Je peux là écrire les pires atrocités qu'elles seront aussitôt dévorées
par le maelström de tes doigts. Je pensais hier, "oh que j'aimerais
percer la couche d'improbable, fouiller derrière les voiles -bientôt
interdits en France- sous lesquels s'enfouit ton identité" parce que
quiconque est doué de paranoïa ET d'une certaine faculté d'observation
ne peut jamais que sourire à toi. Mais bref, je veux être ignoble. Sous
mes
Décombres : de l'homosexuel au tison flamboyant enfoncé dans les fosses
à
jouissance, que l'on marque au fer le sonnet du trou du cul sur leurs
peaux ignobles, qu'ils brûlent jusqu'aux sang tous ensembles réunis
dans un cloître devenu cloaque. L'incendie aux Eglises, aux chapelles,
mais tout ceci est mort-né, c'est un embryon, un avortement, et certes
je m'ennuie, j'ai peur, demain l'on me rase la tête pour que je marche
au pas, et je lis, et je sors bien trop, et la nuit me dévore de son
appétit gigantesque et des haines s'infusent, se répandent, me
parasitent malgré moi.
Et je suis colère, et je suis envie.
Appelle moi péché, chérie, je disparais dans une tombe sans croix.
Maudit, maudits nous sommes et nous éructerons des mots ivres, des mots
fous et des locutions malades, du verbe lépreux, de l'amour décomposé,
tu vois bien tout ça tombe en morceaux. TOUS LES EDIFICES SONT DES
RUINES, Chérie, ou Chéri, ou je ne sais pas, je n'ai jamais su lire le
sexe d'un (cri du)poulpe, et le journal du voleur ne m'apprend rien.
L'infâme je l'ai vissé au coeur, c'est mon étoile jaune d'étoffe impie, je passe dans la vie
avec rage, faites attention je suis l'incinérateur qui vous happera
tous, la mort au regard d'ange, la brebis aux dents de loup. J'ai le
vertige fragile, j'ai la nausée déchirée, ce sont des mots à mélodie,
tu vois, tu les ouvres et le verbe est devenu une boite à musique, et
fragile, et déchirée elle s'élève la musique, elle frappe, elle ramasse
le son qui lui tourne autour, lascifs les mots, lascifs ils attirent,
charment les bruits qui rampent, comme les noyaux attirent les particules, c'est question de
gravité, et je vois leurs yeux se plisser, je vois leurs corps se
tendre, je vois les bouches, moi, les bouches incarnats roter comme des
volcans au bord de la jouissance. Oh amour, oh homme, oh femme, mais je
ne sais pas ouvrir les masques de fer, mais je ne suis qu'un
monte-en-l'air au sang d'encre, je ne sais pas crocheter les serrures
des visages étrangers. Je veux percer, avec mes doigts qui tournent,
vissés dessus des forêts de 12, le métal qui te forme, et la main du
forgeron la trancher ; ce voleur qui prit la couleur du mensonge pour tes
yeux d'aube. Je prends de l'avance sur l'instauration de la charia.
J'essaie de deviner. Mâle ou femelle, blonde et brune ? De quels
alliages donc sortent tant de paradoxe, quel feu et quelle enfer
servirent de forge à l'aporie ? Je peux écrire l'infâme et le bon,
l'ignoble et le beau, que ça mourra au même endroit. Le fossé derrière
les mots, juste entre la nuit et le jour, je veux que l'on m'enterre au
crépuscule, que la mort de mes mots, ces seigneurs traitres, goûtent
aux entrelacs du soir et de l'aube. Quelle jouissance plus extrême que
la coalescence du temps, que le voir se fondre, se confondre, discerner
au loin les teintes effrayantes de la nuit et la couleur apaisante du
matin ? J'aimerais tous là, vous inviter dans ma tête que vous goûtiez
dans votre éveil un peu de mon enfer, que je m'ouvre la poitrine pour
faire sortir spectres diffus, idôles décapités, et anges cornus ! Je
vous invite dans ma tête, ça ne se refuse pas, je déroule la langue,
pénétrez moi de vos bêtises, sur le palier vos habits de médiocrité et
le silence dans ma caverne aux bruits indistincts. Et si tu entends
rire, pense que c'est le cri prochain de la mort. Le rire est la foudre
de l'assassin annonciateur du tonnerre à la faux brutale. Attends toi à
perdre la tête dans la mienne, à sertir ta peau d'or et de merveilles
qui putréfiées te dévoreront les sangs. La pourriture est reine. Je peux tout écrire, n'oublions
pas que le génie sait tout dire, j'ai trop d'images, trop d'images sous
mon ciel déterré, trop de flammes pour mon corps barbelé. VOUS ETES MES
PROIES ET JE VOUS MARQUE DE MES SOUHAITS ENRAGES. Je suis léger de
quelques grammes en moins de vous, c'est le poids de l'âme réfugiée
dans mon ombre. Je n'écris que d'ici, que de DERRIERE moi, ce n'est
jamais ma face de poète qui vous cause, mais mon ombre, mon ombre et sa
colère, mon ombre et son écume. Pour s'y rendre, loin là-bas derrière
la dernière vague, chez les ombres bavardes, il faut un sauf-conduit
"Poète vos-papiers" qu'ils réclament et je les brûle à la face du
douanier, que l'on me refoule je reviendrai toujours, je me ferai un
radeau de chair, je pagaierai avec vos corps désarticulés. Je suis infâme, je l'ai
déjà dit, je fais grincer les mots, j'ouvre la porte et je détourne les
yeux. Que l'on avale cette fiole de poison pour n'être que malade et
plus jamais mort. Je l'ai été une fois, ça m'a suffit de remonter les
fleuves d'oubli, de soudoyer les passeurs squelettiques qui exigent des
pièces en or ou bien vos jolis corps. Pouah et de quoi se plaignent-ils
eux avec leur peau d'esclave quand ils prennent d'assaut Ceuta ou
Melila, quand ils crèvent par dizaines d'un radeau renversé ? Ils
savent ce que c'est de se taire toute une vie pour remonter des enfers,
de ne plus jamais déglutir de peur d'avoir dans la bouche une goutte de
cette liqueur fatale ? Je suis bouillant, je ne suis pas mathématique,
les équations je les brise je ne les résouds plus mon amour. Oh dis moi
non encore une fois, dis moi "non" mon amour ça aiguise mes crocs qui
me fendent les lèvres, dis moi non mon amour ça m'affame. Dis encore
"non" que mes crocs déchiquettent les secondes. J'arrive ! J'arrive !
J'arrive ! Et les vents, les vents sourds me portent, et me soulèvent,
je suis léger d'une âme perdue, souvenez vous, soulevez vous, que mon
infortune m'offre quelques compagnons à dévorer. Nous disserterons, et
d'un coup traître mon ombre vous engloutira. La nuit recouvre tout, et
je suis la nuit, je suis caché dans chacune des ombres, que les villes
soient assises ou à genoux, qu'elles attendent au bois ou dans une cave
qu'on les allonge. Je suis tout ça, je suis la putain et le client et
nous sommes en chaleur. Mais mon amour, tu vois, t'es perdue dans mes
lignes infâmes, sous toute la poussière de mes Décombres, tu te
trouveras bien un charmant allié, un ami, un abruti conjoint parmi
cette foule au linceul de sable, parmi ces morts suspendus à ma bouche.
Ici c'est mon crâne, mon royaume, et votre enfer. Vous êtes conviés au
banquet des atrocités, on y dévorera le temps perdu, le voyage et la
guerre. Vous reprendrez bien un peu de Shoah chers convives ? De
massacres ? Une cuisse d'Arménie ? On les dit fameuses, à moins que ce
ne soit fumeuses, c'est question de crémation ou de cuisson ? Oh je ne
sais plus, c'est l'enfer vous dis-je, j'ai cohabité toujours ici avec
le diable, il m'a appris à ne plus avoir peur, à ne jamais crier que du
feu. Et si je ris prends garde à toi, ce rire est enfant de bohème. Je
crois que j'entends le jour comme un enfant naissant qu'il faut que la
mère la nuit gifle ; j'entends le matin jaillir comme une braise saute
d'un lac de cendres. Il est bien trop tôt pour fermer les portes de
l'enfer, pour vous déroulez ma langue aphteuse. Pâles, splendides
victimes, et toi mon amour blême, vous êtes une aube d'hiver, un
souvenir de neige et de givre. Partez, il est temps d'entendre d'autres
voix, de faire sonner contre mon corps les cordes d'une autre orgue.
J'écris hébété, je ne suis maître de rien, voici mon ombre qui s'endort
alourdi, qui tremble de froid. J'ai la peau noire pour me glisser
derrière vous quand la nuit grogne.