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4 septembre 2023

Jours étranges

Depuis des années, maintenant, à cause de mon addiction aux écrans, je ne regarde presque plus jamais de séries. Aujourd’hui, avec Jeanne, le soir, avant de dormir, dans l’état deux fois antérieur au sommeil, nous regardons Stranger Things. Série originale Netflix comme l’écran précédant l’épisode l’annonce. Je me demande, alors, s’il existe, entre ces différentes séries, une cohérence esthétique, un lien qui les unirait, déterminé par des producteurs en vue — évidemment — du plus grand profit pécuniaire. Ceci, en soi, n’exclut pas la qualité, l’âge d’or d’Hollywood comptait, outre tous ceux que nous oublions, les grands, King Vidor, Capra, Cukor et la liste n’en finirait pas.

j’entends, dans le même temps, Jeanne au téléphone, organisant sa semaine de travail en même temps qu’elle mélange — je veux dire touille — dans la poêle les poireaux qui, si elle n’y prête garde, brûlent vite, elle verse — je le suppose à cause du son — de la sauce soja dans l’une des poêles — dans l’autre cuisent des champignons. Je vis presque chez Jeanne ces dernières semaines sans pouvoir me rappeler la dernière nuit où nous dormîmes séparés sans que, pourtant, je ne ressente quant à ça, le moindre poids, la moindre entrave. Jeanne « qui a son caractère » comme l’on — Jeanne déteste l’emploi de ce on — dit des gens assurés — le disant avec un brin de malice — fait absolument tout chez elle et, si elle délègue peu, ne reproche jamais — ni explicitement ni, ce serait pire, implicitement — l’inaction. Je suis ici plein de gestes suspendus, disséminés dans l’appartement qui, le jour qu’il plaira, petits boutons, s’ouvriront parfums divers et peut-être quelques orties brûlantes.


Je ne me renseigne pas quant à la direction artistique de Stranger Things, souvent, en matière de séries, à l’envers du cinéma (d’auteur au moins) l’ordre d’importance va du producteur au(x) scénariste(s) puis au réalisateur. Le producteur, après un brainstorming, soumet une idée qu’il demande aux scénaristes de transcrire en histoire et le réalisateur en assure l’exécution en images — ceux-là choisis surtout pour leur capacité à respecter (se soumettre?) à un cahier des charges (ce qui n’obère pas une future carrière, seuls, purs, les artistes : héritiers, clochards et quelques un de ceux qui, escrocs, par la pipe ou l’opium sidéraient de riches — et cléments — mécènes).

Nous nous étonnons, alors, de voir que presque tous les épisodes de Stranger Things soient réalisés par le même réalisateur, étonnement prolongé de ce qu’il s’agit, même, de deux réalisateurs, deux frères : Duffer Brothers. La réalisation de toutes les séries varie d’un épisode à l’autre.

 

parce que j’oubliais leur nom, je tapais sur google « brother stranger things » et, au-delà de ce nom, j’apprends, à mon grand regret qu’ils créèrent la série— non que le contenu de l’information me déplaise mais que j’acquiers une connaissance qui maintenant détourne la direction de mon texte, supprime les hypothèses mentalement formées, la vérité, aussi, comme toutes les définitions, moins qu’une naissance est un meurtre — celui qui fait émerger la vérité — comme aiment à dire les juristes — condamne l’imagination et, sinon dans les palais de justice, mérite a taste of his own medecine.

Les Duffer Brothers réalisent et scénarisent la série leur série.

produisent, peut-être, je ne sais, je ne veux pas moi-même produire encore une vérité et, après avoir établi le barème des sanctions devoir moi-même me placer à quelque niveau du supplice

La série, en effet, possède une esthétique forte, singulière et cette esthétique ne se limite pas, ce serait la chose la plus banale, à la photographie, comme on dit, il ne s’agit pas que d’une identité visuelle. Chez eux l’esthétique concerne la mise en scène qui, mise en scène, s’apparente à une chorégraphie. Je ne juge pas ici la qualité de ce choix, je remarque un parti pris que je décris.

Chorégraphie. 


J’exprimais à Jeanne mon étonnement, de voir que, tout apparaissait, comme l’on dit, téléphoné, c’est à dire attendu et donc privé de toute tension dramatique puisque je peux devancer la scène, elle ne peut m’étonner et donc m’émouvoir. Seulement ce téléphoné se maintient, constant, tout au long des épisodes, il s’agit d’un style qui, alors, relève — d’où chorégraphie c’est à dire découpage spatial et temporel — d’une perfection, d’une exactitude minutieuse.

Tout se déroule sur des temps,où ça doit être comme au théâtre et plus particulièrement au théâtre de boulevard. La série, elle, tragique — ou qui se veut-t-elle — ne joue pas sur le ressort de l’humour, du cabotinage, de la bouffonnerie, leurs temps sont le récit.

…puis, écrivant ceci, immédiatement je me reprends, le personnage du chief, celui qui dirige la police locale, au fil des saisons passe d’une sorte de super héros viril, à un papa niais, aux expressions exagérées et comiques…comme au théâtre, comme pour faire montre de son caractère. Les réalisateurs, ce faisant, ne prennent pas les spectateurs pour des imbéciles incapables de discerner, si plus subtilement montré, cette personnalité. Cette monstration révèle leur choix esthétique, au-delà de ce comptage parfait, l’histoire tient par ses personnages, non, comme chez Racine où ils seraient fonction du récit, mais en tant que moteur et, eux-mêmes récits. J’avais lu, à propos de Games of Thrones, une analyse qui expliquait l’écart - qui alla grandissant - entre la série télévisée et la saga littéraire qui, si elles reprenaient la même histoire, la déployaient pas sur un mode différent et presqu’opposé.

 

J’aime ce soudain, je parle, sans me rendre compte, avec abondance, de la controverse de Vallaloïd avec Jeanne, du néfaste du positivisme et, avant lui, de la philosophie des Lumières, comme, sûrement un homme — quoi que M. eût pu elle aussi vivre le même emportement — nous buvons la tisane et le contraste entre ce liquide chaud et mon excitation m’amuse, j’aime entendre le froissement du journal qu’elle lit, l’article sur Hawaï qu’elle me décrit, le journal qu’elle plie et déplie, déplié elle lisse la page pour aplanir la page, rigide, sinon quand, froissée, la page va à sa guise, je regarde — Jeanne croit toujours que j’exagère Bartok elle dit comme le personnage vil flatteur voletant autour du Raspoutine de Pixar (?) — avec émerveillement ses gestes, ce qui accompagne, aussi, dans cet instant, dans le repos de cet instant, avec la tasse rose fumante encore — je ne peux boire moi aussi chaud qu’elle — les doigts qu’elle passe sur son visage, toutes les pensées, là, qui la traversent, toutes inconnues de moi et, si fantômes denses, ne m’effraient pas, me touchent, si j’ignore leur savoir, savoir que ces pensées là, la maintiennent, me les rendent — elle murmure, c’est ma pensée là, à moi, Bartok — précieuses.

 


je dis cette fois Bartok vraiment

que l’air même qui la soutient

devient adorable de
.

 

J’écris comme ça vient, mes interruptions, reprises, illisibilités, flux de conscience, certes oui, banalité, maintenant, flux d’écriture aussi, entrées brutales d’éléments du réel, s’il survient, ne pas le laisser échapper, Jeanne la robe violette, moi mon amour, le bruit du clavier, les suggestions des mots — jamais choisis, à peine regardés — (soleil et vous était étrange) sur la touchbar. 

 

L’histoire dans la série télévisée, pour des raisons culturelles, c’est à dire de médium — les deux saga et série issues des Etats-Unis d’Amérique — progresse par à-coups et par événements, dramaturgie classique, elle existe de lier ensemble une succession de faits. Ce qui permet une progression fluide, un visible début, milieu, fin, qui, défaut congénital — reproche adressé à la série — fluidité confondue avec précipitation que tout devenant fugace, à peine habitué au drame précédent nous voilà déjà transportés ailleurs, à des centaines de kilomètres or l’émotion, lente à mûrir, réclame son temps au lieu de quoi sa vitesse empêche la mémoire. L’accumulation, sur une trop brève période, d’événements, les aplatis.

La saga quant à elle se concentre sur les interactions entre les personnages, ce sont eux qui animent le récit et, corolaire négatif, aboutissent, aussi, à son enlisement. Ca n’avance pas, ici, la tension dramatique disparaît derrière l’ennui, l’attente de l’évènement, si elle peut être excitante un moment, finit par agacer celui-ci, même, à cause de sa brièveté nous jette déjà dans l’attente prochaine dont nous savons, pour l’avoir souffert, qu’elle durera un quart d’éternité.

Nous ne nageons pas mieux dans le fleuve déchaîné que dans le marécage.

je passe sur instagram, rapidement, les réels de S. m’apparaissent et me désolent toujours autant dans ce que sa survie, je trouve, porte aussi de mort, que, pourtant, cette survie, au-delà de la poésie, l’arrache vraiment à la mort qu’elle aura tout le temps, après, de simplement avoir duré, de s’incarner autrement puisque ses mises en scènes actuelles ne lui offriront aucune carrière.

Les séries télévisées se concentrent sur les événements, leur dramaturgie repose sur des actes qui, en matière de sitcom, genre autrement codifié, s’incarne dans les blagues, punchlines ou qu’importe le mot. Stranger Things échappe à cet ordre de, probablement, ce que les réalisateurs sont en même temps les créateurs de la série qu’ils ont toute autorité pour la mener. La série vit de ses personnages et ses personnages eux, excessifs sans être loufoques — Wes Anderson choisît, quant à lui, le loufoque plutôt que l’outrancier — pour situer. Je pense au chef, sa moustache, l’air de Nietzsche qu’il affiche, d’un Nietzsche qui descendu de sa montagne régit les amours de sa fille adoptive. 

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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