Le pigment du soir.
Tout me revient. Tout redevient, tout reprend. A pas de loups tu
glisses. Et si on avait des grands coeurs, des sauvages sur un toit.
N'oublie pas mon Papa est mort, et je ne le dis à personne. Je ne dis pas, j'ai des manies d'orphelin depuis 2007. Je dis avec la voix sérieuse, faussement inquiète, "Mon père est un peu malade, oui ça va mieux". Papa est mort, il est si longtemps déjà, Papa, je me souviens mal ton assurance, tes yeux verts, tu n'avais pas de cheveux, tu avais un front. Quand on me dit "comment sont tes parents, pour que tu sois ainsi" je me retiens de dire "ils sont vivants". Alors je dis, ils sont comme les autres parents, et mon père est comme tous les autres morts. Jamais je ne visite sa tombe, jamais je n'entre dans le cimetière, jamais je ne fais grincer le grillage de mon coeur comme font les larmes qui brûlent les yeux. Papa est mort, je me souviens, il avait la peau violette, et je n'ai rien dit. J'ai continué à porter sur mes lèvres un sourire. Je suis amoureux.
L'optimisme de ton bonheur, quand tu dis "je suis heureuse".
C'est une visite guidée, dans la passion. Je te visite de ces quelques mots de joie. La famille qui repose sur les
yeux. Ton foulard plié au col je t'aime trop fort, je t'aime si fort à
m'en déchirer les yeux, tu sais. Tiens moi la main, le corps, les
jambes, marche, ouvre et brûle, et toi, offre-moi une petite robe de
fête. Mon amour, reviens moi entière que je te raconte des bouts de
main qui font les robes et les inquiétudes. Aujourd'hui, je serai trés heureux de parler
de toi. De te dire "comme tu t'emportes, tu t'emportes c'est si beau",
tu répondras "oui mais la colére c'est moi". Comme la chanson. Comme
mes yeux qui se taisent. Comme mes lèvres qui se ferment au goût de
sommeil. Y aura toujours un peu de malheur et y aura toujours les
autres qui ne savent pas. Qui ne connaissent pas. Mais il faut rester,
même quand le coeur se plie, même quand les souvenirs brisent le poignet, au-dessus des exposés. Tu sais, amour, mon crâne c'est comme ce coin
d'incendie, où il ne faut rentrer. La dernière des guerres, je l'ai faite, parfois, une bombe enterrée dans nos plages normandes qui
explosent. Relevons nous. Je veux ta poitrine à embrasser même si tu
peux le dire j'allume la lumière toujours trop tard. Pour éclairer ta
peau blanche qui assomme les vagues rouges, les jours qui fondent, et
tes oreilles qui annulent mes mots. Toujours, la tristesse de mes
mouvements inconscients. Il y'aura toujours la durée de l'instant qui
s'écoule et nous échappe. Les sommeils qui remuent la nuit. On pourrait
le faire ici si tu accrochais tes rubans aux barreaux, si je creusais mes yeux brûlés de cendre, si le bois qui soutient la poutre tombait
dans un bruit de zeppelin explosé. Dans le contre-jour, il faut
regarder la lune, dans les larmes il faut voir le reflet de l'enfance,
de nos genoux qui font un bruit de maracasse, viens, mon amour on
pourrait taper du pied en rythme sur "I love Paris", pleurer sur les
grands écarts des oiseaux Tu te souviens de ce massacre à pieds-nus
dans la pénombre, c'est dans mes bras qu'on peut pleurer sur les astres
perdus. Ici, avec moi, nous pourrions voir ce soir qui glousse avec le
printemps des giboulés, avec les mers sans fins, avec nous. Tu ne
verras de soir qui glousse, ou de mer sans fins, que dans mes yeux de
poussière. Ne ferme pas les portes, ne les ferme pas, j'ai les doigts
sur les gonds. Tu es en vacances, et mes cauchemars te suivent. Ferme, vas-y que je te montre mes doigts de ceps. Mon
coeur bat des couleurs, et je supprime la musique nocturne, parce que
tu as su tuer mes voix, tu les as éteintes de tes mots, de tes mains
qui ne touchent pas, qui frôlent. Même, si les cris gonflent, tu me guéris. Donne tes yeux,
d'aubes, tes cheveux de braises, tes yeux de cris, on se retrouvrera quand les chandeliers
mettront le feu aux rideaux, parce qu'il y a le soupir de cette vie sur
une scène inconnue, sur une Seine disparue. Le corps rouge, de désir,
je le dis, désir sur le corps, et j'ai le plaisir dans mes nuits de veine, quand je murmure le corps de Charlotte. Ce champ d'organe et la voix libératrice. Je me place devant
toi pour t'épargner mon visage, cette bulle d'images graves, coeur qui
palpite sur le bord d'un éventail sans années, que j'agite pour
souffler l'air de tes reflets, parce que mes yeux suent de notre vie.
Tu te souviens, de ce jour fendu, tu te souviens mes santiags, tu
te souviens des veines dans la rue froide où les heures m'ont presque
eu ? D'un jean qui se déchire, qui traine sa corde usée sur des pavés
humides, sur des cigarettes qui brûlent. Ce n'est pas vrai, ce n'est
pas vrai. On se cache derrière les mots, ce n'est pas vrai, ce n'est
pas vrai, mon stylo est un poignard de dimensions. Personne n'ose. Tu
te souviens comme tu danses en marchant ? En contre-nuit. On me cache.
Dans tes yeux qui se baissent "Qu'est ce que t'as vu ?". Je cache mon nez avec mes mains arlequins. L'écriture me fait si mal Je suis
l'écriture cernée. J'ai le vertige de la terre, le vertige de toi..
C'est vrai, c'est fou Je suis à toi, en toi, tu ne me sens pas. J'ai
le baiser qui se renverse. Il t'atteint. J'écris pour toi. J'écris et
je te dis que je ne supporte pas les rires des rues qui éclaboussent de
gras, de solitude, de vide. Alors je passe ma langue sur tes lèvres
imaginées dans le corps d'une autre pour nettoyer ce qu'il reste de cire. Je te parle d'une
attirance. D'un magnétisme. Tu es ma course, tu es ma vitesse, les
muscles, le sang qui monte aux cuisses. Dans cet essouflement, mes
jambes tétanisées. Tu es mon immobilisme agitée Là. Nous sommes
ensemble, dans la même allure. Dans le même rendez-vous, de l'écriture.
A toute volée, je te veux. C'est notre course éperdue sur les racines
pour apprendre à disparaitre des autres. Je reconnais ce souffle, ce
souffle qui obsède. Je te soupçonne d'être moi même. Ne te demande pas
si je t'aime, ne me le dis pas. Je veux tes ongles dans mon dos que ça
dépasse la nuit. Là. Maintenant. La répétition d'un geste interdit. Je
devrais m'énerver, et brûler, du silence répandu. Un soir, appelle moi, quand tu auras dans le sang, assez d'alcool pour oublier, la politesse.