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26 juillet 2011

L'adieu - 17 juillet 2011

Je ne sais si tu lis encore, et si tes yeux de mésange assombrie s’ouvrent encore assez pour en faire passer les miettes de chant. Si entre ses ailes la poésie enroue toujours sa silhouette. Je ne sais plus ton visage, odeur que je perds. Mais je sais les mots qui prennent la forme de toi. Cette argile humide où tu peux imprimer toutes les forces inusées de tes yeux d'amande, où la couleur mendiante des pumas mexicains est tombée dans ton cou pour te faire une écharpe de cheveux. Je peux réciter les caractères sacrés de cette messe que je ne t'ai pas célébrée, ces manuels calcinés, reliés par du fil à coudre. Je mâche ton souvenir, goût d'écorce amère.   Il y a ces existences dont on sait mal ce qui un jour les fit assez proches pour que le souffle devint une même masse, ces existences qui n’ont de commun ni le sexe, ni la voix, ni le théâtre et qui une pourtant, à l’aitre d’une fuite, se mirèrent dans la même nuit, grelottèrent du même froid. Sous les pas de la montagne, le poumon de la ville crevait de songe. Le fleuve coulait dans le chant des oiseaux endormis. Nous étions seuls, et la ville baissait la tête dans le silence, les puits de sommeil creusaient nos yeux. Mes cernes faisaient un peu du jour qu'imitent les viennoiseries du demain.   Ces vies je les aime trop voir disparaître et les espoirs se fâner, pour en prendre dans moi le soin utile. Il y a un cloître plein d'odeurs fascinantes et que mon désordre agace en un pré d'herbes folles, de fleurs mauves et cruelles. Il y a des arbres dont les racines plongent jusqu'en enfer pour boire l'eau des fleuves d'oubli, c'est de ce malheur que je veux faire un jardin, ce sont ces parfums qu'à ma boutonnière j'attache dans un nœud compliqué. J'ai des médailles de cette féerie, des lustres, des brillants et un peu du bleu de toi, que je pille quand tu tournes la tête, si tu y laisses une trace dans ta nuque.   Nous eûmes et toi et moi, une nuit (quelle nuit ?) la même stupeur qui nous perlait dans le visage, les doigts paysans retournant nos timides façons, des plants incréés et mûrs nous dissimulaient de leurs ombres paresseuses. J'ai bu l'ombre des vignes pour m'enivrer de soleil. J'ai bu à toi le jus de cassis du tard. J'ai bu la panique au fond de la gorge.   D'avoir relu nos échanges, je me dis "je suis ainsi qu'un aveugle, je ne vois jamais rien de ce qui,  évident, se dit timidement". Mais j'aime ces choses de défaites, j'aime ces plaines de brume où le pas aveugle marche sur son amour en le voulant sauver. Et doucement, les voix balbutient de crépuscule, on souffle dessus et la petite boule de chaleur qui leur brûle encore au front s'en va, s'en va, s'en va, il n'en restera dans l'air plus que le fantôme. Nous en ferons des rêves. Il reste la nuit. La terre du poète. Sa solitude.   Je sais mal ce qui aurait pu être de toi, je vois mal les minutes d'après l'instant présent et le ciel qui viendra plus tard couvrir la nuit de ses baisers. Je ne sais pas voir plus tard que maintenant, et de chérir les corps imprécis de l'incertitude, je ne sais ce qui se peut. J'aime ces roches informées, ces endroits que je ne connais pas et qui auraient pu être, ce fleuve où mes cheveux se mélangent aux tiens nulle part mieux que dans mes songes. J'aime ce qui n'est pas, ce qui n'aurait pas pu être. C'est-à-dire toute l'imagination, cette berge de rêves, où les mains des passantes sont lourdes de magnolias, où les enfants jouent avec des billes de Rhin. Où ta bouche s'est détachée en sourires, où elle s'est allégée du cri qui fardait jusque tes yeux pour mon agonie à venir, pour les journées où, immobile, sous un porche, je résiste comme une digue à la mer des souvenirs qui me fendille d'oubli. Je ne sais pas ton passage indifférent près de moi, ni si ta robe m'aurait frôlé ou tes doigts ignoré. Je ne sais pas, et j'ai la tête qui tourne des disputes que nous n'eûmes pas, du reste de tes ongles dans mon cou après que la nuit furieuse se range dans ce fantasme là. J'ai pour ces blessures là des pansements d'enfant. Ton rire.   Il y a l'adieu auquel je me prépare, j'aime tant les adieux que souvent je les fais longtemps remuer dans la gorge, je les secoue, je les corrige, je les avale par minuscules foulées, j'en croque tout l'autour et laisse le cœur frémissant, nu, de son biscuit protecteur. J'entends le vent qui s'y mélange, et d'un dernier murmure, avec le muscle d'un nouveau-né, je l'expire, l'adieu. Il y a encore le temps, mais déjà dans le couloir étroit de l'existence nos pas s'oublient, je ne sais pas le "la" de tes talons, tu ne sais pas les notes graves de mes semelles de vent. Je marche sur des périples, il y a une jungle ici, dans laquelle mes doigts jouent, la musique est sévère, c'est le crochet d'un serpent malade qui écoule dangers par dangers le venin de son écaille.   Adieu, il y a plus de jour dans ce mot qu'au 21 juin.
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B
miss you
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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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