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11 mars 2011

Perso - Faites le mur.

« M'habituer, m'habituer
Si je ne le puis que l'on m'en blâme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tués
Ah crevez-moi les yeux de l'âme
S'ils s'habituaient aux nuées »

Louis Aragon



Dans l’anodin, dans la marche qui mâchait les pas du mercredi
généreusement éténdu aux gazouillis crépusculaires du jeudi, avec le talon
gris dans le par terre dénié des gémir, les breloques d’arrondissements «
fracture du seizième que le quatorzième » ruisselaient de mélancolie, je
tirerai –bien plus tard- un plaisir étonnant, quelque chose doux, d’une
conversation où toute tension, écroulée, défaite, vague comme cette brume
dont les bas filés dissimulent aux visions myopes les crêtes des
montagnes, et voilent, même dans la gaze condensée de leurs tenues
friponnes, aux matins gras, sous les ailes blanches de papillons énormes,
les vallons étroits et les coteaux rugueux. Cette marche où le corps lassé
des passions –nom coloré des disputes- dans lesquelles me piégeait Loriane
n’était plus qu’à la tiédeur du temps, il était douze degrés de 23h54 à
00h30, et Loriane était bien trop loin, dans son cinquième arrondissement,
pour meurtrir mon corps de ses doigts de phénomènes chimiques. Je
marchais, je parlais, nous n’échangions pas, des mots par accidents
formaient des pensées qui s’heurtaient et dans l’agrégat de leurs cahots
menaçaient la torpeur indolente du soir d’un échange –affreux frisson,
avoir à me mêler de choses terrestres, à lester l’âme fragile du poids
inconsidéré des plastrons racés. Quand ces quelqu’un (ces quelconques ?)
emploient à mon adresse des mots et des concepts, j’y entends quelque
chose vieux, défraichi, austère, jouissant d’une autorité hiératique, d'un
titre de com(p)te. Vieux principes tendus comme quelques vieux forts
bordants la Normandie rendus inutiles par la molesse des civilisations,
mais butés là, souvenir inorganique, dont on admire l’architecture
complexe et les nœuds glacés. Ces gens là vivent dans ce principe de
frimas comme certains nostalgiques dresseraient leurs lits sur les dalles
froides des forts de pierre. Mes camarades vivent en retard.

Le paysage sous le pas grésillant avait quelque chose cartonné, chiffonné
du vent léger, timide qu’expirent les fleurs de béton toutes semées en
dentelles approfondies, en invisibles serrures, autour des désordres
semblables de mon marcher déraisonnable. Il était très amusant de devoir
retenir ce que je voyais nous entourant, les merveilles dans le ciel, la
hyacinte qui couvrait mon départ, le lierre entravant le mouvement de mon
ombre, le limon déposé sous l'eau sèche des trottoirs. Je ne disais rien.
Même de ses yeux bleus qui me terrorisèrent, une fois, me jetant un éclair
d'une rage édentée. J'aime malgré moi tous les yeux bleus, mais je
n'allais pas dire « montre comme ils écument de menaces tes yeux. Sais-tu,
les yeux bleus, je ne les vois pas comme des orbes de couleur délimitées,
si je les aime ce n'est pas par vieille habitude parresseuse, mais parce
qu'ils exhalent un anathème libertaire. Je les vois s'extraire de l'orbite
qui les range, et qu'aucune loi ne peut réintégrer dans leurs places
précises. Les couleurs vives m'assomment d'idéaux, flambant comme les
lumières de la Noël. Les yeux bleus -et tes yeux hélas n'échappent pas à
l'outrage- résonnent chacun comme des rimes amplifiées par un visage ».
J'avais le souvenir douloureux encore, du regard terrible qu'elle me jeta
tandis que je méprisais je ne sais quelle chose commune. Que je m'agaçais
d'un raisonnement mal fait. Vraiment. Un regard de la nuée qui couve les
séïsmes et les foudres cruelles. J'en ai été physiquement saisi. Trop
grande sensibilité à toutes les choses. Ce regard se dégrade dans ma
mémoire, il rejoint tous le reste de mes cauchemars, et tinte mes
nocturnes fièvres d'un pigment de Klein. Amusante peur, merci à ta menace
immaitrisée dont tu ne t'apperçus même pas.

Le plaisir m’est apparu - vers deux heures- sous la peau, circulant
invisible comme l’eau phréatique au bas de l’écorce, incapable de se mêler
à la sève de l'arbre, à la pression hydraulique impuissante à traverser en
rugissant les failles de mes muscles, de découvrir dans l’arrête de deux
articulations disjointes le bât. Ce plaisir, cette eau, ce sang
cristallisé en vin, en baiser de roche calcaire, a duré. Il s’est impliqué
en moi. M’a entraîné dans sa valse, partout, sur les méplats recoins de
moi, sur leurs vaillances du jeudi. Je suis heureux de mon jeûne chanoine,
où le café noir construit des intempéries furieuses, des mers boueuses
jetant des corps illicites, à la mâchoire en or. Je disais « Je ne sais
pas quoi faire l’an prochain, et je suis vide d’inquiétudes » et
lorsqu’elle me répondait « c’est de l’inconscience » je souriais en
silence. J’imaginais le propos tenu par Loriane sur le même tempo «
Jonathan, Jonathan, Jonathan, le futur, définitivement, ne te ressemble
pas ». Non, ce n’est pas de l’inconscience, c’est de la foi, mignonne.
J’ignore pourquoi, mais toujours, en toute situation, la plus dangereuse,
la plus instable, surtout la plus mortelle, j’eus de la chance. Lorsque
nous étions immobiles au milieu de la Scandinavie, sous les fjords
craquelés de froid –ce sont des vierges butinées d’hiver disais-je-
qu’Arik pleurait de ce cimetière de glace, de périr vierge encore, dans
nos seize ans liquides, me reprochant de graver dans la glace des poèmes
furtifs à l’heure de se chercher des subsistances. Son imagination
formalisait des détresses, organisait mille déceptions, contrefaçons
d’exister et je sentais venir, de l’angle mort de la mort, ma chance. Ma
chance, lente et ponctuelle, traînant son grand corps maternel, tendant sa
main prophète, gantée de sortilèges, dans les angles osseux de la mienne
incroyante. Un plaisancier de passage nous tirait de notre crique-prison.
La chance est inconscience, diront-ils. J’aurais pu tout être, c’est
entendu. 146. 146. Le nombre de mes folies qui côtoient névrotiquement mes
intelligences, tout comme au Mexique où la fête est voisine de la mort et
les confiseries brillantes de sucre inanimé ont la forme d’un crâne.

Nous marchions ; le bonheur alors seulement armait son geste :

J’avais la hâte, de trouver la rue où me détourner de la civilité, où
détrousser le chant malléable des oiseaux de papier, aux sifflets gais,
dans tel square, sur telle bouche. C’était au choix de mes capricieuses
envies, Maude près d’ici trainait ses cernes capricieuses au rebord ourlé
de son visage, je l’imaginais écrire sur sa Remington de poseuse
indisposée, tapant dessus avec le même snobisme que ces apprentis
photographes (Romain, c’est pour toi) avec leurs argentiques à deux
balles, d’où leurs doigts gourds ne peuvent pourtant pas immobiliser le
poil ivre de la passion, son contour burlesque, sa chair brûlée, sa bouche
de satin, le fil ras de ses membres écorchés, et tout le corps désuni,
fractionné en autant d’éléments qu’une apparence humaine compte
d’ornières, de villosités et de replis.

La « conversation » que j’eus alors, par son contraste, me recentrait sur
moi, je me suis privilégié au-dedans, sans me réinventer, j’ai rapproché
ma pensée de cette matière impénétrable, inviolable, quasi-sanctuarisée où
rien n’entre d’éléments extérieurs, où l’organisation des veillées
salutaires, des tours de garde interdit d’accès même par le plus faillible
des pores : mes principes. « Je suis très fidèle, je n’ai jamais trahi une
idée ». Dans le mouvement inversé, consonant, involontaire aussi elle
contribuait à me préciser, à grossir chaque angle mien, des instruments
d’optique, je devenais cette lumière isolée par les trois lentilles de la
logique –vertus théologales de la science-
La contradiction vous fait mieux qu’autre chose accoucher votre intimité.
Au toucher, ses mots charnus, archaïques étaient doux mais de la douceur
d’une étoffe usée, effilochée, prise dans un corset de dogmes et d’hivers
rigoureux. Une douceur résultant de l’ivresse, de la peau ridée des
vieilles âmes tendres.
En creux se dessinait l’affirmation de ma modernité résolue, moderne en
ceci que je me tourne vers quelque chose qui n’existe pas encore, dont les
frontières restent à nier –ce pays d’avenir que je m’espère, aux pourtours
parsemés de glaise, ne devrait se connaître aucune limite- à l’inverse, le
« présent », se cherche à imiter, à reproduire, sans l’instinct
mi-créateur, mi-destructeur de l’avenir. Les vies mornes, inutiles, les
bégaiements amusants. J’ai toujours trouvé terrible de pouvoir prévoir les
humanités, de sentir l’exacte disposition de leurs intentions, et d’éviter
les coups de les avoir vus cent mille fois déjà portés. « Tu es trop dans
la littérature ». « Certes. Parce que la littérature rehausse tout ce qui
est insuffisant. Pense, gamine, ce sont les talons aiguilles du réel »
A toutes ses affirmations, la voyant agiter sa nuque radieuse d’entorse,
je ne pouvais que sourire, du sourire vaincu du sauvage. Je ne parlais pas
sa langue. Entre nos deux lexiques tout un mur sordide d’impossibles
compréhensions, le geste ne suffisait pas à rapprocher nos idées. Je suis
un barbare. Véritablement. Un barbare. Ce que la plupart appellent
civilités, concessions ou cordialités, je les réunis sous le même dôme, je
les classe avec le même tampon indifférent du fonctionnaire :
compromission. C’est toujours se compromettre que se céder par méfiance,
sans raisons, au prétexte de l’irrationalité adverse, étrangère, celle
dont l’on doit s’accoutumer pour se préserver du dommage. Je n’ai pas peur
de la faim, du froid, tant que je reste près de moi, il y aura toujours un
refuge inviolable, toujours une ultime retraite. « je ». « je » fragile,
mais « je » déjà. Toute ma joie c'est ma différence. Tout mon bonheur se
fait alors qu'en écoutant une voix changée, j'entends bien que nous ne
sommes pas semblables.

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11 mars 2011

Perso - Exquise laideur

« Nous sommes les gens de la nuit qui portons le soleil en nous »


Louis Aragon.


Après que j’ai dit « moi je » tu as tout vu de moi. Mon corps ne va pas
plus loin que ça.
J’ai pris la folie des damnés, leurs yeux rouges de crimes à déposer dans
les gorges vallonnées, j’a ai jeté les regards bitumés, ils ont roulé,
répandant ardeurs et morts sinueuses, bruits sourds et aubes carillonnes.
Le monde est depuis la plaie mal fermée de notre baiser à naître. L’herbe
lente, sucrée, bouchée terrestre en cercle des gencives glycines, mortel
creux des mâchoires en roc. Les blessures neuves. Les cris laqués. Ma
tendresse : Une fureur féroce. Tes yeux ont roulé avec les souvenirs, avec
les musiques iambiques, ils ont fait des gestes les regards, ils se sont
noyés sur des cartes, sur des chemins, et tes souvenirs tendaient des
ponts de mémoire. Ils avaient des aventures plein les orbites, tes yeux
bleus, je les vois, et ils disparaissent, ce sont des pièges, des pièges à
poète, parce que j’écrivais, le poète confond son œil avec le croc du
loup. C’est le même déchirement. Tu claques la paupière pour déclencher le
mécanisme qui déchire la fuite. Regarde moi, je ne peux plus fuguer,
regarde moi, je ne peux plus partir, l’âme dans le marais de ta
pupille-détresse, tourbillon écrasé. Maelstrom pialant. Il y a des images
si puissantes qu’elles aveuglent la nuit, des images puissantes aux rayons
de glissades, à la carie motel les germes s’y reposent, reflet vert,
jaspe, irradie, uranium, centrale. Mon corps je le tends à l’aube d’hier,
sous la croute fossile des pioches nocturnes. Ma tendresse a des plaisirs
que l’enfer vous comptera. Pillez. Larmes de chiens. Marteaux. Fractures.
Prenez. Os bus aux Verts d’un taxi de la marre nœuds. OBUS A VERDUN ;
TAXIS DE LA MARNE.
C’est une écriture qui dépasse, une écriture plein de cheveux fous
cicatrisés, une écriture qui dépasse, on dira l’écœurement de la messe,
baise les pieds au sang caillé de l’abîme périlleuse, trempe tes langues
sacrilèges qui s’inscrivent en personnalité, le dégoût qui se surmonte,
qui prend des positions vivantes dans le miroir. Il étudie. Le dégoût. Il
fait des emprunts, le dégoût, il place. Il économise. Il sait comment
faire, comment orchestrer les veines qui se dessinent sous ses pas, dans
la brume des nues, la sueur qu’il laisse sur son chemin bave d’étymologie.
Suivez mes larmes elles mènent en enfer. Petit-Poucet a le front cornu et
sème des dents d’enfant pour retrouver Perséphone. Savoir la voix, la voie
de Savoie. Boire. Le verre de liqueur, soûl, chartreuse symphonie. C’est
plein de silence, une voie de chemin de fer, où filent les envies liesses.
Le dégoût, avec sa silhouette maussade d’étudiant russe, le verre qui
aplatit tes yeux. Le dégoût c’est comme la mer, ça n’abandonne rien, le
dégoût c’est sournois avec des pas de marées, qui détournent la faim, qui
se déboise, le dégoût ça couvre tout, c’est un manteau pour ambitieux. Le
dégoût. Ca imite. Ca imite mon ombre dans vos pas. J’entends. La nuit. Il
y a des figures d’algorithmes, il y a des courbes, il y a des courbes ce
sont des poitrines féminines gonflées de nausée, le lait maternel d’un
siècle qui dégouline dans leurs nuques. Des femmes ont des robes pleines
de déchirures et de paillettes, où la lumière entre par la fente déguisée.
Les yeux sont des cloches que l’on sonne, ton corps d’Eglise que je
maltraite, j’y dépose un baiser méchant, brillant de clous, j’y dépose un
baiser qui claque comme la chair de Christ sous la nuit bruyante de la
Passion, ô caresses brutales, ô virilités (vérités ?) immaculées.
Parfois, je suis une femme. Je prends son caprice, je le fais sortir comme
un biseau du stick, et je me maquille avec, regarde mes lèvres
rouges-sans-fin, mes pommettes déchirées par l’ongle des phares des
voitures vives, je prends le caprice et je me dis « je ne répondrai pas à
vos questions polies, insultez moi, maltraitez moi, tirez mes cheveux,
retenez l’eau du bain. Je suis une femme, et j’ai tiré l’homme par son
sexe pour le noyer dans l’eau souillée de nos crasses stasiées, là où nous
poussons, des ah, des han, des oh, sous l’herbe étroite et noueuse de nos
envies, nos désirs sordides d’ordinaires, j’ai voulu en inventant la femme
donner à la volupté un cœur, elle qui ne se savait qu’un corps, j’ai voulu
découvrir la chair jusqu’au plus sensible mystère. ».
Il arrive que l’on m’écrive, et je ne réponds généralement pas sauf à
puovoir déguiser dans ma réponse une ironie que je serai le seul à
comprendre, à écrire des messages dans une langue si particulière que l’on
ne devine pas le jeu glissé dedans. Quand j’écris un e-mail, il est rare
que je n’y glisse pas un exercice précis d'une langue particulière dont je
suis le seul à connaître le cryptage, en filigrane de mes impolitesses je
cache une rudesse. J’ai mes gestes trop plein de couleurs, j’ai peur, si
j’agite les mains, si je fais des kermesses avec les doigts, est-ce que ce
restera le maquillage, est-ce que la poudre ne fondra pas comme un glaçon
appuyé sur les ecchymoses en fièvre, qui ruissellerait dessus ? Personne.
La solitude me console plus que tous les alcools, toutes les drogues. Je
n’ai d’amantes que pour n’oublier jamais le désir blême que fait la
liberté dans un corps figé sous les gardes répétées des femmes-officiers.
Loriane est colonel, Marion folle, Wendy artiste, Sarah anorexique. Ce ne
sont plus des amours, ce sont des adjectifs...et ma solitude.
Je lis des poèmes. Qui me tuent. En écrivant ce texte. Plusieurs fois,
j’allais vomir. L’écriture me fait du mal.

- Pourquoi tu es douloureux comme ça ?
- Mon réel n’est pas votre réel, chaque son qui vous immobile, me
traverse et m’immole, me déchire et me recoud, je saigne partout d’un
vieux souvenir, tous les jours, je saigne des secondes, je les répands
derrière moi, je casse comme un immobile dans le silence du temps. Ma
blessure est un éclat de quartz.
- Pourquoi ? Tu ne peux pas être simple, normal…
- Bas, vil, sournois, traitre, laid, ignoble. J’ai déjà assez de ma
figure, longtemps demeuré ma hantise, l’inquiétude centrale de toutes mes
récréations. Mon visage. Les belles, je les mettais de dos, je me sentais
plein de honte. J’ai dit à Loriane « Pardon, de n’avoir pas le trait
parfait ». Je ne serai pas comme toi, je ne serai pas comme eux. Celui que
j’aime, que je cherche, curieusement, dans le noir usé de bâillements,
c’est moi, ce moi unique qui se refuse à vos dons.
- Jonathan, tu as tes beautés.
- Pf. Peu importe l’écriture, l’âme tout ça ce n’est que fuite. Ca
fait des morts de cinéma, les larmes coulent insincères sur les joues de
rosée d’un personnage. Je sais être moins laid mais je refuse. Souviens
toi je me suis proclamé « Narcisse défiguré », j’ai ceint de jonquilles (
Narcissus jonquilla) fanées mon front. Na- comme Najib, ce prénom mien,
celui en tête de mon passeport, celui de mon identité. Jonathan, c’est une
personnalité civile, un prénom d’espion. Je pourrais être mieux, avoir les
cheveux courts, être tout poli, habillé autrement que par les cadeaux
hétéroclites de Loriane, Hélène, Anna ou Francesca mais peu m’importe. Mes
traits particuliers, qui m’interdisent à la norme, j’en ai fait l’écurie
des hippocampes encrés, dans mon nez brisé, mes yeux purgés de vigueur je
trace les lignes courbées de vent. Je déteste ma laideur autant que je
l’aime. Elle m’a fait découvrir ce pays voilé.
- Moi je…
- M’en fous. Je m’en fous. J’ai fait un chapelet d’amantes avec
seulement des mots. Tu imagines si j’acceptais la gloire ? Tu imagines ?
Combien j’en ajouterai à cet Atlas ? La seule gloire que je souhaite se
répand du gaz enflammé du cadavre, le suicide, quel mot charmant,
cliquetant de métalliques embruns. Pourtant j’en tire des privilèges de
mon écrire, de la gloire que je sais mériter, que l’on m’a proposé dans
des conciliabules d’intrigues –écho moderne des couches où la comtesse
payait de sa matière un cardina-, un faux droit d’aînesse. Parfois je me
sens en droit de conseiller et de railler les inclinaisons artistiques des
autres (il ne s’agit que de s’incliner pour eux, il est vrai, c'est-à-dire
de ployer sous un vent d’époque, sous la plus forte des suggestions). Lui
« pseudo-photographe » elle « écrivaillone cacographique » eux « collectif
vaseux ». Je devrais me désintéresser mais mon dégoût est entremêlé
d’amour pour tous ceux là étrangers, je me sens depuis petit ce besoin de
tout sauver. Mais laissons les crever. Ce sera bien trop long. J’ai ma
mort de Christ à chercher.

11 mars 2011

La décimale à Diane. Lettre nocturne

J'ai abusé de la nuit et le sommeil ne me le le pardonne pas.

On vous introduisait à moi en les termes que vous saurez sans que vous n'en soyez avisé. Les salons portent mal les bruits de rumeur, et je dois me fouler les muscles pour faire cahoter les paroles voilées jusque dans les politesses.

« je suis tombée sur une femme sur FB et j'ai presque cru que c'était toi. Elle écrit, un peu, et ça ressemble un peu à ce que tu écris toi. Avec beaucoup moins de talent, bien sûr, mais il y a quelque chose, de la colère, du dégoût peut-être, quelque chose qui me rappelle toi. Je me demande d'ailleurs si cette femme n'est pas un homme déguisé... On s'en fout, au fond, ça fait peu de différence.
Elle s'appelle Diane Elbach, si tu es curieux et veux t'y frotter. Attention, j'ai dit qu'elle n'avait pas ton talent, et c'est vrai, alors ne te vexe pas en la lisant. Elle emploie le mot narcissisme, et puis le verbe "baiser", avec colère, c'est ça, je crois, qui m'a rappelé toi. »

La violence me drogue, me coule dans le corps, je la retiens souvent d'un geste volontaire et vain, afin que comme l'eau violente des fleuves insoumis, elle vienne secouer la digue fébrile de ma mesure, et emporter le paysage d'un élan d'autant plus sauvage qu'il en a été retenu. Regardez ces fauves que l'on affame.
J'aime feindre les civilités, prendre les usages entre mes doigts, et en faire des pantomimes, jusqu'à tant que la poudre blanche craquelle entièrement sur le visage, que le geste muet devienne le cri fou, furieux, brutal, qui s'en vient assommer de sa bouche de carnage le public horrifié. L'ordinaire se déguise en monstre ; le monstre en l'ordinaire. Tout est affaire de perspective, les points de fuite sont changés selon que l'on est le personnage, l'artiste ou le spectateur.
Voyez. Je vous écris dans une vieille langue fatiguée, j'ai pris des mots quelque part dans les souvenirs éteints, j'ai ramassé la cire des cierges pour les coller à ce silence, parce que la flamme même des veillées funèbres était trop vive pour pasticher le gris du reste des existences.
Je ne vous cache pas que je suis intrigué par moi, par moi dans tous les débris que ma chute peut engendrer, dans tous les fragments que l'on retrouve et contre lesquelles par accident, l'on me rapporte l'horreur de mon reflet.
Je vous traite avec des gants bêtes qui abritent des mains jeunes, cruelles, qui voilent la chevelure auburn de mes véritables façons. Je dis bite, je dis sexe, comme je dis « moi » pour prolonger l'Univers, pour faire du reste des êtres vivants les cercles concentriques qui s'étendent depuis le céleste « je », l'indisponible « être », depuis l'intime, tout est de la racine originelle du moi, de son filament dangereux, de sa loqueteuse expression, de son hésitante radicelle. Voyez. Je sais crier, mais je ne veux pas pour lors, je retiens, je réserve, l'extase c'est après, nous sommes dans la politesse, pensez, la terrasse du café, imaginez une scène, voilà, vous jouez le rôle de l'ordinaire. Les mots ont des forces de marées qu'il est bon souvent de contenir dans la gorge sans espoir de les annihiler, il n'est pas assez encore de n'être que l'eau vive des torrents, il faut la conserver en gargouillis dans la stase de l'attente, dans la patience sournoise qui vient y faire pousser les plants vénéneux et unir leurs poisons violacés, menaçants, au courant de noyades. Voyez. Du lit faire la lie.
Enfin. Je vous regarde avec circonspection, je vous regarde d'yeux faussement myopes, derrière le monocle artificiel, de celui qui empèse son pas, qui en ralentit la cadence en le confondant dans la pensée râleuse, cette négation de la geste, cet ennemi de l'action. Voyez. Vous aimez Colette, et je déteste Colette. Vous aimez Lou Reed et je subis l'affront de l'avoir en concert, m'ennuyer de ses rauques malfaçons. Encore. Vous aimez Glenn Gould, et je veux vous déchirer les lèvres de passion. Je vous imagine le sommeil pénible, à l'entendre tamponner la beauté à toutes les particules d'air qui portent le son. Je déteste Yourcenar, et l'on écrit Jane Austin. Rilke me fait mouiller les sous-vêtements que je ne porte pas. Non, décidemment. Vous avez des choses communes à moi. Et d'autres ennemis. Nous pouvons nous croiser dans l'étroit couloir des forcenés. Je ne sais pas bien. Si je dois vous y assommer, vous aimer, ou vous ignorer. Je ne sais pas quoi faire de mes mains autour de la pensée de vous qui se façonne. Les posez dans le geste sacré de la prière autour de votre gorge souillée, joindre ferment les mains,donc, dans cette prière jusqu'à vous voir expirer Dieu, vous caresser du bout des ongles, ou bien m'en bouchez le nez. Dites moi.
Enfin. Ce message m'ennuie. Ce style me pèse, les bottes de métal je les laisse à ceux-là qui croient encore aux politesses des chevaliers imbéciles. Aux pucelles qui boutonnent à leurs âmes mortes des boutons de rose, des espoirs de mariage, d'enfants, des rêves de grand-mère, tous ces archaïsmes. Je sais une chose. Je suis moderne. Le monde pour lequel mon être a muté n'est advenu nulle part, j'ai tourné des pages d'Histoire, j'ai fouillé les détails, enquête dans les manuels d'anthropologies, et nulle part je n'ai ma raison. Alors, cette époque se laisse attendre, elle traîne à l'angle de la prochaine rue amoureuse, elle attend que je la trouve. J'ai déjà muté pour elle, en tout ce que j'ai de différent, d'inadapté à mon temps. Je suis déjà dans le plus tard. Chaque geste que je fais, qui paraît illogique à mes contemporains, trouvent une nette solution dans un temps proche, entier. Je laisse aux gens l'archaïsme. Vous savez, je suis au bout du Droit, là où la route se tend, où les ambitions prennent tous les plis des robes avocates. Je suis entouré par des médiocrités d'êtres humains, par des sténographes. Dans chacun d'eux il y a une leçon, de l'éducation qui ne survivrait à rien. Je les évite autant que possible, les automates me font peur depuis que je suis enfant. Expliquez leur les passions furieuses qui peuvent abîmer une âme et ils vous interrogeront sur le sens mystique de cette âme comme si vous étiez plein d'une fièvre malsaine. Ah. Parlez leur avec les boutons des fleurs éclatantes dans les fins de rimes, et vous les verrez rire cette langue inutile. Je peux leur dire, « la poésie me froisse la peau », ils s'étonneront. « Le papier d'accord, un muscle encore, mais la peau ? ». Pourtant, j'ai la peau froissée, tachée, aussi. S'y impriment les doigts de la nuit, quand sa tendresse trop vive, trop impatiente appuie la pommette fragile.

Revenons en à moi. Ce moi, réel, pas l'autre, là, le truqué, le mensonger, pas le malicieux qui feint, qui imite, qui dissimule ses crises et ses cris dans à peine de délire. Je suis un monstre honnête parmi le monde, tandis qu'en réalité, je suis plus sauvage, plus violent, moins bien coiffé encore que ceux qu'ils savent, mes yeux absorbent des volutes noires, des charbons irradiées de vice. Voyez.

Moi je parle de la violence folle, avec de la vitesse au lieu des mots, je dis des névroses qui crèvent comme des intestins cancéreux, ce que je dis, c'est l'accident purulentau fond de la phrase, le précipice à la suite des virgules, le silence qui suit la voix des acteurs, le platane du cœur où s'écrasent les amours. Quand je dis « j'écris » je veux dire « je bande » quand je viens mettre des typographies, ce que je tente, ce sont des attentats, des homicides, j'aimerais tuer d'une phrase. Le papier tranche si mal les gorges amantes. La poésie se contente de ce vulgaire sang translucide, cette lymphe à peine du regard troublé. Pouah. De la haine, voyez, de la haine, de la haine fantastique, de la haine qu'on boit par l'éclat luminescent, de la haine, voyez, qui s'agite sans fins, du haut de sa tour vierge, où le quartz qui transperce les hommes fait un sabre ironique « voyez, le temps tue, littéralement ». Crachez, vomissez, toutes les couleurs je les sens dans ma bile, venez faire se désunir, se fracasser la lèvre sur les miennes, à travers ma langue, unique, celle que je déforme, que je reforme, celle pleine des caprices de fillette vierge. Je mets les doigts jusque dans tous les intérieurs, l'intimité c'est moi, l'intimité je la délie. La pudeur je la moque. Sur les places publiques, des inquisitions ont tremblé à la lecture d'un nom, semblable au mien, ils se souvenaient, les papes éteints, se souvenaient les tisons de fièvre que je tirais de chacun de mes cheveux pour les faire gober par les yeux. Ah. Qu'elle est belle la violence quand ses cloques suppurent le venin de l'atroce, la laide esquisse des silhouettes. Un livre. Ça commence par une interrogation, ça commence par un lieu imprécis, qui se dessine à toute hâte. Vite. Des manières, des gens. Vous savez. Un texte c'est d'abord une ville déserte, abandonnée, qu'il faudra rendre à l'allitération diserte, c'est stupide, l'écrire, s'il n'y a pas de baves, de sperme, de rage, la reddition des morales, si les maladies ne viennent pas incuber dedans, faire tourner leurs bacilles nouveaux et s'inventer des gardes, des mantelets, attacher des souvenirs de morts à leurs poignets, je connais des mots, savez-vous, qui ont à leurs clous, des prénoms de femmes égarées, des qu'on ne fait plus aujourd'hui ailleurs que dans le marbre des tombes. Leurs visages est ici, dans mon écriture. Sentez. Certains hommes traversent l'existence sans odeur, et ne s'en découvrent une qu'aux lendemains du partir : le miasme. Ne se prennent une lumière que dessous la tombe : le feu follet. J'ai rencontré des peintres de rue, qui ont voulu me trafiquer, et j'ai saisi une ardoise blanche, je leur ai dit « voyez, mon visage c'est l'infini, mon visage il suffit de la feuille vierge pour le dessiner, je suis l'Univers extensible, ma taille est souple, ma colère et mon sexe se tendent jusque des frontières injustifiables ». Faites tourner les mots comme la langue dans la bouche amoureuse, suez par tous les pores, suez, noyez, que les sexes embaument de leur indécence les salles de classe, de théâtre, que sous l'archet du violoniste la sueur glace la note dans l'effroi terrible de la jouissance. Imaginez, un parterre de somnolents. Aux attitudes graves et mesurées, imaginez ce vieil homme public, aux accents de constances, à l'éloquence d'un laurier vieilli -dont le suc est le seul souvenir glorieux-, imaginez le soudain sorti de sa torpeur, se souvenant non du corps, non de l'âme, ces deux choses il a fallu bien tôt les vendre pour entrer dans les affaires, pour faire du droit, de la politique et des choses de finance, des choses « sans cause », se souvenant qu'autour de lui volent des insectes creusant dans les vagins des femmes des odeurs pointues, des insectes aux dards enjolivés, aux abdomens rougis dans des forges venus des temps antiques. Imaginez, celle-là, dont le corps se traîne d'abandons en abandons, et dont la beauté sent le plastique, la colle, l'hermine et l'humeur détestable des poudres angéliques, imaginez là avec sa pensée dévoilée ainsi formulée à ses miroirs cataplasmes « ma vie je l'ai dédiée au plaisir, le plaisir c'était l'argent, la robe d'avocate, les amants beaux, et les maris riches ». Imaginez là, dans son fauteuil de velours rouge, sous les ors de cet Opéra à la douleur morbide, imaginez là, se faire agresser par le plaisir véritable, celui des sens, qui perce le corps pour se ficher dans l'intérieur de la nausée, dans l'électricité qui stimule le nerf, dans la veine de la veine, sous le plastique du coeur. C'est d'ici que je parle, c'est ce cri que je raconte, que je fais, que ma bouche s'obstine à réciter. Le mantra, le mantra invoque des dieux, des chimères, des sorts, il y a des magies infernales à s'obstiner, il faut le savoir, il y a une chance qui jaillit, toute fatiguée d'être rappelée depuis le tard de son oubli, sous la voilure crépusculaire de son lointain gésir.
Ah. Des fontaines à boucher, des portes à clore, à voilà le sort de la modernité, ses mains agiles,sa censure gentille, tout ça est pour le bien, la paix entretient la servilité.
Faites la guerre, avec moi, vous y verrez des images graves, tremblantes, des photographies d'une bataille que nous ferons à deux, sur la frontière volage des infidélités.
Trahissons toutes les mesures.
A genoux dans la salive laquée
Des angelots de pierre aux fronts de crachat
Dans mon sommeil j'abuse les galaxies
J'ai enfanté, des astres, qui ont fait
Les yeux bleus des amours

11 mars 2011

J'ai décidé du sens du monde.

 

Je t'ai aimée, puis je t'ai haïe, et je t'aime à nouveau. Je crus même être capricieux, cette structure nouvelle, ce polygone impoli de haine portée à ta coupe d'yeux turquoises, je l'imaginais d'aigreur, de l'impossible révélation biblique de nos deux êtres. Ce n'est pas le cas. Je te hais pour des raisons nettement dissociées de celles de l'amour frappant ton endroit. La marque abandonnée entre ta clavicule et ta poitrine fine, déchirée presque de minceur, est sans relation avec celle des morsures méchantes à t'apposer aux muscles fébriles de ta lâcheté. Je te conteste ta lâcheté, je refuse de t'admettre en égale, de considérer à ma hauteur tes pâleurs, tes secousses minables, tes tremblements de mesquine. Je sais trop de choses sur toi, et je t'en veux de te connaître sans t'avoir écouté, je t'en veux. Si je te l'affirmais, tu n'y croirais pas, et pourtant je te devine, ton odeur parle mieux que tes éloquentes façons. L'eau ne connait pas le poids de ton corps. Et le feu ne se soucie pas de l'odeur de ta peau. Les éléments géants ne sont que pluie fine sur ton charme transparent. Et je voudrais, ne garder que pour moi, cet amour sans vie, où je te place, amante sans brouillons, dans un silence si parfait, que ton visage devient dur comme la pierre noyée.

J'aurais beau déchainer la puissance des reliefs, amante maudite, tu restes plate comme ma langue qui te cherche.

Seul la rondeur de tes mains, savent guider les miennes, pour écrire qu'aujourd'hui, je suis le seul à te voir, beauté troublée de sommeil.

Seul la cambrure de mes mots, donne un teint tiède à tes yeux gelés, sans impressions, les éléments t'abandonnent.

Et ma main ne cherche plus que par hasard, une copie de ton visage, qui se dédoublait. Plus tard, lorsque nous serons sans rapports l'un avec l'autre, que tu n'auras pas encore concrétisé ta gloire maniérée, que je n'aurais pas mis en place mon funeste destin, je t'écrirais des lettres amoureuses anonymes. Tu n'ignoreras pas l'expéditeur. Après tout, tu sais comme j'écris, ambivalent, comme ton visage dédoublé. Je sais qui tu es, je sais celle que tu ignores, et qui ruisselle dans toi.

Je t'ai déguisée de moi-même. Et plus prêt de la vie toujours, je ne saurais que te dessiner, amante dans l'ombre.

Je secoue ma chair, je n'enlève jamais ta robe. Ta nudité est trop vive, elle me brûlerait les yeux sensibles.

Lorsque je t'écris, sur ces pages, ma cruauté le fait traduire à Christine. Elle me répond « elle a de la chance ». Non, tu n'as pas de chance. La chance est dans moi, ce soleil bleu, brodé des soies rares de Ceylan.

 

Je t'aime « chaste estomac, le séjour des beautés »

 

10 mars 2011

Le sens du réel.

Chaque matin, en me levant en vie, en me souvenant que je fais du droit,
une envie de pleurer m’étourdit. Chaque matin, après avoir usé mes trois
heures de sommeil cauchemars. Je ne trouve plus mes larmes, pour les faire
couler de mes yeux. Je vais, sec, comme une brindille d’été dans mon
désordre.

Il y a des censures dans les lits des filles. Il y a des censures. Quand
ce soir, je retrouve, le sens en désordre, sur les cheveux laqués de
Loriane, je sais, déjà, le cours, du mot. Je sais sa bouche heureuse, et
son déshabillé. Loriane, porte une robe fendue de nudité. Le soir de mes
grimaces elle donne la main à l’enfant volé. Donne, donne, coupe sous les
pas les visages beaux.

C’est un autre corps que je désire. Un corps. Qui louche. Tes gestes ont
la symétrie sympathique. Et tes doigts portent un monocle à ta bouche. Tu
rêves flou et tes cheveux biaisent dans l’or sirupeux. Blonds ou bruns.

Il y a un corps contre le mien qui ne fera aucun bruit. Je l'écris avant
de le trouver. Annette. Ton souvenir, vois, m’envahit.

Je m'appuie sur Dieu. Il tombe à la renverse. C'est un miracle ordinaire.
Une journée est née.
J'entre dans la chambre d'amour. Je suis dans la façade, dans le Droit, le
modéré, je n’y ferai pas carrière. Le déguisement commun. La chambre
d'amour. Loriane revient. Crédit Agricole. C’est loin. C'est toujours
cette même angoisse qui prend. Etre dans la chambre d'amour, et les pas
s’émiettent comme ceux de Marguerite. Regarder les murs. Garder le corps
fermé. Caresser le bord du lit. L'angoisse de la présence, dans la chambre
d’amour. Je suis l'amour. Je manque à l'appel. La vie s'éteint en moi,
dans la chambre d'amour. Je deviens mon propre adversaire, ma propre
lutte. Dans cet endroit. Je baisse le sexe à toute allure. Je noie le
monde dans cette chambre d'amour. L'espace s'ouvre sur une colline qui se
fond dans la bouche d'une danseuse. J'ai mal aux mots. Je me lève et le
matin ne m'appelle plus. Les nuits sont inaccessibles. Le soleil brûle
dans un tiroir vide. Trop vide. Comme moi et cette chambre d'amour. Je
n'arrive pas, vraiment, à m'évanouir, mais j'aimerais. J'ai l'air
d'écouter. J'ai l'air tellement attentif, que je me fais mal. Tout ça
c'est un précipice que je saisis rapidement. Le vide des salles de
classes. La chambre d'amour. Une vitesse exagérée. Tout se déroule
ensuite, quand Loriane ferme la porte à clé. Quand je suis en accord avec
ma violence, avec la violence qu'on me propose. Je suis seul avec mon
propre corps, mon propre sang dans la chambre d'amour. Là, où tout doit se
dérouler. L’hurlement. De la peau. Je suis aménagé pour diminuer mes
actions. Tout est dans la démesure. J'annonce que le soleil brûle et que
c'est une puissance que vous ne connaissez pas : la puissance de l'intime.
Quand elle ouvre la bouche, j'y dépose quelques mots en silence pour mieux
respirer. L'amour soulage de l'écriture.

Je sais que mes camarades me détestent, alors je les appelle camarades,
parce qu’ils n’aiment pas ça.
E dit "montre-moi ta chambre d'enfant" et j'ai envie de lui ouvrir mon
ventre.
Je rêve souvent d’une fille à qui dire "je ne rentre pas ce soir, ni
demain, mais peu importe puisque tu m'accompagnes". Une fille comme Marie.
Quand L dessine je me demande si elle souffre. Si ça parle de tristesse.
Elle dessine des fleurs mais elle a les mains moites comme si elle voulait
atteindre quelque chose. Je crois que la beauté est douloureuse parce
qu'elle est incapturable.
On peut vivre sans écrire. On peut écrire sans vivre. Finalement, l'on a
besoin de rien.
Carolz dit "on m'a parlé de toi, tu commences à être connu, personne ne
pense que tu es un garçon. Ce pseudonyme, vraiment".
Je sais que l'écriture prend toutes les positions du corps. Et que je
cherche celle qui m'empêchera d'y laisser toutes mes traces. Il y a cette
phrase qu’un professeur pourrait me dire "tu es trop dans l'écriture". N a
écrit "dans mon cas, il faut écrire pour se faire aimer". Je suis
semblable.
S’ils savaient, ils diraient : "tu n'es pas dans le réel, ni ailleurs, on
ne sait pas d'où tu viens".
Quand je parle à Amandine, je retire ma peau sous des projecteurs timides.


Quand elle met son manteau en cuir je pense à une peau qui attend d'être
brûlée.
Loriane habite un appartement, avec une petite chambre et des petites
fenêtres. Je me sens chez moi comme d'un amour qui prend trop de places et
qui déborde chez le voisin.
Le soleil est une flaque d'eau malheureuse parce qu'il n'y a pas plus
enroué que lui.
Les bruits de la nuit ressemblent à ceux qui manquaient au jour. La nuit
devient une consécration.
Un homme tombe d'une femme et mord dans sa poitrine comme il se
rattraperait à la dernière branche.
Les diamants s'éloignent à quatre pattes. Pendant que les femmes à genoux
récitent des poèmes. Je regarde les lits dans l'obscurité. Et mes yeux se
transforment en cygne baignés d'encre. Le joaillier frappe du talon la
tête des rubis. Les poèmes sont nés dans les draps masculins. Pendant que
je cherche les images, les bijoux se font d'eux-mêmes et je les rate.

Marie et moi. Presque. Malgré ses caprices. Est-ce que je suis infidèle.
D’aimer tant de filles, en même temps, de faire des vagues avec les corps,
des sculptures graves. Quand je dis « ma copine », je ne dis jamais
la-même. J’ai dit comme chiffre à mes voisins « trois » et c’est plutôt
trente, qui se bousculent dans l’étroite laideur de mon corps. Trente
jolies. Sublimes. Eloi disait « je ne comprends pas » je disais « c’est le
mauvais goût des filles qui les fait tendre vers moi, le mauvais goût des
filles vulgaires, pense, je suis de l’art moderne, je suis un discours ».
J. est mannequin, et je lui dis « tu es comme mon écriture, tu prends
toutes les positions qu’on te dit, tu es une actrice de cinéma muet ».
J’ai trente amours changeants. Je disais, quand il en était sept « c’est
un almanach, sept jours de semaine » aujourd’hui, c’est l’Atlas, l’Atlas
de l’Europe. Trente Etats indépendants, voisins, jaloux. C’est l’Europe de
1900.
Julia. Je suis dans mon plaisir incapturable. Dans un secret tellement
connu. Une réelle recherche. Sans fanatisme. Comme quelqu'un que j'aurai
connu il y a longtemps déjà et que je tentais de retrouver. J’écris "nous
prenons la peau des autres qui nous envahissent".J'écris pour ceux qui
laissent leurs corps derrière eux en me lisant. Je n’imite pas la douleur,
nous parlons avec la même voix


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10 mars 2011

Lettres aux absinthes.

La première étreinte que j’eus avec Annette me fit m’heurter avec quelque
conception orthodoxe du corps, tout le sacrilège qui se bercerait sous la
pâleur de ses lèvres, l’anathème imprimé à son cou ophidien si elle ne se
refusait pas à cette caresse indigne de sa chrétienté, pâle, malade,
anachronique, qui abandonnait mes gestes pour se mêler des siens siens. Le
lien du mariage ne faisait pas qu’unir dans son idée deux situations, deux
civilités, ne se contentait pas d’agréger socialement –sous le regard
religieux d’un dieu lointain, perdu dans les circonvolutions des étoiles-
les êtres étrangers au corps voisin, il était plein d’une autorisation,
d’un permis de commettre les actes frappés auparavant d’impiété, de
purifier le vin du poison ordinaire et rendre l'ivresse ainsi diminuée,
honnête. Le mariage, dans sa vie de moraliste (de celle qui traite des
mœurs et non de l’habituelle confusion que l’on fait de ce mot avec
moralisateur, celui qui s’occupe des choses de la morale), portait à la
même autorité que la majorité dans la vie légale.
Les actions méfiées, diminuées, illégales sous les lois policières, dans
l’ordre privé, sous la mue des dix-huit ans, fanaient soudain, les casinos
s’ouvraient, les bouteilles d’alcool se débouchaient, tout l’illicite par
ce pas dans le temps ouvrait ses cuisses vénériennes. Annette, ne tolérait
pas que l’étoffe de mon pantalon, à la proximité de sa poitrine radieuse
débordant du peignoir de mousseline, au sortir de la douche fumante
encore, se soulève. Lorsque je l’heurtais ainsi abîmé de désir, elle
courrait, horrifiée, pleurer dans la bibliothèque religieuse, récitant des
excuses cyrilliques, des superstitions de croyance en vieux plâtre
défraichi, toute la magie maléfique d’une fille trop éduquée, à l’âme
endolorie par les psaumes stupides de ses parents absents. Son habitude
des corps fantomatiques, sa répulsion –cette phobie artificielle revêtue
du linge de la morale- tenait à son enfance, elle ne vécut ses parents que
comme des ombres, à la tendresse désincarnée, à travers les présents
multiples, des distances, les maquillages, les tenues de soirée. Ses
parents étaient deux absences, et le choiement, s’exprimait pour elle dans
des délicatesses lointaines, son amour partait de l’âme, et ne rencontrait
aucun corps, aucun corps qui n'eut à être perturbé, gêné de la barbe
piquante d'un père hirsute de nuit, de la douceur de conte de la voix
d'une maman.
Nous étions de deux radicalités férocement ennemies d’être trop
symboliquement proches. Nous nous considérions tous deux hors du corps.
Tandis qu’elle croyait son âme un héritage divin, où brillait dans de l’or
blanc les organes de Dieu, à commencer par le foie, je me sentais une
chair difficile, mon derme en tant que coagulation du sang de mon âme, de
l’extrême sensibilité de ma douceur que la lymphe caillée avait formé en
une croute communément appelée "corps". Une peau à percer de la violence
farouche des baisers fainéants, pour atteindre les nerfs opaques de moi ;
percer sa peau, c’était atteindre, et souiller son âme pure, blanche,
russe, c'était venir se mettre face à Dieu et le regarder dans les yeux.
Nous nous aimions, malgré tout.

Il n’était pas à dire qu’elle refusait toutes les caresses, ma douce
Annette, mon petit caprice aux vertèbres, lorsque sur ses côtes je jouais
de la harpe, que sur sa bouche brûlante, je tapais du doigt de la geste de
la baguette du tambour, que je serrais son cou de mes larmes en fusain,
son âme ronronnait de prières. Le rythme de sa tendresse se brisait
brutalement lorsqu’elle faisait face à la rage de mon désir, aux
soubresauts de ma main violette de congestion et nos deux corps brièvement
indistincts, rendus complices par la peinture, par la musique que nous
assemblions sans nous regarder, se rompaient en deux atomes sans valence,
jetés de chaque bord des barbelés blonds de sa chevelure de reine berbère.


Je me souviens de sa peau de voile, baignée par les lacs italiens –Lac de
Côme, ton souvenir m’enchante encore-, de son corps tremblant, et de la
chaleur qu’elle traquait, animale, près de moi, de sa bouche frémissante
de neige, de ses dents découvertes, mauves d’un vin sucré. Cette nuit,
près des nuages rabaissés par les orages, suspendus en menaçantes rayures
de détenus, crispés dans l’immobilité de leurs gels, ses bas descendirent
jusqu’à la croûte terrestre et quittaient ses jambes ruisselantes de peur,
son corps tout entier jouait la cadence des effrois, l’entrechoc de ses
genoux en verre tressaillait de la mélodie du désir, je la voyais se
crisper comme un coquillage plein de marée visqueuse, je la voyais
supplier mes membres de garçon cruel dérouler l’hurlement amoureux elle
disait avec tout le corps « déchire moi, mon amour, déchire moi comme tu
fais aux autres que tu aimes.», je la voyais invoquer les choses
insoupçonnées d’elle, venues des rocs vibrants qu’enchantèrent les flutes
des dieux païens, elle criait une voix d’herbe jaune, neuve, d’un alcool
hérétique, se couvrait la nudité d’algues dédiées aux temples paganistes,
cherchait la langue de chocolat chaud, la gorge blême du souffle rauque,
le ventre porté jusque l’incandescence, suppliante de ses yeux
bleus-vierges dont les paupières ne pouvaient pas arrêter le flot des
musiques vertes, elle portait son corps dans la forme de l’abandon, enfin,
enfin, au plaisir prête, enfin, enfin, la reddition de sa morale, au coin
de ces roseaux hauts dont elle put croire que l’entrelacs audacieux
dissimulerait à son dieu haut-perché nos offenses à ses commandements
stupides. Je me souviens de tous nos gestes, de la promptitude de ses
caresses, de ses mains à la forme de plaisir, aux adresses saintes. Je
n’imaginais pas les forges mystérieuses d’où tout son savoir se sauvait,
se faufilait, me déchirait. Nos cris brefs, et répétés, avait l’intensité
d’un cantique de dernière foi, d’abandon des sacrements, chaque part du
plastron qu’elle ôtait de sa peau trébuchait dans la poussière vaseuse des
berges, se mélangeait à sa morale sans cesse plus corrodée. Sa bouche
était pleine de cris retenus. Elle apprit l’amour qui n’est qu’un
hurlement, qui ne peut être à la douceur, et se doit toujours de trouver
refuge dans la strate suprême du cri, dans son excès, dans sa flamme si
brûlante, que la réalité alentour, rendue labile, s’effaçait comme l’air
autour de la flamme du briquet tempête. Le reste des éléments était chose
vague, inutile. Nous bûmes l’eau claire, sous le chant des pies dont les
yeux noirs, plein d’appétits pour les choses brillantes, nous scrutaient
avec envie.

Annette. Mon souvenir. J’espère que tu portes bien ta Russie. Que tes yeux
bleus et trop clairs ont cessé d'admettre la curiosité indignée des
religieux en toi, que tu les as voilés, comme fait une religieuse, du
fichu crêpée de mensonge.

Tu me manques.

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10 mars 2011

Répète avec moi.

 

"ne cesse jamais de vivre, crie ton prénom". Imprime sur les cartons d'invitation, au revers des manches blanches, ton prénom, qu'il claque contre le vent, contre le palais, qu'il fonde sur les regrets, sur la langue. C.. Crie-le. Qu'il s'éclate contre les bouches qui vous écoute, qui vous lis. Contre vous. C.. Crie. Crie ton prénom. Crie-le aux assassins, aux oiseaux. A ceux qui posent des questions. Ton unique réponse. C.. Comme la liberté, criez votre prénom. Et surtout, ne cessez jamais de vivre, ne finissez pas les yeux morts comme des étudiants en droit, comme des banquiers, gardez vos nombrils fiers, vos cils panachés, gardez l'aube et l'émotion ailleurs que dans le lucre, le stupre, que dans les discussions, gardez en vous assez de sensibilité pour vous asseoir la nuit dans un parc, sous l'odeur chancelante des arbrisseaux toussant la croissance. Gardez assez de légéreté pour ne pas croire que la douleur impatiente, qui se presse à vos lèvres, est une méchante ennemie, traitez la bien, elle vous donnera des images de maternelle. Ne finissez pas, dans des robes de soirée, dans des complets idiots. Soyez brillants, et différents, mettez des chaussures sèches, sautez dans l'innocence radieuse qui vous lustre les paupières. J'étais très intelligent, avant, on m'avait diagnostiqué l'intelligence, oui, comme une maladie. 146 de QI c'est extraordinaire. On ne se rend pas compte, on ne se rend pas compte. Le sommeil interdit. 146, c'est la vitesse que je veux atteindre, c'est le nombre que le sommeil ne peut pas casser. 146. Vous imaginez. 146. J'aurais pu. Faire toutes leurs choses étranges et bizarres. Tu te souviens. Louis Le Grand septembre 2006. Tu te souviens, l'impatience au lycée devant les cours trop lents. Le sommeil qui venait dans la révolte. 146. C'est interdit, 146. C'est trop, ça abime. 146 c'est l'allergie au repos ; 146 je ne sais pas le goût de l'effort. Je n'en ai pas besoin. 146. C'est comme Marie, qui découvrait dans ma chambre ce papier du psychologue, et qui me disait horrifiée « pourquoi tu ne le dis pas ? Pourquoi tu caches toujours tout, l'écriture, l'intelligence, tu es secret, tu me fais peur ». Alors voilà, je t'écris les pleurs Marie.

Je t'écris souvent et même toujours. Je te vois, c'est un peu la même chose, sauf que nous écrivons ensemble. Je suis comme le rocher qui coule, toi tu comprends, et tu te tais. Chercher les mots pour épater, pour les entendre te dire le talent. C'est amusant, ce n'est pas sérieux. Le talent. Le talent ça veut dire « adieu », ça veut dire « différent » ça veut dire « incompréhensible ». A l'intérieur, les vagues ont effacé les marques de tes dents, je suis en pleine fugue contre moi même. Et c'est pour ça, que je suis là, avec toi. Les choses qui n'ont rien à faire là. Parfumé aux détails. Allongé sur le plafond dans un square de la rue du Commerce où j'aimerais écrire sur ta peau Je suis comme l'enfant qu'on frappe avec un seau de plage, j'essaie d'oublier les mots. On frappe le crâne et le sexe. On voudrait faire des châteaux, alors on frappe, frappe, de sable et d'amour. " C'est injuste ". Oui, c'est injuste Marie. Une chienne agressive à plaindre, qui aboie à la porte. Comme ce dernier matin, où j'hésitais entre un éclat de rire ou de sanglot, mais un éclat tout de même, comme du verre, du sable dur, ou des feuilles de couteaux, des couvertures de rasoirs. Je tente de m'étouffer avec un noyau d'abricot, il faut que je l'oublie, il faut que j'oublie l'écriture. Plusieurs fois je l'ai abandonnée dans le fond d'une forêt, et à la clairière je la retrouvais, avec son innocence de petit-poucet. Une peau de lait battue. Quand tu as ouvert les bras, caressé mon épaule et pris mon visage entre tes mains, tu n'as pas senti, toi, les buveurs d'absinthe de 20 ans qui logent dans le creux de ma poitrine. Tais-toi, là tout de suite, je t'aime. Tu le sais. Merci. Un ami m'a dit un jour " tu " et depuis je. Comme toi. Comme eux. S'ils me lisent, tant pis, ils me prendront pour un fou. Tu sais, cette année, pour la première fois je n'arrive pas à retenir ma haine pour mes camarades à l'Université, je n'arrive pas à dissimuler la colère. C'est encore le « 146 ». Comme un numéro de chambre. Si l'on me met à l'asile, je veux la chambre 146. Je pourrais dire "mon intelligence je la décroche, tous les matins, je la dépose dans ce carton, dans ce chiffre là, vous la voulez ? on peut y entrer"Ce chiffre qui sonne sur mon front comme celui de la bête. Pour la première fois, je crois que l'on peut voir autre chose qu'une différence, qu'un léger décalage de moi. Je retiens l'intelligence, pourtant. Je te jure. Je n'allais pas en cours et désormais que je m'y rends je n'en écoute aucun, je ne lis rien qui nous concerne, je traite en me moquant de tout. TOUT NIER. 146. Toujours 146. Je crois que l'on peut voir ma folie, quand mes cernes apparaissent sous la lumière du RER. Ça me dérange, j'ai l'impression que c'est ma nudité que j'expose. Je n'ai pas trouvé de voiles à mes cernes. Quand je dis « tu as entendu le tonnerre rouler juste derrière nous » et que mes sens me trompent, on doit se murmurer ces choses que je suis un peu fou. Ou juste étrange. Je méprise. Je peux parler avec eux tu sais, j'ai appris la civilité au bureau, à sourire, à répéter les belles phrases. J'ai appris à ne rien faire avec talent. Mais je ne sais pas être courtois, assez. Je pense aux jolies filles qui m'attendent, à la sortie des trains. Je pense aux Samedi où je vois enfin de charmants visages, qui ne me demandent rien, mais qui m'embrassent. Des boissons de ta tendresse particulière quand tu dors là, sous, sur, en moi. S'ils me lisent, tant pis, je pense " tant pis ". Je me sens plus propre quand j'écris dans un parc. Il y a des gens qui ne devraient jamais me lire, comme eux, jamais. Certains le font, pourtant. Je fais comme si je ne savais pas. Et eux font pareil, comme s'ils ne lisaient pas. Nous n'en parlons pas. Un geste illégal. Tu m'as dit "tu me manques" plusieurs fois au téléphone, tout à l'heure, c'était délicieux, ça claque contre le silence. Puis, tu as dit " c'est étrange la vie, on s'attache aux gens, et puis, plus rien. Enfin, tu vois, rien. On s'attache trop fort et on souffre". Là, je t'ai trouvée niaise. Un hurlement. Quand j'aime, je deviens un hurlement. Des cheveux perlés de vin tiède et odorant, comme une odeur de sommeil, un chemisier déchiré. Lis, je prononce T-O-U-T. L'éclipse. Tout oublier. Tu dis "c'était vraiment bien", moi j'essaie de ne pas le dire. Oublier ces jours. Ne t'excuse pas, je connais ta colère même si je la déteste. J'essaie de la contrôler, ta colère et moi, ta colère en moi. Quand j'étais plus jeune je voulais écraser les passions qui passaient près de moi, dans l'eau, tu te souviens ? Papa déteste la femme qui passe à la radio, il éteint, je frappe au carreau. Alors mordre, les déchets marins, le sel qui coince. Des cuisses longues comme des désirs inavouables, on ne peut pas, intouchable, irrespirable. La chienne se jette sur moi, je suis un jeune homme galant, qui invite à danser le désespoir. Le vin me coule sur le menton, Marie je t'aime. Les coquillages suent. Méduse. Marie. Je ne voulais pas partir, tu le sais, mais ta mère attendait. Ta colère, tes pleurs ce matin là. Comme un corps qui apprend à nager. Ils ne comprendraient pas, s'ils me lisaient, tu le sais, non ? Ils comprendraient pas. " Oui, et alors ? ". Non, vraiment, ils ne comprendraient pas. Oublier, c'est tout. Ca passera, tout passe. Nos corps et l'amour. Nous sommes un théâtre de Bastille. Un Paris sans Lac. Je suis désolé, parce qu'Amandine m'a proposé de boire un verre avec elle. J'ai dit "J'ai envie de toi". Elle attend, depuis. J'aurais pu être désolé d'avoir de telles manières. Laine. Tenue élégante de fin de soirée. Dormir avec toi. ça passera. Sans importance. Je te dis " sans importance ", ne l'oublie pas. Et même. Vraiment, tout ira bien. Aime-moi s'il te plaît. Je déteste cette phrase, parce qu'elle leur ressemble. Aime-moi.

Tu m'as dit qu'on serait bien ensemble, tous les deux, à la maison. Que tu me rejoindrais, en Hongrie, parce que tu ne veux pas rester avec les Grands-parents et leurs habitudes de petites morts. Tu viendrais, là, me rejoindre, dans cet appartement, trop petit, trop calme, où je me cognerai la tête en dansant. Et on évitera, d'accord ? On évitera, les questions. Et l'amour, tout ça. On évitera d'arracher les yeux. Parce que ça parlera, de tristesse, de rage et d'amour. L'essentiel, c'est ta peau, dans tous les endroits du monde. Ici. Aussi. Je descends à la cave et je vais chercher un trésor. C'est parce que je connais trop les mots. J'aurais du ne pas sourire, quand Maude a dit "je pars à 4 heures du matin". Je n'aurais pas du m'arrêter à la Gare de son sexe. Et c'est vraiment magnifique, d'aimer comme j'aime, disait Camille. J'aurais pu ne pas. Et surtout ne pas commencer à écrire, peut-être alors qu'aujourd'hui je vivrai comme hier, hier, c'est eux. Tout ce qui est passé.

Je t'aime.

 

PS : Mais tu sais Marie, je ne les hais pas vraiment, je le dis seulement pour faire rouler des yeux à ceux qui lisent. Je les aime bien, tout au fond, je les aime bien. Ils savent comment faire, maladroitement, avec leurs corps et leurs intelligences. Ils savent exister et je ne sais que vivre. Si j'avais été beau, peut-être n'aurai-je jamais écrit une ligne. Peut-être n'aurai-je jamais caressé ton beau front, et tes yeux de pierre. Le talent, c'était pour remplacer le visage, tu te souviens ?

9 mars 2011

Perso - Les contours amoureux

Souvent aux amours que j’évite, souvent aux filles qui s’interrogent dans
le secret de la rumeur d’où elles se croient à l’abri de mes sens,
lorsqu’elles évoquent à distance de mes nerfs émus cet amour mystérieux
que je pourrais leur porter, j’aimerais leur écrire une lettre, leur
porter dans les vertèbres la parole légère. Une lettre très simple, aride
d’images, une lettre craquelée de sécheresse nomade, de fuite habituelle.
Pour leur préciser ce qu’elles sont quand je les aime, dans ce qu’elles
croient un amour de logique, tissé avec des fils de désir ordinaire, avec de
la peau, du muscle, de la chair et des muqueuses. Quand elles imaginent
qu’aimer sent le professeur, l’habitude, l’usage rassurant auquel
j’échappe avec l’éclat grotesque d’un rot impie. Expliquer simplement à
ces fantômes comme je les aime à façon d’idées et de pensées, comme je
tire d’elles une matière que je fixe ensuite dans des statues de cuivre
plus vivantes encore que leurs peaux enflées de cosmétiques :

« Quelque chose de toi que je t’ai arrachée, dont je te prive sans que tu
ne sentes nulle part sous tes paupières maquillées la déchirure, ce que je
te prends c’est ce que tu négliges, ce que tu ne sens pas, c’est le muscle
inutile, atrophié par la paresse, la force mutilée de ce qui ne « paye »
pas, ne vaut pas, ce qui ne se marchande pas et de ne l’avoir jamais plus
négocié s’est dissout dans le mécanisme indifférent des respirations.
Cette chose étrange que l’on possède sans la supporter qui coûte sans
rapporter, qui n’est qu’à la douleur furieuse. Ce muscle qui ne produit
rien que l’ineffable respiration des fleurs ; la chair fardée des fruits,
l’amer des écorces, le sucre des jus frais, tout le monde invisible,
répandu si largement dans la déconcentration qu’on n’en boit plus les
décoctions. Mes mains habiles –le reste de ma courte carrière de
monte-en-l’air, se sont glissées dans nos échanges, et tandis que nous
nous énervions, tandis que tes doigts agaçaient tes cheveux, je pêchais de
toi ces frémissements dont tu faisais peu de cas, ces choses sans force,
sans matière, glapissantes qui ne produisent que des douleurs, ces choses
que le siècle honnit, que la modernité ignore, une forme de misère, de
mendicité écartée par la morgue bourgeoise, ce qu’on pourrait dire
l’exaltation censurée. Tout le liquide incroyable, beau, écumant, dérangé
par des mâchoires impitoyables, ignoré de n’être pas mesurable, de ronger
tous les brocs, tous les bocks qui tentent de peser, de mesurer. Ce que je
te prends, ce à quoi je bois de toi, c’est l’étendue, plus loin que tes
cinq litres de sang, que tes deux de lymphe, plus que la pulsation
céphalique, que le lit des veines brisées en deltas verts, ce que je
prends c’est l’étendue dans laquelle baigne l’horizon égaré.
Tu l’ignores, tu ne peux pas comprendre que grâce à toi je suis ému tous
les jours que je traverse dans la vie, dans ces endroits dont j’avais
barré l’entrée, ces voûtes souterraines où je ne passais plus déguisé que
d’une fausse élégance de paresse véritable, que je me rends à nouveau sous
les plafonds voûtés des vieillards de légende, j’habitue leurs corps à la
déchéance des vigueurs, je me souviens le poids des profondeurs, leurs
ligaments limés d’amour, les salles de torture où pendent du plafond des
lanières de rimes, des pioches d’alexandrins, des niaiseries opalines, des
chevelures aubrunes. Dans mes paumes, habituées de sécheresse, j’ai senti
la rosée des pommes neuves, des pêches heureuses, j’ai senti des caves
grelotter, le frisson des nappes phréatiques aux paroles voilées des
timidités de leurs envies. La gêne qui tirait l’élastique de la pudeur. Je
t’aime autrement que l’on aime d’ordinaire, je t’aime dans un flacon que
tu n’as jamais vu, plein d’odeurs tourmentées, plein des voix ramassées
après que tu te réveilles, tremblante encore de cauchemars suffocants. Je
respire à ta gorge tes répudiations, figure-toi ainsi que l’air que
j’inspire réunit les molécules de dioxyde relâchées d’entre tes lèvres
usées de grisaille, tout ce que tu nies, tout ce que tu refuses, je
l’absorbe dans moi, j’en fais des toiles et des poèmes, des particules
dont tu ne veux pas –à tort- je sais arracher des astres noueux aux
racines délirantes à la figure insatiable de chansons.
Tu ne le sens pas, mais je t’ai pris quelque chose, quelque chose que tu
voyais si peu et qui, pour survivre à ton indifférence, s’était greffée à
ton ombre, rangée dessous tes coutures attentives, dans le pigment
malheureux, tenu, à l’extrême de tes lèvres colorées, cette chose où je me
glisse, où je m’invite, là avec cette part de toi, cette part immense,
fragile, malade jusqu’à la transparence cette passion refusée cette
religion expurgée de ta brusque apostasie, mes mots en font des salons
intimes, des boudoirs où écrire, je te réunis avec moi. Tu as banni de
toi, quelque chose immense de la forme d’un continent invisité, plein de
sauvages mœurs, d’arbres à musique, réclamant d’être traits pour ruminer
des sonates. Mais je ne t’en parlerai pas. Jamais, de l’amour que je t’ai
pris, je n’en parlerai pas à ta matière inutile, salie, nauséabonde, je
n’en parlerai pas à tes sens paralysés, à ton cœur gainé de rires polis.
Ce que je te prends tu n’en es pas plus maitresse que gardienne. Tu ne
peux agir pratiquement dessus, cette matière est intangible –et
négligeable- comme l’âme et l’aura. C’est dessus la nuit, à l’heure où les
clochers expirent les sommeils pesants, que je laisse un pétale fané dont
on dit, par-delà la raison, qu’il exhale la saveur répétée du regret. »

9 mars 2011

Square rue du commerce - 2h33

Dans le square de la rue du Commerce, avec les touches de mon téléphone aphone. J'écris. J'écris, ici, comme pour calquer les impressions du dehors sur un matériau irréel, je prends l'odeur de muguet, la fragrance d'aubépine, le tissu déchiré de la lavande, je prends le sanglot d'encens qui coule à mes pieds et je l'imprime dans un flacon sans bord, dans un goulot froissé comme des lèvres juteuses de pardon. Dans les rues où le silence prend sa voix d'instituteur sévère, tout en noir 1905, je cherchais un parc, un banc, et juste assez de lumière pour envelopper les mots dans une chrysalide blanche, dans un suaire pâle. Dans le monogramme de fils tissés par l'angoisse, dans l'excessive douleur. J'adule mon angoisse, au point de peindre dans ma chambre avec le violet de mes paupières, avec le fard lourd que je pioche aux lèvres ivres d'une Elsa délabrée, des toiles immenses, incrustées de cette unique sensation casquée d'ombres. L'angoisse. Je la dépose comme une fleur mourante sur la tombe d'un vivant, je dépose des chrysanthèmes en germe sur la possibilité de la mort. Ce que j'adresse aux hommes, ce à quoi je converse, c'est la part à mourir; gargouille immobile de l'existence, cet ajout qui se tient dans la fragilité du regard tétanisé d'une larme au bord des yeux de verve. Je suis trop sensible, trop plein de caprices nerveux, sensoriels pour passer sans me froisser une émotion dans leurs courses de honte, trop lourd de pulsions pour ne pas m'enfoncer dans le marécage d'habitude. « Tout est gris, nous sommes heureux » Mon ventre, ô tombe ouverte qui but tant de larmes, dont les muscles cent fois salis de larmes sont venus refleurir les gorges des moineaux de ce chant innocent, éclatant d'aube nouvelle, de rosée vivifiée. Mon corps, pauvre fragilité, papier à musique à la mélodie unique du cri agoni, où s'entend résonner les rêves prophètes du diable Desnos. Ta destinée tu la pleures de ne la voir que trop nette dans tes songes de cristal.

Disparaître, disparaître, encore faut-il apparaître, et sur cette corbeille de fantômes, dans ce vase où les fleurs se noient, où les tiges s'amaigrissent des sons prodigués, on ne pense pas même. Disparaître. En marchant jusqu'à ce parc je me demandais "pourquoi ne pas me jeter sous une voiture, là tout de suite, et seulement entendre le bruit de déchirement d'un homme qui s'en va, l'écrasement impitoyable de la modernité, ce sabot métallique de la justice sur le corps innocent, décharné, bientôt décharné. Mourir qu'est ce donc ? Se mettre l'âme à vif". Je me disais. Que le crime. Est pour les autres. Le crime est de faire peser à d'innocentes et frêles épaules une disparition, de  faire un être étourdi de questions, d'enquêtes d'investigations. Non, définitivement aucun de mes condisciples ne mérite de porter mon cadavre. Parce qu'il est trop digne dans son éther immaculé ; parce qu'il est plein de secrets et d'une odeur de mystérieuse : la même sueur que des amoureux pendent à leurs cous vierges comme des religions, parce que surtout, je ne pouvais me laisser au débarras, au milieu de débris, de morts prochaines à accrocher du même clou usé. Je n'ai qu'une ambition disparaître comme décroit dans la nuit le pas de l'amant qui délaisse la belle, je ne veux pas demeurer, en pensées, en souvenirs ou en regrets. De moi, il faut garder une odeur, une voix, un peu de la musique insupportable du talon qui tourne à l'angle des carrefours Invalides. Que l'on évoque sans la mélancolie du vin, mes yeux lointains, mon cheveu fou, mon visage si étrange que l'on avait pas vu pareille horreur depuis la peinture expressionniste. Je ne pouvais pas m'être abandonné  d'un dernier sourire négligé, je ne pouvais pas donner l'illusion d'avoir enfermé toute ma mort dans une couverture de cuir reliée, dans le "Maître et Marguerite". Ma mort vaut quelque chose, mieux que la vie des insignifiances. Je ne pouvais pas mourir à cet instant, sous cette voiture où la nuit prisonnière des phares me suppliait pourtant de la rejoindre, parce que je n'avais pas été au contact frénétique de la bonne personne, parce que les soirées anodines, méritent des fins anodines, un sommeil, l'écriture dans un parc. Cette normalité aux voix enregistrées, sans émotion, sans stupeur. Avec ce qu'il faut de distance mutuelle. Cette mort injuste, cruelle, illogique n'aurait eu alors aucun sens. Si la même nuit m'avait été un délit, si cette nuit là, mes pensées s'étaient faites en désir vers je ne sais quelle amoureuse oubliée, vers une Wendy au front terrassé de mon imbécile cruauté adolescente, vers Marianne impatiente à l'attente multipliée. Peut-être me serai-je jeté sous les roues couardes du véhicule soûl, que je l'aurais empourpré de cette couleur d'amour comme font les femmes sans vertu. Je ne pouvais pas mourir, sans une émotion lourde, sans perdre dans le fracas du corps violenté, un enfant douloureux. Une soirée anodine, et sa fin quelconque, qui se perd dans le brouhaha des fins quelconques. Les soirées qui ne laissent pas de souvenir. Un siège rouge, une condisciple, une salle bleue, une marche, un square. Je veux mourir d'amour. Pour Margot, Héloïse, Marion, Hervelyne, pour l'Art, peut-être, sournois, perfide avec sa bouche blessée par les coups de savate du temps. Mais je ne peux pas abandonner ma dernière pensée en indifférence, je ne peux pas la jeter là, et punir par hasard l'individu qui se suspendait alors à ma présence. Qui qu'il fut par ailleurs, même justement un condisciple. Je dois mourir en formulant l'adieu du baiser au front d'un être chéri, je dois sceller ce précieux caprice dans l'écrin pâle d'une lèvre vidée de langage. Si je meurs, tout de même, il faut un sanglot. Celui de la belle que je me serai choisi.

S. m'est venue en pensées. S. qui me disait "tu me fais peur Jonathan, tu me fais peur, avec tes yeux où la mort se repose, j'ai peur de la voir jaillir, peur qu'elle vienne pour moi". Les mots embrigadés se défaisaient, insoumis, de la conscription dans ma bouche, se décomposaient, le temps, le temps, toujours le temps pressé qui les entrechoquait pareilles à des dents dans l'hiver. Je ne pouvais pas dire. C'est idiot, la mort n'est pas en dehors de soi. Ce n'est pas une armée, ce n'est pas un tueur que le temps soumet à ses caprices, qu'il soudoie avec les dépits qui chiffonnent toutes les identités mêlées, chargées. La mort c'est dans soi qu'elle prend corps, et si tu la vois dans mes yeux, c'est qu'elle y est plus libre, plus avancée, c'est que je la laisse mieux aller, je ne lui interdis rien de son pas léger et fredonnant, je lui dis "visite tout, prends ce que tu veux, ça ne compte pas, je suis ailleurs, je suis déjà plus loin que ça, tu fouilles des souvenirs, de vieilles chambres abandonnées, tu jettes tes sorts sur des photographies, des pantomimes, tu abîmes, tu uses ce qui est déjà flétri, ce qui s'est déjà passé. Tu peux. C'est à ton mauvais choix. Moi je suis déjà ailleurs, je suis dans des mondes plus profonds, où la lumière ne perce que comme un radium par degrés interposés, avec des filaments de chaleur, avec des pigments dérobées à la mer, avec la détresse des crépuscules, éplorés dans le jour". Non, je ne meurs pas. J'imite, seulement le mourir, quand je m'allonge dans ce square étonnant, tout étroit. J'écris, comme les choses viennent, sur ce téléphone pénible. J'écris comme les choses se font dans moi, comme elles s'assemblent et s'amusent à se rompre. Je suis disloqué, à la façon de ses idées mal-conçues, de ces horloges qu'un rien de maladresse met dans les lambeaux miséreux, aux décharges du désordre, dans les mécanismes annihilés.

D'être ainsi figé, de crier sans lumière, me laisse du froid entrer à travers ma geste d'écrire. Je suis exalté d'un feu blême. Maude si près et ses caresses courtoises, pleines de velours bourgeois...

Il y a dans ce jardin aux odeurs courbaturées, il y a dans ce jardin plein de feuilles coupantes, de sable volant, d'idées en gestations, des pensées multicolores aux seins roses, aux yeux de muse. J'ai vu un songe, alerte, aux mains de violoncelle à l'abdomen de colophane, au pas guindé, fuir à mon approche. Des pensées je n'en ai jamais vues des véritables, j'ai su des ombres d'elles dans les amphithéâtres, dans les livres, dans les discours, j'ai entendu à la télévision des voix qui semblaient venir de leurs corps invisibles. Mais je ne voyais pas. Ces pensées brunes comme les idées poisseuses des cinémas, grises de la poussière que la nuit pourrit dans les étoiles, luisantes à la façon d'énigmes que punaisent des doigts sauvages. Dans ce jardin, il y a des cauchemars, comme ceux-là que je fais la nuit. "Je ne dors pas non". Quand je dors, je sens que quelqu'un m'arrache, me prive. Que quelqu'un me brusque. Me tire des nostalgies qui définissent mon corps et mes senteurs pour m'en offrir d'autres, quand je m'endors, quand les images pleines de bruits saccadent dans mon esprit, s'agitent sous mes paupières brûlées de la soude des délires, et bien, et bien, des choses atroces m'arrivent. Des choses comme vous faites dans vos vies incestueuses, tous, des choses banales. Quand je rêve, je suis avocat, chien, commercial, je suis soumis, éduqué, j'ai les cheveux courts et le museau dressé. Je vous hais. C'est terrible. Je vous hais tous.


Je pense. A Maude. La chaleur de son oreiller plein de traces de dents, à son visage volé dans l'or antique. Je pensais à Pierre qui me présentait Loriane, qui lui affirmait "Jonathan, au contraire de Paul, est vraiment charismatique". Je pensais, à ma condisciple dont les tentatives gravaient dans la mémoire cette affirmation que je retiens comme une douceur, comme un cadeau qui me tient chaud dans ce square éteint : "Charismatique ne te va pas", et je l'entendais comme un couturier devant l'essayage pénible du gueux dans quelques habits que son échine voutée ne pouvait pas supporter, comme une insulte trop voyante dans la bouche des prieurés. Je me disais, en souriant, "je suis polysémique" je me disais, je suis les débris de la lumière claire qui passe dans un prisme de civilités, de sociabilités, d'habitudes, je me disais, je projette selon les tailles des choses diverses, ma personnalité est cubiste, mon identité diffractée". Je suis la perspective abîmé, je suis les écoles aux briques ridées. Je m'amusais beaucoup d'être si en retrait de moi, à l'Université, que mes traits saillants s'étaient figés en une colle honnête. Demain j'apprendrais à être ordinaire, comment fait-on, des passions molles qui ne vous usent pas les nerfs, d'où aucun poème ne vient danser sa coutume russe, comment fait-on des cinémas de gestes et de manières, des poses mortelles de paresse où l'on conclut par des rires gênés tout ce à quoi l'on est sourd. Je serai demain, tout ordinaire, je dirai bonjour, et je dirai merci, ce sera comme à table le Bénédicité, et je pensais à Pierre "Jonathan est charismatique" et ma condisciple "ce mot te va si mal", et j'avais un habit brodé de deux tisseurs rivaux pour faire mon "je" hétérogène, pour dédoubler ces deux prénoms si profonds que je n'ai vu le fond d'aucun. Je me penche au bord de l'abîme, et un reste de peur me suspend, me soutient, m'interdit d'y plonger l'oeil trop longtemps. Je suis instable, ma matière change, se bouleverse, ma couleur diffère, vieil habit chinois, portrait aux repentirs multiples.

Ce n'est pas que je cherche à mourir, mais seulement à me pencher au plus proche du précipice sans craindre jamais d'y pouvoir défaillir. Le vide j'y suis habitué, n'oubliez pas, deux jours par semaine je suis à l'Université.

 

8 mars 2011

Les chats ont la grâce violente

Je suis la toute-puissance que tu cherches, qui se souvient de tout sans n'avoir jamais rien vécu. Je suis l'Histoire des drames, les fleurs sauvages couvrant la défaite d'un traineau doux.

Il y a dans tes os, du vert, de l'herbe coupé, et neuve. Mais ce qu'on voit, ce qu'on sait, c'est l'herbe sèche, morte, jaune, veillie, celle qui reste dans les ongles. Tu fais un trou dans ma joue gauche. Et tous les mots tournent. Ils tournent. Je veux que tu les vois tourner. Je veux que tu les rattrapes. Je veux que tu tendes la main. Que tu tendes les muscles vers moi. Allez. Je veux que tu tendes tes lèvres, ta peau, ta langue, ta poitrine peureuse vers moi. Aide-moi. Rattrape-les. Ils tournent. Tous. Ils tournent et se fondent comme la neige ensanglantée de ta buée. Comme le feu des rues qui se mélange à ta démarche. Quand je te vois passer. Devant eux. Que je ne supporte pas. Tu m'appartiens. Tu m'appartiendras. Quand tes jambes bougent, provocantes, et que les vitrines cassent. Quand tes cheveux tombent et font éternuer la terre. Viens les rattraper. Quand tes muscles se lèvent vers les ciels anciens. Et qu'ils sont, eux, rampants dans la vie. Trop de vie simulée en eux. Fausse. Trop de vie parjurée, imitée, de la vie synthétique, de la vie qui sent l'ambition, l'orgueil, qui a les bras croisés sur des espoirs en nylon, qui ont des ciels de tissus. Qui parlent. Regardent l'étoile, c'est la grève au plafond. Je veux dans le soir, agrafer les papillons d'étoile. Clouer des sangs de Christ. Saigne. Les étoiles sont des stigmates. Viens les rattraper. Viens nous rattraper. Ils tournent, les mots, ils tournent. Comme ma tête. Comme ton corps. Dans les rues que j'imagine. Que je ne connais pas encore. Et qui m'obsèdent. Mais deviens. Deviens je t'en prie. Le vrai corps qui me rattrapera. Ma joue se fend et tout les mots entre. Tiphaine Interdit. Ton prénom que je ne sais pas prononcer. Ton prénom comme une balle de fusil qui danse avec les oiseaux sans ailes. Les oiseaux aux dents plus longues que tes bras qui se balançent le long de tes hanches de sable, qui s'évapore. Je te vois passer. Dans ces rues. Partout. Rattrape-les mots. Je suffoque. Je perds haleine et liqueur. J'ai l'abricot au poivre qui se penche. Je suis étranger, regarde-moi. Je simule. Rattrape-les mots. Allez. Je simule. Dans un coin. Je ne sais plus respirer. Les rues se font l'amour. L'une en dessous, l'autre en dessus. Plus rien. Je ne veux pas les voir. Peau contre peau. Pavés contre pavés. Les rues s'accouplent quand tu danses en silence, la tête baissée, les mains sans fin, qui traînent le long de ton ombre. Je ne supporte pas. Et toujours ces mots, ces mots qui me remplissent la joue gauche. Certains chutent sur le bord de ma langue. Je suis l'incendie que tu n'oses pas approcher. Et tes yeux se fendent sur ton nez, quand je te giflerai, plus tard. Tes cheveux entre les pavés comme des restes. Tu es belle quand ton pendentif serre ta gorge de vierge. Regarde comme moi aussi, je suis absent. La seine vide coule entre mes yeux. Et quand je tends les lèvres pour t'embrasser, des mots s'envolent et comme des chauves-souris vont piquer les crânes voisins. Ne les écoute-pas. Ne les écoute-plus. Je suis la toute-puissance que tu cherches. Rattrape-les mots. Tu auras besoin de moi. Je glisse sur ton nez, comme un enfant qui lance son lasso. Ne me laisse pas plein de cette odeur. Ils m'envahissent. Les mots. Certains se cognent maintenant contre mes dents blanches comme ta peau du dos, où le sang ne circule plus quand je laisse ma main glisser le long de l'échine. Je suis l'aventure qui t'attend. Retiens-les. Mon palais suffoque. Quitte tes berges pleines de normes. Abandonne ta tranquillité. Viens dans les soubresauts. Viens me voir danser dans la nuit, gémir le corps dans le soir. Gémir avec des mots. Les mots me font hurler comme une enfant a la voix cassée. Et mes amygdales couchent dans tes draps. Baignés de phrases absentes. Regarde comme je simule. Regarde comme les mots prennent toute ma gorge. Comme j'ai le visage fissuré de mots. Des mots partout. De toi. De moi. D'eux parfois. Rattrape-les. Je suis la toute-puissance que tu cherches. Tends vers moi ta main de lierre sans feuilles. J'ai les bas qui font brûler ma peau, qui taillent dans le sang. Je ne sais plus courir. Je suis la beauté paralysée. Et je te vois passer, dans cette rue, dans ces rues, dans ma gorge, comme une amante qui ne se rend pas compte. Et je reste là, à avaler ta langue. Devant les yeux indifférent. Et mon visage d'inscription. Les yeux ouverts comme des sexes inconnus. Et les mots qui coulent, le long des joues troués. Ne me rattrape-pas. Je veux fondre sur le pavé, comme les soumissions molles de nos débris étroits.

Je suis la toute-puissance que tu cherches, qui se souvient de tout sans n'avoir jamais rien vécu. Je suis l'Histoire des drames, les fleurs sauvages couvrant la défaite d'un traineau doux.

 

8 mars 2011

5h36 les désespérés heureux.

 

Le matin. Mes nerfs traversent une douleur. J'entends. Des basses qui résonnent dans la salle de classe. Je demande « Tu as entendu l'orchestre sonore ? » On me répond « non, de quoi tu parles ». Je ne retiens pas les mots étouffés, congestionnés. Je sens. La crise. Qui monte. Au milieu des élèves. Je sens le débris de folie qui va scintiller. Qui s'incruste. Viens tâcher mes cernes, petit vin miraculeux. Vieux noyer éclot tes fruits dans ma bouche. J'entends. Un son. Qui n'existe pas. Je dis « hallucination auditive ». Il faut que je lise. Il faut que je lise. « Mon corps et moi ». Mon corps étranger, pour me cacher. Dissimuler. Bonjour, je suis pieux, j'ai mis à ma folie un cantique. L'hallucination auditive. Qui prophétise, qui dit « tu vas tomber ». Je lis. Crevel. La solitude. Je fais disparaître les contours de la salle, du rétroprojecteur, des images, des étudiants. Je me retranche. Je ne parle plus, j'ai le regard qui lutte contre les images graves, contre les nerfs cruels. Je résiste. Je résiste à la crue. L'inondation. La peur des bêtes miséricordieuses qui vous dévorent la moitié de l'intelligence. Je me dis. Rappelle toi. Souviens-toi. Je dis. 1999 « L'enfant est doué. Jonathan, 146 de Quotient Intellectuel ». Depuis. Il faut un futur, un futur qui ne prend pas de place, qui se range. Qui s'oriente. Un futur. Sur des étagères pleines de poussière. Je dois. Résister, à cette folie qui grice. Je fais des calculs, je lis « Mon corps et moi », j'essaie de me souvenir. Le médecin dit « surdoué », je dis, je ne veux pas, je dis « pourquoi je ne peux pas dormir la nuit, pourquoi des images m'attendent comme à un rendez-vous que je n'ai pas commandé ? ». Je pense. Aux amours, aux passés. Je pense aux soirs. Je suis dans la chute. A Loriane, à l'alcool. Les portes de secours, l'étroitesse d'un goulot, le sexe féminin. Je pense.

Je pense, à toi amoureuse sans lendemain. Que je délaisse dans des draps à l'odeur de mots en relief, un matin. Toi, amante sans visage, que je délaisse dans cette chambre froide avenue des Infidèles. Toi, à qui il me reste un peu de cheveux sous les ongles. Toi, amante retenu par des fils de mixture de rimes. Toi, que je caresse avant de frapper, dans le fond d'un lit sans lumières. Toi, que je n'ose pas approcher quand tu t'endors parce que tu as le silence de ces petites filles. Ces silences qui à toute vitesse suent dans la nuit. Toi, qui a mes yeux dans la bouche. Le bruit de la mâche amoureuse. Le bruit de ton palais qui presse mes pupilles pour en retenir le jus. Toi qui éclabousse mon visage douloureux. Toi qui partage l'incompréhensible avec ta bouche qui enroule la mienne. Toi, qui a sursauté quand j'ai claqué la porte comme on referme le sexe. Tu as le cou rival. Et j'ai pendu notre aventure. Comme une ombre qui s'envole. J'ai laissé les matins. Je laisserai les matins. Tous les matins. Au creux ta chute.

La nuit silencieuse comme une voix de fillette qui lit l'avenue prosternée dans mes reins. Rue Mouffetard, j'embrasse la bouche de Loriane. Couloir rouge. Je regagne Suresnes.

Tes bretelles de soutien-gorge jouent aux funambules sur tes épaules. J'imagine que tout est minuscule. Les fenêtres ouvertes. La table de chevet. Le lit. Les miettes. Je suis le silence intimidant. Celui qu'on déteste et qu'on redemande.

Je te laisserai faire. Minuscule. Ton corps sur le mien. Les draps deviennent une ombre qui suent nos cadavres. Tu es le fond de l'air qui fouette le silence. Tu es le fond de l'air qui dépose la poudre d'or sur les morts. J'ai une petite fille qui gît sur ma poitrine comme une pierre tombale. Toi, ton geste qui fait fuir les chats haletants et fatigués. Toi, l'amante glacée qui se givre dans le ventre. J'ai des poches sous les yeux. Tu es la fatigue. Tu es la lutte. J'ai un duvet de poudre glacée sur les cuisses. Tu as éternué ta violence. Je te laisserai faire. Je suis l'observation anodine. Le manque qui déstabilise. Je me mets dans ta peau. En silence. Avec violence. Effacé. Je ne suis pas concerné par moi-même.  Je te décrirai. En silence. Le silence de l'éclat. Que nous attendions.

J'ai la langue d'hier.

Je veux la marque de tes genoux sur mes lèvres. Je veux voir gonfler ma langue sous les coups. Je veux que tes épaules cognent sur ma poitrine alcoolisée. Je veux te voir te baisser pour ramasser mon corps en miettes. Une femme se voile les yeux avec des mains trouées. Je veux sentir tes doigts nerveux tirer sur mes racines. Les rues s'encombrent des corps bruts qui tombent les uns sur les autres. Et des passantes à la robe légère marche au dessus des cadavres, en tressant leurs cheveux à l'odeur de peaux brûlées. Je veux sentir ta langue se débattre sous mes mollets. Une cloche gigantesque se soulève du ciel. Je veux te sentir suer de l'or fin dans ma bouche. Je suis l'écarté. Tout en moi s'écarte. Tout en moi secoue. Je suis le corps du silence. Je veux l'empreinte de ton auréole humide sur mon nez. Je fouine dans les coins, à la recherche de l'odeur des pierres tombales. Je suis collé contre mes jambes pendant qu'une femme monte sur mon dos pour planter le drapeau des capitales salies. Je suis un mâle mi-clos en déplacement. Et mon mouvement est féminin. Je frotte mes gencives contre tes dents et j'enfonce mes doigts dans une ampoule. Je suis le corps qui cherche les lumières. Je suis mon anonyme. Une silhouette mordue jusqu'au sang par mon ombre. Je dissèque mon visage. Avale mon menton. Je manque de moi. Je suis sombre comme un matin sans pluie. Je voudrais tes mains qui prennent mon cou et le gorge de sauce timide. Des cadavres glissent sur la neige. Je suis ce que je veux de moi. Je suis des yeux, ma colère asexuée en brandissant les poings vers le ciel pour crever les abscès des bouches masculines. Je veux ta bouche qui dérape sur le goudron quand je te frôle. Je veux des bouches dans mon corps. Pincées. Des bouches qui s'essoufflent dans mes yeux. Des bouches aux vitrines. Des bouches dans l'assiette. Des bouches qui dansent sur des rasoirs. Je suis ton gardien, ta prison.

[ Je dépose mon foie sur l'oreiller. Une femme écarte mes côtes. Une mer me noie. Je n'ai pas la folie. J'ai son idée. Je dessine l'empreinte de mes doigts sur les murs. Et des milliers de langues lèchent le papier peint veilli. ]

L'entre-ouverture est acide. Sous mes doigts, les corps se décomposent. Dans les rues, on annonce que j'ai perdu ma virginité. Un train s'élance vers le ciel. Une pluie d'étoiles me tombe dessus. Je lève les bras pour protéger mon visage. Le poussière vole autour de moi. Je me débats et le sang couleur d'argent se mêle aux miettes d'astres. Mon cou se fend. Les étoiles sont des pierres. Les hurlements de la rue deviennent des chants de guerre. J'aimerai ne jamais revenir. Demain. Tout commence tard. Je suis dans mon salon. Je me rappelle, la chanson de mon corps qui s'abîme, de mon corps qui disparaît. Quand je te demande « est-ce que j'existe » et que tu m'embrasses sur le ventre pour me dire « je ne sais pas, mais tu désires »

Je pense parfois à une mère qui brûlerait les cheveux de son mari en pleine nuit, et irait les mélanger au lait dans la tasse des enfants au petit matin orphelin.

Ma langue tombe en liqueur dans ta bouche. Je ris. Je ris. Je ris. J'attrape une crampe aux amygdales. Ta bouche est tombée dans ma main. Je ris. Tout ça est si banal.

[ Les mots se déhanchent sur mes cuisses. Ils n'atteignent jamais le sommet. L'arbre sans tronc dépose ses branches baignées de solitude dans ma gorge. Je dois supporter. La cadence est érotique. Mais le fond ressemble au début. A la première lettre. A la première feuille. J'ai en moi tout le talent du monde. Mais mes doigts n'écrivent pas assez vite. Le chef-d'oeuvre m'échappe. ]

J'ai l'haleine nue des milliers de fleurs malades. J'ai le cancer des images. Je suis bourré de mots à quatre pattes. L'imagination sucrée de perles de virginité. Le vice des femmes contre celui des hommes. Parce que tous se ressemblent. Tous ici rêvent de là bas . Là bas où je suis déjà. Et quand je tends les lèvres, une insomnie vient me frapper par derrière, me rappelant à l'ordre.

Je suis au théâtre et c'est mon propre personnage qu'on joue. C'est une scène comique sur des planches courbes. Je suis un désespéré heureux.

 

7 mars 2011

Tu étais le reflet dans mon ombre insensible

Tu étais le reflet sur mes dents d'alcools. Usée par des tentatives perdues. Et je t'ai portée dans mon ambition comme désir. On dit dans les rues, que tu fauchais ta tristesse dans ton lit. On dit que tu aurais du faire attention à moi. On dit que tu m'aimais. Et moi, je connais un goût qui me donnait envie de vomir. De ta langue de fourrure dans mon cou qui crevait de froid. Je suis le nom d'aimer. On dit dans les couloirs, qu'en fait j'aimais toutes les filles. Avec les beaux yeux lointains de la dame qui vole au dessus de vos arbres. Que j'étais celui qui d'un coup de pied, renverse les feuilles dans la cour. J'aime cette fille. Celle qui approche le soleil entre les branches, brûlante, du bout des doigts. Viens, viens. Avec ses ongles, elle casse les rayons et vous fait croire à l'autonome. L'amante me fait du pied sous les bureaux de la bibliothèque de Picpus. On dit que je t'ai froissée. Maude disait que j'avais peur des morts et elle répète aux étoiles "je ne comprends pas, je ne comprends pas, pourquoi il a fait ça". Et moi en dessous du dos, les poumons qui battent leur dernière cadence qui déborde de silence. La mort ouvre sa bouche sous mes semelles. On dit que tu te cognais la tête contre les murs. Et moi, je te tirais les cheveux en cachette. Quand tu te retournes, je te paie. Je paie d'un amour qui m'écoeure. Je te donne. Mes épaules de nouveau-né. Ecoute, écoute, mon sang d'espoir qui bat jusque dans tes veines quand tu poses les mains sur mon ventre écroulé. Et si je baise la tête, ne les écoute pas dire, que les branches se rapprochent, que la nuit viendra nous déshabiller, que le matin sera là, ponctuel, exigeant la chambre rangée, neutre d'odeur. Reste à me regarder. Je me dessine devant toi, sans cris. Je deviens la peinture invisible, entends entends, les coups de pinceaux qui me dessine un visage de morte. Dis adieu aux minutes. Chante chante chante, quand je passe à côté de toi sans te regarder. Chante et dis-leur que j'ai la bouche close. Un néon de tristesse illumine mon nombril étouffé de goudron. Je suis la raciste de moi-même. Bouche-toi les oreilles quand je crie mon mépris dans le creux de ton épaule. On dit dans les salles, que parfois tu tremblais devant moi et Maude qui répète brillante de larmes "je ne comprends pas". J'ai des mots d'ignorés, des tâches de rousseur quand on me lit. Partout. Déborde. Vide. Je n'en peux plus. Plie-moi dans un livre, et enveloppe-moi de poitrine nue qui me consolerait d'un amour qui noue le supplice. On dit dans les couloirs du métro qu'il ne fallait pas m'aimer. Je danse. Je danse, et je fonds sur vous comme on passe au feu rouge. Regarde-moi bien avant que je te pousse sur ces routes, et que je conduise ces machines obscènes qui viendront te laver le crâne de tourments. Je roulerai sur toi. Regarde-moi dans la bouche. Il y a encore ton goût qui envahi. Dans la capitale, les violons s'agenouillent et chantent pour la mer. La mer, qui appelée, vient recouvrir la place publique. Regarde-moi bien quand j'irai tendre la main pour la petite noyée qui descend du hasard et qui finit par dire Bonjour juste avant de mourir. Regarde-moi bien la sauver. Regarde-moi passer ma main sous son cou et la secouer pour la faire respirer. Regarde-moi dans ce geste là. Regarde, regarde. Ecoute bien ce qui se passe. Les mains des femmes dans les mains des femmes dans les mains des femmes qui viennent déposer l'instant dans les mains des petites filles. Tout ça envahit. Regarde-bien. Tu es en dehors. Je t'aurais laissée mourir. Regarde-moi bien dans ce charme là. Je te montre les mouvements, et je la prends par la taille. Dans un dernier souffle. L'eau qui l'étouffe dans les narines, dans la gorge. L'eau qui l'empêche de respirer. L'eau salée de la mer urbaine. Dans un dernier souffle, elle dit Bonjour puis meurt. Admire l'ordre des choses. Croise-la dans mes yeux. La noyée. Heureuse d'être sauvée. La noyée, enchantée, je vais mourir. Ton coeur bat dans ta tête qui n'y peut plus rien déja. La mort tourne tourne et t'invite à danser, habillée d'une robe noir se prenant pour l'éternité. Regarde-moi te sourire dans ce moment là. Ce moment d'angoisse. Et ta langue qui retourne à l'intérieur comme un petit animal peureux. Tango suant. Ecoute bien mon sourire glisser comme une mousse de pétales quand je sens que tu t'étouffes. Etouffer. Désordre. On dit dans ton coeur, que je recouvre tout. On dit que je montais avec toi mais que je te détestais. Ecoute ecoute le bruit du prix de mon corps qui te remonte dans la gorge quand tu te retournes. Retourne-toi, je te paie. Mon corps. On dit dans les escaliers que tu étais ma prostituée. On me bouscule, et je te suis, un panier sur la tête. Sens, sens mon parfum qui se prépare à t'achever. Sens, sens, mes syllabes parfumées qui déracine la tour Eiffel pour te l'enfoncer dans le dos. Imagine-moi tendre mes doigts vers tes pieds qui montent ces escaliers pour te faire tomber, pour te perdre dans le berceau du désir. Et imagine ensuite, ma pitié s'étendre sur la papier-peint vieilli. On dit dans les chambres voisines que je ne m'allongeais jamais dans le lit. Que lorsqu'on passait après nous, les draps n'étaient pas froissés. Que les tiroirs n'ont pas été ouverts. Que les robinets n'ont pas coulés. Que les murs n'ont pas eu a supporter les bruits. Que les rideaux n'ont pas été tirés. Que la joie n'a pas transpiré. Que la porte n'a pas été fermée à clé. Que les miroirs n'ont pas été regardés. On dit que les pas n'ont pas circulé sur le plancher. On dit que ça ressemble à une chambre abandonnée. Regarde-moi quand je range tes mains en sang dans les tiroirs discrètement. Je suis la secrète inquiétude, et mon horreur est généreuse. Comprends comprends ton nom que je ne veux pas retenir. Comprends la gifle qui supprime. Comme la douceur après l'orage, la solitude après le cadavre. On dit que j'avais des yeux de monomanie après le drame. Qui dégoulinaient sur ta poitrine agile. Tu es la vitrine dans ma bouche dégoutée d'avoir tiré sur ta peau d'amour mort. On dit que j'ai changé de disque. Et que pour danser, je me suis jetée de la fenêtre. On dit que j'ai ouvert les cuisses pour plonger dans l'eau de la mer urbaine. On dit que je n'ai pas fait attention, et que j'ai atterri sur une petite fille. Qui assommée, s'est noyée. On dit qu'un homme me regarde. Qu'il lui manque des mains, et qu'il pleurait de la boue. L'amour choisit la victime sans demander le prénom. On dit qu'il ressemblait à un mort. D'un geste de la main, j'ai appelé la vague. On dit qu'a ce moment j'ai crié "regarde-moi mon amour, j'ai promis de t'aimer". On dit qu'on a retrouvé nos corps dans la fontaine du centre ville, le sourire aux lèvres. Et qu'avant de mourir, j'ai dit "Bonjour" au cadavre adoré que je venais de tuer.

7 mars 2011

Aux absentes.

 

Il est des corps qui me volent l'envie, comme certains me volent l'écriture.

"Est-ce que tu peux venir sur Lille, il faut que je te vois ?". Emilie. Tout à coup me revient comme une cliente. Cliente de mon corps. Secret. Secrète. Je ne sais pas. Je ne sais pas. Oui. Comme un souvenir Emilie. Je suis là. Sur Lille. Et nous pourrons nous voir. Nous croiser. Nous aimer. De haut. En bas. Nous aimer secrètement amour. Parce que les mots. Tu sais, tu comprends toi, les mots Emilie. "Tu te travestis dans l'écriture". Oui, tu me l'as dit ça aussi. Je te dépasse maintenant. Depuis le temps. Ma tête est plus lourde que la tienne. Mon circuit intime est plus tranchant. Je pourrais presque te dire "je ne t'aime pas". Presque. Je trébuche devant les fenêtres de tes yeux. Je les ai toujours trouvés trop grands. Tes yeux bleus. Emilie, ma belle Emilie. Mais pourtant, comme des excès, comme des ignorances, comme des yeux de femmes embuées. Les femmes ont mal, souvent. Emilie. Tes yeux pour compléter l'envie des femmes qu'ils ne comprennent pas. Tes yeux pour donner forme. Tes yeux qui jouissent et m'essoufflent. Ah, tu n'aimerais pas, que je fasse, Littérature Littérature. "Si je n'avais plus d'hormones, je n'écrirai plus". J'écris avec la rage, le désir, avec ta hampe clitoridienne, ta nymphe, ton utérus, avec mon foie, tes muscles vaginaux, avec mes boyaux, ma chair. Je n'écris pas avec mon esprit Emilie. Je ne sais pas écrire pour dire je t'aime. Alors oui, je vais te retrouver. Comme une hystérie après l'effort. Vous. Vous. Vous. Obsédés textuels. J'ai la chair gâtée quand je te vois. Tu es comme le flux, le sec mouillé, on ne t'oublie pas, mais on te perd. Comme j'aime te perdre. Parfois, je pense à ta mort. Que tu m'as volée. Tu coupes, le bonheur, les portiques, les terrasses. Quand tu voyais, Anne B. Quand tu riais. Quand tu me faisais signe "ah voilà le connard". Je t'aurais tuée Emilie. Je t'aurais tuée à cause de cette ironie . Ton sourire qui ramène le vent dans les poumons, qui gonfle, ton sourire, qui s'empare du corps. "Tu violes". Ne ris pas. Les fruits séchés rebondissent. L'odeur de ta chambre. L'odeur de ton corps, qui se froisse, quand tu t'assieds à côté de moi. Malade. Ton corps est malade, il me guérit. Tu es le sommet. Ton odeur est prétentieuse. Elle peut tout exiger. De moi. D'eux. Regarde, la langue charnue. C'est la mienne. Qui te gifle les cheveux. Ma langue aux tâches de rousseur. "Est-ce que tu peux venir me voir sur Lille ?". Oui, je pourrais même t'aimer. Quand tu me dis « Tu es beau Jonathan, beau autrement, tu es beau de douleur, beau de carnage, tu as la beauté de ceux qui survivent ».

[ Il y'a des choses que je n'ose pas écrire. Ces choses se cachent derrière ce que j'ai déjà écrit. Ces prénoms que je fais avec des initiales. Mais je sais, que les yeux sont trop petits pour voir ]

[ Chaque fois que j'entre dans mon ombre, c'est l'odeur du velours sucré. Je n'ose jamais y passertpit entier, dès le premier instant. J'ai toujours peur, des idées abandonnées, mortes. Mais je suis bien élevé, aux morts même je dis bonjour. ]

La mer sent fort. Son bassin est large. Je la capture d'ici. Du Nord. Du vent violent. Des coeurs généreux. Mon humeur se tourne dans la mer. Depuis la naissance. J'ai mille ans de rires. Je la sens me tourner dans le blanc des yeux. Avec un effroi qui m'échappe. Oui, je sens la mer. D'ici. De la ville. Elle vogue en moi, partout, dans tout le corps. La mer qui s'éclabousse, contre les rochers, des autres corps. La chaleur du sel. Il faut tuer Jésus. Pour la glande des raisons intimes. J'échappe aux surveillances. Tout ma vie, je me veux tempête.

Tandis que le père déclamait Eluard. L'enfant fouillait la terre, pour la faire jouir

6 mars 2011

L'écriture impatiente.

 

J'ai vu des amours finir mal. J'ai entendu des oiseaux chanter sans comprendre leurs timbres de prophètes, j'ai avalé des flocons délicats, j'ai vu des gens s'absenter, je les ai sentis me manquer. Est ce que ça dure toujours l'absence ? La douleur m'est égale.Je passerai les saisons. Maude a dit que j'étais vierge.Elle n'a peut-être pas tort.Je pourrais repousser, me défendre, pétrir.Je pourrais cogner avec mes genoux.Subir les yeux et les statues, subir ma structure, ou encore séparer mes mains.Mais mon innocence me fait peur.

La fête des idiots..Dans la rue, il y'avait un homme qui dessinait au fusain des portraits, pour quelques euros.Les filles buvaient comme des hommes.Je m'éloignais des corps vulgaire.S me dit "je ne te déçois pas hein ? Je ne me le pardonnerai jamais".Puis S vomit.C'est l'alcool qui monte à la tête.Moi, en rentrant, je dis toujours "je n'ai pas bu".Je ne bois pas, je ne fume pas.Je joue le rôle de l'adulte.Parfois, on me le reproche "tu es un garçon déséquilibré".Je manque de m'évanouir à chaque fois.Equilibre.La beauté des corps puis le dégoût."Vous êtes un garçon malade".Le dégoût. Puis l'éclat de rire.Alors, je suis passé à côté de cet homme qui dessinait.Il a léché du regard mes yeux d'adulte.Il a caressé du regard, l'ondulation de mes cheveux à cause de l'humidité de l'air.Son haleine chaude.Il était seul.C'est un chien sauvage, une biche blessée.J'aurais pu m'asseoir en face, sur le tabouret.Le regarder me dessiner.Immobile.J'aurais pu.Pour la grâvité avec laquelle il m'a regardé en passant comme pour me dire « je sais tes pensées, je sais tes yeux ». J'improvise.Je baisse le regard.Je ne veux pas."Monsieur, je peux ?".Non, je n'ai pas d'argent, et puis vous savez, je n'aime pas assez la forme de mon visage pour ça.Vous savez, je suis porté par les sens, et mes lignes sont infinies, irréfléchies.Menacées.Vous pourriez m'offrir une de vos pages blanches et vierges, je pourrais vous prouver qu'il y résidera mon visage : la transparence.

 

 M. dit que je suis un peu spécial. : "c'est à cause de l'écriture et de tes yeux noirs". Chaque fois que quelqu'un d'autre apprend que j'écris, je me maudis. Je le dis, je l'annonce, mais je ne veux pas qu'on le découvre. Je veux que ça paraisse un mensonge. Ne voyez pas mes folies, elles sont sincères.

Les lettres de Marine sont longues.Marine.Marine chez les Hednin.Marine et ses examens.Je connais tout.Ou presque.Marine écrit : "Je ne veux pas grandir, mais ça, tu le sais déja, je l'ai remarqué au Manoir, quand tu es sorti de table pour prendre Marion dans tes bras".Marine ne veut plus aimer les garçons qui ne l'aiment pas.Marine veut voler.Profiter de ses 20 ans.Marine veut couper ses cheveux avec des couteaux de cuisine."Apprends moi à devenir une femme". La déshonorer de ma tristesse. La nuit. Dans son appartement. La nuit. Sur le trottoir. Où j'ai écrit, tellement de lignes, que j'ai eu peur des passants, et des figures qui s'y assemblaient.

J'ai souvent le vertige.Comme ça.Pour rien.Parce que j'ai peur de tomber de moi même.

Quand je me mets à lire, j'entre en apprentissage. C'est autre chose que celui que je fais. Officiel. Trois jours par semaine. J'apprends le frisson.

J'ai déjà oublié le lycée.Les rires.Les mains, ces ventouses.Mon pére est partout.Partout, il m'a appris à aimer.Pas à apprécier. A dévorer.Cette envie.Je suis mon pére.Sous la forme d'une fragilité cruelle.Je protége.Mon père.Je souris.Je saute au cou.Je ne veux pas écrire pour me prouver.Je ne veux pas écrire pour être lu.Je ne veux pas d'une écriture mensonge.Je ne veux pas me vendre aux yeux.Je veux être ma propre écriture.Je veux l'essentiel.Je peux tout partager.Tout offrir.On peut me tuer.En aimant.Je veux offrir les mots.Sans laisser de trace.Sans laisser d'empreintes.Simplement les jeter.Aux visages.J'ai toujours rêvé de baigner mon corps de mots.Et d'éclabousser les passants.J'ai toujours rêvé d'être dans le mouvement du vent.J'aime beaucoup ma barbe, mes cheveux longs. J'ai l'impression d'être en retard. De n'avoir pas compris quelque chose comme un meurtre. Un rasoir. Vous savez. Un rasoir sur la différence..La ville la nuit.Les jardins.Les amours qui oublient.

Le sourire, de l'ancien amour qui vous dit :"je ne sais plus où j'en suis", est comme le coeur qui vous arrive dans les tempes : l'envie soudaine de l'aimer à nouveau pour lui redonner sa place.

Tzara a dit :"Nous ne voulons pas écrire, nous nous laissons écrire".

En errant près de Convention, hier après-midi, il y avait un garçon qui me suivait, le pas pressé. Il m'arrête dans les couloirs du métro..Me demande où se trouve la Rue de l'abbé.Je réponds que je ne sais pas, qu'il a inventé ce nom.Il dit que oui, c'était un prétexte. Je lui réponds que c'est dommage, que ça aurait pu être plus original.Il me demande si je'ai déjà tué, je réponds « presque ».Il me demande si j'ai deux minutes pour le suivre.J'aurais pu répondre que j'avais toute la vie pour suivre, ramper, siffler.Lui dire que mon enfance est une grande liberté.Lui avouer que mes 8 ans se cachent.Lui dire que je suis censuré.Lui apprendre que là bas, les poètes transmettent la chute, qu'ils m'apprennent à fuir, qu'ils ont des plumes dans le ventre, qui leur permettent de voler.Mais non, je me suis contenté de dire "Non, je n'ai pas le temps".J'aurais aimé qu'il me réponde que personne ne possédait le temps, que ça ne nous empêchait pas d'aimer, de donner, de s'offrir.Mais non, il s'est contenté d'un bavardage,timide..J'aurais aimé lui dire "ça doit être étrange de draguer, de te contenir, de paraître, qu'est ce que ça fait ? Tu te sens intimidé ? Pressé ? Pourquoi tu ne voudrais pas seulement m'accompagner en silence le temps de finir ce couloir ? Tu sais.Juste pour dire d'être là.D'être entré dans ma vie.Sans infraction.Le silence est une politesse.Une marque d'éducation.Pourquoi tu ne m'aurais pas porté mes idées ? Ca m'aurait enchanté, des tonnes d'idées.Pourquoi ne pas me donner de consignes.Pourquoi ne pas disparaître après m'avoir rendu le coquillage ? Qu'est ce que ça fait de draguer ? Est-ce que j'étais positif ? Est-ce que c'est mon parfum ? Mon allure maladroite ? Parce que je cours, je provoque ? Est-ce parce que je suis l'apprenti ? L'animal des mers chaudes ? Est-ce parce que je parle une langue de sel ? Mais non, je me suis contenté d'un "ah..." et d'un sourire timide.Il m'a demandé si j'aimais les garçons. J'ai répondu j'aime D. Je ne sais pas pourquoi.

Et je suis parti rejoindre Marine.

6 mars 2011

Le bruit de mon corps, dans le froid des nuits.

 

J'ai les cheveux mouillés de soleil, et le coeur embaumé par ma vie. Je pourrais vous dire aussi, qu'en quittant Maude j'avais la peau comme un jour intime et que la route de sa bouche à ma poitrine est bossue comme mes pieds usés. Trois kilomètres sept cent. De la rue Blomet à Issy.

 

Je mettais une écharpe autour de son bassin, et je serais très fort, je disais qu'il ne fallait pas attraper froid, surtout pas, non. Ne pas attraper froid. Ne pas attraper les sales maladies. Je faisais un noeud, qui étouffait sa peau. Je plaquais mon corps contre elle ensuite. N'attrape pas froid. Et je mettais un préservatif sur nos gestes. Protège-toi. Je lui disais "Protège-toi". Et je l'embrassais. Surtout, se protéger. Ne pas attraper froid.

 

Si vous aviez vu, Monsieur.

 Les femmes qui lâchent leurs ombres dans l'égout en chantant que les visages sont dans la nuit, vous leur auriez demandé si elle avait un premier étage d'où je regarde la vie. Donnez moi des yeux bleus.

Si vous aviez vu Monsieur. Vu.

Le crime est heureux, quand j'écris. Je suis léger, léger, sans prénom, avec toutes les voix du monde.

Elle perd son haleine dans mon cou. Je suis avec la danse des angoisses. Contre elle J'ai les muscles qui tapent comme une hache. J'ai la peau fondu dans la salive. Mon sexe est une chanteuse rauque sans cigares. J'ai demandé qu'ils se taisent. Tous. Qu'ils me laissent faire quelques pas, vers le coeur sexuel qui piétine dans mon piano pudique. Je n'ai pas de dentelles, et je leur ai écrit une lettre, sur un papier peint tâché de sang, que je n'étais pas un mâme. Regardez-moi, je ne suis pas un garçon. Je suis une idée.

 

Je monte sur sa poitrine, comme sur une montagne en clou. Qui a mon visage ? Est-ce que quelqu'un à vu mon visage ? Et s'il est au bout des draps, frappe avec les pieds, frappe et pousse-le, que son bruit lorsqu'il tombera sur le parquet, nous fasse rire.

Qui a vu mon visage ?

Quand je m'en vais, je chatouille ton silence. Elle ne disait rien, quand je m'en allais. Elle disait ensuite "c'est comme un plateau libre tu sais, un plateau libre, une scène de théâtre sans comédien, un endroit creux pour l'inspiration, sans corps, sans brique, j'ai les yeux qui piquent".

Laissez-moi faire trois pas et être le premier enfant à dire que je ne suis pas un homme Je ne pourrais pas vous le prouvez. Il aurait fallu voir le vertige qui mord la pupille, qui gifle les dents. Comme les mots. là. Ceux-là, et d'autres là bas qui courent vers vous. Comme les mots et leurs démangeaison. Je suis démangé. Oui, je suis démangé. Je sors de la chambre, je la quitte, haletant, enceint de mes énigmes, je fais trois pas, je claque la porte comme je referme ma bouche,qui a laissé entrer un cortège public vers un champ brûlé.

 

"Jonathan est élégant, plein de tensions, de fragilités".

Une chouette morte au fond du jardin.

Je dis "J'ai l'impression d'être sous ma peau".

 Elle a dit : "Aujourd'hui dans le métro, aux vides-greniers. Le mots sont sales. Ils ont la texture du sang de ton adolescence, cette odeur intime de page voilée, la moiteur del'argent, et la douleur obsédée. Tu es torturé, dans toi j'entends tous les mécanismes moyennageux de la question."

  

j'ai continué : "Je n'arrive pas à comprendre la déviance, ceux qui disent homosexuels. le corps, c'est l'ambivalence, de partout. la liberté. Ne pas clore. ne rien clore. Les cuisses timides, le lait sur la peau froide. J'ai souvent peur de mes amoureuses, parce que j'ai connu une fille, sans cette douceur que l'on attribue aux filles, je l'ai connue avec la violence, la fulgurance de l'amour avant toute chose. Je me suis cogné et il fallait que l'un de nous meurt. Je suis toujours là. "

 

Mets ton manteau, défaista capuche, et si les yeux sont chauds, va brûler ta peluche.

Allez Jonathan

Allez Jonathan. Si tu traverses sans regarder, j'irais jeter ma tasse de thé. Je mettrais tes cendres, dans le Nil des draps. Allez Jonathan, tu verras. Tu diras au revoir au lit défait, et j'irai cracher sur les violons dans la rue, qui te faisaient tousser et qui sanglotent.

Tu me dis : fais moi des rimes et tu trépignes.

 

Je te dis "je veux de belles paroles", tu deviens folle.

Tu diras au revoir au lit défait.

Je te dis "une chanson qui fait de l'effet", ça te fait tousser.

Jonathan, Najib, faut pas faire attention,c'est un méchant petit garçon.

Tu m'as proposé que j'effile tes collants, j'ai dit "attends, attends".

J'ai pas de mélodies pour le moment.

Je te dis "allez on va composer", et je me mets à t'aimer.

Allez Maude, ton père est un musicien.

Attends attends, je retiens.

Tu dis "j'essaie j'essaie vraiment j'y arrive pas"

Je te dis "tremble pas comme ça, c'est que toi et moi".

 

Tu peux laisser mes lèvres dansaient sous la pluie,

aujourd'hui je t'ai dit "pas de folies, pas de folies",

t'as pas compris t'as ouvert le parapluie.

 

Tu pourras me montrer la blessure,

Je te dirais que j'ai le temps j'ai le temps,

avant avant, de t'aimer ta bouche au goût de carambar d'antan.

 

6 mars 2011

Quand je quitte les draps de la nuit, je m'abandonne moi-même.

Yan me dit "encore un mannequin ? C'est lassant, à force".

J'ai honoré Marine de mon désespoir.

J'écris sur un carnet. Sur de la chair. Je me souvenais mal, la douleur d'un poignet piégé dans la forme de l'écrire. Je suis assis, au quelque chose rue Blomet. Je distingue mal les chiffres avec mes yeux soûls. Quand un passant, avec son haleine fatiguée d'alcool, me demande ce que je fais ici je réponds avec mes lèvres violettes, où les dents de Marine font des marques : « J'attends les mots ». Je rentrerai à pied. Je traverserai tout le quinzième. J'irai chez Maude, je sonnerai, je dirai qu'il et l'heure de s'oublier.

Il y a des corps qui ne prennent pas dans l'écriture. J'aimerais tellement parler de D. Je crois qu'il y a des passions qui prennent du temps à s'éteindre.

La nuit me complète, j'avais envie d'un ventre dur où me cogner le visage, j'ai envie du corps de Clément dans la mer d'Hardelot, dans la mer du Nord, j'ai envie de son corps, qui s'en va loin, et que je ne vois plus, j'ai envie de cette peur là, de cette noyade là, j'ai envie d'un visage de gardien. La nuit me complète. J'ai envie, de l'odeur du bonheur de D, quand elle courrait après son futur, qu'elle attrape déjà, dans ces rues nocturnes de Paris. J'ai envie de cette course là. Pour trébucher. J'ai envie de cet oubli là. De cette douceur secrète. J'ai envie des souvenirs. Je voudrais effacer, cet image du front de Violaine qui se cogne sur le trottoir, d'oublier cette chute du corps, d'oublier cet évanouissement en pleine nuit, d'oublier mon immobilité, et ce bruit, ce bruit d'os et de béton, de soleil indifférent. Je suis inaccessible à la réalité, et ça me tue, ça me tue, la vie n'entre pas dans moi. Des mots me viennent, comme la nuit me complète. Le corps est interdit, je le dis "le corps est privé, il est le sujet du cri, le sujet de l'étourdissement, il danse dans l'offense". J'ai envie de la nudité de Marine comme un crime. Pauline donne rendez-vous, elle sait que je ne viens jamais, trop de peur. Je suis l'enfant qui compte ses doigts dans un miroir cassé. Je suis la peau de glycine. Et j'essaie, vraiment, j'essaie de ne pas parler de D, quand Christine vient me voir. Quand elle dit "tu me salis, je veux mourir aussi pure que je suis née, tu me salis, si je t'aime ça ne regarde que moi, si je t'aime je ne veux pas te donner des prises sur moi pour que tu me fasses du mal ". J'essaie de dire que c'est extérieur. J'essaie de dire que je me protège. Je voudrais comprendre le sommeil, quand j'entends ses bruits dans la nuit, quand, obsédé, forcé, caressé, choqué, j'entends ses bruits, de clown mort, dans le cirque de mes obsessions. Quand dérapé, je me prends dans ses pieds. Le sommeil, que je ne comprends pas, que personne ne m'explique. Le sommeil a des veines calcifiées. Mais quand je croise le silence, il fait semblant. De ne pas me voir. De ne pas m'aimer. Le sommeil dit que je suis un enfant compliquée. Et quand il me voit là, poitrine nue, quand il me voit, rire et évoluer dans mon corps, il dit que j'ai un corps fatigué. Il dit que je devrais. Tuer. Il dit. Timide Pudique. Et inquiet. Mais Compliqué. Égoïste. Qui ne sait pas, qui ne comprend pas. La nuit dit des mots. Fraises des bois Mélodies des forêts Etendue de mots. Effondrée. Effondrée. J'imagine que le sommeil dise qu'il a du mal, que ça ne rentre pas. Chaque fois, ma main qui écrit, ça n'est pas romantique. C'est un bateau en papier. C'est un bateau sans ports. Sans marins. C'est un bateau qu'on regarde. Mon écriture vient de la violence des yeux, qui gonflent. La nuit me complète. J'écris dans un coeur amoureux. Et je ne sais plus. Penser à elle, ou lui. Je ne sais plus. J'ai toujours besoin d'un objet corporel, pour me tenir chaud. Toujours besoin d'aimer. Et je pose, mon pied, ma bouche, ma tête, sur vous. Laissez-vous faire. Je vais vous décorer de mots. La fatigue dit qu'il y a une chute dans l'écriture, comme une main qui ne reconnait plus. Là. De toute mes forces. Quand j'ai jeté mon verre d'eau à la figure de Sophie, et que j'ai crié "Ce n'est pas moi, qui ai écrit ça". Personne ne peut savoir. Là. Ce n'est pas moi. Le bateau ne coule pas, dans le bain minuscule du parfum du désir. Dans le bain, je pourrais toujours, mouiller le papier, il ne coulera pas. Quand j'avais 8 ans, un bateau en papier, et depuis, l'eau est trouble. Depuis, j'écris. je dis "Bourgeoise". J'entends Grieg, pour attendre le matin.

Au bord du trottoir, la patience des pêcheurs, sous l'arc de la nuit pour piéger les muses blêmes dans leurs robes d'anathèmes. Quand je passe sur les quais de Grenelle, j'ai toujours une hésitation,la voix de la vase de la Seine, qui me dit « viens voir, là, viens voir mes yeux bleus, souterrains, perdus, viens voir la rumeur de mon désir ». Je retiens mon corps. J'ai écrit un jour, le destinataire m'échappe : « J'aime me perdre. Être ici m'est insupportable, c'est irrémédiable, sans solution. Toujours être quelque part, comme un nécessaire espace approprié, pas dominé, approprié, partout maquillé, recouvert d'un papier peint gris pour s'essouffler de ce cri pâle « Enfin, le paysage ressemble à mon futur : froid et gris ». J'écrivais, je crois, «Être quelque part, c'est être en prison dans une certitude, c'est savoir l'odeur ignoble de l'habitude, sans les plumes colorées des aras, sans les parfums ras des mousses d'hier ».

Je distrais Marine avec des mensonges : « ton visage je le trace dans les draps, avec toutes ces monstrueuses félicités, avec Cyrielle et sa voix d'accent circonflexe, et ses mains de couteau. Je disais, moi je suis né déchiré. Personne ne peut savoir. Je me souviens si loin dans ma vie. Je me souviens si loin, que j'ai tout fait pour oublier. J'ai voulu blessé la mémoire. J'ai voulu l'abimer. Je ne sais pas. On me disait. Vous êtes intelligent. Il faut voir ce que l'on peut faire, comment ça se monnaye. Je me souviens. On m'a dit un chiffre : 146. 146 c'est mon intelligence. Je vous la vends. Ça vaut des cris, de la nuit, ça vaut des mots, de l'écriture, ça vaut un adjectif « malade » »


Quand je croise Anthony, il me dit "Je suis heureux quand je me souviens que tu ne crois en rien, quand Lucie arrive essoufflée dans ma chambre avec un de tes livres qu'elle me tend et sur lequel je mets du temps à reconnaître l'anagramme de ton nom, et que je lis ce que tu écris, que je lis ces choses horribles, belles et horribles, je suis heureux quand me souviens que tu ne crois en rien. Si tu croyais un peu, si tu étais fabriqué avec un peu d'espoir je devrais te dénoncer. Parce qu'autrement, si tu croyais en quelque chose, tu poserais de vrais bombes, qui feraient de vrais morts. Si tu croyais tu ne te contenterais pas de placarder des insultes sur les portes en bois des filles que tu as aimées, que tu as oubliées. Si tu avais des idéaux, si tu avais un peu d'espoir, j'aurais peur, peur de sentir ta haine devenir visible. ».

 

Parfois on s'étonne :

  • Pourquoi se tuent-ils ?

  • Parce que ça ne partait pas !

  • La douleur ?

  • Mais non. La vie. La nuit dans moi, dans eux. C'est bien trop long. En vingt ans j'ai fait tous les véritables voyages, j'ai fouillé des mers insoupçonnables, j'ai creusé des vertiges avec les ongles, j'ai posé ma langue sur des corps irréels, sur des corps qui s'arrachent du fantasme, sur des corps qu'on tire des marbres d'idées. En vingt ans, j'ai écrit tellement de pages vingt mille pages sans aucune plainte, vingt mille pages pour me tenir droit, je mérite de mourir, je mérite, j'ai fait assez de pages pour m'offrir un couffin ! J'ai vu l'écume vive recouvrir l'écume morte, et l'écume vive remplacer l'écume morte, prendre sa place dans la tombe du sable, dans les quartz luminaires, coupés en quart d'éclats, de platine, de plages. J'ai vu la crête des vagues s'essouffler, rompre, feindre, imiter le départ, le bruit des cavaliers attiques, j'ai entendu des orateurs sacrifier Hélène, Hélène et son vieux corps usé par trente ans à pleurer, trente ans depuis la première larme. C'était trop long, d'attendre, trop long, ce rendez-vous à la place de l'horloge, trop long ces gens qui ne comprennent pas ce que ça veut dire vivre, et s'il faut arriver au bout de la démonstration, il faut mourir. Il faut montrer avec des raisonnements plein de métal, de logique, avec des exemples aussi ce que c'était que vivre. Attendez, j'arrive au bout de l'argument, je finis de le dérouler. C'est un intestin plein de digestion. Je meurs, je meurs, je suis impassible comme une écluse, la vie ne me franchit pas. Je la garde pour tous les autres la vie, j'ai accumulé, accumulé, je suis l'entrepôt, le sédiment, le coffre. Je suis le fond de l'Univers. Où la douleur a pris son visage. Elle m'a offert ce cri, elle m'a offert cette gueule ignoble, remplie du charme inquiétant qui a fait succomber, les mots, qui a anéanti trop d'amoureuses.

Je suis dans l'interdit, dans l'issue. Je suis dans le secours de mon amour. Je porte mon amour, comme une femme porte son enfant. Ne me fais pas confiance. J'ai les épaules fragiles. L'enfant est lourd. Je suis dans l'interdit, de te dire, que je ne suis pas. Que je ne suis que le support. Des délices que tu m'offres. Je suis dans l'apparition. Ma peau est impatiente. Elle n'existe pas. Je suis l'issue. Le secours. D'un amour, le notre, et tu ne me connais pas. Je suis ton audace. Je crois que c'est ma plus belle définition de l'indécence. Je suis le corps qui dit non. Le corps de la plus insoumise des souffrances.

5 mars 2011

Le désordre.

Chère lectrice,

 

 

Julie m'a dit "ton esprit excite".Et l'absence total de mon corps dans cette phrase me terrorise. J'ai rencontré Julie un samedi matin, en sortant des couloirs de Tara. Elle est étrange. Vôutée.Visage malsain. Fixe. Elle sent le bûtane. Elle tourne toujours le dos.Aux autres corps.Aux façades.Aux rues.Elle tourne le dos aux excès. Aux creux.Aux sexes qui s'écrasent.Sa gorge est un trajet.Un circuit intime.Chaque dent est une flèche. Elle pourrait nous mener vers.Ou vers.C'est un chantier de chair tiède. Des auréoles d'ongle dans les cheveux.Que vienne donc la nature cailleuse, tenter une esquisse de cette créature ! Le charme d'une pucelle au décolleté plastique.La mort n'existe pas pour elle.Le rythme lent de l'eau minérale qui ruisselle dans son bassin.Un sanctuaire de pétales de lotus coincés dans son entre-jambe.Quand je l'ai vue, je me suis écarté.Comme l'on s'écarte de la beauté grasse des peintures huileuses et débordante de parfums.Julie est seule.Toujours seule.Elle s'isole pour mieux rire, sans qu'on ne la dérange.Elle tire son corps de pirate abandonné dans les moindres recoins de ses murs.Elle gesticule.Elle gesticule.Elle gesticule.Elle tente d'entendre le claquement de son hilarité profonde contre les parois de sa prison intérieure.Qu'elle s'aperçoive enfin que le bruit de son corps ne se mélange pas avec les sons de la vie.Et qu'alors, un miroir se fâne, entre les deux yeux de Julie, qu'elle y aperçoive l'oeil de son ombre, l'ombre de son corps.Et qu'elle vive ainsi, persuadée de n'avoir qu'un oeil.Julie traversait le hall de gare Montparnasse, comme un corps échoué sur les rives de coton mouillé, sur les plages de sa solitude."Ton esprit excite".

 

J'aperçois D. en dehors de ma vie.J'aperçois D auprés des inconnus.Ses manières, ses sourires, ses gestes chaud et incertains.D. est une femme dans le corps d'une chute accidentée.

 

Quand le soleil me frôle.Ma peau sent le laboratoire de survie, les masques à oxygéne, l'aluminium du ciel.Ma peau se transforme.Crémeuse.Je dégouline en elle.

Dryade m'a demandé : D'où te vient l'inspiration ?

Ca vient des roulements du vent.J'ai appris à écouter.

Je crois que je le dois à mon père.J'ai appris à polir les angles, arrondir les formes.

Ca vient du miroir, de l'étranger.Des corps charnus. Du froid.De la poussiére des chemisiers.

Ca vient des chevaux fous et de la vitesse de l'amour.

Ca vient de la déviance et de Marguerite qui disait "tu as trop d'imagination".

Ca vient du renardeau écrasé, et du sel promis à la mer.

J'écris pour venir. J'écris pour survivre.

Je suis vertical, central et je démarre de la Seine.

J'écris pour gouter la grippe, la fièvre.

C'est un cyclone.

Je suis en perpétuel fuite, depuis la naissance, je ne sais pas après quoi je cours.

4 mars 2011

Appelle moi.

 

Ca durera une minute tes coups dans ma tête. La minute du majeur qui se lève, malgré lui pour toi et. On retrouvera mon âge dans l'eau, dans le feu, dans l'élément qui nous échappe. Nous pousse le ventre en fleurs mauves. Nous essoufflés, et je ne veux pas, dire ce que les autres ont déjà dit.« Vous ne pouvez ouvrir votre oeil que dans la nuit, quand l'angoisse descend à pieds », les escaliers de leur bêtise, là vous pouvez ouvrir les yeux. Pour voir les bêtes, étendues par terre, celles qui tentent en vain de s'envoler à quatre pattes, tête élancée vers le ciel, les lunettes se casseront, le verre par terre étendra mon sang superficiel. On a dit "intellectuel". On a dit. On dit toujours. L'on ne fait toujours que dire. L'on dit . Nos âges sont des muscles dont on ne comprend pas le fonctionnement. Et mes mots, sont des bruits étouffés par d'autres mots. Ne sont que des mots de mots d'autres mots. Il y a une rumeur qui grince, une rumeur qui dit « tu es passé à côté de ta vie » et s'affichent des silhouettes. Le portrait d'Elodie plein de larmes, et ses seins beaux comme des yeux bleus. Il y a Marianne, que j'échoue toujours à retrouver. Qui me dit « vendredi, à l'hôtel, à Cergy » et j'annule à la dernière minute. Je ne lui ai pas dit « il y a trop de Marguerite dans Marianne, pas assez de liberté, je ne peux pas ». Je veux le corps, la peau, la tienne qui ruisselle de monts. J'aimerais savoir dire, comme eux. Comme lui, là, avec son oeil de guerre. J'aimerais savoir dire. L'esthétisme de la panique. La bousculade. L'échauffement. La sueur qu'on perd dans les couloirs, le sang qu'on récupère dans leurs porcelaines. Comme lui. Savoir dire que je suis. Nos confidences nagent au dessus de leurs têtes. J'aimerais savoir dire, parce qu'en disant, on dépasse les murmures. Et je suis trop fragile pour la main qui se courbe sous vos horloges. Comme eux, ceux qui parlent trop, ceux qui disent l'exhibition, la vulgarité, la banalité, la perversité. Ceux qui parlent trop. J'aimerais ta présence. Parler aussi. J'aimerais parler. J'aime le trop de nos veines. Et la fibre de tes nerfs. De quoi parle t-on. J'aimerais avoir l'idée de la violence. J'aimerais ne pas être si éloigné de toi. "On parle de toi. Là bas. Derrière les portes, derrière les volets, derrière les langues. Dans la bouche, on parle de toi. On dit que. On dit qu'on te. On dit des mots. On parle de toi, bon sang. On fait des mouvements derrière toi." Derrière leurs ombres, leurs corps existent, et leurs corps parlent de toi. Ils disent. Mais écoute-les. Arrête toi. Tu perds tes jambes, à trop courir. Tu éclabousses de terre. On dit, tu ne sais plus ton âge, ton âge moite, ton âge dans la nature, tu le perds, comme Il perd son chapeau, comme son crâne saigne. On dit que tu supprimes ce qui te dérange. Et un homme, dit devant d'autres hommes "Vous avez la couleur du coupable". J'aimerais dire, l'épuisement. « Vos gueules ». Le jour, il te faudra fermer les yeux. Pour voir les bêtes qui sont en eux, accroupies sur leurs peurs, les coudes qui s'enfoncent dans le ventre, la tête dans les mains, qui s'émiettent comme du sable mou. La seule hâche qui atteindra les murs ce sera ma langue cognée à tes lèvres. Comment faut-il faire. Comment ? Je vais sortir. Je vais bientôt sortir. J'attends. J'attends toujours que les rues vident les passants, que l'artère des cités se tarissent. J'attends. Il y a Tara. Qui patiente. Il y a Tara. Qui fait sonner mon téléphone, et j'aimerais tant que ce soit toi. Que je surprenne ta voix ivre, hésitante. Qui ne dise rien. Mais qui m'appelle, que ça me fasse comprendre, que tu penses à moi. Je cherche tout ce qui peut nuire à ma solitude. Je cherche le microbe qui la fera s'étouffer. En attendant, que tu appelles, je dois voir Tara. Je dois me consoler dans ses bras. Alexis disait « Quand je vois les filles de Jonathan, je ne comprends pas ». Il ne comprend pas. Les traits, la figure, il ne comprend pas mon odeur, il ne comprend pas mon visage, il ne comprend pas ce que l'insomnie colore de l'âme. Que ce qui m'embarasse c'est le vide, qu'Elodie, que Loriane, que toutes les belles aiment l'étranger dans moi. Je suis l'exotisme de la douleur. Mais appelle moi. Je t'en supplie. Appelle moi, en secret. Quand Tara me peindra les yeux. Appelle moi. Quand de l'autre côté du périphérique, ta bouche sera mouillée des billes d'alcool où tu les trompes, où les autres trempent. S'il et plaît, viens faire dire à la solitude, qu'elle est n'a pas à me tordre comme un père soûl. S'il te plaît. Embrasse moi, avec des pensées. Je crois, que je te dérange. Je crois même que je te fais un peu peur. Parce que, tu n'avais jamais senti ce parfum avant, ce parfum qui dure. Qu'on ne tire d'aucun flacon. Qui vient directement de l'essence, de la mer, et qui prend feu dans la caresse. Tara m'attend. Je dois y aller. Appelle moi. Rends moi la liberté, le goût du jour qui lève comme trop de levain dans le four du soleil. Sors moi des corps trempés, des ventres numides, du jus qui grince avant qu'il soit trop tard.

4 mars 2011

insupportable

 

 [ Je ne comprends pas le matériel des choses. Mes sens sont limités à l'instinct ]

Tu sais. D. ce que j'aime c'est me piéger moi-même. Je suis la situation qu'on ne dénoue pas, je suis le cheveu aigu et douloureux qui meurt comme le sable maure. Je suis. Absent. Je dis « je ne travaillerai pas » l'on me répond toujours la même chose « je veux gagner de l'argent pour voyager ». Ce ne sont pas des gens qui voyagent, qui me disent ça. Ce sont des gens qui se déplacent, ils arrachent leurs corps d'un espace pour le renvoyer dans un autre, voyager c'est abandonner, c'est laisser une part de soi, c'est faire de la place dans ses impressions pour accueillir un autre paysage. Tu sais. Ils disent tous ça. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas. Je suis rationnel, tu sais pourquoi, parce que je sens les gens, ils sont deux choses des intelligences et des bassesses. Ils se touchent par ces deux bouts. Je ne peux pas être bas, vil, je ne peux pas, je ne peux pas me diminuer, me rétrécir, il fait si froid déjà à hauteur de mes défaites, que je ne peux pas courber plus, je ne peux pas, alors je converse par la raison, je suis un rouage muet qui entraîne d'autres rouages je touche. Comme ils disent « insupportable logique ». Je lis. A convention, je me mets par terre, et je lis, avec cet écriteau sous ma raison « pour la drogue, les putes et la littérature ». Le samedi, à quinze heures, je m'assieds pour réciter des poèmes au jour. Je veux faire peur. Je ne comprends pas pourquoi tu me lis. Je ne sais pas. Tu ne dis rien. Tu rigoles, j'espère que tu rigoles. J'aimerais que cette absence d'espoir, que ce silence qu'est le mien, que cet abus des gestes, cette précipitation dans mes angoisses, fasse rire. Parce que je rigole, quand je jette mes cuisses brûlantes sur les filles, sur le miroir, sur les amoureuses. Parce que je ris, moi, de mon désespoir heureux. Je pense à Dimitille. Elle s'est retrouvée en face de moi. Assise comme un regret. "C'est ton regard, ta colère, tu es mythologique, impénétrable" je voulais dire, et je me taisais. Je disparais. Tout mon corps est un coude plissé, l'angle des avenues, j'appelle ce geste le carrefour brisé. Je suis le mouvement singulier, amoureux. Moi, je me résume à cette conversation avec C, autour d'un débris. Je me résume à 4 heures de bavardage. Je me résume, triomphant, à un corps en décalage, insomniaque. Tu me prolonges. Ton bonheur, ton rire me prolonge. Mes gestes sont inquiets. Charlotte, murmure "un jour, ça t'arrivera aussi, la grande passion". Je cherche un visage très précis. Comme ces nuits qui pleurent. C'est l'une des dernières fois que je meurs en écrivant. Je n'ai presque plus de raison. Elle s'épuise. Comme le bonheur, l'argent, les bourses. La neige s'enterre sous la mer. Je m'en vais la puiser. J'ai le corps qui y glisse. Prenez-moi Docteur sur votre divan, comme avec une femme secouée. J'ai les jambes écartées entre les yeux. Mon cerveau est une cachette. Mon corps, une excuse à l'extravagance. Je suis l'élégance vulgaire, l'indélicat. J'ai des sabots de laine sur la langue, je m'irrite, m'assèche. Parcourez mon paysage, buvez en ma gorge, D. J'aime "D.". Vous nommez avec ce qui n'existe pas. Vous m'appartenez monstres. Mon homme, Monsieur. De mains en mains, je agrippe, m'attache. Moi, on ne me possède jamais. Je ne fais que passer. Il faut du talent. De dos en dos, je détache. Je ris en vous consolant. Prenez-moi Madame, comme avec votre fille, dans un berceau de coton. Dépoussiérez-moi la bouche, étranglez moi de terre, apprenez-moi la vie, ses contours, ses désirs. Prenez-moi Mélusine, comme vous donniez le sein. Apportez moi vers le corps dur, tremblant, vers vous, le fruit secret et usé. Je suis le village clos de vos désirs les plus blessé. Je comprends les femmes. Les femmes me craignent. Je suis asexué. Au grand Galop, D. devant moi, frotte les recoins de mon imagination. Il faut me nourrir. Les interrogations écrivent "et toi?". Si j'avais un petit traitre Un petit enfant. Garçon. Victor. Je l'appellerai Victor. Si j'avais assez de bonheur dans le sexe pour donner la vie. Comme j'aimerais me transformer en Victor parfois. Victor, l'effroyable poignée de verre qui briserait les visages des femmes enchantées. Enchanté, je m'appelle Victor. Je vais vous aimer pour mieux vous tuer. Je ne vous aimerais pas, parce que vous me plairez trop. Vous viendrez, pressée, vers moi. Je suis Victor, l'insensible. Je suis la guerre, la haine, la paix, l'amour. Je suis le personnage et le roman. Je suis la syntaxe et le style. Le clair obscur. Je suis la honte, l'arbre malade. Je suis l'auteur et le lecteur. L'esprit sain. Et je vous offre un thé Vermeille saveur miel sur la terrasse de votre bouche. Enchanté, je suis Victor. Vous et moi. Je suis vous. Alors, mon petit garçon, je l'appellerais Victor. Et si c'était une petite fille : Jade. Jade, la solitude des pierres précieuses. Jade, la distance. L'élégance de son pouvoir muet. La délicatesse d'un petite corps comme une griffe. Tu vois, D., je suis un peu, ces deux futurs enfants. Je m'appelle Jade et Victor. Je suis eux et moi. Je pourrais être vous. Entre temps, Amélie m'écrit "Je pense à toi, alors voilà, je pense à l'inaccessible, c'est humain". Alors je découpe, le milieu de mon corps, ma pudeur, la nappe, les cheveux de souvenirs de D. "Qu'est ce que tu fais ?". J'essaie d'être accessible, je m'ouvre. Comme une université qui cherche des frais d'inscription Comme la banque affamée. Je m'ouvre. Comme un bordel. Horaires précises pour jouer le jeu. Je regarde la marche pressée des promeneurs par la vitre, je les envie et ils me dégoutent. "Toi, tu as le temps" dit l'horloge. Personne ne sait. Que le temps jouit de moi. Je suis le corps le plus malléable du monde. De la salle. Le plus transparent. Je pourrais ne plus reconnaître mon adresse. Le matin, je suis déçu d'être en vie. D. est un amour excusable. Je voudrais partir, mais pour qui, pour quoi. Ici, on me désire, mais je ne veux pas, je ne peux pas. J'essaie d'expliquer à R.

"Des femmes passent, me griffent, on m'envoie des lettres, j'aime, je déchire, et je passe, repasse, dans leur imagination. Un artiste de l'amour. Mais je n'arrive pas, ensuite, les laisser me pénétrer. M'offrir leur corps. Je les nourris, dans les rêves. Devant le corps nu des femmes, je dois me forcer. Je bois. Pour dire la nausée, c'est l'alcool. Je ne supporte pas l'alcool, et je ne supporte pas le corps des filles. Je les voudrais près de moi, je les voudrais qui me parlent, qui me murmurent, je les voudrais qui me serrent. Qui m'embrassent. Mais je ne peux pas. Leur nudité m'effraie. Je vois des mains qui sont déjà venues, je vois des cris, des cris que je ne peux pas entendre. Quand Emilie jouissait, j'avais peur, j'avais peur. Je croyais voir les yeux de Marguerite.

Je voudrais l'Océan, qui balaie les doutes, les souvenirs. Je voudrais ne plus me souvenir de sa poitrine lourde.

Ellle m'écrivait « tu voles les coeurs »

Prenez-moi la main et engloutissez, comme des seins frais, des jus d'amour.

Je connais, le gôut de la passion.Le parfum de la passion.

Mais je fais mal pour aimer."

Si je te parlais tu te demanderais, si je suis une enfant ou un adulte.J'ai l'indifférence indisciplinée de l'enfance. La terre nouvelle des Amériques grandiose et languissante comme ces Indiens qui vomissent sur leurs feux. Je suis le feu sans brûlures. Parce que je manque de profondeur. Et toute la vie, je serais obligatoire. Une obligation aux mots, aux gestes, aux regards. Je suis irrégulier; irrégulé. L'impersonnelle fragilité de mon esprit curieux aux danses du corps dans les rues de la ville. Je tombe facilement. Amoureux. De peur. De fatigue. De dégôut. D'hystérie. De toi, putain. Mais je tombe surtout, facilement : sur moi. Et alors, je me gifle en écrivant.

[ Je sauve mon propre incendie en dévorant les livres ]

Je voudrais partir toujours. Voyager, mais quand je demande, on me parle de déplacements, on me parle de logique, on me parle d'habitudes, on transpose. Je voudrais remplir ma mémoire pleines de cases blanches, je voudrais recouvrir de sels la douleur qui s'obstine, qui s'accroche, qui plante ses ongles verts. Me construire des souvenirs. Je pense à E. Je la verrais peut-être là bas. Si je meurs. Je ne sais pas si je lui parlerais. Mais je la regarderais. Elle a écrit, avant de mourir, "j'ai enfin trouvé celle que j'attendais depuis longtemps". J'ai peur d'écrire la même chose, alors je ne le ferais pas. Oui, peut-être. Elle. Celle qui. Ou non. Peut-être pas. Je verrais E. Et j'aime déjà son sourire. Si elle ag ardé le même. Je commence à l'apprendre. Je veux lui rendre.

[ Crier à Wendy "je t'écrirai", c'est comme lui dire "je vais t'aimer, et oublier de préciser "à ma manière". ]

J'ai dis à H, avant de quitter la table "quand tu liras mon recueil, tu vas enfin pouvoir me rencontrer entièrement". Elle me regarde, me sourit. je quitte la table. Je croise les jambes. Je dégouline. c'est l'effet. Je n'aime pas les Aux revoirs, les fins. Alors, je me retourne. Les yeux dans le dos, je lui lance du regard "J'ai un pistolet dans la plume". Alors, il vaudrait peut-être mieux, que je ne lui écrive pas.

[ Dali vit et meurt en moi, et ça me fait presque mal ]

Pauline me dit qu'elle s'épuise à écrire. Je crois que l'écriture est un épuisement maladif. Une obsession adorable. Lore écrit aussi. Je suis entourée de personne qui écrivent. Lore me manque déjà. Ses mots, qui ne comprenaient pas, la vie et ses déceptions. Ma petite Lore. Mon petit bout d'inconnu. Et Marina, Et E, vos lettres dessinées. Je me reconnais en elles : cette même envie de fuir. C'est pour elles, pour eux, que je ne peux pas réussir, je n'ai pas le droit. De devenir public. Je dois rester privé. Priver mon nom des gens, garder, réserver. Je ne veux pas. Je ne veux pas être en dehors. Avec les autres. Je suis contre eux.

J'écris à Chloé

"La source des architectures compliquées se retrouve dans le pont altéré des souvenirs"

4 mars 2011

Diantre.

Je suis l’initiale du monde. Il n'y a pas de masques, pas de planches, pas de rôles, pas de textes. Le ventre ouvert, silencieux. Je suis prêt à t’accueillir. J’ai peur. Peur de ce que tu peux faire en moi. Peur des habitudes. Peur de tes mains sages, de tes ongles à moitié peints. Peur de tes yeux plein de logique bleue. Quand tu me regardes, le soir, j’écris dans mon carnet noir « Les mathématiques ont posé leurs chiffres sur moi, c’était comme si je ne pouvais plus échapper à la folie ». Je suis l’initiale du monde. Personne ne me lit. Lâché comme une révolution sur les avenues éteintes. L’initiale silencieuse. Je suis le temps d'arrêt. Il est minuit, les draps s'étalent, le pendu prépare sa corde. Je suis l’initiale du monde. Mon miroir est indifférent. Mon visage s’est fendu. Le poing qui va entrer dans le reflet. Je passe en vous comme la première goutte d'eau. Vos corps moites. Je suis la nudité des sauvages. Dans vos bras qui empoignent la lumière. Vitesse vitesse. Je suis le temps perdu dans le fond de l'égôut. Je dessine vos visages fiers au rouge à lèvres sur les émaux des toilettes de la fac. Je m'en vais éteindre toutes les guirlandes de Noël. Je suis l’initiale du monde. Je renverse mon ombre brûlante sur la cuisse gauche de Sarah. Je suspends la rue à vos lèvres de chiennes. Quand je lui dis "Salope", je suis le diamant papillon. L’initiale du monde. J'arrive vers vous, l'hiver coulant sur mes doigts, avec ma détresse de trop « pourquoi les cheveux longs » « pour vous dire que je ne suis pas comme vous », je me prends les pieds dans vos tapis sales, et je continue rampant, à danser pour la princesse de rien. Vous caressez l'eau sans la faire bouger, ma bouche se tait. L’initiale du monde, je sors de l'eau le visage transparent, je traduis la nature. Vos seins donnent la nourriture à la douleur. Tirant les couilles de Rimbaud, ma langue se fend en deux. Ombre lumière blanc noir miel sel seul tous ciel terre grand petit froid chaud frais sec. Je suis l’initiale du monde. L'Eve aux pieds nus. L'Eve déchirant la peau d'Adam, sans y gouter. Mon grenier est jeune. Sur mes grandes jambes, je tends les mots pour atteindre le soleil. Vous attendez que je m'éveille. Je suis la crainte endormie. Toi, ne m'approche pas. Je suis le gouffre à souvenirs. J'accueille, vos rêves, vos désirs, vos peurs, vos plaintes. Je suis le vertige des émotions. Tapi dans un coin de vos pièces, je conserve votre petit intérieur. Le front nu, vous pouvez caresser, une peau propre. Y voir les yeux de vos yeux, les bouches de vos bouches. Je tire le rideau de vos théâtres. C'est moi qui dégrafe vos sous-vêtements Mademoiselle, dans tes sommeils trop tranquilles. Je m'occupe de tes illusions. Je suis l’initiale du monde. C'est moi qui ouvre ta fenêtre fillette pour rafraichir la nuit d'amour. Vos sueurs vulgaires. C'est moi qui cache l’amant sous le lit. Vos meurtres grossiers. Je n'oublie pas les accents. C'est moi qui écris vos lettres. C'est moi qui fais trembler vos caresses. C'est moi qui fais glisser vos yeux sur mes mots. Je n'empêche rien, tant que rien n'entre en moi. Bloquez vos pupilles sur ce Drame là : l’initiale. Bloquez ici. Ne continue pas. Arrête-toi. Travaille. Tu n’as rien à faire ici. Je ne peux plus faire comme si. Comme si je ne savais pas. Comme si je ne sentais pas. Tu comprends ? Tu as un parfum normal, tu as un parfum sténographié, harmonieux, tu as un parfum d’asymptote. Ton odeur est éduquée. Tu as le parfum droit, raide, on dirait une nuque morte. Ta fumée incolore. Ta fumée. La forêt prend feu, c'est moi le traitre nu qu'on achève innocent. La source qu’on assèche en y jetant l’insulte. Dans une grimace qui se moque. Tirez-moi les jambes, arrachez moi les cheveux, crevez mes yeux, mordez mes cuisses, embrassez ma bouche, frappez sur mes épaules, « décharge dans mon entre-jambe, connard » me dit Marion. Wendy m’écrit, ce matin, « qu’est ce que je fais de tes mots que tu destines à d’autres, j’ai des pages de poèmes où je vois un autre prénom, qu’est ce que j’en fais à part me trancher violemment les veines ». Je veux lui répondre « bonne idée » je veux lui répondre « Salope » comme je disais pour Sarah. « Meurs pour voir, je veux que quelqu’un m’attende, quand j’irai. Quand j’aurai froid. Meurs, dessine moi une carte, envoie-là moi dans mes pensées ». Je suis celui qui débarrasse, le gouffre où la nuit dérape, déposez ici, sans publicités s'il vous plaît, déchargez dans la fente adorable des putains, où les guêpes viennent sucer le miel des fleurs solitaires, renversez votre liquide indomptable, et tiède, lâchez vos muscles, que je les sente couler dans le gouffre rieur, secouez vos hormones, déboutonnez vos pulsions, éjaculez vos rêves enfouis, je suis celui qui accueille, sans tête déjà, mis à mort, brûlé, le nombril grimaçant sous vos coulis de femelles cruelles. Une foule qui se retient, une foule qui se suspend, elle est comme à ne plus respirer. Elle attend. Elle attend, quelque chose doit venir. Quelque chose. Qu’on attend, qui ne viendra jamais. Quelque chose qu’on attend. Godot est passé. A toutes celles qui me briseront, offrez moi l’acompte de vos caprices, sentez monter la tension, quand je tends ma honte en vous, je suis l’initiale du monde, ouverte, et Décédée de vos rires. Eteignez vos colères, versez en moi, tout le soleil de la terre, tout les bois fragile de la nuit, c'est de moi dont vous avez envie. Je suis un abri gratuit. La nuit s’est fait sa place dans ma figure. Etreignez moi, sucez le ventre plat de l'ennui, déchargez dans l'entre-jambe des filles sournoises, l'élastique brillant et mouillé, que je tirerai pour voir s'élancer la nudité de l'impossible. Ejaculez vos coups de poings, et ces centaines de femmes qui vous ont coupé le sexe vanité. Consolez-vous, dans un corps qui manque à son propre corps, venez profiter, venez faire mal, et détruire, un visage tombé à terre, dans la boue de vos hontes. Venez chanter la pureté de vos empreintes. Et vengez cette impuissance qui règne dans le brouillard de vos nuits. VOUS Y DORMEZ ET JE NE VOUS ENVIE PAS COMMENT PEUT ON CROIRE QUE JE VEUX DORMIR DANS CETTE NUIT PLEINE D’ANGOISSES DANS CETTE ATTENTE. Défigurez votre fureur dans ma gorge. Je suis l’initiale du monde, la douceur déguisée, qui traverse vos chemins, sans écraser vos pieds, et que vous retrouvez violé, sourire meurtri aux lèvres, pas encore tout à fait mort, la poitrine comme une montagne hurlante qui faisant des va et vient, cherche l'air, dans les poumons humides et cajolés des étoiles. Etalé dans vos visions, je serai l’initiale du monde, muet cauchemar, que vous ne pourrez pas oublier. Sale blessure faite par les minutes en pagaille. Je suis fait pour vivre ; vous êtes faits pour durer. Nous ne sommes pas du même métal. Nous n’offrons pas aux éléments la même résistance. Je ne m’oxyde pas, je ne ploie pas, je ne me déforme pas. Je suis le plus stable de l’Univers. Je suis le pilier de l’Univers, l’initiale sur laquelle repose tout l’alphabet, tout le langage est depuis moi. Je suis l’origine de vos mots d'amours, de vos mots d'espoir. J'ai gardé les péchés. Je vous les offre pour un baiser malsain. Je vous les offre. Ce sont mes maladies. J'ai le sang impur.
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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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