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10 février 2011

Aux assassinées

        Je veux être un suicidé du prestige et de l’honneur, que ma gloire tombe en poussières, incapable de survivre en dehors du corps parasité. Cette tique nourrie des sangs, des chairs, qui grattent l'orgueil sous l'âme. Je veux la gloire, colée à mon buste de gravats, de salive et de foutre, et marcher, marcher et la voir me suivre languide amoureuse, ruisselante et neuve. Je veux voir sa peau blanche et lisse comme la cruauté du bel enfant.  Je veux la gloire et lui serrer sa taille en coton parfumé, lui bander les yeux des parfums féminins noués à ma peau comme des lèvres d'amantes. Elle me prendra la main, et mes doigts déformés de poésie iront dans ses mains gardées des offenses du monde par des gants blancs, pâles. La gloire me dira « où va-t-on » je dirai « vers des pays libres et froids où grelottent la douleur et le silence». Elle croira les montagnes escarpées de Russie, leurs chemins tendus, les falaises aux parois creusés de musique et d'hiver, l’ourlet des collines de neige que suppose l’Oural curieux, elle imaginera la neige recourbée des pas du souvenir, les sabots des cosaques qui dans le ciel font monter la marche des abandonnés et des défaits.         J’attends la gloire non pour qu’elle sertisse mon front de ses brillants venimieux et que mes yeux bleuissent d’orgueil beau. J’attends la gloire pour l’entraîner avec moi dans la mort. Arriver devant les portes de la tombe, je lui dirai « passe devant, gloire, il te faut ouvrir le chemin, couper la corde aux frontières ». Naïve comme la femme séduite, ses yeux voilés de gaze embaumée, elle avancera…Oui, ce pays libre et froid se tient très loin d’ici, de l’autre côté du langage, à la froide extrémité des états -physiologiques. Je lui dirai viens, suis ma voix qui tremble et qui hésite, viens au bord du vertige sentir toutes les maladies montantes comme de la lave. Ma vie je la guide dans le libelle, je l’éduque dans l’offense, je la tords le long du tuteur en bois vénéneux et nerveux qu’elle prenne la forme parfaite des forêts maussades où le poison et la puanteur flottent en un ballet infernal et indistinct, où les mères assombrissent de leurs bouches de cendres grises les fronts saints d’enfants ceints de religion. La gloire, je l’emmène sur les terres pourrissantes de la dechéance, où tombent en morceaux ses mains de plâtres peintes en ciel, où ses seins terrassés par la faim, amaigris par l'amour donneront la nausée aux fébriles de l’ambition, qui s’ils voyaient la gloire -que je délierais- surgir aux carreaux de leurs labeurs, la chasseraient d’un cri inquiet, horrifié, l’ambition menacée de l’odeur mélangée du mal et du baptême des rites occultes. Je ferai de ma tombe un étroit appartement où mes chairs pourrissantes se mêleront si bien avec la gloire conquise, que l’on nous confondra, que les temples à sa gloire prendront un peu de mon visage immonde, de ma tête hirsute, coiffée de nuits et de la chevelure cruelle –et bouclée- du poète. J’habiterai plumes, notes, broderies, je serai dans la phrase, le sordide, et la gloire, morte, décomposée en moi, pleurera trois cris de soufre, couleur crépuscule, avant que de disperser tout à fait ce qu’il lui reste de son murmure angoissé. Au frontispice mon visage menaçant, défait, usé, mon visage abandonné de sommeil, creusé partout de sa laideur primitive.
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9 février 2011

Toi.

Le silence je l'aime, il parfume, c'est le chant monotone de ta belle voix qui tonne, et qui module le sens, c'est là que se forme mes mains, celles deux qui promettent des cris à tes reins et menacent tes creux, failles puissantes, de l'extase. Parce que tu n'aimes pas, tu as peur, seulement, peur des voix en toi, celles dans ton ventre qui gémissent, qui grincent, qui se remuent, des voix qui ont des dents qui font vibrer les hommes, et trahir les filles, peur de ces voix qui te jettent dans la nuit avec à peine de chaleur pour tenir dans le jour. Je sais tes yeux où se sont faufilés des mystères couleur d'écume, au goût amer de la dispute. Je sais la solitude blême qui habille ton regard, la nuit à l'heure du sommeil et des couvre-feu moribonds. Je sais tes molles passions, je sais ton cou incliné de fatigue qui se tend vers je ne sais quoi de futur, vers je ne sais quel ordre. Toute l'organisation sociale, ton corps étroit est la société, plein de cases, de mythes, plein de peurs aussi et de renfoncements.
Je sais la tristesse qui enveloppe ton coeur comme le désespoir les yeux du poète et tes mains fines et précieuses qui font jouir les amours et pleurer les fillettes. Je sais par coeur tes courbes de Rhin, taillées en arc, pour abriter les creux,lesabsences et les bleus,les jalousies que ton pas trop noble fait mirer dans les yeux conquis, et je sais surtout, surtout que tu n'aimes pas, que tu te rassures seulement derrière des épaules calmes et larges comme le ciel aplati d'un compagnon. Le couple, ce sordide atermoiement de l'amour. Pour tes souvenirs qui se perdent dans le matin qui fait ta nuque, je saurai faire mon corps unique, rassemblé en un désir, une impatience que l'on nomme du terme vulgaire de fidélité, je mettrais dans le ruisseau mes genoux pauvres, mes mains de guenilles, à la révolte je mettrais un bâillon déchiré dans la couverture de mes romans, aux yeux je frotterai l'ombre pour qu'un peu d'aurore la traverse, et éclaire la nappe de nos dîners. Ah les yeux bleus, ce poison de mes sensibilités. J'aimerais arracher de moi un peu de cette défaite qui me fait le parfum délicat, obstiné, rassurant, qui plait tant à mes vieilles comme si léchant ma sueur elles s'imprégnaient d'encre et de littérature. N'est-ce pas que l'on ne peut pas tenir toute son existence à vivre dans l'intensité, mon corps cette forge sans repos où remue le métal brûlant.
Je t'y attends, c'est de l'autre côté du mensonge que je me tiens, dans le fracas et la danse des astres vierges.
De mes lèvres secrètes comme des parchemins
Je t'embrasse dans la nuit qui me délaisse.

9 février 2011

Je suis une hyène - Henry Miller Tropiques du Cancer

Demain, il pourrait y avoir une révolution,une peste,un tremblement de terre ; demain, il pourrait ne pas rester une seule âme vers qui tourner sa foi à la recherche de sympathie ou de secours. Il me semble que la grande calamité est déjà manifestée,e que je ne peux pas être plus véritablement seul que je ne suis en ce moment. Résolu à ne plus tenir à rien, désormais, de n'attendre plus rien, de vivre comme un animal,comme une bête de proie, comme un pirate,comme un pillard. Même si la guerre était déclarée, et si mon destin était d'y aller, j'empoignerais la baïonnette et je la plongerais, je la plongerais jusqu'à l'âme gardée, vociférante. Et si le viol était à l'ordre du jour, eh bien, je m'en abstiendrai, ce serait mon jeûn moi qui ne mange pas. Dans l'aube tranquille du jour neuf, la terre n'est elle pas toute vacillante de crime et de détresse ? est ce qu'un seul élément de la nature de l'homme a été changé, changé de façon fondamentale, vitale, par le cours incessant de l'Histoire , l'homme a été trahi par ce qu'il appelle la meilleure partie de sa nature, et c'est tout ! Aux limites extrêmes de son être spirituel, l'homme se retrouve nu comme un sauvage. Quand il trouve dieu, pour ainsi dire, il a été nettoyé ; il n'est plus qu'un squelette, plus qu'un fantasme. Il faut de nouveau creuser dans la vie afin de refaire de la chair autour d'une intention. Le verbe doit devenir chair , l'âme a soif de salut. Je veux bondir sur toute miette à laquelle mon oeil s'attaque et la dévorer.. Si vivre est la chose suprême, alors je veux vivre vivre, dussé-je devenir cannibale. Jusqu'ici j'ai mis en péril ma préciseuse carcasse pour mes amours, je me suis brûlé les membres dans ces flammes aux yeux bleus, qui m'ont fait des ravages jusqu'aux poignets, de celles-là dont les baisers malsains viennent encore rembrunir mon sommeil. J'ai essayé de préserver le peu de chair qui recouvrait mes os. Ah s'ils savaient tous ceux là, toutes celles là qui m'embrassent, qui me payent pour mon étreinte, qui m'offrent le gîte, quelques fringues pour une lettre écrite avec la rage et les pleurs de ce que mon enfance crevait de faim, ce que c'est que l'habitude d'un gamin au ventre vide qui par fierté, par orgueil n'en laissait rien voir, qui se tient bien droit dans l'appartement exigu qui courbe tout, ah s'ils s'en doutaient n'est ce pas des misères que les miennes, de l'enfance répétant les poèmes pour éviter la crevasse de l'appétit jusqu'à tout à fait la nier et le désintérêt de toutes les choses de l'avoir, du détenir, de la possession, s'ils savaient ce qu'il est inutile lorsque l'on sait lire d'avoir longtemps à manger, il suffit de se tenir droit et de n'en laisser rien voir. J'ai faim depuis que j'ai six ans, et cette faim est une alliée, cette pauvreté un rire qui effraie tous les autres, qui m'a effrayé moi aussi, on m'a tant répété que dehors, dehors, sans études, sans diplômes l'on meurt. Mais on oubliait de me dire que l'on crevait de vivre tandis que dans ces cloaques, ces salles empestées, entouré que je suis de mes indifférences de camarades répétant les mêmes mots usés au milieu de mes souvenirs troués, bariolés, ici l'on crève d'ennui. Je n'imagine pas un baiser de leurs bouches, de leurs langues, je m'en voudrais de les sentir se décomposer dans mes matières, de savoir ce que c'est que leurs silences, que le tamis de l'argent, ce péché originel sans baptême, cette souillure à l'âme qui s'étend, qui s'attache. Ma misère, ma faim sont un peu de moi, ils tressent ma mémoire et voilà la vacance que la mienne, mes silences à midi et mes reves de plus tard, vivre, au bord des désespoirs, dans les bras d'un amour aux yeux bleus comme j'en vois un que j'aime dans le rouage muet des rimes que je voile, qui n'en lira rien. L'impossibilité, quelle falaise abrupte, délicieuse, aux pentes de sucre, quel paysage fantastique, recouvert d'une mousse blême comme la cendre d'un cigare, une jungle pleine de menaces, et je laisse trainer mes acrostiches comme des sentences, et des dangers. J'en crèverai qu'elle l'apprenne. Bien sûr j'aime, mais de loin, j'aime comme l'on maudit, j'aime sans en rien voir paraître et je m'amuse de mes amours de misère quand je vais massacrer le flanc de Marie sainte au prénom ; putain à la morale. Je ris d'hurler les syllabes de cette belle que je frôle toujours et qui ne sait rien de l'agonie de mes yeux ni de l'horreur malsaine de mes nuits encombrées de vices et de terreurs. Elle dans ses sommeils doux ignore tout sûrement du puits profond que peut-être la nuit. Cent huit pouces de plis à aplanir, d'eau noire à boire. Et je vous jure, je ris, moi de cet amour que je trace avec les doigts pris dans le talc du soir et qui colle au prénom que j'embrasse comme la litanie que l'on fait au diable.
J'ai atteint les limites de l'endurance.Je suis acculé au mur, je m'y appuie- je ne peux pas battre en retraite. Historiquement je suis mort. S'il y a quelque chose au delà, ce sont tes yeux, mais je n'en veux pas, j'aime trop l'ardeur, trop la fougue, trop le désastre de mes mains et les nuits invariables, infondées, les nuits sournoises, indépendantes qui poussent sur le talus de mes cuisses. Dans tes yeux j'ai vu Dieu, vraiment, premier émoi quelque part dans janvier.  Mais il est insuffisant, dieu. Je ne suis mort que physiquement. Spirituellement, je suis vivant. Eloïse vous dira combien mon fantôme baise bien, et comme ma pensée seule lui procure mieux d'extase que l'entière réalité de ses amants coutumiers.  Moralement je suis libre. L'aube se lève sur un monde neuf. le monde que j'ai quitté -le vôtre- est un zoo. Je me couche dans une jungle dans laquelle errent des esprits maigres aux griffes acérées. Si je suis une hyène j'en suis une maigre et affamée ; je pars en chasse dans vos pensées pour engraisser l'enfant affamé que je suis demeuré.

La vie m'amuse trop pour que je la laisse tomber.

8 février 2011

Saint-Augustin

 

Deux lèvres ont fait deux destins aux rides voisines. Et quand l'une faisait le silence l'autre inventait le murmure. De l'union des deux au lieu de la parole, se formait le baiser. Ce baiser parcouru du frisson qui se tient dans le chuchotis, ce baiser plein de l'ombre présente au silence. Ce baiser qui détache des lèvres les squames de la torpeur, ce baiser aux rigoles de larmes enfièvre le front.

Deux lèvres ont fait deux pays aux tombes bienheureuses et quand l'une faisait le chant l'autre jouait la musique. Dans les bois de la jungle se levait l'hymne et la révolte. Dans des arbres creux coulaient tes yeux de rivière et des cordes des forêts montait cette mélodie.

Deux lèvres ont fait deux matières, de l'une de brume et de l'autre de gypse pour faire du corps humain, le paysage des émois. Tes deux lèvres me sont l'étang au contour d'estampe où se désaltèrent mes envies ; où penchent dessus le vide des cils de sapins.

Deux lèvres ont fait deux rails tendus vers l'orient de ton cou.

5 février 2011

Frissonne le remords

Je ne sais vraiment qu’une rime, qui débute au baiser
Frémit de silence, et joue sur deux lèvres accordées
Tes dents, ce cri, qui mordent dans la nuit
Et jouent cette sonate,

Tous les monstres, les bêtes, les mythologies, je veux bien céder ma nuit, je veux bien dessecher le plaisir si tu m’offres un peu de ta prière. Je veux y boire, dans ces grands cris.
Littérature de la première personne, insupportable.


Et la lumière ridée joue des castagnettes
Contre mon corps endolori, coule comme une rumeur
Et gonfle sous ma paupière à la façon d’une source
Lointaine.


Ce pays lointain, te souvient-il sa gloire, et ses hommes qui couronnaient des femmes
Rue Kahina, souviens-nous, s’il te plaît ton prénom, ta cour de musique et ton drap de pierre.
Souviens toi peuple de la soumission que l’on fit à tes membres, et la laideur à laquelle l’on forçat tes femmes. Peuple, vois sous la soie, sous la pudeur de tissus les beaux cheveux d’une mère qui roulent et frissonnent dans le bruit de la mer qui avance et odore le paysage. Regarde le cou de ta voisine, tachée de blonds, de noirs, c’est la nuit qui s’y défait lente et immuable, la marque de dents que laisse la marée sur le sable frémissant de nos grèves. Je rentre tard toujours, pour l'écrire, raconter à ces pages l'outrage petit que je laissais aux flancs d'une brune aux yeux bleus. Je sors visiter ma voisine à minuit et je pars à deux heures, dans le fredonnement de l'eau qui ruisselle de sa douche où je ne la rejoins pas. Au revoir mignonne, je suis amoureux de l'étrangère mais il faut bien que la nuit se passe et se partage. Deux moments comme deux ventricules au crépuscule qui palpitent et se fendent. Salomon divise mon soir en deux parties. Yeux bleux ; encre noire.

Sommeil tu ne venais pas. Je t’attendais, je veillais. Je tenais, et il n’y avait que la nuit, la nuit dans mes nœuds, dans mes colères, la nuit engluée dans mes boucles, la nuit infernale, et je l’ai su par cœur de t’attendre sommeil qui ne venait pas apaiser mes effrois. J'aime les yeux bleus et la lueur incertaine, tremblotante, poignante pour ma panique. J'ai peur de la nuit invariable, de la nuit obstinée, butée sur mon corps, arquée sous ma nuque. Quel rire, qu'écrire dans les draps à demi-inconnus, sur cette intimité déflorée d'ennui.

Je lis Rilke. Un autre insoumis du sommeil. Un de mes frères agonisé.

 

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4 février 2011

Artémis

Inspire moi les choses belles et cruelles qui pendent comme des lumières d'Opéra au bout des doigts salis des innocents. Raconte moi comme les mots vont te chercher au fond de toi avec leurs mains crochues, quand ils lèvent sur tes lèvres bosselées, des draps semblables à des drames. Inspire moi ce qui craque dans la peau quand les larmes retenues forment sous le visage un masque et un territoire où personne ne sait plus rien du visage que son immense barbarie. Raconte moi, dis moi que tes yeux ce sont deux gouttes de rosée que l'hiver a surprises en haut de tes cils et te les as offerts comme deux perles myopes d'où voir pour demain les offensés du monde. Inspire moi les mots qui débordent du crime que l'on soudoie avec des gestes pirates, et les manivelles qui se tournent avec ferveur comme des prières de charlatan et des superstitions. Raconte moi encore pourquoi tes yeux ne battent qu'avec lenteur, ce qui recouvre ton coeur plus que la peau, plus que la flanelle et le velours de tes paupières de Versailles, dis moi le souvenir qui y mordille tes sens et te fige le sang en un liquide transparent et silencieux. inspire moi, sois Lo s'il faut ou Lou si c'est trop court, mais soit celle contre ma langue là où le vocabulaire pousse comme dans un champ humide, sois la terre fertile mais jalouse qui réclame des semences de douleur pour jeter dans les cimes les écorces brunes et douloureuses de l'écrire. Sois la belle puissance qui tonne de mots comme la peau du tambour, sois avec tes yeux la nuée où s'abrite la sauvagerie des orages vibrant de peur dans les courbes rondes comme des joues du très haut tressaillis. Donne moi tes yeux que j'en fasse des mots.Toi oui, dont je sais le froissement et les mains qui dansent, et qui jouent de ces instruments d'Afrique, je t'imagine le corps facile des danseuses.

C'est que je ne suis pas un être définitif, c'est que je ne suis pas un être des stabilités et des subtilités ; des mesures, des contentements et des ruses, c'est que l'on ne bâtit rien sur moi. Ma vie dure le temps d'un fruit sucré. Je suis une parcelle infime de l'été. Je suis ce refus systématique des suggestions, cette colère perpétuelle qui s'est mise un voile islamique à la crinière cruelle.
Que je me fiche du bonheur, que je me fiche de la joie, je veux la chaleur dedans, passer tes mains sur moi et que tu sentes dedans les saisons réunies, ce mélange des quatre moments du temps qui ont fait de moi des mains de givre, et des yeux jaunes comme un foie malade ; et les mots dessechés d'été et la plaine découverte de printemps. J'ai tiré la terre aux morts, pour faire pousser des mots, et les voir luire. Ton manteau, ton hermine, voilà de quoi je les taille : de la mémoire et de l'Histoire. Dix mille ans se tiennent sur tes épaules de songe, mon infortunée, mon ignorée. Tu me rends le goût, et les sens. Mais je n'ai pas guéri de la nuit.

Ma voix d'affecté, quand je me penche au dessus-du silence, et que je fais remuer ton prénom comme une braise qui va lancer sa couleur. Tu ne le sais pas, comment pourrais-tu. J'ai mille amantes irriguées de ma solitude. Je joue des nerfs comme du violon, chatouille les cordelettes, le musicien sait faire hurler toutes les bouches, de l'écarquillée du violon à la charnue des fillettes.

Je veux que l'on dise de mes baisers qu'ils sont l'enfer, l'enfer en plus froid. C'est qu'il existe bien ce pays aux falaises abolies, aux tours monstrueuses jetant dans le noir, dans les sinuosités de l'ombre, dans ces rigoles de hasard quelque chose impossible. Comme aimer. J'ai fait tout un poème, qui est une ode, qui brûle bien entre mes doigts. Voilà ma lumière la nuit, pour supporter l'affront de son sépulcre. Voilà mon alcool pour oublier l'outrage de la femme-sommeil qui toujours se dérobe au désir abandonné ô sommeil J'ai conquis tes soeurs, bien sûr. Litanie de prénoms. Je vous oublierai.

Cette nuit, j'avais jusque deux heures, enroulé sur la bouche l'odeur mesquine de Francesca, qui avait les mêmes yeux clairs que toi, cette nuit j'avais son humeur vacillante contre mes doigts indifférents. Je l'ai déjà dit cent fois, je n'ai de virilité que mon écriture. D'ambition que mon cri.

J'aimerais te mettre aux oreilles, plus tard, de lourdes boucles en argent qui tintent comme des cloches d'Eglise pour te faire tout à fait céleste, pour qu'avec tes yeux très parfaits, très prisés, tu sois et tintement et lumière comme une messe.

3 février 2011

Aux nuits impossibles.

Il y avait longtemps que ce cœur noueux, aux artères noircies de fureurs, n’avait pas frémi d’un souvenir humain. Qu’un visage tout centré dans le réel, sans les trucages de l’alcool, sans les audaces incertaines d’un corps tendu de vilenie, n’avait pas ému ma fatigue, n’avait pas débordé ma torpeur. Si longtemps qu’il me souvient mal mes conjugaisons, le temps y a creusé des morsures clapotantes comme la pluie au pavé des visages.
 
Si longtemps que mes lèvres ne fredonnaient plus que des habitudes, jusqu’à, jusqu’à ce que toute l’infernale machinerie, émue, se dissimule et tapisse ses rires dans les rimes qui se marient à la nuit qui les fait naître. Yeux bleus, j'aime les rivières qui chantent dans vos iris. J'aime d'avoir le corps promis à une destination de l'écho de félicité. De vous chasser vous, souillures, vous étrangères, inconnues, demie-femmes, fioles et folles. J'ai un amour qui ne le sait pas, qui ne le devine pas, et qu'il est bon le sang qui chauffe avec entrain dans l'artère, et son concert qui remue. J'ai un amour de loin, que je frôle avec la voix. Toi.
 
Je suis de ces maisons indolentes, qui flottent sous les arches que sont les tropiques, qui ceinturent à trois moments du monde les routes d’aubes. Qui découpent l’eau en part scélérates pour former océan et mers.
 
J’ai passé du temps à dériver d’esquifs en esquifs répondant selon des reins féminins, les bateaux d’aventuriers remuent toujours de l’œil bleu et souverain d’une belle. Deux mains dans l’écume ont creusé l’Amérique, Collomb et son corps de matière et son odeur de musc ; Santa Maria pleine d’échardes à l’haleine ivre de rhum. L’aventure prolonge le corps des hommes et débute à l’ombre des femmes. Je dérive dans le rein fragile, sur la côte taillée en presqu’île de mes amantes. L’amour est chose unique et réunit tous les délires, toutes les ambitions, ce frémissement que c’est qu’être en une passion, en une violence. C'est aimer qui barre le souvenir du reste, et éboule sur la mémoire le miracle du présent.
 
Qui me nourrit, qui m’inspire, qui réveille la faim en moi, qui donne à la soif l’envie de puiser dans les mirages l’eau soudaine et vive, n’est ce pas la rupture entre les fictions ; la fusion dans mes nerfs des  yeux pâles et de ma colère chaste? N’est-ce pas de savoir défaire avec les doigts qu’il y a dans la voix les ronces de mes cheveux où les images dansent comme des pendus ? Qui lève en moi la douceur insoumise et chasse l'indifférente d'un baiser brisé ? Je ne peux plus toucher d'humaine matière, un temps, le temps que tout mon être convergeant d'une audace n'aura pas apaisé son cri d'aimer. Le parler sentencieux au prieuré. C'est que je t'aime toi, dans tes voiles pudiques.
 
J’ai aimé les yeux clairs de croire toujours que ceux-là m’attendent de l’autre côté de mes nuits insoutenables, où dans mon corps le crépuscule se purge et le jour se tarit. Je les ai souvent rêvés les yeux bleus et gris tendus dans la nuée, avec toute la promesse du sursis et le sommeil ne venait pas. Je ne remuais pas, et j’attendais qu’il roule dans ses doigts indifférents toutes mes usures, que sa bouche panse mes nerfs vifs, aigus comme des psaumes. Je ne peux devenir que depuis la lumière qui gronde, tumultueuse, dans le roulis capricieux du jour qui taille dans la nuit les meurtrières de l’aube. N’est-ce pas ces chemins emplis de mystères, dans le creux d’une forêt, que moi ? Où les mythes mordent la terre et la foule. N’est-ce pas moi, que le silence la nuit, d’entendre le clairon des villes un à un tituber dans l’ombre jusqu'au néant? J’ai vu le visage humain du jour se lever du tombeau du soir, vu ses guenilles et ses épines. J’ai vu le visage du jour qui ne me ressemble pas disperser les restes de la nuit dans des vêtements chinois de deuil. J'attendais que le silence en finisse de moi, qu'il achève de railler mes fragiles scansions, que son rythme de soldat taise, taise, taise le sommeil ennemi. Celui-là qui me fuit, qui se trouve un complice pour le masquer. J'ai toqué à des portes, cherché dans les sexes des filles un peu de la part du sommeil qui me revenait. J'ai trouvé l'ennui dans les bras des amantes déguisées en feu. Je crois l'avoir cédé, le sommeil, confondu avec de l'âme. Je l'ai cédé une nuit de mars, il est longtemps, j'ai oublié. Oublié sa forme, oublié sa voix, oublié ses hymnes. Je ne sais pas. Je retourne le nulle part.
 
Que ce corps fragmenté en dix corps et sept prénoms que sont les amantes se trouvent une retraite. Qui sont des remèdes à la nuit ronde, amère, que j’avale comme un cachet d'aspirine. N’en faut-il pas des anesthésies pour bander le délice d’être ? N’en faut il pas des entraves au cri, en attendant d’aimer il fallait déjà brûler. Ne m'en voulez pas. Les yeux noircis comme des craies.

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