Kronlud, l’animatrice et productrice des pieds sur terre, avec qui ils eurent un enfant, le demi-frère de J, charmant révolté du IXè. Personne ne mesure jamais ses propres privilèges, chacun ne se voit jamais que comme du neutre, comme l’étiage, comme la base parce que l’on se compare toujours avec son voisin et, de ce voisin, nous ne percevons que, surtout, et avant tout, ce qui nous manque. 

Vins sublimes, une bouteille de Pauillac et une de Saint-Estèphe, ça m’a ému, je buvais de très bons vins rouge, moi aussi, avant, quand gratuitement, les Margot et les Julien, me tombaient dans le gosier. Dans cet appartement, finesse fin sans sagesse -- c'est à dire flagornerie, M., la compagne de G., est aussi galleriste, en design, elle, et les oeuvres peuples (peuplent) aussi l’appartement. Au mur du salon était accrochée une masse grise, épaisse, imposante. Elle semblait minérale, charbon laissé trop longtemps à l’air libre, avec ses cratères, le vent use, la poussière déposée. Elle semblait solidifiée par les éléments imaginaires.
J’aime, en art, le volume ce qui dépasse du support comme si, ce faisant, l’oeuvre trouait la réalité, le monde ordinaire, cassait une insupportable et scandaleuse séparation dans le monde. Le volume, je le vis, je le vois, comme un espoir, une porte de porte sortie, un trou où se glisser dans le rigide et l’organisé, du réel -- l'art désorganise. Et qu’importe que cette porte soit un trompe-l’oeil, qui meurt de soif dans le désert vous dira toujours que le mirage aperçu, l’a désaltéré aussi. Le mena à l'oasis.


Hier, nous avons beaucoup ri, comme toujours je me suis montré très spirituel, un bon causeur, bon buveur, je suis fait pour ces moments suspendus, sans profondeur, un demi-mondain, je suis charmant. Si le projet de galerie aboutit avec J. et F., ces qualités serviront, J. y excelle plus encore que moi mais J., aussi, me rend génial, quelque chose de sa compagnie, m’entraîne, m’engendre, me pique. Elle m’élève, cette élévation est mondaine, elle sert des instants, ne nourrirait pas une oeuvre, elle permet la vie. L’accomplissement, peut-être, de moi, moins artiste que je n’imagine, mais faisant artiste.

 

J. m’amuse, la conversation est fluide, tout le monde à table est très de gauche. J. porte des Prada et fréquente de très beaux hôtels avec des hommes fortunés qu’elle néglige. Son amant du moment devait la récupérer à minuit, arrivé en avance il l’appelle pour lui signaler sa présence, elle refuse de l’inviter devant l’embarras général, elle ne m’embarrasse guère, ce faisant, j’y suis habitué, ça fait partie d’elle et si demain nous devons travailler ensemble, ce appartiendra à ce qu’elle est, avec quoi nous devrons composer. L’amant attend jusqu’à minuit trente, dans sa petite voiture décevante, responsable de je ne sais trop quelle banque d’affaires, je l’imaginais rouler dans autre chose qu’une Fiat qui pour rutilante fait pitié. Il doit dire « c’est une citadine » parce que, sûrement, oui c’est plus pratique, je dédaigne ce manque d’élégance, la praticité m’embête, elle porte du vide. Je préfère, encore, l’inconfort à « ça ».

 

Comme je suis fatigué, comme je me lève et me réveille, depuis des années maintenant, dépourvu tant de force, ne m’agite, comme depuis toujours, que le plaisir et celui-ci dur à trouver, dur à garder, il est comme une ressource fossile, maître de mes forces, j’en disposais en abondance, jusqu’au gâchis, jusqu’à l’éconduire, parfois, d’un geste las, princier, celui que je garde encore au fond de moi, une grâce-réflexe. Mais le plaisir se raréfie, la terre qui le garde devient roche, devient dure, coûteuse et la force manque en même temps pour la récolte. Les mains s’usent et le plaisir plus coûteux brûle moins longtemps. Econome du pétrole de la lampe ancienne.


Je me réveille fatigué, tous les jours cette fatigue, une lassitude, un ennui fin de siècle. Moi, contrairement au chant d’Aragon, ni fait pour être libre ni fait pour être heureux, je suis fait pour le plaisir, la grande joie acide qui danse sous l’orage. A vivre sous la blessure, je deviens la plaie purulente, je m’écoule ainsi pâle, défait et putréfié. (j'avais écrit cette phrase, que je ne retire pas, je l'italique, fossile, rendant plus visible encore, comme une croûte sur le genou grâtée, laisse plus visible son souvenir par la cicatrice créée)



Je préfère, souvent, ne rien faire, pour éviter d’attendre. Si quelque chose survient, un événement, il doit pénétrer brusquement dans ma vie, la secouer sans que je ne m'y mêle en volonté.

De quoi je me plains ? Ne suis-je pas en plein événement ? Disons que, je ne sais, il me donne à écrire, me force à survivre, je voulais l’événement, voilà l’apocalypse contre quoi geint-il le poète ? pouvait-il se rêver plus modeste destinée ? Je ne me croyais pas digne du millénarisme, ma corde est riche, l’orfèvre la couvre d’émeraudes, tout un artisanat de la torture s’y réunit.

Oh, comme je vous hais.

Si j'avais plus de poésie en moi, je prendrais les journaux d'écrivains et d'intellectuelles d'un siècle en arrière pile, et je vivrais leurs journées à l'identique, je me poserais dans les cafés même où ils s'étalaient même si aujourd'hui ces cafés sont devenus des postes de police, quoi de plus normal qu’en ces lieux de création, comme le Sacré Coeur, soient déposés aujourd’hui, les signes de leur répression.

A nouveau, je ne veux plus vivre. 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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