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22 mai 2023

Acta est fabula

Ce que je déteste, je crois, dans ce que les gens, parfois, veulent vous détourner du suicide c’est qu’ils s’imaginent, chaque fois, que, plus tard, nous (leur) serons reconnaissant d’être demeurés en vie, que, toujours, il s’agirait, se suicidant, d’une mauvaise réponse apportée à un réel problème.
Comme si la sanctification de la vie devait, également, se déposer en chacun, comme si le rapport entretenu avec elle ne résultait pas, aussi, d’une fabrication en partie sociale et, qu’à ce titre, l’intellect et les affects pouvaient nous la faire refuser.
Combien de fois ne me suis-je endormi espérant de tout mon être ne pas me réveiller, dans la mort, à mes yeux, l’effrayant ce n’est pas elle, mais le geste qui y conduit. S’il fallait se contenter d’une formule magique à prononcer, d’un sésame ouvre toi, dix mille fois elle me saisirait. Sans passion, sans étreinte, froide et administrative.
Ce n’est pas tant que je veuille mourir, ce souhait accorderait encore à la vie une trop grande importance, une rivalité et donc un intérêt ; je ne veux pas vivre.

Je déteste, ceci, que l’on ne considère, à la fin, jamais le suicide que du point de vue des survivants ou de celles et ceux qui, y ayant échoué, rapportent leur soulagement. Comme si les témoins produisaient la vérité exclusive d’ailleurs, chose ironique, nous ne pouvons jamais entendre celui, par définition, de ceux qui y parvinrent.

Je témoigne, à mon tour, de ma position de durable, j’aurais autant aimé mourir.

Je hais d’appartenir, aujourd’hui, à cette statistique de ceux qui tentèrent sans parvenir et si je devais, calmement, me pencher sur cet échec, je m’y penche amer, sans regret ni satisfaction.

Mon rapport à la vie n’a pas changé ou, peut-être, pour, du point de ceux qui la défendent comme un bien inviolable, le pire, parce que, convaincu, cette fois par expérience, de la solidité de mon envie de mourir. Le seul apport de cet échec relève de la peur du geste pas de l’intention, certains sauts dans le vide réclament un exercice, une déshabituation de la peur du faire, non du résultat.

Je déteste cette certitude, cette insupportable certitude qui voudrait faire croire que la vie, parce que trop précieuse, nous ne pourrions jamais décider de vraiment  y renoncer, or, parmi ceux-là nombreux doivent être celles ou ceux, avec des réserves bien sûr, que j’appelle de sottes pudeurs, à soutenir le droit à l’euthanasie.

La vie ne m’importe pas assez pour que, la traitant avec déférence, j’interroge plus longuement mon rapport à celle-ci. Je ne veux pas vivre, c’est mon crédo et, me convaincre d’autre chose, ne relève que de l’égoïsme de ne vouloir affronter sa propre survie. L’humilité, ici, conviendrait, le courage, aussi de savoir le rendre, pour tout le monde aussi peu douloureux que possible. Admettre ceci, de façon générale, qu’un travail collectif s’opère sur le sujet, la mènerait à la mesure des autres morts, avec la nécessaire douleur. Comme celui atteint d’un cancer terminal et dont la connaissance du mal prépare le deuil. Mieux vaut ceci que les lames de rasoir sous la douche, que la découverte trop tardive du corps verdi comme par une chaux malade.

Je n’espère jamais, que depuis toujours, comme seul secours que ma propre extinction. Mon existence ne se déroule pas loin de toute joie, au contraire, elle rayonne, soleil complexe, à sa façon, le plaisir et le bonheur même me cernent souvent. Pourtant, ça ne suffit pas, ça n’a jamais suffi, si, être heureux signifie considérer la vie comme la suprême dignité et de ne vouloir, pour rien au monde s’en voir privé, alors je n’ai jamais été heureux. Je peux dire, j’ai possédé, j’ai joui, j’ai ri, je peux dire que j’ai été et même que je me perpétue ainsi sans, pour autant, soutenir jamais trouver dans l’addition de toutes ces choses un goût pour la vie. Je ne ressens à son endroit aucune inclination positive, au mieux elle m’indiffère.

je suis si las
 
Il y a quelques années, lorsqu’à Tours, chez C., mon bras gauche s’engourdissait et que C. dormait, je sentais la mort venir, une lente crise cardiaque, slow heart attack comme les médecins des urgences me la décrivirent, je sentais mon coeur devenir douloureux, battant fort, à rompre, se serrant comme, si fort serrant, broyant lentement ma vie, effritant ma vie.
 
Au lieu, tout de suite d’appeler à l’aide C. qui dormait à l’étage ou le SAMU, j’empruntai son ordinateur pour naviguer sur Internet et jouer à Hearthstone espérant, par ces activités ludiques et distrayantes, parvenir avec le moins de douleur possible à la mort. Si je finis par appeler les secours qui dépêchèrent, alors, une ambulance, me faisant rater mon train de retour, seul l’ennui m’y incita. Je n’en pouvais plus d’attendre cette mort paresseuse qui semblait s’entretenir avec ma vie comme ceux, aujourd’hui encore, tentent, par les mêmes raisonnements, de me détourner de la mort.

Ma colère, récente, débordante, que d’autres ne comprirent pas ou refusèrent parce que ce refus, plus simple que toute compréhension, me détournait, pourtant, de cette mort dont, sans cesse, on m’expliquait, qu’elle n’était pas la solution. La colère, semble-t-il, non plus, or, le malheureux, qu’importe son désespoir saisit autour de lui ce qu’il trouve, ce qu’il voit.

Manifestement je ne puis donner que de mauvaises réponses. La culpabilité, le plus souvent, ne me frôle qu’à peine, or, à ce moment j’en ressentis vis-à-vis de R., qui ne méritait pas, encore, de voir peser sur lui les conséquences de cette colère. Aujourd’hui, avec la froideur nouvelle qui m’habite, je ne considère pas juste non plus de punir Marine quoi que je puisse légitimement lui en vouloir, lui en vouloir non, en soi, de sa prise de position, je l’admets sans peine et, quelque part, me rends sans réserves à elle, je lui refuse d’avoir contredit le but recherché par ses actes à cause de ses abstentions. Je n’en démordrai jamais, ça, c’était mal.

Je mentirais si je disais ne posséder pas une certaine appétence pour le suicide, vague héritage adolescent, des lectures torturées de Lautréamont et des écoutes de Damien Saez. Mais cette inclinaison, pour exister, ne se contente pas d’une parodie romantique et ses poses séduisantes, il lui faut, pour se maintenir, une prise et celle-ci, en moi, n’a pas passé malgré les ans. Comme certains atomes, irrésistiblement, malgré la distance, s’affectent mutuellement et finissent toujours par se rassembler.

 

La pièce finira.

 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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