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29 avril 2022

Pour rire - Imitation

Tu lisais Emily Dickinson

assise seule patiente

les épaules nues malgré le froid

tu te tenais là immobile

Printemps précoce

près de toi le vent tiédissait

Moi j’haletais contre l’hiver

luttant sans t’apercevoir d’abord

Puis ce fut tu le sais

l’accident le souffle

broyé les mots souples

et maladroits

La première violence 

 

Tu as parlé la première en me voyant

souffler

Tu as parlé tout mon corps

te répondait

mes muscles ma peau mes dents

ma peur 

Tout mon corps répondait

immobile

Tu m’as demandé mon nom

je l’ai bégayé sans demander le tien

On réfléchit mal quand sous soi

le sol se dérobe

 

la lumière

nageait dans tes cheveux

le soleil gloussait en roulant

sur ta peau

 

Kettly

Tu te tiens 

dans ces mots

tracés à la hâte

tu penches vers le silence

Tu te tiens légère comme le vent

Au bord d’un baiser au milieu du vide

jusqu’aux points lumineux

dans le ciel

 

Maintenant je marche seule dans nos souvenirs

qui dansent jupon flottant

au milieu du vide jusqu’aux étoiles

sans nom

 

Dans ce sable l’écume

calmement en couvre les traces

Tu n’existes plus depuis ces mots

Mon premier hiver
Le plus long des hivers

Je parle de tes mots à toi

Je parle du parfum d’Arabie renversé

Sur les draps

 

 

Tu es entrée dans ma peau

par toutes les ouvertures

Tu as dilaté mes pupilles

tordues mes mains 

tu t’es infiltrée dans les lignes du devenir

dans le claquement de mes dents les lèvres 

gercées tu t’inscrivais partout

 

II.

 

Maintenant, je dois me souvenir

Pour nous deux toi

ta mémoire comme tu disais

flanche facilement

Si j’avais pu emprisonner

ton souffle dans de petites

fioles transparentes conserver

tes baisers dans un coin éperdu

de mon corps si j’avais pu

toi tout simplement te retenir
Kettly, ton prénom vagabonde

On ne te retient pas plus

que la rive retient les hautes-marées

Kettly, l’incendie c’est de toi que je parle

parlerai longtemps de toi que je parle

encore là dans l’écho doux de ces mots

là où tu es où ton ombre où la lumière

te suivent tu sentiras parfois le vent tiède

des mots projetés des mots d’amour pour toujours

 

III.

Tu te souviens Les Landes
Tu venais des Landes et tu n'en parlais pas
Il a fallu que je te demande d'y aller
Un jour tu m'as dit "on part demain"
Terrifiée, tu m'as prise par la main
J'ai jeté sur le téléphone des parents
Un mot "ne vous inquiétez pas".
Alors, Les Landes, les forêts immenses
le bruit mouvant de la scie électrique
assourdissante j'entendais la scie
électrique scier à l'intérieur de mon amour
chaque os chaque cartilage je rompais
d'amour
J'admirais ces arbres identiques et alors
Tu éclatas de rire Kettly tu me dis
la forêt truquée cette forêt une forêt
presque pour rire pour le papier
pour la menuiserie une forêt
avide conçue pour la hache la sciure
les oiseaux n'y dorment le colibri 
ne vient pas y voleter depuis l'Amérique

Tu m'as jeté contre le tapis de pin
les aiguilles piquent des millions
de petites blessures comme des étoiles
amoureuses
Je caresse aujourd'hui les sapins
je ramasse les aiguilles souples et dures
et j'enfonce dans ma peau leur pointe aigue
pour mle souvenir

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11 avril 2022

Medusa

J’ai vu ces êtres devenus microscopiques qui me paraissaient, le furent peut-être, immenses. La vie parvenue, pourquoi je l’ignore, à l’étroit détroit encombré du néant. Ces images m’ont marqué, cette fille qu’on disait sublime et dont je voyais le visage défait, les mâchoires serrées, combien d’échecs dans ces pupilles dilatées, de larmes contenues dans ce visage tendu, d’inaveux ? Elle disait j’en suis à ma quatrième montée, tentait de prendre dans ses bras les invités et tout, impalpable, tout devenu fumée et fantôme, échappait.

Le monde semblait inatteignable vidé de substance. Le corps, c’était le corps qui manquait, la matière, le dur, les occiputs et notre tangibilité.
Alors…J’ai eu nostalgie de ma propre vie. Alors…j’ai écrit à Léah à qui je n’avais pas écrit, m’indique messenger, depuis le 01/09/2018 21:35. Des années. Elle me répond Je pense souvent à cette époque, avec nostalgie  - ce qui est rare en ce qui me concerne mais c'était un temps un peu béni, pour moi initiatique, de passage dans une zone sans loi. On était quand même fort d'être ensemble et invulnérables.
Ce temps réel et sublime ce temps d’où je peux dire, ma jeunesse mes vingt ans (25) sans rougir ni pâlir trop certainement. Oh, le ridicule, bien entendu nous empourpra et nos longues fourrures d’antan, la joie du vacarme, du scandale et des déshabillés, oui, peut-être, peut-être et alors ? Pour de vrai nous hachèrent menu et tranchèrent grossièrement, pour de vrai la jubilation à nous plier en mille d’orgasmes et d’extases rares, précieuses. Tout ce qui brille n’est pas d’or m’écrit M. et je lui réponds oui peut-être mais le brillant seul est précieux. Le monde nous appartenait comme vous, la plupart, l’ignorez. Ce qu’on a touché, qui s’est échappé dans un grand rire et nous étions nous les rieurs et les rieuses. Le flambeau allumé sur la plage, la nuit, de Normandie les robes blanches des filles, l’odeur du sel et le froid malgré l’été. Le contact de la nuit devenue matière, complice, se confondait avec la mer, avec nous-mêmes. 
Nous portions ambition de carnage à quelle dignité, une minute ou deux heures, nous sûmes nous élever. Ce soir là, grimpant, jusqu’à son sommet, la basilique Saint-Denis en travaux. Je me souviens, défoncé à l’ecsta, avoir vu dans le ciel une colombe fendre, éclair blanc et rebelle, la nuit. Une colombe blanche, détachée d’un muret.
Et quoi ? La jeunesse paresseuse ? Et quoi, son destin, voilà, c’est de décevoir et sa gloire de se trahir elle-même. Nous en accomplîmes le terme. Il faut bien l’entendre, le difficile, vient après, s’en défaire et dire, voilà.  

J’ai cru renouer avec ces gestes d’antan, au milieu de ces personnes très belles et assez riches et un peu artiste-parisien. J’ai cru que ce n’était passé, ce temps de la force, des beaux yeux écartelés, que par accident et que d’autres en surent garder intact l’éclat douloureux. Je venais reprendre, naturellement, ma place. Sur la table un carton à mon nom, l’air du fils prodigue…haha, la farce, il faut le dire, quelle farce, à se tordre de douleur.
Je pense à ce film la Grande Belezza on ne peut guère atteindre que ceci au mieux, ccomme c’est triste à mourir, mon dieu. Vide, inutile, sans courage qui criera au-secours ? 
Là-bas, je ne jouis pas, je suis comme à dix millions d’années lumière de ma vie et, c’est aussi ce que j’aime la nuit et le carnage, me voilà de nulle part. Le jour m’horrifie toujours autant. Je cherche une pénombre, cette vie à mi-pente, j’ignore où la trouver. Alors d’où suis-je moi désormais ? Quelle douleur d’apatride moi me traverse et comme, oui je le sais, en ces temps chargés d’apatrides réels, on dira, ah les peines des poètes quelle indécence or, ce sont celles que j’éprouve, ces peines là et cette nuit vide pour moi qui ne me sent bien que dans l’obscurité. Tout me fait horreur, personne ne comprend que TOUT ME FAIT HORREUR et que j’ai cru trouver dans la nuit, et je l’ai trouvé même, le réconfort complice et ouaté, ce monde tiède et âpre tout comme moi. Aujourd’hui, trop souvent, je me mets à dire tu ne comprends pas tu ne peux pas comprendre et cette phrase moisit le langage, j’écris, j’écris pour ne pas dire tu ne comprends pas j’écris pour me foutre des malentendus, pour me toucher moi-même et moi seul me savoir dans le dédale étrange et fouillé, de mon absence de remords et de remèdes. 

Ces gens mon dieu, ô ils trahirent la nuit, ma nuit précieuse en la faisant, la nuit de vacarme, cette chose délabrée, humide et moite. Un cellier d’où s’élève l’odeur métallique des boîtes de conserve, de la poussière, du délaissement.

Ah, j’espérais, j’espérais voir dans ces peaux mobiles et souples, ma jeunesse. Je le sais, elles connurent aussi mon genre de splendeur et avec quelle intensité, beaux belles et riches…Mieux préparés, nous dirons, à porter haut leur emblème hiératique. A quoi bon ? A la fin. De s’être montrés plus aptes les voilà aussi plus laids et menteurs, inaptes à la réforme de la langue, pas capables, elles et eux, de se renommer eux-même ni dire avec cette autre bouche, la beauté peut-être, ni guider leurs yeux sous l’éclat toujours valable ou mener par la main nos ombres sous de nouvelles ombres.  

Or, je suis seul sous les néons écrasés, sans escorte ah, j’étais le prince en ce temps là, des choses obscures d’assez de sordide pour, face au miroir, me dire ah quelle beauté salaud. 

Mon dieu, les tristes à crever j’en suis à ma quatrième montée et l’autre qui crie les paroles obscènes, les godes répandus, le mot dildo tintant comme la cloche d’une Eglise, et tout ça ne me fait rien. Rien que des mots, maintenant, plus aucun de ces mots n’étendra plus jamais l’horizon. De ça je leur en veux atrocement, je leur en veux de ne reproduire à l’infini que ce défilé du même, de l’identique, du passé et donc, de l’identique, faire en réalité, du moins, du pas assez, de l’usé. L’impardonnable félonie et je voudrais un châtiment à la hauteur du péché.
Ah, ça, je ne leur pardonne pas, de ne plus pouvoir, de leur scandale, accroître le possible. Qu’aucune horreur pure et lumineuse ne jaillisse des peaux.
J’apprends, aujourd’hui avec horreur, que C. au restaurant a sorti sa bite devant une fille et je voudrais qu’il meure. Parce que. C’est exactement l’inverse qu’il aurait fallu. 

Alors, je vais apprendre le grec, et vivre peut-être à Athènes, cette vie à mi-hauteur dira-ton ? Je me suis infiniment précieux et cette parole donnée à moi-même de ne jamais me trahir qu’importe le coût, le ridicule et le quolibet je dois la tenir, mon je quelque chose de décisif, du domaine de la survie, de trois jours sans boire, y réside et résiste, pierre immobile et tout autour n’est que torrent. 

Heureusement, je peux encore, mal, à peine, douloureusement écrire. Heureusement, il me reste par là, encore, de quoi faire sortir de moi goutte à goutte l’esclave qui y réside.

6 avril 2022

C'est au bus palladium que ça se passe

Le bus palladium va fermer, je m’y rendais moins souvent, c’est vrai qu’il fût un temps, pourtant le bus palladium va fermer, m’écrase malgré moi. Pigalle a changé, je peux dire ça, moi aussi, comme d’autres bien plus vieux Pigalle a changé. Je me suis senti Pigalle dérobé, vrai devant ces inconnus sortant, non plus du trop ivre, venu de trop près, de trop tôt, des horaires de bureaux. Le bus palladium va fermer je ne m’y amusais plus autant, le temps de l’innocence, des premières chutes inconscientes, des réveils difficiles a passé, je me suis éloigné, moi, ainsi qu’une belle Métive des alcools en quantité inouï et des réveils de 18h du matin. Le bus palladium va fermer, dix ans, onze ans en vérité, de ma vie, de belles années dramatiques autant, le bus palladium va fermer, port de mes nuits, Le bus palladium va fermer, je me croyais le plus fort quand le pas mal assuré j’entrais par l’entrée des habitués et le bus palladium va fermer. Titubé, je titubais, nez rougi le bus palladium va fermer par le froid sec, dix ans, ce sont dix ans de ma vie, des naufrages souvent, qui là-bas échoua par trop, les laissés pour compte, celles et ceux oubliés le bus palladium va fermer je pense à ces disparus le bus palladium va fermer le suicide de H., le cancer mortel d’Eric. Ma nuit le bus palladium va fermer ma première, mon interminable découverte de la nuit du tard du sombre les verres volés, la poudre envolée sur la table de l’étage par D. menaçant. Le bus palladium va fermer. La disparition engloutie de Y. dans la folie dure, méchante.
Je l’aimais moins, le bus palladium va fermer Pigalle a passé, colonisée Pigalle de ces des garçons aux chemises bleu couleur de cimetière et d’after work, les barbes identiques, les cheveux peignés, ces hommes du pareil au même, les filles, le même modèle rétréci d’une boutique Claudie Pierlot.

Nous trouverons d’autres marges, le bus palladium va fermer des plus extrêmes, forcément, d’autres où ne pas vieillir, où brûler convenablement, jusqu’à quel point et à quel prix ? Plus loin, repousser le bus palladium va fermer la nuit
le bus palladium va fermer 
et je repense avec effroi à cette soirée sans profondeur qui, je ne le savais pas alors, annonçait ces dix ans non-amers. Cette soirée dont je croyais avoir tout dit le bus palladium va fermer que je n’ai pas encore dite en entier. Cette soirée mon dieu d’achevés et d’inaveux cette soirée le bus palladium va fermer nous trouverons.
Nous taillerons à la serpe dans la nuit profonde, nous nous épargnerons ces lieux non-dits jusqu’à la malédiction, cette traitresse, le NoPi, érigée là comme une injure, une raillerie, un voilà ce que vous êtes devenus or, non, nous ne deviendrons pas canapé de cuir éclopé, toute grande propreté du NoPi, nous d’autres marges, d’autres non-vieillir, les sources claires et profanes des immortalités jouventes, du corps revenu de l’encan où nous ne trouvâmes pas notre compte, nous laisserons ardoise et découperons sous les murs de béton de l’angoissante ror.shar les absides incrédules. Le NoPi venu là, boîte de Pigalle, se moquant, disant voilà, tu as trente ans, ICI maintenant que le bus palladium va fermer tu vas t’épuiser, rire et te faire croire. D’autres marges, plus loin, plus loin, là, juste là. 
Le bus palladium va fermer non, je ne suis pas triste sans épouvante je reprends le cours de la vie de la fête, dix ans de force en vérité, de courage retrouvé, on ne se doute pas le bus palladium va fermer la force venue de la chose à mourir, le don miraculeux, dix ans le bus palladium va fermer mon dieu dix ans ma première nuit comment la tristesse alors ? le bus palladium va fermer la joie d’autres marges d’autres non-vieillir. Merci
Oh, cette soirée, délabrée, aux êtres victimes de leur force trépassée, celle du VIIème arrondissement, toute sertie seulement de l’horreur défaite des voix mornes aux éclats ternes l’horreur l’horreur le bus palladium va fermer voilà le vrai meurtre, le crime à quoi je survécus, le meurtre ne tuant que ce qui devait mourir le bus palladium va fermer plus jamais je ne verrai ces gens leurs figures de jadis, elles et eux je les vois butent et rebutent rebutant contre le muret. le bus palladium va fermer, cette soirée du VIIème m’a réveillé de partout, l’élan vital de la fête, déjà, de, bien plus loin que la fête, aussi, elle m’a rendu écrivain, à nouveau, cette soirée de désolation, de la terre en ruine, du monde en friche, des fins de l’incendie où continuent, elles et eux, corps calcinés, à miettes à miettes se faire cendres, moi ranimé par la cendre, la terre fertile couverte de ces morts. Me voilà devenu oui le bus palladium va fermer écrivain à nouveau pour ne pas déchoir dans ce puits infâme. 
Ecrire pour ne pas chuter pour ne pas moi dire tout en chutant j’en suis à ma quatrième montée comme cette fille le bus palladium va fermer qu’on disait sublime et que nous voyions hideuse, Médusa échouée, prise au piège de sa nuit devenu néant. La nuit gluante, je ne savais pas, la nuit qui ne te quitte pas, la nuit devenue visqueuse mouvante, qui les prit tous presque sauf G. qui j’ignore pourquoi garde à cause de ses yeux encore clairs et ses vingt-quatre ans, la vie que je sens en moi remonter, remonter, une cascade à l’envers de le bus palladium va fermer sentiments contraires; 

Moi, si je suis des abîmes et du tragique, je leur veux la couleur de mon sang éclatant, je veux de ces blessures portées depuis toujours, en riant, en pleurant, au désespoir, avec honneur élevés jusqu’à très haut. J’ai vu à cette soirée du VIIème le bus palladium va fermer qu’il a déjà fermé, depuis longtemps, pour eux, emmurés, ma nuit ne sera jamais leur cimetière. Ecrire et d’autres marges, ensemble, cette vie, ma vie, la fête, mes extrémités, écrire, écrire. Je suis redevenu écrivain terrifié de voir leurs le bus palladium va fermer ces vies achevées, là, une guillotine tombée, ce lieu de faux-semblant, la fin du monde j’en suis à ma quatrième montée voilà ce qui l’annonce. Je ne finirai pas.L

3 avril 2022

Le cours de I. a chuté

Le cours de l’expérience a chuté, répète souvent, Romain, cette phrase devenue mienne, s’étire, souplesse de chatte, loin du sens originel que lui prêtait Benjamin tel que rapporté par Romain. Je l’applique, étirée, cette phrase, maintenant, à des individus à mes yeux déchus. Le cours des gens, aussi, peut chuter.

Le cours de I. a chuté, semblablement semble-t-il et, devant cette chute et ce cours divisé par mille, je me suis décidé à revivre. I., que je connus peu mais que je connais depuis longtemps, exerçait sur moi une certaine fascination, une vie qui la menait, me rapportait-elle ou me racontait-on, partout et toujours en les plus extraordinaires manières. Mariée - d’un mariage sans valeur - à vingt ans à un Russe orthodoxe, lui, mendiant au Vatican à vingt ans, devenu, à quarante, millionaire comme les Russes deviennent riches à millions. I. me semblait faite pour traverser le temps, toujours intacte. A., la veilla de longues nuits et de longues journées quand, apathique dans son lit, elle se voyait mourir puis, à sa guise, éconduisit A. Elle vivait, toujours, selon son bon plaisir, régissait le monde par décret. Attendant, A. patiemment, jalousement, dans je ne sais quel corridor, l’appel, bientôt, le sifflet, même, de sa maîtresse. A ce sifflet, A. surgit et avec A. d’autres qui s’espéraient eux aussi, les commandés.
Le cours de I. a chuté, contredisant, ma croyance qui, surtout, se voulait une espérance. La fatigue, l’âge bien entendu, le goût de l’argent surtout, usent les sortilèges, les paroles magiques, ah qui pouvait le croire, ça, que les philtres, eux aussi, s’éventent.

Elle dit j’aime l’argent. Et me dégoûte aussitôt d’elle, elle m’épouvante. Le cours de I. a chuté. Qui dit j’aime l’argent comme elle prononce ce j’aime l’argent renonce à, dans la vie, une région précieuse. Cette parole refuse, soudain, le risque et c’est là le drame, là ce que I., jamais n’aurait dû, sinon, se trahissant et donc, maintenant, oui, se trahissant, n’admet de risque que celui analogue au risque de l’actionnaire ou de l’investisseur. Le cours de I. a chuté, portefeuille sans valeur. Le cours de I. a chuté. 

I. gagne bien sa vie, elle n’exerce pas une profession ordinaire et, ce, justement, cette activité interlope consolidait, au départ, à mes yeux, ce que I. contenait d’immortel(le) il en fut à cause de ce que j’aime l’argent, autrement, il en fut de l’effondrement du cours de I. L’argent contrevient à l’aventure, de voir ce truisme, en elle, vérifié m’accable, l’argent mène qui en possède à ne voyager plus que sur les voies navigables et goudronnées, la ligne droite barre le chemin oblique. 
Le cours de I. a chuté et cette baisse, irrésistible, la guide bas, avilit, sous la toise, terrible, la mesure d’une déception, le poids d’une déception.
De I. je tire une leçon. Il m’arrive souvent, devant l’exemple désastreux d’autres êtres humains, de trouver mon entrain. L’effroi, bien plus que l’envie, m’anime, me guide, m’arrache à l’ornière où trop souvent moi je chute. Je m’inspire de ce qui me repousse et me rend odieux aux autres et à moi-même parfois à cette seule fin.
Peut-être parce que, justement, la proximité de ces vies délabrées m’expose mon sort pressenti, cette sorte d’abîme toujours me guettant dehors, toujours ouvert dedans.
Trop nettement, en eux, je me vois dessiné et de me voir, ainsi, dans ce marais promis, agite l’immobile moi pourtant déjà définitivement. Je me refuse, moi, à devenir ça, moi à me trahir à ce point, mon cours oui connaîtra des glaciations mais personne ne dira Le cours de J. a chuté parce que non, ce cours torrent toujours qu’il soit le cours de boue ou d’eau dégelée ; ne chute pas, mon cours, se brise et s’effondre plutôt, ne monte pas, mon cours, touche et transperce

Le cours de I. a chuté et si ce cours là même peut s’effondrer, si ce qu’on disait la grâce peut se voiler, cette peste tout peut atteindre et moi le déjà atteint, le ras des pâquerettes, alors à quel point moi le courbé suis-je menacé ? Me voilà, reflété, sous la lumière horrible, horizontalement jetée sur I., face à moi-même. Le cours de I. a chuté et me voilà me déplaçant, lutin, dans les brousses, les jungles de mots de paroles échangées. Me voilà vivant, tentant d’atteindre la vie en ses formes diverses les plus belles, les plus pathétiques, les excitantes, les très humiliantes. Je m’épuise à m’arracher de ma torpeur. Aux fêtes, rue de Rivoli, ou Boulevard Malesherbes, je me jette, avec le soutien de Valentin où tout le monde joue son rôle avec adresse. Maladroit et honteux, habile et cynique, je tente aussi de tenir ma part. Il faut bien que ça paie, alors je recommence, heurtant mes dents, mon ventre, à la peur, à l’échec, au ratage, tant pis, je me dis, je me force. Je lis, beaucoup, j’écris qui valent, écrire et lire, avec la même terreur, ces manigances mondaines, j’entretiens avec le langage des autres ou le mien, ce rapport festif et de dupe. Pour ne pas chuter.
Le cours de I. a chuté et de la voir si ridicule, si basse et même, mon dieu, de la mépriser, de la mépriser cette fois depuis l’intérieur de ce qui faisait sa gloire, l’emblème superbe qu’elle portait superbement. La rouille. 

Je prends, maladroit, quelque part, le relais, tel que je suis, avec ma poésie, mes dents plus du tout droites, mes jolis cheveux. Le cours de I. a chuté et ceci je l’énonce plus tragiquement que vous ne pouvez croire.

Que le cours de I. ait chuté, aura défaite, me force à faire, à agir, voir une mue, elle, comme accomplie à l’envers et à rebours, la peau tombée découvre la peau vieillie, un défilé interminable de peau élimée, elle portait jadis je crois des fourrures toutes aujourd’hui j’imagine, comme sa peau, rongée, effilée et plus personne n’a les moyens de raccommoder les étoffes défaites.

Le cours de I. a chuté, devant ce choc je me suis ressaisi, oui, moi, moi le bivouaqué, si longtemps maintenant, de tellement de hyènes, ressaisi je que le cours de I. à ce point là ait chuté, par effet de balancier, celui, à contrepoids, des jeux d’enfant dans les squares, me soulève. A moi d’employer l’élan. 

Son ancien amoureux disait d’elle on ne te pardonnera jamais ta liberté et voilà quoi sa liberté, cette dégringolade sans abîme pourtant, pas la dignité des enfers ou de la démence, la dégringolade au niveau du distributeur automatique, mon dieu, alors moi ressaisi sentant moi prisonnier, moi le marqué, le griffé, moi je ne veux pas que le cours de Jonathan Boudina chute lui aussi parce qu’il a chuté à bien des moments.

Avant, moi, inconscient, j’ébranlais le langage, je parlais le poème, on disait génie pour parler de moi et depuis, tant pis, pour le titre perdu, tant pis si mes aises à moi révèlent aujourd’hui l’angoisse, ma mue singulière, sous l’insolence la peur, oui, le labeur aussi, tant méprisé aux temps jadis, le langage était là, je n’avais qu’à me baisser pour ramasser les phrases, et je ne me baissais pas et je ne peux plus me baisser. J’augmente.

J’ai dit, 
la bête tapie 
non tarie 


Sûrement, son amoureux, disait juste et non tout ensemble, on ne te pardonnera jamais ta liberté, cette phrase, je dois le dire, je l’ai enviée, non comme quelque chose que l’on convoite jalousement, dont on voudrait déposséder l’autre pour l’obtenir et, même si l’obtenir s’avérait impossible, la lui soustraire, quand même. Cette liberté, légèreté au monde, gaspillée, le cours de I. a chuté, cette liberté mal exercée, et après tout n’est-ce pas, comme de la jeunesse, sa plus pure expression, que son mal-faire, à la liberté, se gâcher.

I., le cours de I. a chuté, elle évoque un voyage sur le Nil, les pyramides et quelques autres fadaises et le cours de I. a chuté, elle n’accomplira plus rien et moi qui croyais, douze ans en arrière, qu’elle pouvait, justement tout, me voilà comme doté du courage de l’affolé. Je peux parce qu’elle ne peut plus. Ses projets devenus vagues, j’aime trop l’argent, et ne se sent pas alors la possibilité d’interrompre vraiment ce qui l’enrichit. Le cours de I. s’effondre. Son ambition rétrécit, son goût, que tout le monde jugeait si juste, s’affadit. Elle devient commune. Le cours de I. a chuté, elle rentre dans le rang, par tous les côtés. I. devient des obéïssantes.  

Je l’ai croisée, mercredi dernier, devant le Bus Palladium, nous quittions le lieu avec Valentin, elle entrait. Elle m’a demandé, après, fâchée, tu me fais la gueule ou quoi ? J’ai répondu parce que je ne voulais pas répondre davantage, parce que je ne pouvais pas dire mon effroi, effroi bien davantage que déception, effroi d’un monde finissant qui, moralement, religieusement ne devait pouvoir finir. Nous l’avons vue avec Valentin et nous disions, tous les deux, d’un regard silencieux, le cours de I. a chuté. 

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